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09/06/2022 | FRANCE | N°20MA04045

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 juin 2022, 20MA04045


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Maya a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1605409 du 20 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 janvier 2018 et le 9 novembre 2018, la SAS Maya, représentée par Me Serpentier, a de

mandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2017 du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Maya a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.

Par un jugement n° 1605409 du 20 novembre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 janvier 2018 et le 9 novembre 2018, la SAS Maya, représentée par Me Serpentier, a demandé à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 novembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de lui accorder la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que l'obligation de faire résultant de l'acte de vente du 31 décembre 2013 et consistant en la réalisation pour un montant de 1 200 000 euros de vingt villas à usage d'habitation n'étant pas désignée avec précision et l'acte ne prévoyant aucune sanction en cas d'inexécution de cette obligation, c'est en méconnaissance des dispositions du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts que l'administration avait soumis cette somme à la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu au rejet de la requête.

Il faisait valoir que le moyen soulevé par la SAS Maya n'était pas fondé.

Par un arrêt n° 18MA00175 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement attaqué et a prononcé la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui a été réclamé à la SAS Maya au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par une décision n° 428388 du 19 octobre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi en cassation formé par le ministre de l'action et des comptes publics, a annulé l'arrêt du 21 décembre 2018 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Les parties ont été informées, le 16 novembre 2020, de la reprise de l'instance après cassation et de la possibilité qui leur était offerte de produire, dans le délai d'un mois, de nouveaux mémoires ou observations.

Par des nouveaux mémoires, enregistrés les 14 décembre 2020 et 8 janvier 2021, la SAS Maya, représentée par Me Serpentier, conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, en ramenant sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la somme de 2 500 euros.

Elle confirme le moyen précédemment énoncé devant la Cour, en précisant que la cession du terrain à la société ne peut être qualifiée d'acompte dès lors que la condition tenant à ce que les travaux à réaliser soient désignés avec précision fait défaut et que la jurisprudence relative aux opérations de dation en paiement n'est pas transposable au cas d'espèce.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 17 décembre 2020, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut à nouveau au rejet de la requête de la SAS Maya.

Il fait valoir que le moyen invoqué n'est pas fondé et se réfère à ses précédentes écritures devant la Cour ainsi que celles présentées devant le Conseil d'Etat, dont il joint une copie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'une vérification de comptabilité, la société Maya, qui exerce une activité de marchand de biens immobiliers, a été assujettie à un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013. Par un arrêt du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 20 novembre 2017 du tribunal administratif de Montpellier et prononcé la décharge de ce rappel de taxe. Par une décision du 19 octobre 2020, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi en cassation du ministre de l'action et des comptes publics, a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et renvoyé l'affaire devant la Cour.

2. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) c. Pour les prestations de services (...), lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions, à la lumière de l'interprétation de l'article 65 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dont elles assurent la transposition, retenue par la Cour de justice de l'Union européenne notamment dans ses arrêts Firin OOD du 13 mars 2014 (aff. C-107/13) et Kollross et Wirtl du 31 mai 2018 (aff. C-660/16 et C-661/16), que, si le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée et son exigibilité interviennent en principe au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée, la taxe devient toutefois exigible dès l'encaissement, à concurrence du montant encaissé, lorsque des acomptes sont versés avant que la prestation de services ne soit effectuée. Pour que la taxe sur la valeur ajoutée soit exigible sans que la prestation ait encore été effectuée, il faut, d'une part, que tous les éléments pertinents du fait générateur, c'est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l'acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision et, d'autre part, que la réalisation de la prestation ne soit pas incertaine.

4. Il résulte de l'instruction que, par acte notarié du 31 décembre 2013, Mme B...a cédé à la SAS Maya, dont elle est la dirigeante, un terrain à bâtir d'une superficie de 4 288 m² à Montpellier, cadastré section AZ n° 373, au prix de 1 500 000 euros, payé comptant à hauteur de 300 000 euros, le solde, soit 1 200 000 euros, étant, d'un commun accord, converti en une obligation pour l'acquéreur de réaliser, au profit du vendeur, sur une parcelle voisine dont il a conservé la propriété, un ensemble immobilier d'une surface de 1 470 m² composé de vingt villas à usage d'habitation, dans un délai de trois ans à compter de la date de l'acte.

5. L'administration fiscale a considéré, dans la proposition de rectification du 19 juin 2015, que la cession du terrain à hauteur de la somme de 1 200 000 euros devait être regardée comme un acompte en nature versée sur les travaux immobiliers à réaliser et qu'en conséquence, la SAS Maya aurait dû collecter, à la date du transfert de propriété du terrain regardée comme la date d'encaissement de l'acompte, la taxe sur la valeur ajoutée exigible sur un tel acompte, en application des dispositions du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts. Si le ministre indique lui-même en appel que l'opération en cause ne constitue pas une dation en paiement, laquelle ne peut intervenir qu'en cas de construction sur le terrain objet de la cession, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, il fait valoir désormais que l'encaissement du prix de 1 200 000 euros, correspondant aux vingt villas que la SAS MAYA s'était engagée à édifier pour le compte du vendeur, est intervenu à la date de la transmission du terrain qui en constituait la contrepartie, c'est-à-dire à la date de l'acte du 31 décembre 2013. Cependant, le paiement d'une somme avant même l'intervention du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée exigible sur les prestations de services, que constitue en l'espèce la réalisation des travaux de construction des villas, revêt le caractère d'un acompte au sens des dispositions précitées du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts, telles qu'interprétées selon les principes rappelés au point 3 du présent arrêt, quand bien même cette somme correspondrait à l'intégralité du prix des travaux.

6. Dans ces conditions, et dès lors que l'opération relève ainsi des dispositions précitées du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts, il convient, comme le demande la SAS Maya, de déterminer si tous les éléments pertinents de la future prestation étaient désignés avec précision au moment du versement de l'acompte, le 31 décembre 2013, ce que la société conteste. Si en l'espèce, la réalisation de la prestation n'était pas incertaine au moment du versement de l'acompte en nature que constitue la cession du terrain à la SAS Maya, dès lors que cette dernière était titulaire d'un permis de construire n° PC 3417212V0388 accordé le 27 juin 2013 par le maire de la commune de Montpellier pour la réalisation de vingt logements, reproduit en annexe de l'acte de vente, la nature et la consistance des travaux immobiliers à réaliser ne pouvaient cependant être regardés comme ayant été désignés, au moment de la vente, avec suffisamment de précision. A cet égard, alors qu'aucun contrat avec la ou les sociétés chargées de l'exécution de ces travaux n'a été conclu, et qu'aucun cahier des charges décrivant poste par poste les travaux à réaliser n'a été rédigé, la seule référence à ce permis qui, ne constitue qu'une autorisation administrative, ne saurait en l'espèce suffire. Par suite, en l'absence de désignation avec précision des prestations de construction à réaliser par la SAS Maya, c'est à tort que l'administration a considéré que la taxe sur la valeur ajoutée relative à la somme de 1 200 000 euros correspondant à une partie de la valeur du terrain cédé à la SAS Maya était exigible, dès le 31 décembre 2013, en application des dispositions précitées du c du 2 de l'article 269 du code général des impôts.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Maya est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Il y a lieu d'annuler ce jugement et de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée réclamé à la SAS Maya au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 et des intérêts de retard correspondants.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés par la SAS Maya et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1605409 du tribunal administratif de Montpellier du 20 novembre 2017 est annulé.

Article 2 : La SAS Maya est déchargée du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS Maya une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Maya et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

2

N° 20MA04045

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04045
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-05 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Fait générateur.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SCP ALCADE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-09;20ma04045 ?
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