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21/06/2022 | FRANCE | N°20MA01616

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 21 juin 2022, 20MA01616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- d'annuler les décisions par lesquelles la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence ont implicitement rejeté ses demandes d'exécution de travaux afin de réparer les dégradations causées par la réalisation d'une tranchée, au droit de sa propriété, dans le cadre de travaux d'enfouissement de réseaux d'éclairage public et de téléphonie ;

- d'enjoindre à la commune de Seillans et à la communauté de

communes du Pays de Fayence de réaliser des travaux de réparation du mur en pierre bordant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon :

- d'annuler les décisions par lesquelles la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence ont implicitement rejeté ses demandes d'exécution de travaux afin de réparer les dégradations causées par la réalisation d'une tranchée, au droit de sa propriété, dans le cadre de travaux d'enfouissement de réseaux d'éclairage public et de téléphonie ;

- d'enjoindre à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser des travaux de réparation du mur en pierre bordant la voie publique, au droit de sa propriété, ainsi que des travaux permettant de remédier à l'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux pluviales du fait des travaux de réalisation de la tranchée, subsidiairement, de condamner la communauté de communes du Pays de Fayence à lui verser une somme totale de 66 000 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la réparation du mur en pierre ;

- d'enjoindre à la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser des travaux d'enfouissement de son tuyau d'eau potable, endommagé lors du creusement de la tranchée ;

- de mettre à la charge de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux dépens, constitués des frais d'expertise judiciaire nécessaires au traitement du litige, s'élevant à la somme de 3 500 euros, et des frais de constat d'huissiers.

Par un jugement n° 1801699 du 27 février 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 avril 2020, 27 avril 2020,

19 novembre 2020 et 11 avril 2022, M. B..., représenté par Me Pujol, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 27 février 2020 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler les décisions par lesquelles la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence ont implicitement rejeté ses demandes formées par courriers des 6 et 7 février 2018 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser des travaux de réparation du mur en pierre bordant la voie publique, au droit de sa propriété, ainsi que les travaux permettant de remédier à l'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux pluviales, consécutive au travaux de creusement de la tranchée au droit de sa propriété, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pour ce qui concerne ces derniers, subsidiairement, de condamner la communauté de communes du Pays de Fayence à lui verser une somme totale de 66 000 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de la réparation du mur en pierre ;

4°) d'enjoindre à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser des travaux d'enfouissement de son tuyau d'eau potable, endommagés lors du creusement de la tranchée ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux dépens, constitués des frais d'expertise judiciaire nécessaires au traitement du litige, s'élevant à la somme de 3 500 euros, et des frais de constat d'huissiers.

Il soutient que :

- il a formulé une demande d'indemnisation auprès de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence, et ses conclusions indemnitaires sont par suite recevables ;

- les travaux de creusement d'une tranchée au droit de sa propriété ont entraîné une modification de l'écoulement des eaux de pluie, responsables de désordres dans sa propriété, et ont endommagé le mur en pierre, appartenant au domaine public, situé à l'aplomb de la voie ;

- la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence sont responsables de ces désordres ;

- la responsabilité de la commune de Seillans est en outre engagée du fait du défaut d'entretien du mur en pierres dont elle est propriétaire ;

- il est nécessaire de réaliser des travaux pour éviter que le mur en pierre ne s'effondre, faisant peser un risque d'atteinte à sa propriété, et pour remédier à l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales ;

- l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Draguignan a estimé à la somme de 55 000 euros hors taxes (66 000 euros TTC) le coût de réfection du mur en pierres ;

- lors du creusement de la tranchée, un tuyau d'eau potable a été endommagé : s'il a été réparé, il n'a pas été enfoui et il revient à la commune et à la communauté de communes de réaliser ces travaux d'enfouissement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2021, la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence, représentées par la SELARL LLC et avocats associés, agissant par Me Marchesini, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les conclusions indemnitaires de M. B... sont irrecevables fautes d'avoir été précédées d'une demande indemnitaire préalable ;

- dès lors qu'il n'apporte aucune preuve du lien direct et certain entre les dommages qu'il allègue subir, en qualité de tiers, et l'exécution de travaux publics, ni du caractère anormal et spécial de ce préjudice, il n'est pas fondé à rechercher la responsabilité sans faute de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence, et à demander par suite à ces dernières la réalisation de travaux afin de mettre fin aux désordres allégués ;

- la commune de Seillans n'est pas propriétaire du mur en pierres et n'est par conséquent tenue ni de l'entretenir, ni de le réparer ;

- les demandes relatives au tuyau d'eau potable n'ont fait l'objet d'aucune réclamation préalable et le préjudice allégué n'est pas établi par davantage que son lien avec les travaux réalisés par la commune.

Par lettre du 4 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article

R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen, soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser les travaux préconisés par l'expert judiciaire désigné par le tribunal de grande instance de Draguignan, pp. 53 et 54 de son rapport, ainsi que les travaux de réparation du mur en pierre bordant la voie publique au droit de sa propriété et les travaux d'enfouissement du tuyau d'arrivée d'eau potable de la propriété de M. B..., dès lors qu'elles n'ont pas été présentées en complément de conclusions indemnitaires.

M. B... a répondu à ce courrier le 6 mai 2022, par un mémoire où il demande en outre à la Cour de condamner solidairement la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence à lui verser une somme de 100 000 euros, du fait de l'absence de réalisation des travaux préconisés par l'expert, et le 10 mai 2022.

Par lettre du 16 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen, soulevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions, nouvelles en appel, tendant à la condamnation de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence à verser à M. B... la somme de 100 000 euros, du fait de l'absence de réalisation des travaux préconisés par l'expert.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Marchesini, représentant la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... est propriétaire d'un bien immobilier situé 19, route de la parfumerie, dans la commune de Seillans, en limite de laquelle a été creusée, en mars 2015, une tranchée, dans le cadre de travaux, dont la commune de Seillans était maître d'ouvrage, d'enfouissement de réseaux d'éclairage public et de téléphonie. Considérant que ces travaux ont endommagé le mur de soutènement bordant sa parcelle et modifié l'écoulement des eaux pluviales ravinant désormais son terrain, il a saisi le tribunal de grande instance de Draguignan d'une demande d'expertise. Par ordonnance du 2 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Draguignan a désigné un expert qui a rendu son rapport le 28 octobre 2017. Par deux courriers des

6 et 7 février 2018, M. B... a sollicité de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence la réalisation de travaux préconisés par l'expert dans son rapport. Ces deux demandes ont été implicitement rejetées. M. B... relève appel du jugement du

27 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser différents travaux, et, à titre subsidiaire, à l'indemniser du montant d'une partie de ces travaux.

Sur le cadre juridique applicable :

2. La personne qui subit un préjudice direct et certain du fait du comportement fautif d'une personne publique peut former devant le juge administratif une action en responsabilité tendant à ce que cette personne publique soit condamnée à l'indemniser des conséquences dommageables de ce comportement. Elle peut également, lorsqu'elle établit la persistance du comportement fautif de la personne publique responsable et du préjudice qu'elle lui cause, assortir ses conclusions indemnitaires de conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la personne publique en cause de mettre fin à ce comportement ou d'en pallier les effets. De telles conclusions à fin d'injonction ne peuvent être présentées qu'en complément de conclusions indemnitaires. De la même façon, le juge administratif ne peut être saisi, dans le cadre d'une action en responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics, de conclusions tendant à ce qu'il enjoigne à la personne publique de prendre les mesures de nature à mettre fin au dommage ou à en pallier les effets, qu'en complément de conclusions indemnitaires.

3. Il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies au point précédent, alors même que le requérant demanderait l'annulation du refus de la personne publique de mettre fin au dommage, assortie de conclusions aux fins d'injonction à prendre de telles mesures. Dans ce cas, il doit regarder ce refus de la personne publique comme ayant pour seul effet de lier le contentieux.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à la condamnation des collectivités compétentes à indemniser M. B... de préjudices résultant de l'exécution des travaux publics :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa version applicable au litige : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle. "

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... s'est borné, dans ses courriers adressés à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence les 6 et 7 février 2018, à demander l'exécution de travaux de réalisation d'une bordure et d'un caniveau béton pour améliorer l'écoulement des eaux et la remise en état du mur en pierres bordant la voie publique. S'il a précisé, dans ces demandes, le coût chiffré de ces travaux, tel qu'il a été estimé par l'expert, il n'a sollicité à aucun moment la réparation d'un préjudice par la voie d'une indemnisation financière. Par suite, ses conclusions, présentées à titre subsidiaire, tendant au versement de la somme de 55 000 euros HT (66 000 euros TTC) au titre des frais de réparation dudit mur, sont irrecevables.

6. En second lieu, les conclusions de M. B... tendant à la condamnation de la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence aux dépens, constitués des frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de grande instance de Draguignan et des frais de constat d'huissier, doivent être regardées comme tendant à l'indemnisation d'un préjudice distinct, issu du même fait générateur, à savoir l'exécution de travaux publics, mais qui n'a pas davantage fait l'objet d'une réclamation préalable. Elles sont elles aussi, par suite, irrecevables.

Sur la recevabilité des demandes tendant à la condamnation de la commune à indemniser M. B... en raison de l'absence de réalisation des travaux de remise en état du mur bordant sa propriété :

7. En demandant, dans son mémoire du 6 mai 2022, que la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence soient condamnées à lui verser une somme de 100 000 euros du fait de l'absence de réalisation des travaux de réfection du mur en pierre bordant sa propriété, M. B... doit être regardé comme entendant soulever la responsabilité pour faute de ces collectivités. Cette demande, reposant sur une cause juridique qui n'a été relevée ni dans les demandes préalables formées auprès de ces collectivités ni en première instance, et est, de ce fait, nouvelle en appel, ne peut, par suite, qu'être rejetée comme irrecevable.

Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'exécution de travaux :

8. M. B... demande à la Cour d'enjoindre à la commune de Seillans et à la communauté de communes du Pays de Fayence de réaliser des travaux de réparation du mur en pierres bordant la voie publique, au droit de sa propriété, d'abord, ceux permettant de remédier à l'aggravation de la servitude naturelle d'écoulement des eaux pluviales à l'occasion du creusement de la tranchée au droit de sa propriété, ensuite, des travaux d'enfouissement de son tuyau d'eau potable, enfin. Toutefois, d'une part, ainsi qu'il a été exposé aux points 4 et 7, les conclusions indemnitaires formées devant les premiers juges à titre subsidiaire, tendant à l'indemnisation du coût des travaux de réfection du mur en pierres et, pour la première fois en appel, du préjudice né de l'absence de réfection dudit mur, sont irrecevables, faute d'avoir fait l'objet d'une demande préalable. D'autre part, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint aux collectivités compétentes de réaliser des travaux pour remédier à l'aggravation de la servitude d'écoulement des eaux pluviales et procéder à l'enfouissement d'un tuyau d'eau potable ne sont accompagnées d'aucune conclusion indemnitaire. Dès lors, ces demandes ne peuvent, en application du principe exposé au point 2, qu'être rejetées comme irrecevables.

9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses demandes.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Seillans et de la communauté de communes du Pays de Fayence, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes demandées par M. B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence présentées sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Seillans et la communauté de communes du Pays de Fayence sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au maire de la commune de Seillans et au président de la communauté de communes du Pays de Fayence.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 21 juin 2022.

2

N° 20MA01616


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01616
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Conclusions - Conclusions irrecevables - Demandes d'injonction.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LLC et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-21;20ma01616 ?
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