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05/07/2022 | FRANCE | N°19MA00517

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 05 juillet 2022, 19MA00517


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., Mme I... C..., M. E... C..., Mme D... C... et le syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Mirasol et 2 rue René Cassin ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'enjoindre à la commune de Saint-Estève de cesser l'emprise irrégulière qu'elle exerce depuis fin 1999 sur la bande de terrain qui constitue la moitié de la rue René Cassin, d'acquérir la parcelle de 44 m² le long de la rue Mirasol, de viabiliser l'emprise de la bande de terrain qui constitue la moitié de la rue René Ca

ssin et d'acquérir la parcelle de 258,5 m² le long de la voie dite René Cas...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C..., Mme I... C..., M. E... C..., Mme D... C... et le syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Mirasol et 2 rue René Cassin ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'enjoindre à la commune de Saint-Estève de cesser l'emprise irrégulière qu'elle exerce depuis fin 1999 sur la bande de terrain qui constitue la moitié de la rue René Cassin, d'acquérir la parcelle de 44 m² le long de la rue Mirasol, de viabiliser l'emprise de la bande de terrain qui constitue la moitié de la rue René Cassin et d'acquérir la parcelle de 258,5 m² le long de la voie dite René Cassin, de condamner la commune de Saint-Estève à leur rembourser la somme de 1 480 euros, à leur payer une indemnité d'occupation de leur propriété de 450 euros mensuels depuis janvier 2000, une indemnité pour les pertes de loyers mensuels de 3 811,32 euros par mois majorée de 20% à partir de juillet 2002 et une somme de 5 000 euros par an au titre du préjudice moral depuis février 2003, enfin, à leur rembourser les honoraires de l'expert judiciaire pour 5 822,79 euros et les honoraires de conseils engagés dans les différentes procédures.

Par un jugement n° 1600166 du 3 décembre 2018, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes et mis à la charge des requérants une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er février 2019 et le 7 août 2020, M. A... C..., Mme I... C..., M. E... C..., Mme D... C..., ces derniers ayant en outre repris l'instance en qualité d'héritiers de Mme I... C..., décédée en cours d'instance, et le syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Mirasol et 2 rue René Cassin, représentés par Me Toumi, demandent à la Cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 décembre 2018 ;

2°) d'enjoindre à la commune de Saint-Estève de faire cesser l'emprise irrégulière qu'elle exerce sur leur propriété, côté avenue René Cassin, en supprimant la voirie établie jusqu'au droit de la limite de leur propriété, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre à la commune de Saint-Estève de faire cesser l'emprise pratiquée sur la bande sud de leur parcelle au droit de la rue Mirasol, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner la commune à rembourser à M. C... la somme de 1 480 euros résultant du paiement indu des frais de mise en sécurité acquittés à la demande de la commune ;

5°) de condamner la commune à verser à M. C... une somme de 664 202,16 euros en réparation de pertes de revenus locatifs du fait des fautes de la commune ;

6°) de condamner la commune de Saint-Estève à leur verser une somme de 5 000 euros par an au titre du préjudice moral ;

7°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Estève une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Montpellier ne pouvait faire droit à l'exception de prescription quadriennale soulevée dans les écritures de la commune signées par le seul conseil de la commune, ni ne pouvait soulever d'office cette prescription ;

- les travaux de construction d'une voie publique qui ont été réalisés par la commune sur leur propriété au nord de la parcelle, au niveau de l'avenue René Cassin, qui ont le caractère de travaux publics, sont constitutifs d'une emprise irrégulière qui porte atteinte à leurs intérêts ;

- la commune de Saint-Estève ne pouvait leur réclamer la somme de 1 480 euros pour faire cesser l'occupation irrégulière du domaine public par une buse alors que cette buse se trouvait sur leur parcelle, sur sa bande sud ; cette incorporation d'une dépendance privée au domaine public est elle aussi constitutive d'emprise irrégulière ;

- l'emprise irrégulière au niveau de l'avenue René Cassin est constitutive d'une faute à l'origine de préjudices : privation de jouissance de la bande retirée à leur patrimoine, refus d'un permis de construire du fait de la modification de la parcelle, alors que la suppression d'emprise n'entrainerait aucun inconvénient majeur pour la collectivité ;

- la commune de Saint-Estève a commis des fautes qui sont énumérées dans leurs écritures produites devant le tribunal administratif de Montpellier, qu'ils entendent maintenir, dont les conséquences préjudiciables, elles aussi précisées dans les écritures de première instance, doivent être indemnisées ;

- le préjudice s'élève, au mois d'août 2020, à la somme de 664 202,16 euros ;

- l'acharnement de la commune à leur égard leur a causé un préjudice moral, que la commune doit réparer à hauteur de 5 000 euros par an à compter du 1er février 2003.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 mars 2020, le 29 septembre 2020, et le 2 juin 2022, la commune de Saint-Estève, représentée par Me Pons-Serradeil, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soient mise à la charge solidaire des requérants la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les conclusions tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral sont irrecevables dès lors qu'elles n'ont été précédées d'aucune demande préalable et que leur quantum est nouveau en cause d'appel ;

- s'agissant de la prétendue emprise irrégulière, les requérants ne démontrent pas l'appartenance au domaine public routier de la commune de la rue René Cassin alors qu'il s'agit en réalité d'un accès privé créé à l'initiative des riverains dont la réalisation a été faite par ces derniers, ce qui fait de la voie ainsi réalisée un ouvrage privé ; la circonstance qu'était prévue dans le permis de construire de 1998 la cession gratuite de la parcelle, sur le fondement de dispositions déclarées inconstitutionnelles par le conseil constitutionnel à compter du 23 septembre 2010, et alors que le transfert de propriété n'a jamais eu lieu, n'a pas pour effet de faire de cette voie une voie publique ;

- la demande des requérants tendant au remboursement de la somme de 1 480 euros sur le fondement de la répétition de l'indu n'est fondée sur aucune démonstration juridique alors que les travaux de mise en sécurité de la voie étaient nécessaires et que le maire de la commune pouvait en prescrire l'exécution dans le cadre de ses pouvoirs de police ; cette demande est en outre atteinte par la prescription quadriennale ;

- la commune n'a commis aucune faute ayant entraîné un quelconque préjudice aux consorts C....

Par un arrêt du 17 novembre 2020, la Cour a ordonné, avant dire droit, la réalisation d'une expertise aux fins de :

- déterminer les limites de la propriété des consorts C... et des voies de circulation privées ou publiques jouxtant les limites de cette propriété ou existant à l'intérieur de cette propriété, avant la délivrance du permis de construire du 28 décembre 1998 ;

- déterminer quelle partie de la propriété des consorts C... était destinée à la création d'une voie publique au terme de l'article 6 du permis de construire ;

- indiquer quelles interventions ont été réalisées sur les voies ou sous les voies " rue Mirasol " et " avenue René Cassin ", au droit de la propriété des consorts C..., par qui elles ont été réalisées et si elles ont été réalisées sur la propriété des consorts C..., le cas échéant, dans quelle emprise ;

- déterminer si ces voies sont ouvertes à la circulation publique, et préciser, le cas échéant s'il existe sur ces voies, et où, tout matériel de signalisation visant à sécuriser la circulation publique ;

- déterminer la valeur vénale des bandes de terrain relevant de la propriété des consorts C... concernées par les interventions réalisées sur les voies " rue Mirasol " et " avenue René Cassin ", postérieurement à la délivrance du permis de construire ;

- déterminer le coût de destruction du ou des ouvrages construits sur ces bandes de terrain et la remise du terrain des consorts C... dans son état initial et si cette suppression éventuelle du ou des ouvrages peut avoir pour effet de supprimer l'accès à la propriété des consorts C... ou à rendre plus difficile la circulation dans la zone concernée de la commune.

Une note en délibéré présentée pour les requérants a été enregistrée le 5 novembre 2020 et communiquée aux parties à l'instance.

Par ordonnance du 8 mars 2021, la présidente de la Cour a désigné M. G... en qualité d'expert.

Par ordonnance du 4 juin 2021, la présidente de la Cour a désigné M. H... en qualité de sapiteur.

Par ordonnance du 17 juin 2021, la présidente de la Cour a accordé à M. G... une allocation provisionnelle de 5 744,73 euros à valoir sur le montant des honoraires et débours devant être ultérieurement taxés.

M. G... a remis son rapport le 1er décembre 2021. Ce rapport a été communiqué aux parties, qui ont été invitées à produire leurs observations, le 17 décembre 2021.

Les appelants ont produit leurs observations sur le rapport d'expertise, le 22 décembre 2021.

Par ordonnance du 12 avril 2022, la présidente de la Cour a liquidé et taxé les frais de l'expertise à la somme de 20 888,88 euros, de laquelle il y a lieu de déduire la somme de 5 774,73 euros versée en exécution de l'ordonnance du 17 juin 2021.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juin 2022, la communauté urbaine Perpignan Méditerranée métropole, représentée par la SCP Sanguinede di Frenna et associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des appelants une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que sa responsabilité ne saurait être engagée en qualité de gestionnaire d'un réseau d'irrigation situé sur la parcelle BB175 dont le propriété et l'entretien relèvent de l'association syndicale autorisée (ASA) des canaux de Vernet et Pia.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Calvet, substituant Me Pons-Serradeil, représentant la commune de Saint-Estève, et de Me Latapie, représentant la communauté urbaine de Perpignan Méditerranée Métropole.

Une note en délibéré présentée pour la commune de Saint-Estève a été enregistrée le 30 juin 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Les consorts C... sont propriétaires, sur le territoire de la commune de Saint-Estève, de la parcelle cadastrée section BB n° 175 anciennement cadastrée section BB n° 15 et 16, située 5 et 7 rue Mirasol. Par un arrêté du maire de cette commune du 28 décembre 1998, M. A... C... a obtenu le permis de construire trois bâtiments (A, B et C) à usage d'habitation pour une surface hors œuvre nette de 1 312 m². Cet ensemble immobilier a été placé sous le régime de la copropriété et M. C... et son épouse, aujourd'hui décédée, ont fait une donation-partage au profit de leurs enfants, E... et D.... Estimant ne pas devoir réaliser des ouvrages ayant le caractère d'équipements publics et faisant valoir qu'ils ont été victimes d'une voie de fait sur leur propriété en raison de la construction par la commune de réseaux publics, ils ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Perpignan d'une demande d'expertise. Par une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Perpignan du 12 avril 2013, M. B... a été désigné en qualité d'expert et a remis son rapport le 8 janvier 2014. La demande préalable que les requérants ont formée le 10 septembre 2015, auprès de la commune de Saint-Estève, tendant à l'indemnisation de leur préjudice du fait de fautes de la commune et à ce qu'il soit mis fin à une emprise irrégulière sur leur propriété, a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Les consort C... et le syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Mirasol et 2 rue René Cassin relèvent appel du jugement du 3 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à les indemniser des préjudices subis du fait des fautes commises par la commune de Saint-Estève et à faire cesser l'emprise irrégulière sur la parcelle BB n° 175. Par un arrêt avant dire droit du 17 novembre 2020, la Cour a ordonné la réalisation d'une expertise aux fins de déterminer, notamment, l'existence d'une emprise irrégulière sur la propriété des consorts C....

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les appelants soutiennent que les premiers juges ne pouvaient faire droit à l'exception de prescription quadriennale, qui n'est pas d'ordre public, soulevée par la commune de Saint-Estève à l'encontre de plusieurs de leurs demandes, dès lors que le mémoire par lequel elle l'a invoquée n'était pas signé par le maire de la commune, lequel avait seul pouvoir pour l'opposer.

3. Il résulte des dispositions de loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que l'administration ne peut renoncer à opposer la prescription, sauf à en relever le créancier selon la procédure ou pour les motifs qu'elles prévoient. Ces dispositions ne déterminent pas l'autorité ayant qualité pour l'opposer ni ne régissent les formes dans lesquelles cette autorité peut l'invoquer devant la juridiction du premier degré. Ni ces dispositions, ni aucun élément tenant à la nature de la prescription ne font obstacle à ce que celle-ci soit opposée par une personne ayant reçu de l'autorité compétente une délégation ou un mandat à cette fin. En particulier, l'avocat, à qui l'administration a donné mandat pour la représenter en justice et qui, à ce titre, est habilité à opposer pour la défense des intérêts de cette dernière toute fin de non-recevoir et toute exception, doit être regardé comme ayant été également mandaté pour opposer l'exception de prescription aux conclusions du requérant tendant à la condamnation de cette administration à l'indemniser.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'exception de prescription quadriennale a été opposée, par le conseil mandaté par la commune de Saint-Estève pour la représenter devant le tribunal administratif, aux demandes des requérants tendant à la réparation des conséquences qui résulteraient, selon eux, de différentes fautes commises par la commune. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif ne pouvait admettre comme recevable l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune dès lors que cette exception n'avait pas été régulièrement soulevée ne peut donc qu'être rejeté.

5. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

6. En premier lieu, les consorts C... et le syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Mirasol et 2 rue René Cassin, appelants, soutiennent que la responsabilité de la commune de Saint-Estève est engagée du fait de la suppression, par la compagnie générale des eaux, délégataire du service public de distribution de l'eau de la commune, du branchement du bâtiment C aux réseaux d'adduction d'eau potable et d'eaux usées. Toutefois, le service public de distribution de l'eau de la commune présentant le caractère d'un service public industriel et commercial, le rapport entre ce service et ses usagers, qui sont des rapports de droits privés, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, la circonstance que cette suppression aurait été demandée par la commune de Saint-Estève, contre laquelle la compagnie générale des eaux pourrait, le cas échéant, engager une action récursoire, étant sans incidence sur l'ordre de juridiction compétent. Ainsi, la juridiction administrative est incompétente pour connaître des conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant de la suppression, par la compagnie générale des eaux, du branchement du bâtiment C au réseau d'eau potable.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) / Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. ".

8. Les appelants recherchent la responsabilité de la commune de Saint-Estève à raison de l'établissement, à l'encontre de M. C..., de procès-verbaux d'infraction. Lorsque le maire d'une commune dresse un procès-verbal d'infraction pour entrave à la liberté de passage sur une voie ouverte à la circulation publique ou de non-respect d'un permis de construire et d'un plan d'occupation des sols, il ne fait qu'exercer, au nom de l'Etat et sous le contrôle du juge judiciaire, les pouvoirs que lui confèrent le code de l'urbanisme. Les demandes d'indemnisation des préjudices qui seraient nés de l'établissement d'un procès-verbal d'infraction dressé le 28 février 2007 à l'encontre de M. C... pour non-respect des dispositions en matière d'urbanisme et du procès-verbal dressé le 8 janvier 2007 pour " entrave à la liberté de passage sur une voie publique " du fait de la présence d'une buse en béton sur une portion de terrain au croisement de la rue Mirasol et de la voie René Cassin, qui a conduit à la mise à leur charge de la somme de 1 480 euros par le titre exécutoire émis par la commune de Saint-Estève le 5 avril 2013, à la suite de l'arrêté pris par le maire de la commune le 1er mars 2007 définissant les travaux de mise en sécurité de la rue Mirasol, doivent, par suite, être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

9. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'indemnisation de préjudices résultant de la suppression des branchements du bâtiment C édifié sur leur propriété aux réseaux d'adduction d'eau potable et d'eaux usées ainsi que de l'irrégularité alléguée d'un procès-verbal d'infraction dressé en application de l'article L. 480-1 précité du code de l'urbanisme, ces demandes devant être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente.

Sur la fin de non-recevoir opposée aux conclusions tendant à l'indemnisation de préjudices nés d'un refus et d'un retrait illégaux de permis de construire :

10. Les consorts C... demandent réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des fautes qu'aurait commises la commune en refusant de délivrer à M. C... un permis de construire, déposé le 22 septembre 2010, et en retirant, le 10 janvier 2012, le permis de construire modificatif déposé par M. C... le 16 septembre 2011, tacitement accordé le 16 décembre 2011, aux fins de réalisation de sept garages, de modification de la distribution intérieure du bâtiment C et de modifications minimes de façades. Ces conclusions tendent à l'indemnisation de préjudices résultant de faits générateurs distincts de ceux qui avaient été invoqués dans la réclamation préalable. N'ayant pas été, de la sorte, précédées d'une décision de l'administration susceptible de lier le contentieux sur ce point, elles ne peuvent qu'être écartées comme irrecevables.

11. Il résulte de ce qui précède que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté comme irrecevables les conclusions tendant à l'indemnisation de préjudices nés d'un refus et d'un retrait illégaux de permis de construire.

Sur la constatation d'une emprise irrégulière :

12. Il résulte de l'instruction que le permis de construire n° PC6617298F0223 du 28 décembre 1998 accordé à M. C... dispose en son article 6 que le terrain est concerné par la création d'une voie publique qui nécessite une cession gratuite de terrain, limité à 10 % de sa surface, à la commune, représentant une superficie de 250 m². Ce permis était accompagné d'un programme de travaux portant sur divers équipements, élaboré par les services de la commune de Saint-Estève, que le lotisseur devait faire exécuter sous sa responsabilité exclusive et entretenir jusqu'à ce qu'ils soient inclus dans le domaine public. Parmi les travaux prescrits figurent, rue Mirasol, la reprise partielle de la chaussée et des bordures existantes, le reprofilage de la demi-voie A (future avenue René Cassin) existante dans la totalité de sa largeur afin de l'adapter au projet et la création d'une demi-voie A', sur une largeur de 3 mètres et la création d'un trottoir. Ce programme prévoyait, en outre, la réalisation de différents réseaux et leur raccordement aux réseaux publics et que le réseau d'assainissement du bâtiment C serait posé sous chaussée voie A. La cession à titre gratuit d'une partie du terrain des consorts C... à la commune n'a pas été réalisée et ceux-ci, qui contestent avoir effectué les travaux de voirie prescrits dans le cadre du permis de construire, soutiennent que la commune de Saint-Estève a irrégulièrement implanté sur leur parcelle une voie publique ainsi que des réseaux en-dessous de cette voie.

En ce qui concerne la collectivité publique responsable :

13. Aux termes de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence.(...) " et aux termes de l'article L. 5215-20 du même code : " I - La communauté urbaine exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (...) 2° En matière d'aménagement de l'espace communautaire : (...) b) Organisation de la mobilité au sens des articles L. 1231-1, L. 1231-8 et L. 1231-14 à L. 1231-16 du code des transports, sous réserve de l'article L. 3421-2 du même code ; création, aménagement et entretien de voirie ; signalisation ; parcs et aires de stationnement ; plan de mobilité ; (...) 5° En matière de gestion des services d'intérêt collectif : a) Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8, gestion des eaux pluviales urbaines au sens de l'article L. 2226-1 et eau ; (...) ".

14. La communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, créée le 1er janvier 2016, s'est substituée de plein droit à la commune de Saint-Estève pour l'exercice des compétences précitées. La réparation des préjudices résultant de l'implantation irrégulière de la voie litigieuse doit ainsi être regardée comme étant à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, de même que doivent être regardées comme dirigées contre elle les conclusions incidentes à fin de réalisation des travaux pour mettre fin à cette implantation irrégulière.

En ce qui concerne l'implantation de la " demi-voie A' " René Cassin :

15. D'une part, la propriété des consorts C... est située à l'angle de deux voies ouvertes à la circulation, la voie René Cassin, qui en longe la partie Nord, et la rue Mirasol, qui en longe la partie ouest. La limite de la propriété est matérialisée au nord par deux clous d'arpentage. Elle est voisine au Nord des parcelles BB 232 et 233, et de la parcelle BB 173, à l'Est. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert mandaté par la Cour par l'arrêt avant dire droit du 17 novembre 2020, que la chaussée de la voie René Cassin, réalisée sur le tracé d'un ancien chemin ou sentier, longe au nord, sur une demi-voie dénommée (A) les parcelles BB 232 et BB 233, qui formaient jusqu'en 2007, avec la parcelle BB 234, sur l'emprise de laquelle a été réalisée une partie de la demi-voie A, une seule parcelle, cadastrée BB 17 jusqu'en 2007, et se prolonge sur la parcelle BB 241, le long de la parcelle BB 240, avec laquelle elle formait antérieurement une parcelle unique, cadastrée BB 20. La chaussée de cette demi-voie A est prolongée sur sa largeur par un trottoir, et bordée des murs de clôture des propriétés qu'elle longe. L'autre partie de cette voie, dénommée demi-voie A', est formée d'une chaussée au droit de la propriété des consorts C... à partir de son croisement avec la rue Mirasol et jusqu'à l'extrémité est de cette propriété, et ne comporte en cette partie aucun trottoir, puis se prolonge, agrémentée cette fois d'un trottoir, le long de la parcelle BB 173. La demi-voie A, constituée d'un trottoir d'une largeur de 1,32 m, selon les constatations de l'expert désigné par la présidente de la Cour, et d'une chaussée de 3 m de largeur, a été réalisée en 1991 par les propriétaires des parcelles alors cadastrées BB 17 et BB 20, conformément aux permis de construire délivrés à leurs propriétaires le 26 juillet 1991. Cette demi-voie, qui se terminait en impasse, permettait l'accès à ces propriétés par la rue Mirasol mais devait, aux termes du certificat du 21 août 1992 de conformité des travaux relatifs au permis de construire - parcelle BB 17 - " être accessible au public ". La parcelle BB 234 a été vendue à la commune en novembre 2007 et intégrée à son domaine privé et la parcelle BB 241 intégrée au domaine public de la commune après la vente de cette parcelle à la commune pour un euro. Il ressort en outre du rapport de l'expert désigné par la présidente de la Cour que la demi-voie A' a été réalisée, entre, au plus tôt, le 1er janvier 1999 et, au plus tard, le 31 janvier 2003, sans que l'homme de l'art ait été en mesure de déterminer par qui, que ce soit dans sa partie au droit des parcelles BB 232 et BB 233 ou au droit de la parcelle BB 173. Ainsi qu'il a été dit au point 10, et comme c'est également le cas dans l'arrêté de permis de construire sur la parcelle BB 173 voisine de la propriété C..., le permis de construire du 20 décembre 1998 accordé à M. C... dispose que le terrain est concerné par la création d'une voie publique qui nécessite une cession gratuite de terrain, et le programme de travaux en date du 28 décembre 1998, élaboré par les services de la commune de Saint-Estève, indiquait que le lotisseur devait faire exécuter cette voie sous sa responsabilité exclusive et entretenir jusqu'à ce qu'ils soient inclus dans le domaine public. D'après le plan 2 représentant l'" emprise du futur domaine public ", annexé au permis de construire, cette voie longe la partie nord de la propriété des consorts C... ainsi qu'une portion de terrain, de forme triangulaire, au croisement de la voie René Cassin et de la rue Mirasol. Il résulte toutefois de l'instruction qu'aucune cession de terrain n'a été réalisée et que, par suite, la portion de demi-voie A' existante au droit de la propriété C..., dont la limite nord, matérialisée par la ligne rejoignant deux clous d'arpentage apparaissant sur le procès-verbal de bornage et de reconnaissance des limites dressé le 2 septembre 2011 par un géomètre-expert, se trouve à une distance de 4,34 m du mur de clôture des parcelles BB 232 et 233, se situe intégralement sur son fonds, de même que la bande de terrain située au croisement de la rue Mirasol et de la voie René Cassin sur laquelle était édifiée en 2007 la buse mentionnée au point 8. Il suit en outre de là, ainsi que le signale l'expert, que le mur de parpaings édifié sur la parcelle BB 175 n'est pas un mur de clôture, puisqu'il n'est pas en limite de la propriété mais en retrait de 0,61 cm du mur de clôture prévu au permis de construire et qu'il s'agit en conséquence d'un mur privatif.

16. D'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert désigné par la présidente de la Cour, que tant la rue Mirasol que la rue René Cassin, qui se prolonge désormais au-delà des parcelles mentionnées au point 15 et croise la rue de la Fraternité qui permet l'accès à une maison de retraite et, à son extrémité, l'avenue de la déclaration des droits de l'Homme, laquelle relie deux axes principaux de la commune, l'avenue Guynemer et l'avenue Gilbert Brutus, insérées dans le réseau de la voirie communale, sont des voies ouvertes à la circulation publique, que la voie René Cassin est équipée d'un panneau " STOP " ainsi que d'une signalisation au sol au croisement de la rue Mirasol et d'un panneau indiquant le sens de priorité des véhicules et qu'elle est équipée, sur ces 95 premiers mètres, de deux mats permettant l'éclairage public. Il ressort, en outre, du point précédent que la demi-voie A fait partie, au droit des parcelles BB 232 et BB 233, du domaine privé de la commune et, au droit de la parcelle BB 240, de son domaine public, et que l'intégralité de la voie est dévolue à la circulation des véhicules, sans qu'aucun panneau ou signalisation ne permette de distinguer, au sein de cette voie, une partie privée et une partie publique. Enfin, il résulte de l'instruction que, compte tenu de l'insertion de la voie dans le réseau communal, elle ne pourrait être fermée à la circulation sans affecter la circulation globale au sein de la commune. Dans ces conditions, la demi-voie A', quelle que soit la personne, publique ou privée, qui en a réalisé la construction, ne peut être regardée que comme un ouvrage public et les requérants sont fondés à soutenir que sa portion au droit de leur propriété est irrégulièrement implantée, ce qui est de nature à engager la responsabilité de la collectivité publique responsable de son entretien, pour réparer les dommages qui en résultent.

En ce qui concerne l'implantation de réseaux dans le tréfonds de la propriété des consorts C... :

17. S'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport de l'expert désigné par la présidente de la Cour, que sont implantés dans le tréfonds de la propriété des consorts C..., d'une part, un canal d'irrigation géré par l'association syndicale autorisée (ASA) Vernet Pia et, d'autre part, des réseaux téléphonie et d'électricité, la responsabilité de la commune, pas davantage que celle de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, qui ne sont pas maîtres d'ouvrage de ces réseaux et de ce canal, ne peut être recherchée de ce fait.

18. Il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a refusé de faire droit à leur demande tendant à ce qu'il soit constaté une emprise irrégulière sur les parties de leur terrain supportant la voie René Cassin, en ce compris partie de la bande sud de leur parcelle au croisement de la rue Mirasol et de la voie René Cassin.

Sur les conclusions indemnitaires :

19. En premier lieu, les consorts C... demandent la condamnation de la commune intimée à leur verser une somme de 664 202,16 euros en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de finaliser la construction du bâtiment C et, partant, de percevoir les loyers de la location des appartements réaliser. Les requérants soutiennent en effet que l'implantation irrégulière d'une voie publique sur leur parcelle les a privés de la jouissance d'une partie de leur propriété et leur a interdit, de ce fait, de finaliser leur projet de construction et de mettre en location le dernier bâtiment du complexe (bâtiment C) qu'ils ont édifié, dès lors que cette implantation est à l'origine du refus de permis de construire qui a été opposé à leur demande du 22 septembre 2010 et du retrait, le 10 janvier 2012, de leur permis de construire modificatif obtenu le 26 décembre 2011. Il ne ressort pas, toutefois, des termes de ces décisions qu'elles auraient été prises pour des motifs qui ont pour origine l'implantation irrégulière de la voie René Cassin sur leur propriété, mais pour de tout autres motifs. Il résulte en effet des termes du refus de permis de construire déposé par M. C... le 22 septembre 2010 que ce refus a pour motifs le non-respect des limites séparatives entre les bâtiments, le non-respect de l'implantation des constructions les unes par rapport aux autres, leur emprise au sol supérieure au maximum autorisé, l'instauration de clôtures modifiées par rapport à celles autorisées dans le permis de construire obtenu en 1998 et insuffisamment perméables. Quant au retrait du permis de construire modificatif tacitement accordé le 26 décembre 2011, il a pour seul motif un courrier de RTE indiquant que la hauteur maximale du bâtiment C est à une distance des lignes électriques inférieure à celle prévue par un arrêté interministériel du 17 mai 2011.

20. En second lieu, en se bornant à soutenir qu'ils ont subis de " nombreux tracas " du fait des fautes de la commune, les requérants n'établissent pas avoir souffert d'un préjudice moral du fait de l'implantation irrégulière d'une partie de la voie René Cassin sur leur propriété.

21. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de faire droit à l'exception de prescription non plus qu'à la fin de non-recevoir, opposées par la commune de Saint-Estève, que les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à l'indemnisation des préjudices allégués, résultant de l'emprise irrégulière de la voie René Cassin sur leur propriété.

Sur les conclusions tendant à la démolition de l'ouvrage public :

En ce qui concerne l'exception de prescription quadriennale :

22. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. / Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance ; / Toute communication écrite d'une administration intéressée, même si cette communication n'a pas été faite directement au créancier qui s'en prévaut, dès lors que cette communication a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ; (...) Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. (...) ".

23. La prescription quadriennale n'est qu'un mode d'extinction des dettes des collectivités publiques et ne peut, par suite, être opposée qu'aux créances que les intéressés entendent faire valoir contre ces collectivités. Elle est en revanche sans effets sur les droits réels. L'action du propriétaire visant à la démolition et à la remise en état d'une construction empiétant sur sa propriété étant une action portant sur un droit réel, elle n'entre pas dans le champ d'application de la loi du 31 décembre 1968. L'exception de prescription opposée par la commune de Saint-Estève aux conclusions des requérants tendant à la démolition de l'ouvrage irrégulièrement implanté doit, en conséquence, être rejetée.

En ce qui concerne la demande de démolition de la demi-voie A' René Cassin et de la remise en état du terrain la supportant :

24. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

25. Il ne résulte pas de l'instruction qu'une régularisation de l'implantation irrégulière serait possible, en l'absence de toute démarche de la commune de Saint-Estève afin d'instaurer une servitude, ou d'acquérir le terrain concerné par la voie amiable ou par la voie d'une expropriation pour cause d'utilité publique.

26. Les appelants soutiennent que la démolition de la voie doit être ordonnée du fait des atteintes importantes qu'elle cause à leur propriété, sans répondre à une finalité d'intérêt général dès lors que la voie René Cassin est une voie peu fréquentée, qui pourrait être réduite à une voie à sens unique dans sa partie au droit de leur propriété. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 19, il ne résulte pas de l'instruction que l'emprise irrégulière de la voie René Cassin sur leur propriété serait la cause du refus de permis de construire qui leur a été opposée, et les appelants n'apportent aucun autre élément permettant d'établir d'autres inconvénients de l'implantation irrégulière que cette seule implantation, qui, au demeurant, assure la desserte de leur propriété. En revanche, la démolition de la voie René Cassin irrégulièrement implantée sur la propriété des intéressés, entrainerait un rétrécissement de la voie limitant les possibilités de circulation et aurait pour effet d'y restreindre temporairement, le temps des travaux, l'accès. Dans ces conditions, étant donné les inconvénients limités de la présence de la voie, la démolition de l'implantation irrégulière entraînerait une atteinte excessive à l'intérêt général. Par suite, les appelants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions de leur demande tendant à ce que soit ordonnée la destruction de la partie de la voie René Cassin empiétant sur leurs propriétés.

Sur les frais d'expertise :

27. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 20 888,88 euros toutes taxes comprises par l'ordonnance de la présidente de la Cour en date du 12 avril 2022, à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, collectivité publique responsable de l'entretien de la voirie.

Sur les conclusions relatives aux frais de l'instance :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de la commune de Saint-Estève et de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par les appelants et non compris les dépens, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche il n'y a pas lieu de mettre à la charge des appelants, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Saint-Estève au titre des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Il est déclaré que la partie de la voie René Cassin, dans la commune de Saint-Estève, dénommée " demi-voie A' " au droit de la partie nord de la propriété des consorts C..., ainsi que la bande de terrain se situant au carrefour de cette voie et de la rue Mirasol, constituent une emprise irrégulière.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 décembre 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 20 888,88 euros toutes taxes comprises, sont mis à la charge de la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.

Article 4 : La commune de Saint-Estève et la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole verseront solidairement aux consorts C... et au syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Marisol et 2 rue René Cassin une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des consorts C... et du syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Marisol et 2 rue René Cassin est rejeté.

Article 6 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Estève en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme D... C..., à M. E... C..., au syndicat des copropriétaires du 5-7 rue Marisol et 2 rue René Cassin, à la commune de Saint-Estève et à la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.

Copie en sera adressée à M. G..., expert.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 5 juillet 2022.

N° 19MA00517 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA00517
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

17-03-02-08-02-01 Compétence. - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel. - Liberté individuelle, propriété privée et état des personnes. - Propriété. - Emprise irrégulière.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS BECQUE - DAHAN - PONS-SERRADEIL - CALVET - REY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-05;19ma00517 ?
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