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04/10/2022 | FRANCE | N°20MA01022

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 04 octobre 2022, 20MA01022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime et de mettre à la charge de ce département une somme de 3 000 euros en application des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709258 du 6 février 2020, le tribunal administrati

f de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de faits de harcèlement moral dont elle aurait été victime et de mettre à la charge de ce département une somme de 3 000 euros en application des dispositions de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1709258 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 février 2020, Mme A..., représentée par Me Gavaudan, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 février 2020 ;

2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison des agissements constitutifs de harcèlement moral dont elle allègue avoir été victime ;

3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 6 000 euros au titre de 1'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que :

- en rejetant sa demande par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations ;

- elle est victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral et, le cas échéant, il appartiendrait au département des Bouches-du-Rhône de prouver le contraire ;

- au titre de la réparation de son préjudice découlant de ce harcèlement moral qu'elle a subi depuis le mois d'août 2016, elle sollicite une indemnisation à hauteur de 100 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2020, le département des Bouches-du-Rhône, représenté par Me Phelip, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- à titre principal, l'ensemble des éléments transmis par Mme A... ne permet pas de caractériser une situation de harcèlement moral ;

- à titre subsidiaire, la Cour constatera le caractère injustifié et excessif des sommes réclamées par l'appelante.

Par une ordonnance du 4 février 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2021, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ingénieur principal, responsable du pôle d'exploitation des bâtiments au sein des services du département des Bouches-du-Rhône depuis le mois de mai 2015, a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner cette collectivité locale à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi en raison de la situation de harcèlement moral dont elle aurait été victime depuis le mois d'août 2016. Par un jugement en date du 6 février 2020 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes des dispositions de l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique, anciennement contenues au premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi susvisée du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun agent public ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. "

3. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé (Conseil d'Etat, Section, 11 juillet 2011, n° 321225, A).

5. Au cas particulier, Mme A... soutient que ses conditions de travail ont commencé à se dégrader à compter du mois d'août 2016, date à laquelle son supérieur, le chef du service maintenance et exploitation des bâtiments, aurait entendu la discréditer auprès de ses agents, l'aurait privée de toute latitude dans l'exercice de ses fonctions, aurait cherché à la mettre à l'écart du service et lui aurait interdit l'utilisation du véhicule de service. Mme A... indique qu'elle n'a alors pas reçu le soutien de sa hiérarchie. Elle ajoute qu'elle n'en a pas davantage reçu bien qu'elle ait été également confrontée à l'attitude irrespectueuse de l'un de ses subordonnés et qu'au contraire, le chef du service maintenance et exploitation des bâtiments se serait servi de cette situation pour accroître le harcèlement dont il faisait montre à son encontre.

6. Toutefois, et, en premier lieu, il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier de la consultation des pièces produites qui consistent exclusivement en des échanges de courriels, et qui, au demeurant, ne sont complétées par aucune pièce nouvelle en cause d'appel, que les attributions de Mme A..., qui n'allègue aucune perte de rémunération, ni obstruction à son avancement, auraient été modifiées, que ce soit par un accroissement significatif de sa charge de travail ou, au contraire, par une quelconque diminution de ses responsabilités. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que, dans ses échanges avec Mme A..., le chef du service maintenance et exploitation des bâtiments aurait cherché à la discréditer et à la marginaliser, notamment auprès des agents dont elle était responsable, ni qu'il aurait usé de propos désobligeants et incorrects à son encontre, ou encore qu'il aurait excédé l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique. Enfin, Mme A..., qui ne présente aucun document à l'appui de ses affirmations sur ce point, n'établit pas qu'il lui aurait été interdit d'utiliser la voiture de service.

7. En deuxième lieu, quant à l'attitude de l'un de ses subordonnés, Mme A... lui reproche d'avoir tenu, notamment dans un courriel du 21 août 2021, des propos désobligeants et irrespectueux à son endroit, et d'avoir sciemment occulté de lui transmettre des informations, notamment des dates de réunions auxquelles elle devait participer. Mais les pièces versées au dossier sont, là encore, insuffisantes pour que ces circonstances, comme la prétendue absence de soutien de sa hiérarchie face à une telle situation, laquelle est alléguée sans autre précision, puissent être regardées comme étant de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral.

8. En troisième et dernier lieu, Mme A... affirme être suivie par un psychiatre depuis le mois d'octobre 2016 et elle soutient que sa situation professionnelle a conduit à une dégradation de son état de santé, la contraignant à prendre un traitement d'antidépresseurs et d'anxiolytiques. Elle ajoute qu'elle a même dû interrompre son activité professionnelle à deux reprises, du 4 au 28 avril 2016 puis du 3 novembre au 11 décembre 2016. Toutefois, elle ne produit aucune pièce, notamment médicale, permettant d'établir le bien-fondé de ces allégations. En tout état de cause, à supposer établie une telle dégradation de son état de santé, cette circonstance ne permettrait pas, à elle seule, de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral de l'appelante.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'apporte pas d'éléments précis et concordants de nature à faire présumer l'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral à son encontre. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département des Bouches-du-Rhône de ce chef, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 6 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. La présente instance n'ayant donné lieu à aucun dépens, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du même code doivent également être rejetées. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme demandée par le département des Bouches-du-Rhône au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département des Bouches-du-Rhône tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au département des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

2

No 20MA01022

ot


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01022
Date de la décision : 04/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL PHELIP et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-10-04;20ma01022 ?
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