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07/11/2022 | FRANCE | N°21MA00043

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 07 novembre 2022, 21MA00043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la commune de Port-de-Bouc et l'Etat à lui verser la somme totale de 59 446,30 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux de voirie effectués par l'Etat et la commune.

Par un jugement n° 1704963 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence "

Les horizons de la mer " la somme de 44 446,30 euros toutes taxes comprises, a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la commune de Port-de-Bouc et l'Etat à lui verser la somme totale de 59 446,30 euros en réparation des préjudices subis du fait des travaux de voirie effectués par l'Etat et la commune.

Par un jugement n° 1704963 du 6 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " la somme de 44 446,30 euros toutes taxes comprises, a mis à la charge de l'Etat les frais et honoraires d'expertise liquidés et taxés par ordonnance du président du tribunal du 23 novembre 2018 à la somme de 3 940,80 euros toutes taxes comprises et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 janvier et 9 juin 2021, la ministre de la transition écologique demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 6 novembre 2020 ;

2°) de rejeter la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer ".

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, en ce qu'il n'indique pas les raisons pour lesquelles les premiers juges ont écarté les éléments établissant que le devers de la route est dans le sens opposé à la copropriété ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le fait générateur du dommage invoqué par les copropriétaires ne peut être le ruissellement des eaux pluviales depuis la voirie, en raison de la topographie des lieux ; le rapport de l'expert judiciaire, qui n'a pas tenu compte de cette topographie des lieux, est incomplet ;

- les infiltrations d'eau subies par les copropriétaires résultent au moins pour partie du défaut d'entretien de la cunette située au pied du muret litigieux ; cet entretien incombe aux copropriétaires ;

- le dommage subi par les copropriétaires n'est pas accidentel ; ceux-ci devaient dès lors démontrer le caractère anormal et spécial de leur préjudice ;

- ni l'Etat ni la commune de Port-de-Bouc n'ont commis de faute ;

- les travaux d'aménagement de la RN 568 sont antérieurs à la construction du muret séparatif de la copropriété ; celui-ci est entaché d'un défaut de conception, à l'origine, au moins pour partie, des désordres qui l'affectent.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 avril et 18 juin 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer ", représenté par Me Nakache, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que le montant de la condamnation de l'Etat soit porté à la somme de 59 446,30 euros comprenant la somme supplémentaire de 15 000 euros au titre des dommages et intérêts ;

3°) à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève ;

- il a dû engager de multiples démarches et exposer de nombreux frais avant d'obtenir réparation de son préjudice, notamment en faisant constater les désordres par un huissier et en faisant effectuer en urgence des travaux de pose de drains ; il est fondé à obtenir la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un mémoire, enregistré le 11 juin 2021, la commune de Port-de-Bouc, représentée par Me Baesa, conclut, à titre principal, à ce qu'il soit constaté qu'aucune conclusion n'est dirigée à son encontre dans la présente instance et, à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement en tant qu'il a prononcé sa mise hors de cause et à la mise à la charge de tout succombant la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 15 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 juillet 2021.

Un mémoire présenté pour le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " a été enregistré le 13 octobre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme A... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public ;

- les observations de Me Nakache représentant le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " et celles de Me Baesa, représentant la commune de Port-de-Bouc.

Considérant ce qui suit :

1. La résidence " Les horizons de la mer " est un ensemble immobilier géré en copropriété et situé avenue du groupe Manoukian à Port-de-Bouc (13110), en bordure de la route nationale 568. Le syndicat des copropriétaires a constaté au cours de l'année 2015 qu'un mur de la copropriété, situé en bordure de la voie publique routière, présentait un risque d'effondrement et que des fissurations et infiltrations affectaient les murs des garages situés en contrebas. A sa demande, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a prescrit une expertise par une ordonnance rendue le 22 septembre 2017, le rapport ayant été remis le 18 septembre 2018. Le syndicat des copropriétaires a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement la commune de Port-de-Bouc et l'Etat à lui verser la somme totale de 59 446, 30 euros en réparation des préjudices subis. La ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 6 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " la somme de 44 446,30 euros toutes taxes comprises. Le syndicat des copropriétaires sollicite, par la voie de l'appel incident, que le montant de la condamnation de l'Etat soit porté à la somme totale de 59 446,30 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient la ministre, le jugement attaqué expose de façon détaillée, au point 11 de son jugement, les motifs pour lesquels le tribunal, qui n'avait pas à écarter expressément chacun des arguments et des pièces produites en défense, a considéré que le lien de causalité entre les dommages subis par le syndicat des copropriétaires et l'ouvrage public que constitue la route nationale 568 était établi. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la responsabilité :

3. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport déposé par l'expert désigné par le président du tribunal administratif de Marseille, que les désordres constatés sur le mur de clôture situé à l'angle nord-ouest de la copropriété, en bordure de la route nationale 568 et de l'impasse Jules Valles et les infiltrations d'eau au niveau des garages de la résidence sont imputables à un vice de conception et d'exécution lors des travaux de voirie conduits par l'Etat sur la route nationale (RN) 568, lors desquels il n'a pas été prévu de collecteur des eaux de ruissellement de la voie par une canalisation ou un exutoire de dimensionnement approprié. Si l'administration fait valoir que ce rapport ne tient pas compte du relevé topographique des lieux établi le 4 janvier 2018, dont il est constant qu'il n'a pas été communiqué à l'expert avant la remise de son rapport, ce relevé topographique, s'il fait apparaître un très léger dévers vers le Nord de la RN 568, ne remet pas en cause l'analyse effectuée par l'expert, relative à la configuration des lieux et en particulier à la forte pente du talus mitoyen à la RN 568 vers la copropriété " Les horizons de la mer " qui entraîne un ruissellement des eaux pluviales depuis cette voie vers le terrain de la copropriété. Ainsi que l'a retenu le tribunal, les dommages constatés trouvent leur origine directe et certaine dans le ruissellement d'eaux pluviales provenant de l'ouvrage public, ce qui engage la responsabilité sans faute de l'Etat à l'égard des copropriétaires.

5. Contrairement à ce que soutient la ministre de la transition écologique, il ne résulte pas de l'instruction qu'un éventuel défaut d'entretien de la cunette située au pied du mur de clôture de la copropriété aurait contribué à la réalisation des dommages constatés sur ce mur. Il ne résulte pas non plus de l'instruction que ce mur, construit antérieurement aux travaux d'élargissement de la RN 568 qui ont entraîné une augmentation significative de la pente du talus surplombant le terrain de la copropriété et des eaux de ruissellement depuis la voie vers ce terrain, aurait dû, comme le soutient la ministre, être construit dès l'origine comme un mur de soutènement et souffrirait ainsi d'un défaut de conception.

Sur le préjudice :

6. Ainsi qu'il a été dit au point 4, il résulte de l'instruction que les dommages constatés sont imputables à l'absence de mise en place d'un système de collecte des eaux de ruissellement de la RN 568 de dimensionnement approprié lors des travaux d'élargissement de cette route conduits par l'Etat. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la ministre de la transition écologique, les dommages subis par les copropriétaires ne sont pas inhérents à l'existence même de la route nationale ou à son fonctionnement et présentent, par suite, un caractère accidentel. Il n'y a, dès lors, pas lieu de rechercher si le préjudice subi par les copropriétaires présente un caractère grave et spécial.

7. Le montant des travaux nécessaires à la reprise des désordres a été évalué par l'expert désigné par le tribunal administratif de Marseille à la somme de 44 446,30 euros TTC, comprenant la maîtrise d'œuvre et l'assurance dommages ouvrage. Ce montant n'est pas contesté par l'administration.

8. Le syndicat des copropriétaires demande en outre le versement d'une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts. Il fait valoir qu'il a dû engager de nombreux frais et démarches, notamment des frais d'huissier et qu'il a également dû faire réaliser des travaux en urgence. Il produit, pour la première fois en appel, un constat d'huissier établi le 4 avril 2016 et la facture correspondante d'un montant de 280 euros ainsi que des factures correspondant à des travaux de pose de drains au niveau des garages de la copropriété effectués à l'été 2004 pour un montant total de 3 204,25 euros. Il n'apporte en revanche aucun élément de nature à établir les autres frais, notamment des frais de syndic spécifiques, dont il se prévaut. Dans ces conditions, le syndicat des copropriétaires est seulement fondé à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme supplémentaire de 3 484,25 euros.

9. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la requête de la ministre de la transition écologique doit être rejetée, et, d'autre part, que le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " est fondé à demander que la condamnation prononcée à l'encontre de l'Etat soit portée à la somme de 47 930,55 TTC.

Sur les conclusions de la commune de Port-de-Bouc tendant à être mise hors de cause :

10. Ni le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ni le syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " ne présentent de conclusions dirigées contre la commune de Port-de-Bouc. Dès lors, les conclusions de la commune de Port-de-Bouc tendant à ce que la cour confirme sa mise hors de cause sont sans objet.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune, dont les autres conclusions sont dépourvues d'objet.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la ministre de la transition écologique est rejetée.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " la somme de 47 930,55 euros TTC.

Article 3 : Le jugement n° 1704963 du 6 novembre 2020 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de Port-de-Bouc en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, au syndicat des copropriétaires de la résidence " Les horizons de la mer " et à la commune de Port-de-Bouc.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2022.

N°21MA00043 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00043
Date de la décision : 07/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics. - Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : NAKACHE DOROTHEE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-07;21ma00043 ?
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