La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2022 | FRANCE | N°21MA00341

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 25 novembre 2022, 21MA00341


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... J..., Mme C... J... et M. G... J..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille :

A titre principal :

1°) d'ordonner avant dire-droit la désignation d'un expert-comptable afin d'évaluer leur préjudice économique ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer :

- à M. G... J..., au titre du préjudice d'affection la somme de 40 000 euros ;

- à Mme C... J... :

au titre du préjudice d'affection la somme de 40 000 euros ;

au

titre du préjudice économique la somme de 15 196,64 euros ;

- à Mme E... J... :

au titre du préjudice d'affecti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... J..., Mme C... J... et M. G... J..., ont demandé au tribunal administratif de Marseille :

A titre principal :

1°) d'ordonner avant dire-droit la désignation d'un expert-comptable afin d'évaluer leur préjudice économique ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer :

- à M. G... J..., au titre du préjudice d'affection la somme de 40 000 euros ;

- à Mme C... J... :

au titre du préjudice d'affection la somme de 40 000 euros ;

au titre du préjudice économique la somme de 15 196,64 euros ;

- à Mme E... J... :

au titre du préjudice d'affection la somme de 30 000 euros ;

au titre du préjudice économique résultant de la perte de revenus la somme de 1 483 123, 24 euros ;

au titre des frais d'obsèques la somme de 8 661 euros ;

au titre des frais de médecin recours la somme de 720 euros ;

- à la succession de feu Eric J... :

au titre du pretium doloris, la somme de 4 000 euros ;

au titre du préjudice d'angoisse de l'imminence du décès : 40 000 euros ;

3°) compte tenu des conclusions du centre hospitalier, de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer à minima :

- à Mme E... J... la somme globale de 264 719,25 euros ;

- à Mme C... J... la somme globale de 58 687,33 euros ;

- à M. G... J... la somme globale de 49 200 euros ;

- aux requérants la somme de 44 000 euros au titre des préjudices subis par feu Eric J... (préjudice successoral) ;

A titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer :

1°) à Mme E... J... la somme globale de 235 306 euros ;

2°) à Mme C... J... la somme globale de 52 166,51 euros ;

3°) à M. G... J... la somme globale de 43 273, 33 euros ;

4°) aux requérants la somme de 44 000 euros au titre des préjudices subis par feu Eric J... (préjudice successoral) ;

A titre infiniment subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer :

1°) à Mme E... J... la somme globale de 179 609 euros ;

2°) à Mme C... J... la somme globale de 49 720,95 euros ;

3°) à M. G... J... la somme globale de 43 273, 33 euros ;

4°) aux requérants la somme de 44 000 euros au titre des préjudices subis par feu Eric J... (préjudice successoral) ;

En tout état de cause :

1°) d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts ;

2°) d'assortir la condamnation d'une astreinte ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Manosque la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Par un jugement n° 1904060 du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Manosque à payer à la succession de M. A... J... la somme de 6 200 euros dont il y a lieu de déduire la provision de 6 200 euros allouée par arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 1er octobre 2020, à Mme E... J... la somme globale de 329 369,78 euros dont il y a lieu de déduire une provision de 20 000 euros, à Mme C... J... la somme de 27 112,48 euros sous déduction d'une provision de 5 200 euros et à M. G... J... la somme de 11 700 euros dont sous déduction d'une provision de 5 200 euros, le solde de ces sommes portant intérêts avec capitalisation de ceux-ci et déclaré le jugement commun à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 janvier 2021, Mme E... J..., Mme C... J... et M. G... J..., représentés par Me Carillo, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant que le tribunal n'a pas fait droit à la totalité de leur requête ;

2°) d'ordonner avant dire-droit la désignation d'un expert-comptable afin d'évaluer leur préjudice économique ;

3°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer, en réparation de leur préjudice d'affection :

- à Mme E... J... la somme de 30 000 euros ;

- à M. G... J... en son nom propre et en qualité d'ayant-droit de ses

ascendants la somme de 40 000 euros ;

- à Mme C... J... en son nom propre et en qualité d'ayant-droit de ses ascendants la somme de 40 000 euros ;

- aux requérants la somme de 44 000 euros au titre des préjudices subis par feu Eric J... (préjudice successoral) ;

4°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer :

- à Mme E... J... la somme de 8 661 euros au titre des frais d'obsèques et celle de 720 euros au titre des frais de médecin recours ;

- aux requérants, la somme de 4 000 euros, au titre des souffrances endurées par feu Eric J..., celle de 40 000 euros au titre du préjudice d'angoisse de mort imminente subi par feu Eric J... ;

5°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer, en réparation de leur préjudice économique :

- à Mme E... J... la somme de 384 612,21 euros ;

- à Mme C... J... la somme de 66 565,57 euros ;

- à M. G... J... la somme de 49 200,00 euros ;

6°) le tout sous déduction :

- des sommes provisionnelles allouées par ordonnance de référé de la cour

administrative d'appel de Marseille du 1er octobre 2020 et non encore exécutées par le centre hospitalier de Manosque (6 200 euros aux ayants droit de feu Eric J... ; 20 000 euros à Mme E... J... ; 5 200 euros à Mme C... J... ; 5 200 euros à M. G... J... ; 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative) ;

- des condamnations mises à la charge du centre hospitalier de Manosque par le tribunal administratif de Marseille et exécutées le 30 décembre 2020 (334 437,20 euros pour Mme E... J... ; 21 912,48 euros pour Mme C... J... ; 6 500 euros pour M. G... J...) ;

7°) avec intérêts au taux légal et leur capitalisation à compter de la date de la requête du 7 mai 2019 ;

8°) de condamner le centre hospitalier de Manosque à payer :

- les entiers dépens ;

- la somme de 4 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

1°) une expertise judiciaire avant dire droit sur leur préjudice économique est nécessaire;

2°) le jugement entrepris a parfaitement retenu, une faute de l'établissement hospitalier, à l'origine d'un retard de prise en charge, de nature à engager sa responsabilité, ainsi que la perte de chance de survie de la victime évalué au taux de 90 % ;

3°) le tribunal a insuffisamment évaluer le préjudice d'affection ; les préjudices extrapatrimoniaux des victimes indirectes doivent être ainsi évalués :

- Préjudice d'affection Madame E... J... : 30 000 euros ;

- Préjudice d'affection Monsieur G... J... : 40 000 euros ;

- Préjudice d'affection Mme C... J... : 40 000 euros ;

Par voie successorale :

- Souffrances endurées par le défunt avant son décès : 4 000 euros ;

- Préjudice d'angoisse de mort imminente : 40 000 euros ;

4°) le tribunal a insuffisamment évaluer leur perte de revenus ; la rémunération du gérant étant liée à l'activité de la société Gaia Technologie dont le défunt était le gérant, celle-ci peut s'établir une moyenne des deux résultats depuis sa création obtenue de la façon suivante: 48 964 + 52 729 / 2 = 50 846,5 euros arrondi à 50 847 euros, selon le rapport d'expertise IXI produit, soit 139,31 euros par jour ; il conviendra ainsi de réformer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu un revenu annuel moyen du foyer, limité aux seuls revenus du défunt à la somme de 45 561 euros ;

5°) concernant la détermination du préjudice économique subi sur la période allant du lendemain du décès (3 janvier 2017) jusqu'au 25 ans de Mme C... J..., fille du défunt (27 juillet 2019), il doit être évalué à : 69 462,24 euros ;

6°) concernant la détermination du préjudice économique subi sur la période allant du 28 juillet 2019 (lendemain des 25 ans d'Agathe) au 19 mars 2027 correspondant au 67 ans du défunt et donc du départ à la retraite, il doit être évalué à :

- pertes de gains professionnels futurs (PGPF) échues au jour du jugement (23 novembre 2020), soit du 28 juillet 2019 (lendemain des 25 ans d'Agathe) au 23 novembre 2020 (jour du jugement) soit 485 jours : 32 230,99 euros ;

- pertes de gains professionnels futurs à échoir soit du 24 novembre 2020 (lendemain du jugement) au 19 mars 2027 (date théorique de départ à la retraite du défunt) : 152 974,88 euros ;

7°) s'agissant de la détermination du préjudice économique sur la période du 19 mars 2027 (retraite à taux plein de M. J...) au 7 octobre 2030 (retraite à taux

plein de Mme J...) elle doit être évaluée à : 19 944,83 euros ;

8°) le préjudice économique à compter du 7 octobre 2030 s'élève à 61 353,52 euros ;

9°) compte tenu de tout ce qui précède, après application du taux de perte de chance de 90 %, le préjudice économique est de :

- s'agissant de celui de Mme K... J... : 335 969,30 euros ;

- s'agissant de celui de Mme C... J... : 17 365,56 euros ;

10°) s'agissant de l'actualisation de l'indemnité à verser au 1er janvier 2021, le préjudice des ayants droit doit être versé sous forme d'un capital constitutif de la rente annuelle perdue à compter du jour du fait dommageable ; le capital à allouer aurait dû être versé au jour du décès de M. J..., soit le 2 janvier 2017 ; il convient donc d'actualiser le préjudice à indemniser à Mme E... J... et à sa fille C... J... au jour où elles percevront effectivement cette indemnité ; par simplification, il convient d'actualiser la rente annuelle perdue au 1er janvier 2021, soit quatre années après le décès de M. J... ; pour calculer les intérêts qu'aurait produit ce capital à indemniser, il convient de se référer au taux d'intérêt utilisé dans la table de capitalisation de la Gazette du Palais, soit 0,3 % et avec capitalisation annuelle des intérêts :

- capital revenant à Mme E... J... le 2 janvier 2017 après application du taux de perte de chance de 90 % : 335 969, 30 euros ;

- intérêts dus au 1er janvier 2021 : 1 007,91 euros (335 969,30 x 0,3 %) ;

- capital revenant à Mme C... J... le 2 janvier2017 après application du taux de perte de chance de 90 % : 17 365,56 euros ; - intérêts dus au 1er janvier 2021 : 52,10 euros (17 365,56 x 0,3 %) ;

- capital global actualisé au 1er janvier 2021 : 354 394,87 euros (dont 353 334,86 euros de principal et 1 060 euros d'intérêts).

Par un mémoire en défense enregistré le 31 janvier 2022, le centre hospitalier de Manosque, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de l'appel des consorts J....

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Le 28 janvier 2021, la procédure a été communiquée à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes qui n'a pas présenté de conclusions.

Par ordonnance du 18 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 7 février 2022.

Le 25 octobre 2022, un mémoire a été enregistré pour les consorts J..., qui n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D... I...,

- les conclusions de M. Allan Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Carillo, représentant les consorts J....

Le 10 novembre, une note en délibéré a été enregistrée pour les consorts J... qui n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... J..., alors âgé de 56 ans, a été victime, dans la soirée du 30 décembre 2016, de douleurs thoraciques importantes accompagnées de sueurs et d'une pâleur. Il a été transporté aux urgences du centre hospitalier de Manosque où il est arrivé aux alentours de 20h25. Après examen et réalisation d'un électrocardiogramme, un diagnostic d'anxiété et de gastrite a été posé et M. J... a été invité à regagner son domicile. Ses douleurs ne cessant pas, M. J... a été conduit de nouveau par son épouse aux urgences du centre hospitalier de Manosque où il est arrivé, pour la seconde fois, le 2 janvier 2017 à 11 h 30. Un scanner angio-thoracique réalisé à 17h20 a révélé une dissection aortique de type 1 de De Bakey sur anévrisme de l'aorte ascendante. Un transfert par hélicoptère vers le centre hospitalier de la Timone à Marseille a été organisé pour prise en charge chirurgicale en urgence mais, en dépit d'une tentative de réanimation, M. J... est décédé, au cours dudit transfert, à 20h10, des suites d'une tamponnade, c'est-à-dire une compression des cavités cardiaques liée à la rupture aortique sur dissection dont il était atteint.

2. Une expertise amiable a été réalisée par le Dr F..., mandaté par l'assureur du centre hospitalier de Manosque, lequel a rendu un rapport le 24 octobre 2017. Mme E... J..., l'épouse de la victime, ainsi qu'Agathe et Clément J..., ses enfants, ont porté plainte avec constitution de partie civile le 13 mai 2018 contre le centre hospitalier de Manosque. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2019, les requérants ont sollicité auprès du centre hospitalier de Manosque, l'indemnisation de leurs préjudices. Le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Digne-les-Bains a désigné le Dr B..., chirurgien thoracique et cardiovasculaire, en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport d'expertise le 24 avril 2019.

3. Mme E... H... épouse J..., Mme C... J... et M. G... J..., enfants du défunt, agissant en leur nom propre et en qualité d'ayants droit de feu M. A... J..., ayant demandé la condamnation le centre hospitalier de Manosque à leur verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, des indemnités provisionnelles d'un montant total de 120 000 euros en réparation des préjudices d'affection et extrapatrimoniaux qui ont résulté du décès de leur mari et père, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, par ordonnance n° 1904059 du 17 octobre 2019, rejeté leur demande. Saisi sur appel des consorts J..., la cour administrative de Marseille a, par ordonnance n° 19MA04677 du 1er octobre 2020, condamné le centre hospitalier de Manosque à verser, à titre provisionnel, à la succession de feu M. A... J... la somme de 6 200 euros, à Mme E... J... la somme de 20 000 euros et à Clément et Agathe J..., à chacun, la somme de 5 200 euros.

4. Par jugement du 23 novembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Manosque à payer, sous déduction des provisions accordées, à la succession de M. A... J... la somme de 6 200 euros, à Mme E... J... la somme de 329 369,78 euros, à Mme C... J... la somme de 27 112,48 euros et à M. G... J... la somme de 11 700 euros. Les consorts J... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait intégralement droit à leurs demandes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Les premiers juges ont considéré, et il n'est pas contesté par les parties devant la cour, que le centre hospitalier de Manosque a commis une faute à l'origine d'un retard de prise en charge qui a privé Eric J... de chances de survie dont le taux de perte est évalué à 90 %.

En ce qui concerne les préjudices éprouvés par feu M. A... J... avant son décès (préjudice successoral) :

6. En application de l'article 724 du code civil, le droit à réparation d'un dommage est transmis aux héritiers même si la victime décède avant d'avoir introduit une action en réparation. Chaque héritier a, dès lors, qualité, le cas échéant sans le concours des autres indivisaires, pour exercer l'action indemnitaire tendant à obtenir, au bénéfice de la succession, la réparation du préjudice subi par la victime intermédiaire avant son décès.

7. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les souffrances physiques et morales endurées par M. A... J..., du fait du retard dans une prise en charge adéquate dont il a été victime, ont été évaluées par le Dr F..., médecin expert, à 2/7. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce chef de préjudice subi par M. A... J... du fait du retard de prise en charge, en l'évaluant à la somme globale de 6 200 euros après application du taux de perte de chance.

8. En second lieu, le droit à la réparation du préjudice résultant pour la victime de la douleur morale qu'elle a éprouvée du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite en raison d'une faute du service public hospitalier dans la mise en œuvre ou l'administration des soins qui lui ont été donnés, constitue un droit entré dans son patrimoine avant son décès qui peut être transmis à ses héritiers. En l'espèce, il résulte de l'instruction que M. A... J... qui n'est ni subitement décédé, ni tombé rapidement dans le coma après sa réadmission, a également subi un préjudice né de la douleur morale causée par la conscience de sa mort imminente, distincte des souffrances endurées précitées, à la suite de sa réadmission à l'hôpital de Manosque pour être évacué vers l'hôpital de Marseille en hélicoptère et mourir pendant ce transfert. Dès lors, resté conscient jusqu'à son arrêt cardio-respiratoire, il a, contrairement à ce qu'ont estimé à tort les premiers juges, nécessairement eu conscience du caractère imminent de ce décès. Ce chef de préjudice d'anxiété subi par M. A... J... doit être évalué à la somme de 18 000 euros après application du taux de perte de chance.

En ce qui concerne les préjudices éprouvés par Mme E... J..., Mme C... J... et M. G... J... :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

9. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation du préjudice d'affection subi par Mme J..., épouse de M. A... J..., en l'évaluant à la somme de 22 500 euros, ou de celui subi par les enfants de M. A... J... en l'évaluant à la somme de 5 850 euros chacun après application du taux de perte de chance.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

10. En l'état du dossier, la cour n'étant pas en mesure d'apprécier la teneur du préjudice économique subi par chacun des proches de feu M. A... J... du fait de la disparition de celui-ci, il y a lieu, en application de l'article R. 621-1 du code de justice administrative, d'ordonner une expertise dans les conditions qui seront précisées dans le dispositif du présent arrêt.

Sur la déclaration d'arrêt commun :

11. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes qui, régulièrement mise en cause dans la présente instance, n'a pas produit de mémoire.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 6 200 euros mentionnée à l'article 1er du jugement n° 1904060 rendu le 23 novembre 2020 par le tribunal administratif de Marseille est portée à 24 200 euros.

Article 2 : Concernant le préjudice économique des consorts J..., il sera procédé à une expertise comptable au contradictoire de Mme E... K... J..., Mme C... J... et M. G... J..., du centre hospitalier de Manosque et de la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, leurs conseils convoqués et entendus, par un expert-comptable, avec mission pour l'expert de :

1°) se faire communiquer par les parties tous les éléments utiles à sa mission et notamment tous éléments financiers et comptables de l'entreprise de feu Eric J... ;

2°) prendre connaissance des rapports d'expertise-comptable qui seront produits par les parties et se livrer à leur analyse critique ;

3°) évaluer les perspectives de revenus qui auraient pu être générés par l'activité de feu Eric J..., compte tenu des perspectives de son entreprise, jusqu'à l'âge théorique d'admission à la retraite de celui-ci, puis à compter de l'âge auquel il aurait été admis à la retraite jusqu'à l'âge théorique qu'il aurait pu atteindre compte tenu de son espérance de vie, le tout année par année.

Article 3 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour. Il déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires et en notifiera copie aux parties dans le délai fixé par la présidente de la cour dans sa décision la désignant.

Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 5 : Le surplus des conclusions indemnitaires concernant les préjudices autres que relatifs à leur préjudice économique formulées par les consorts J... sont rejetées.

Article 6 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 7 : Le jugement n° 1904060 rendu le 23 novembre 2020 par le tribunal administratif de Marseille est annulé en ce qu'il a contraire au présent arrêt.

Article 8 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... J..., Mme C... J... et M. G... J..., au centre hospitalier de Manosque et à la caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2022, où siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 novembre 2022.

N° 21MA00341 2

cm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00341
Date de la décision : 25/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01-01-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier. - Existence d'une faute. - Retards.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL MARCHESSAUX CONCA CARILLO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-25;21ma00341 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award