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08/12/2022 | FRANCE | N°20MA04407

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 08 décembre 2022, 20MA04407


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... D... et Mme K... A..., ont demandé, d'une part, au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Mme D..., en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure E... D..., la somme provisionnelle de 1 200 000 euros ou, à défaut, une rente provisionnelle de 20 000 euros M... an jusqu'aux 18 ans de E... D... ou jusqu'à la notification du jugement en liquidation des préjudi

ces, ainsi qu'une rente annuelle provisionnelle de 197 760 euros en réparat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I... D... et Mme K... A..., ont demandé, d'une part, au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) à verser à Mme D..., en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure E... D..., la somme provisionnelle de 1 200 000 euros ou, à défaut, une rente provisionnelle de 20 000 euros M... an jusqu'aux 18 ans de E... D... ou jusqu'à la notification du jugement en liquidation des préjudices, ainsi qu'une rente annuelle provisionnelle de 197 760 euros en réparation des préjudices subis. Elles ont demandé, d'autre part, au tribunal de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D... la somme provisionnelle de 95 000 euros et à Mme A... la somme provisionnelle de 40 000 euros en réparation des préjudices subis.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme a demandé au tribunal de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à lui payer la somme, à parfaire, de 9 832,80 euros au titre de ses débours, et la somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

M... un jugement n° 1803374 du 28 septembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a :

- condamné solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D..., en sa qualité de représentante légale de E... D..., la somme de 122 531,72 euros et une rente trimestrielle de 1 000 euros relatives aux préjudices personnels de l'enfant, de la date du jugement jusqu'aux 18 ans de l'enfant ou jusqu'à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, et une somme provisionnelle de 400 000 euros à valoir sur l'indemnisation des préjudices permanents de l'enfant ;

- condamné solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D..., à compter de la date du jugement et jusqu'aux dix-huit ans de l'enfant ou jusqu'à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, M... trimestre échu, une rente au titre des frais liés à l'assistance d'une tierce personne d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de E... D..., déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 336 euros ;

- condamné solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D... une somme de 30 532 euros et à Mme A... une somme de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de leurs préjudices personnels ;

- condamné solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à la caisse primaire centrale d'assurance maladie du Puy-de-Dôme une somme de 9 382,80 euros, au titre des débours, ainsi qu'une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- mis les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme totale de 2 880 euros à la charge du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM.

Procédure devant la cour :

M... une requête et des mémoires enregistrés les 27 novembre 2020, 22 décembre 2020, 18 mars 2021, 4 juin 2021 et 7 octobre 2022, le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés M... Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de ramener les indemnités octroyées à Mme D... et à Mme A... à de plus justes proportions ;

3°) de rejeter l'appel incident présenté M... Mme D... et Mme A....

Ils soutiennent que :

1°) sur la régularité du jugement, le jugement est insuffisamment motivé au regard des moyens dont le tribunal était saisi ;

2°) sur la recevabilité des demandes :

- celles formées M... les consorts D... et A... qui excèdent celles présentées en première instance, dès lors qu'elles sont nouvelles, dans la proportion qui excède le montant demandé en première instance, sont M... suite, irrecevables ;

- la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme de porter le montant de ses débours à la somme de 272 038,22 euros est irrecevable et est en tout état de cause infondée ;

3°) sur le bien-fondé du jugement :

- c'est à tort que le tribunal a alloué, outre une rentre trimestrielle de 1 000 euros jusqu'aux 18 ans de l'enfant ou jusqu'à sa consolidation si celle-ci est antérieure, une somme provisionnelle de 400 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent dont restera atteinte E... L... ;

- c'est également a` tort que le tribunal a évalué´ les besoins en assistance M... une tierce personne a` 6 heures M... jour jusqu'a` la date du jugement, y compris durant les premie`res anne´es de vie ;

- le tribunal a fait une évaluation excessive du préjudice en évaluant les besoins en assistance M... une tierce personne, a` compter du 28 septembre 2020, a` 24 heures M... jour en raison de la nécessité d'une surveillance constante ;

- le tribunal a commis une erreur en indemnisant le besoin d'assistance M... une tierce personne à compter du jugement attaqué en fonction d'un taux quotidien dû au prorata du nombre de nuits que l'enfant aura passé au domicile et non en fonction du nombre d'heures passées au domicile M... l'enfant ;

- les taux horaires retenus de 13 euros et de 14 euros sont injustifiés ; ils doivent tenir compte de l'ensemble des avantages, déductions, exonérations sociales et fiscales dont bénéficient la victime et les aidants ; l'indemnité due ne saurait être calculée sur un salaire majoré des cotisations dues M... l'employeur dès lors que ces charges patronales ne sont pas dues ;

- en ne prévoyant la suspension de la rente qu'en cas de placement supérieur à 45 jours dans un établissement hospitalier ou spécialisé, le tribunal administratif a méconnu le principe de la réparation intégrale ;

- les demandes incidentes présentées M... Mmes D... et A... sont infondées.

M... des mémoires en défense enregistrés les 27 janvier 2021, 1er juillet 2022 et 13 octobre 2022, Mme I... D... et Mme K... A..., représentées M... la SELARL Lelièvre Saint-Pierre, agissant M... Me Saint-Pierre, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de rejeter la requête du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM ;

2°) de confirmer le jugement en ce que le tribunal administratif a condamné solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D... la somme provisionnelle de 400 000 euros au titre des préjudices personnels subis M... E... D..., sous réserve que cette condamnation soit prononcée au profit de Mme D... et de Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de E... L... ;

3°) M... la voie de l'appel incident :

- de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D... et à Mme A... la somme provisionnelle de 55 356,76 euros au titre des frais de re´paration du ve´hicule adapte´, une rente provisionnelle annuelle de 8 536 euros au titre du coût annuel de renouvellement et d'entretien du véhicule ; la somme provisionnelle de 712 877,22 euros au titre des frais de logement adapté, la somme provisionnelle de 275 677,44 euros au titre d'une rente d'assistance M... une tierce personne à verser mensuellement au moins jusqu'au 28 février 2035, la somme de 1 654 064,64 euros au titre des arre´rages de la rente d'assistance M... une tierce personne, la somme de 62 345 euros au titre des aides techniques et consommables, outre une rente provisionnelle annuelle indexée de 12 253 euros et la somme de 16 902 euros au titre des frais d'assistance à expertise engagés ;

- de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D... la somme de 10 000 euros au titre des frais de déplacements, la somme de 45 000 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels et la somme de 40 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement ;

- de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme A... une somme provisionnelle de 40 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement ;

- d'assortir les condamnations au versement de rentes d'une astreinte de 100 euros M... jour de retard et M... rente ;

- d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2018, avec capitalisation de ces intérêts ;

4°) de mettre les dépens à la charge définitive du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM ;

5°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM la somme totale de 25 000 euros à verser à Mme D... et la somme de 5 000 euros à verser à Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- depuis le 30 juin 2020, Mme A... est également investie de l'autorité parentale sur E... L... et agit donc, au même titre que Mme D..., en son nom personnel et en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure ;

- la faute médicale commise M... le centre hospitalier de Manosque, qui n'est pas contestée en appel, est établie ;

- le besoin d'assistance M... une tierce personne 24 heures M... jour à compter du 28 septembre 2020 est justifié ; le jugement doit cependant être réformé en tant qu'il n'a retenu qu'un besoin évalué à six heures M... jour avant cette date ; le coût horaire moyen à retenir est de 27,88 euros ; le crédit d'impôt perçu M... les parents de E... ne saurait venir s'imputer sur l'indemnisation de l'assistance M... une tierce personne versée à E... ;

- une provision doit être versée à Mme D... en raison des frais médicaux et de déplacements, des pertes de gains professionnels actuels et du préjudice d'accompagnement subis depuis la naissance de sa fille ;

- une provision doit être allouée à Mme A... qui a subi un préjudice d'accompagnement ;

- une somme provisionnelle doit également être allouée au titre des frais liés à l'adaptation du logement et à l'entretien du véhicule aménagé pour le transport de leur fille.

M... trois mémoires en défense enregistrés les 25 février 2021, 29 avril 2021 et 26 juillet 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, représentée M... Me Martha, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement en portant le montant des débours mis à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM à la somme, à parfaire, de 272 038,22 euros, assortie des intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir, et le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion à la somme de 1 114 euros ;

2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM les dépens et une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande d'actualisation de sa créance provisoire n'est pas une demande nouvelle en appel et est recevable ;

- elle a droit, au vu de l'attestation d'imputabilité du médecin conseil suffisamment probante, au remboursement des frais médicaux exposés pour le compte de l'assuré social à la hauteur de 272 038,22 euros.

Deux mémoires ont été enregistrés les 9 novembre 2021 et 7 décembre 2021 pour Mme D... et Mme A... qui n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté interministériel du 30 décembre 2021 relatif au tarif minimal mentionné au I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles et fixant son montant pour 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné M. Taormina, président-assesseur de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. H...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Demailly, représentant le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles et de Me Saint-Pierre, représentant Mme D... et Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... a été admise au centre hospitalier de Manosque le 26 février 2017 à 10h30 pour fissuration prématurée des membranes. Le travail a été déclenché le 28 février avec mise en place d'un dispositif à libération prolongée de Prostaglandines. E... L... est née à 19h15 en état de mort apparente, présentant à la naissance une encéphalopathie hypoxique ischémique et une acidose métabolique sévère. Son état nécessitant une réanimation néonatale, l'enfant a été intubée et transférée à l'hôpital de la Conception à Marseille où elle a été hospitalisée jusqu'au 21 avril 2017. E... L... étant demeurée lourdement affectée de troubles du développement moteur et cognitif sévères, Mme D... a présenté au centre hospitalier de Manosque, M... une lettre du 30 mars 2018, réceptionnée le 4 avril suivant, une réclamation préalable tendant à la réparation des préjudices résultant de la prise en charge fautive de son accouchement. Mme D... et son épouse, Mme A..., ont, M... ailleurs, obtenu, M... une ordonnance n° 1802865 du juge des référés du tribunal en date du 13 mars 2019, la désignation du professeur J..., gynécologue-obstétricien, et du professeur C..., neuro-pédiatre, en qualité d'experts qui ont remis leur rapport le 13 février 2020.

2. Mme D..., en sa qualité de représentante légale de E... L... et en son nom propre, et Mme A... ayant demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et son assureur, la Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles, à les indemniser des préjudices qu'elles estiment avoir subis, le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles relèvent appel du jugement n° 1803374 du 28 septembre 2020 M... lequel le tribunal les a solidairement condamnés, d'une part, à indemniser Mme D... et Mme A... des préjudices résultant de la prise en charge fautive de l'accouchement de Mme D..., ainsi que des troubles cérébraux et épileptiques dont souffre leur enfant E... L... depuis sa naissance, d'autre part, à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme une somme de 9 382,80 euros au titre des débours et une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. M... la voie de l'appel incident, Mme D... et Mme A..., agissant tant leur nom personnel qu'en leur qualité de représentantes légales de leur enfant mineur E... L..., demandent une meilleure indemnisation de leurs préjudices et la CPAM du Puy-de-Dôme sollicite un remboursement de ses débours à hauteur de 272 038,22 euros et le versement d'une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement attaqué, soulevé M... le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles dans leur mémoire introductif d'instance et non repris dans leurs écritures ultérieures, n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, pour ce motif, être écarté.

Sur les fins de non-recevoir opposées M... le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles :

4. La victime peut, si le juge administratif est déjà saisi M... elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces dommages devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue M... la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance. Mme D... et Mme A... sont M... conséquent recevables à demander devant la cour le versement des sommes correspondant aux coûts liés à l'achat d'un véhicule et à la construction d'un logement adaptés au handicap de E... et à l'acquisition des aides techniques et consommables. Ces préjudices, qui ressortent notamment du rapport d'expertise de l'ergothérapeute du 27 août 2022 et qui ont pu être révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance, se rattachent au même fait générateur que celui invoqué dans la demande indemnitaire préalable et n'aboutissent pas, en tout état de cause, à excéder le montant total de l'indemnité chiffrée en première instance. Il en va de même des frais d'assistance à expertise sollicités. M... suite, la fin de non-recevoir opposée en défense M... le centre hospitalier et la société hospitalière d'assurances mutuelles s'agissant de l'invocation, pour la première fois en appel, de ces nouveaux chefs de préjudice, doit être écartée.

5. Lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel de cette dernière, la caisse d'assurance maladie appelée en cause M... la cour administrative d'appel ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement. En l'espèce, si les débours de la CPAM du Puy-de-Dôme imputables à la faute de l'établissement s'élèvent à 272 038,22 euros, ce montant excède le montant de l'indemnité sollicitée M... la CPAM en première instance, sans que l'augmentation des prétentions présentées en appel M... rapport à cette indemnité résulte d'éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement. A cet égard, le remboursement des dépenses de santé exposées jusqu'au 17 avril 2020, que la caisse demande pour la première fois en appel, pouvait être demandé au tribunal et ne saurait être regardé comme une demande relative à des frais exposés postérieurement au jugement attaqué. M... suite, il y a lieu de faire droit à la fin de non-recevoir opposée M... le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles, tirée de l'irrecevabilité de sa demande de remboursement de ses débours présentée pour la première fois en appel. M... voie de conséquence, les conclusions de la caisse relatives à la majoration de l'indemnité forfaitaire de gestion doivent être rejetées.

Sur la responsabilité :

6. Le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles précisent qu'elles ne contestent pas leur responsabilité dans la prise en charge fautive de l'accouchement de Mme D..., ayant donné lieu aux graves lésions cérébrales et à l'épilepsie séquellaire dont souffre E... L... depuis sa naissance. Elles soutiennent en revanche que certaines indemnités allouées à Mme D... et Mme A... sont infondées ou doivent être ramenées à de plus justes proportions.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices de E... L... :

S'agissant des préjudices à caractère personnel définitifs :

7. Les premiers juges ont fait une estimation satisfaisante de la réparation du déficit fonctionnel temporaire allant de la naissance de E... au 28 septembre 2020, date de lecture du jugement du tribunal, en l'évaluant à la somme, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, de 14 500 euros.

8. Les souffrances endurées M... E... ont été évaluées à 5 sur une échelle de 1 à 7. Les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante de ce poste de préjudice en en fixant la réparation à la somme de 15 500 euros, qui ne fait l'objet d'aucune contestation.

S'agissant des préjudices à caractère personnel futurs :

9. Il résulte de l'instruction que le tribunal a, M... le jugement attaqué, alloué à Mme D..., en sa qualité de représentante légale de E... L..., une rente trimestrielle de 1 000 euros, relative aux préjudices personnels futurs de l'enfant, à compter du 28 septembre 2020 jusqu'aux 18 ans de l'enfant ou jusqu'à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure. Cette rente, versée M... trimestre échu, doit être revalorisée annuellement M... application des coefficients prévus à l'article L. 413-17 du code de la sécurité sociale et peut, à la demande des parties, être révisée M... le juge en cas d'évolution de l'étendue du préjudice ou être remplacée M... une indemnisation en capital en cas de consolidation du préjudice.

10. M... ailleurs, une provision de 400 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent dont restera atteinte E... L... à ses dix-huit ans ou à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, et qui ne saurait être inférieur à 80 %, a également été allouée à l'intéressée, conformément au point 9 du jugement attaqué.

11. En se bornant à soutenir que ces indemnités sont excessives et qu'il n'y avait pas lieu d'ajouter à la rente trimestrielle une indemnité provisionnelle de 400 000 euros, le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles n'apportent pas de contestation sérieuse à l'indemnisation de ces préjudices. Dans ces conditions, les appelants ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient fait une évaluation excessive de ces préjudices, qu'il y a lieu de confirmer M... adoption des motifs retenus M... les premiers juges.

12. Enfin, il résulte de l'instruction que M... un jugement du 30 juin 2020, le tribunal judiciaire de Digne-les-Bains a prononcé l'adoption plénière de la jeune E... M... Mme A... qui est désormais investie de l'autorité parentale sur l'enfant. Il suit de là que Mme D... et Mme A... sont fondées à demander que l'indemnité provisionnelle de 400 000 euros évoquées aux points précédents, à laquelle le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles ont été solidairement condamnées à payer à Mme D... en vertu de l'article 2 du jugement attaqué, soit versée à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de leur enfant mineur.

S'agissant des frais d'assistance à tierce personne :

13. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, M... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues M... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié M... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée M... un membre de la famille ou un proche de la victime. D'autre part, si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si l'enfant handicapé sera placé dans une institution spécialisée ou hébergé au domicile de sa famille, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien au domicile familial, en précisant le mode de calcul de cette rente dont le montant doit dépendre du temps passé au domicile familial au cours du trimestre. Dans le cas d'un enfant pris en charge dans un établissement pendant la journée, sauf pendant les week-ends et les périodes de vacances scolaires, il est loisible au juge d'en tenir compte en faisant varier le montant de la rente en fonction du nombre d'heures pendant lesquelles il est hébergé au domicile familial, mais pas en décidant que seules les "heures nocturnes" seraient prises en compte pour la détermination de ce montant.

Quant à la période allant du 22 avril 2017 au 28 septembre 2020 :

14. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire du 10 février 2020 et du rapport d'expertise remis M... l'ergothérapeute le 27 août 2022 que le polyhandicap dont souffre E... L... depuis sa naissance le 28 février 2017, rend nécessaire l'assistance d'une tierce personne depuis son retour à domicile le 22 avril 2017. Il est notamment relevé sa complète dépendance pour tous les gestes de la vie courante, l'utilisation d'une sonde nasogastrique la première année ainsi que la fréquence de ses crises d'épilepsie, impliquant une surveillance permanente. Compte tenu de l'importance du handicap de l'enfant, les besoins en assistance M... tierce personne au cours des premières années de vie excédaient sensiblement ceux d'un nourrisson ou d'un enfant en bas âge. En revanche, il n'est pas établi qu'au cours de cette période, compte tenu des soins et de la surveillance permanente nécessités M... tout enfant du même âge, les besoins en assistance M... tierce personne de la jeune E..., bien que totalement dépendante pour tous les actes essentiels ou secondaires de la vie, auraient dû être déterminés à hauteur de 24 heures. Dans ces conditions et s'agissant des trois premières années de la vie de E..., les premiers juges ont fait une juste évaluation du besoin d'assistance d'une tierce personne en le fixant à 6 heures M... jour jusqu'au 28 septembre 2020.

15. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime M... une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée M... un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail. En l'espèce, pour déterminer les besoins d'assistance d'une tierce personne de E... sur la période allant du 22 avril 2017, correspondant à la date à laquelle celle-ci est rentrée à son domicile suite à son hospitalisation, au 28 septembre 2020, il doit être tenu compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés et d'un taux horaire pour une aide non spécialisée, tenant compte de l'exonération de charges patronales prévue à l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, de 13 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 22 avril 2017 et le 31 décembre 2017, et de 14 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 28 septembre 2020. Mme D... et Mme A... ne démontrent pas que le coût horaire de cette aide devrait être fixé à 27,88 euros, compte tenu des augmentations des salaires des employés du secteur associatif de l'aide et d'accompagnement à domicile depuis le 1er octobre 2021, soit une date postérieure à la période litigieuse. Les autres justificatifs produits, tels que des bulletins de paie de Mme D... et une étude de mai 2016 sur les prestations d'aide et d'accompagnement à domicile, sont également insuffisants pour établir que le coût horaire moyen devrait être au moins de 22,50 euros.

16. Les frais d'assistance à tierce personne s'élèvent ainsi sur cette période à la somme globale de 94 661,72 euros, déduction faite de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé (AEEH) et de son complément perçus du 1er juillet 2017 au 30 juin 2020, d'un montant total de 19 842 euros, de la prestation de compensation du handicap, non cumulable avec l'AEEH, versée à compter du 1er juillet 2020, soit la somme de 2 786,28 euros. Il résulte M... ailleurs de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise de l'ergothérapeute désigné M... le tribunal et des précisions apportées M... les intimées, que la jeune E... a été prise en charge M... un établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés, avant un retour le soir à son domicile. Il suit de là que la somme accordée à la jeune E... doit être due, non au prorata du nombre de nuits que l'enfant passe à son domicile, mais sous déduction du temps pendant lequel elle est prise en charge M... un établissement spécialisé ou un établissement hospitalier. Il doit ainsi être déduit, au titre de la période en cause, une somme de 79 euros, correspondant à cinq heures passées le 28 septembre 2020 dans un établissement pour enfants et adolescents polyhandicapés, et calculé à partir du taux horaire de 14 euros d'une aide non spécialisée sur la base d'une année de 412 jours. Enfin, Mme D... et Mme A... n'ont, ainsi qu'elles le justifient, pas perçu sur la période concernée le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. M... suite, il y a lieu de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la SHAM à verser à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de E... L..., la somme de 94 661,72 euros à ce titre.

Quant à la période allant du 29 septembre 2020 à la date de lecture du présent arrêt :

17. En ce qui concerne la période comprise entre le 29 septembre 2020, et le 8 décembre 2022, date de lecture du présent arrêt, le tribunal a fait une juste évaluation du besoin d'assistance d'une tierce personne en le fixant à 24 heures M... jour, compte tenu de la grave paralysie cérébrale dont souffre E..., dont le déficit fonctionnel permanent est évalué au moins à 80 %, et qui est insusceptible d'une évolution en amélioration.

18. Eu égard aux éléments exposés au point 15, il doit être tenu compte du salaire minimum interprofessionnel de croissance, augmenté des charges sociales, pour une année évaluée à 412 jours pour tenir compte des dimanches et jours fériés ainsi que des congés payés et d'un taux horaire pour une aide non spécialisée, tenant compte de l'exonération de charges patronales prévue à l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, de 14 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 28septembre 2020 et le 31 décembre 2020, de 15 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021. A partir du 1er janvier 2022 jusqu'au 8 décembre 2022, il doit être appliqué, pour une aide non spécialisée, le taux horaire de 22 euros fixé M... l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L .314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 23 décembre 2021, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés.

19. M... ailleurs, il résulte de l'attestation du centre Tony Laine du 20 septembre 2022 que E... L... a été prise en charge, au cours de cette période, M... un établissement spécialisé ou un établissement hospitalier pendant une durée de 248 jours à raison de 5 heures M... jour, représentant un total de 1 240 heures, soit un coût total à déduire de 24 206 euros, déterminé à partir des taux horaires applicables de 14 euros, 15 euros et 22 euros, d'une aide non spécialisée et d'une année de 412 jours.

20. Il suit de là que les frais d'assistance à tierce personne s'élèvent ainsi à la somme globale de 307 910,95 euros, déduction faite de la somme précitée de 24 206 euros, de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé (AEEH) et de son complément perçus de septembre 2020 à novembre 2022, d'un montant total de 3 496,45 euros, de la prestation de compensation du handicap versée entre le 1er septembre 2020 et le 1er septembre 2022, soit la somme de 24 914,60 euros et du crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts, versé en 2021 pour un montant total de 4 019 euros. M... suite, il y a lieu de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de E... L..., la somme de 307 910,95 euros à ce titre.

21. Il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable au titre des frais d'assistance à tierce personne sur la période du 22 avril 2017 à la date de lecture du présent arrêt s'élèvent à la somme totale de 402 572,67 euros.

Quant à la période postérieure au 8 décembre 2022 :

22. Il appartient aux juges du fond, en présence d'éléments rendant probable une évolution ultérieure du mode de prise en charge de la victime qui aurait pour conséquence de la décharger de tout ou partie de ses frais d'assistance M... une tierce personne, de prévoir que la rente accordée à ce titre sera, en pareil cas, suspendue ou réduite, sous le contrôle du juge de l'exécution de la décision fixant l'indemnisation. Ainsi, les premiers juges ont pu prévoir à bon droit, sans méconnaître le principe de réparation intégrale, et outre la possibilité de réduire le montant de la rente dans les conditions exposées aux points précédents, que le versement de la rente trimestrielle soit suspendu en cas de placement de l'enfant supérieur à 45 jours dans un établissement hospitalier ou spécialisé.

23. S'agissant de la période restant à courir à compter de la date de lecture du présent arrêt et jusqu'au 28 février 2035, date anniversaire des 18 ans de la victime ou jusqu'à la consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, la jeune E... aura besoin d'une aide quotidienne de 24 heures. En appliquant pour une aide non spécialisée le taux horaire de 22 euros fixé M... l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction issue de l'article 44 de la loi du 23 décembre 2021, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés, il convient de retenir une rente trimestrielle au taux quotidien de 528 euros. Cette rente sera revalorisée M... la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, d'une part, du temps pendant lequel E... est prise en charge M... un établissement spécialisé ou un établissement hospitalier, d'autre part, de la perception de l'allocation d'éducation d'enfant handicapé et de la prestation de compensation du handicap, dont il sera justifié chaque trimestre M... Mme D... ou Mme A..., ou sur présentation des justificatifs de non perception de cette aide. La réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que le contribuable puisse bénéficier du crédit d'impôt au titre des prestations de service assurées M... un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré. Le versement de la rente trimestrielle sera suspendu en cas de placement de l'enfant supérieur à 45 jours dans un établissement hospitalier ou spécialisé. Enfin, il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation de l'astreinte sollicitée M... Mme D... et Mme A....

En ce qui concerne les préjudices de Mme D... et de Mme A... :

S'agissant des pertes de revenus :

24. Il résulte de l'instruction que Mme D..., qui a exercé une activité d'agent de sécurité jusqu'à la fin du mois de juillet 2015, était sans emploi au moment de la naissance de sa fille le 28 février 2017. Elle a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi du 18 août 2015 au 22 février 2017. S'il est constant qu'elle a été contrainte de s'occuper de sa fille souffrant d'un grave handicap, elle n'établit pas qu'elle aurait perdu une chance sérieuse de reprendre une activité rémunérée et de percevoir, à l'avenir, des revenus correspondants à sa rémunération antérieure. M... ailleurs, si Mme D... a créé une entreprise dans le domaine de la maintenance de systèmes et d'applications informatiques à compter du mois d'octobre 2014, dont elle tirait un revenu mensuel moyen de l'ordre de 206 euros jusqu'au mois de février 2017, elle n'établit pas qu'elle aurait subi une perte de revenu à ce titre, alors qu'elle percevait, au vu des attestations de la caisse d'allocations familiales produites, le complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé versé en application de l'article R. 541-2 du code de la sécurité sociale, lequel prend en compte les conséquences de la situation de son enfant sur son activité professionnelle. M... suite, les conclusions présentées au titre de ce chef de préjudice doivent être rejetées.

S'agissant des frais de déplacement :

25. Si Mme D... sollicite le versement d'une somme provisionnelle de 10 000 euros représentant ses frais de déplacements pour amener sa fille aux rendez-vous médicaux quotidiens, elle n'apporte devant la cour aucun nouvel élément de nature à établir la réalité et l'ampleur de ce chef de préjudice. M... suite, et alors que le tribunal lui avait accordé une indemnité de 532 euros correspondant à quinze trajets pour se rendre au centre hospitalier de Manosque entre le 1er juin 2017 et le 29 février 2019, elle n'est pas fondée à demander l'indemnisation de ce préjudice à hauteur de la somme de 10 000 euros.

S'agissant des frais de logement adapté :

26. Il résulte de l'instruction, notamment des photographies produites, du rapport d'expertise de l'ergothérapeute du 27 août 2022 et de la note de synthèse de l'architecte du 8 août 2022 établis dans le cadre de l'expertise judiciaire ordonnée le 26 janvier 2022 M... le tribunal administratif de Marseille, que le logement actuellement occupé en location M... Mme D... et Mme A... est inadapté au handicap de l'enfant E.... Celui-ci est, en particulier, inaccessible à un fauteuil roulant. Il comporte deux niveaux séparés M... un escalier ainsi qu'une salle de bain aux espaces insuffisants. L'ergothérapeute et l'architecte soulignent l'importance des travaux à engager, rendant de ce fait très difficile la recherche d'un logement correspondant à leurs besoins dans le parc de logements sociaux ou privés, et privilégie le choix de construire un logement spécifiquement adapté au handicap de E.... La note de synthèse de l'architecte évalue le coût total de construction du logement adapté à la somme de 550 000 euros, et précise que le surcoût d'acquisition d'un tel logement au regard du prix d'acquisition d'un logement si l'enfant était en bonne santé s'élève à la somme de 250 000 euros. Dans ces circonstances, la décision de construction d'une maison prise M... Mme D... et Mme A..., qui ont signé un compromis d'achat d'un terrain à bâtir le 3 décembre 2021, doit être regardée comme imposée M... le handicap de E... et ouvre droit à une indemnisation couvrant l'intégralité du préjudice lié au coût total d'acquisition d'un logement adapté, terrain et construction compris. M... suite, et en l'état de l'instruction, il y a lieu d'allouer à Mme D... et Mme A... une somme provisionnelle de 250 000 euros à valoir sur le coût total d'acquisition de ce logement, terrain et construction compris.

S'agissant de l'achat d'un véhicule adapté :

27. D'une part, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise de l'ergothérapeute, que l'état de santé de E... rend nécessaire l'utilisation d'un véhicule adapté à son handicap. L'ergothérapeute relève que Mme D... et Mme A... possèdent un véhicule de type " Dacia Dokker ", acquis en 2020 pour pouvoir transporter le fauteuil roulant de E..., mais qui n'offre pas assez de volume de chargement et ne permet pas de transporter simultanément l'enfant, son fauteuil roulant et son déambulateur. Mme D... et Mme A... produisent un bon de commande du 14 juin 2022 ainsi qu'une facture réglée du 7 octobre 2022, concernant l'achat d'un véhicule plus grand, permettant de transporter leur fille et ranger ses équipements, d'un montant de 55 356,76 euros toutes taxes comprises. Cependant, celles-ci ne peuvent qu'être indemnisées des frais liés au surcoût d'acquisition d'un véhicule adapté à leurs besoins et des frais d'adaptation de ce véhicule et non du coût total d'acquisition de ce véhicule. A cet effet, il y a lieu d'indemniser au titre des frais de véhicule adapté le seul surcoût lié au décaissement arrière du nouveau véhicule, évalué, au vu du bon de commande, à la somme de 17 100 euros, permettant d'introduire une rampe pour fauteuil roulant dans la voiture décaissée et de faciliter le transport de E.... M... ailleurs, Mme D... et Mme A... précisent qu'elles entendent conserver le véhicule " Dacia Dokker ", destiné à remplacer leur véhicule " Peugeot 308 " d'une valeur vénale de 3 300 euros. Au vu des éléments produits M... les intimées, il sera donc fait une juste appréciation du préjudice résultant du surcoût d'acquisition d'un véhicule adapté en l'évaluant à la somme de 13 800 euros.

28. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise de l'ergothérapeute, que l'état de santé de E... L... nécessite l'acquisition et le renouvellement tous les dix ans d'un véhicule automobile adapté à son handicap. Compte tenu du surcoût d'acquisition d'un véhicule adapté au handicap de l'intéressée et des frais d'aménagement de celui-ci, il sera fait une juste appréciation du préjudice lié à l'achat et au renouvellement d'un tel véhicule en allouant à Mme D... et Mme A... une rente, qui ne fait l'objet d'aucune critique spécifique de la part du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles, d'un montant, déterminé M... l'expert, de 8 536 euros payable à terme échu tous les dix ans à compter du 7 octobre 2022, et indexée conformément aux coefficients de l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette condamnation de l'astreinte demandée.

S'agissant des aides techniques et consommables :

29. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise de l'ergothérapeute, que l'état de santé de E... L... nécessite l'acquisition et le renouvellement d'aides techniques, consistant notamment en des aides au positionnement, ainsi que l'achat de produits consommables tels que des protections, médicaments, seringues ou pommades. Pour la période allant jusqu'à la date de lecture de l'arrêt, le coût resté à la charge de Mme D... et Mme A... des aides techniques et des produits consommables est évalué, au vu des tableaux produits M... l'expert, aux sommes respectives de 31 847 euros et de 423,61 euros, après remboursement d'une partie des dépenses M... l'assurance maladie. Mme D... et Mme A... n'établissent pas que le coût des consommables devrait, pour la période échue, être déterminée à hauteur de 30 498 euros au lieu de 423,61 euros. Dans ces conditions et pour la période allant jusqu'à la date de lecture du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à la somme totale de 32 270,61 euros. Pour la période démarrant à compter de la date de lecture du présent arrêt et jusqu'aux dix-huit ans de l'enfant ou jusqu'à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, l'indemnisation de ce chef de préjudice M... le centre hospitalier de Manosque et la SHAM sera assurée M... le versement d'une rente annuelle de 12 253 euros, eu égard au coût annuel moyen des aides techniques et des consommables, évalués M... l'expert aux sommes respectives de 7 170 euros et de 5 083 euros. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

S'agissant des frais d'assistance à expertise :

30. Il résulte de l'instruction, en particulier des factures émises les 25 octobre 2019, 3 mai 2022, 11 juillet 2022 et 13 juillet 2022 M... le docteur F..., la société Réadapt'Expert Conseils et la société YBA, que celle-ci a exposé la somme totale de 11 000 euros au titre des frais d'assistance à expertise, qu'il y a donc lieu de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

S'agissant du préjudice d'accompagnement :

31. En condamnant solidairement le centre hospitalier de Manosque à indemniser Mme D... et Mme A... au titre du préjudice d'accompagnement subi, le tribunal, qui n'a pas fait mention, pour ce chef de préjudice, du versement d'une somme provisionnelle au titre de la période comprise entre la naissance de l'enfant et sa majorité, a entendu évaluer celui-ci à la date de lecture de son jugement. M... ailleurs, la réparation de ce préjudice n'a pas été insuffisamment évaluée M... le tribunal en allouant à Mme D... et à Mme A... la somme provisionnelle de 30 000 euros chacune. Il y a lieu, M... suite, de rejeter leur demande tendant à ce que cette somme soit portée à 40 000 euros chacune.

32. Il résulte de tout ce qui précède que les sommes auxquelles le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles doivent être condamnés solidairement à verser à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de leur enfant E... eu égard aux éléments exposés au point 12 et en leur nom personnel, doivent être portées à la somme globale de 489 643,28 euros. Celles-ci ont également droit, outre les sommes, déjà accordées M... le tribunal, de 30 000 euros chacune au titre du préjudice d'accompagnement, de 532 euros au titre des frais de déplacement de Mme D... et de 400 000 euros à titre de provision, au versement d'une somme provisionnelle de 250 000 euros au titre des frais de logement adapté. Il y a lieu également de condamner solidairement le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles à verser à Mme D... et Mme A..., outre la rente trimestrielle de 1 000 euros, déjà accordée M... le tribunal et relative aux préjudices personnels futurs de l'enfant, une rente au taux quotidien de 528 euros au titre des frais futurs d'assistance à tierce personne et deux rentes annuelles de 8 536 euros et de 12 253 euros au titre des frais futurs d'achat et de renouvellement d'un véhicule adapté et des aides techniques et consommables.

Sur les intérêts :

33. La somme de 489 643,28 euros mise à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles portera intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2018, date de réception de la demande indemnitaire préalable de Mme D... et Mme A.... Ces dernières sont, M... ailleurs, fondées à demander la capitalisation des intérêts à compter du 4 avril 2019, date à laquelle il était dû au moins une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

34. La somme de 250 000 euros portera intérêts à compter du 1er juillet 2022, date d'enregistrement du mémoire de Mme D... et Mme A... lors duquel ils ont été demandés pour la première fois. Ces intérêts seront capitalisés le 1er juillet 2023, date à laquelle il sera dû au moins une année d'intérêts.

35. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 28 septembre 2020 qui doit être réformé selon les motifs mentionnés ci-dessus.

Sur la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme :

36. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

37. Il y a lieu de laisser les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 880 euros, à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles, ainsi que l'a fait le tribunal administratif M... ordonnances du président du tribunal administratif de Marseille du 24 mars 2020.

38. M... ordonnance du 26 janvier 2022, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a désigné un collège d'experts chargé de procéder à une expertise médicale portant notamment sur un bilan complet en ergothérapie au domicile de E... L... et une étude sur les besoins en aménagement du logement induit M... son handicap, lesquelles ont été utiles à la résolution du litige indemnitaire porté devant la cour. Il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Manosque et de la SHAM les frais et honoraires de Mme B... et de M. G..., taxés et liquidés aux sommes respectives de 10 579,99 euros et de 5 887,45 euros toutes taxes comprises, selon les ordonnances de la première vice-présidente du tribunal du 16 novembre 2022.

39. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés M... Mme D... et Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées M... la CPAM du Puy-de-Dôme sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La somme de 122 531,72 euros que le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles ont été solidairement condamnés à verser à Mme D... M... le tribunal administratif de Marseille, à l'article 1er du jugement n° 1803374 du 28 septembre 2020, est portée à 489 643,28 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 4 avril 2018, avec capitalisation à compter du 4 avril 2019 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : La somme provisionnelle de 400 000 euros que le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles ont été solidairement condamnés à verser à Mme D... M... le tribunal administratif de Marseille, à l'article 2 du jugement n° 1803374 du 28 septembre 2020, sera versée à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de leur enfant E... L....

Article 3 : Le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont solidairement condamnés à verser à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de leur enfant E... L..., la somme provisionnelle de 250 000 euros au titre du coût d'acquisition d'un logement adapté, terrain et construction compris. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2022, avec capitalisation de ces intérêts à compter du 1er juillet 2023 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : Le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont solidairement condamnés à verser à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de leur enfant E... L..., à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu'aux dix-huit ans de l'enfant ou jusqu'à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, M... trimestre échu, une rente au titre des frais liés à l'assistance d'une tierce personne d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de l'enfant E... L..., déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 528 euros dans les conditions énoncées au point 23.

Article 5 : Le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont solidairement condamnés à verser à Mme D... et Mme A..., en leur qualité de représentantes légales de leur enfant E... D..., à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu'aux dix-huit ans de l'enfant ou jusqu'à la date de consolidation de son état de santé si celle-ci est antérieure, une rente d'un montant de 8 536 euros au titre des frais d'acquisition et de renouvellement tous les dix ans d'un véhicule automobile adapté au handicap de leur enfant et une rente d'un montant de 12 253 euros au titre du coût des aides techniques et produits consommables, dans les conditions énoncées aux points 28 et 29.

Article 6 : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme sont rejetées.

Article 7 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 880 euros M... ordonnances de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 24 mars 2020, sont laissés à la charge définitive du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Article 8 : Les frais d'expertise de Mme B... et de M. G..., taxés et liquidés aux sommes respectives de 10 579,99 euros et de 5 887,45 euros toutes taxes comprises M... ordonnances de la première vice-présidente du tribunal administratif de Marseille du 16 novembre 2022, sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Manosque et de la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Article 9 : Le jugement n° 1803374 rendu le 28 septembre 2020 M... le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 10 : Le centre hospitalier de Manosque et la société hospitalière d'assurances mutuelles sont condamnés solidairement à payer à Mme D... et Mme A... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 11 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Manosque, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à Mme I... D..., à Mme K... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 24 novembre 2022, où siégeaient :

- M. Taormina, président-assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public M... mise à disposition au greffe, le 8 décembre 2022.

2

N° 20MA04407


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04407
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. TAORMINA
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELARL LELIEVRE SAINT-PIERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-12-08;20ma04407 ?
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