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26/01/2023 | FRANCE | N°22MA01623

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 26 janvier 2023, 22MA01623


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) D3P a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801408 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi :

Par une requête et des mémoir

es, enregistrés le 12 juillet 2019, le 20 décembre 2019 et le 4 juin 2020, la SARL D3P, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) D3P a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801408 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour avant renvoi :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2019, le 20 décembre 2019 et le 4 juin 2020, la SARL D3P, représentée par Me Lafont, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 20 mai 2019 ;

2°) de prononcer décharge de l'imposition en litige et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'indemnité provisionnelle d'expropriation ne pouvait être rattachée qu'à l'exercice clos le 31 décembre 2012 ;

- selon la doctrine administrative référencée BOI-BIC-BASE-20-10, cette indemnité revêt le caractère d'une créance acquise dès lors qu'elle était certaine dans son principe et déterminée dans son montant dès l'exercice clos en 2012 ;

- la majoration pour manquement délibéré est par voie de conséquence infondée ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré est insuffisamment motivée ;

- la preuve d'un manquement délibéré n'est pas rapportée par l'administration fiscale ;

- l'application de la majoration n'est pas justifiée au regard de la doctrine administrative référencée BOI-CF-INF-10-20-20.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 novembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la SARL D3P ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 19MA03133 du 18 mars 2021, la Cour a rejeté la requête de la SARL D3P.

Par une décision n° 452 708 du 3 juin 2022, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la SARL D3P, annulé l'arrêt du 18 mars 2021 et renvoyé l'affaire à la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi :

Par des mémoires, enregistrés le 8 juillet 2022 et le 20 décembre 2022, la SARL D3P conclut aux mêmes fins que précédemment.

Par un mémoire, enregistré le 19 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut aux mêmes fins que précédemment.

Il fait valoir en outre, à titre subsidiaire, que la rectification doit être maintenue à hauteur de 1 395 000 euros en vertu du droit de compensation.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Ury, rapporteur public,

- et les observations de Me Lafont, représentant la SARL D3P, et de M. A..., inspecteur divisionnaire, représentant le ministre.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL D3P était en 2012 exploitante d'un restaurant discothèque à Lattes (Hérault). Par une ordonnance du juge de l'expropriation du tribunal de grande instance de Montpellier du 13 septembre 2012, la société concessionnaire Autoroutes du Sud de la France a obtenu l'expropriation de cette société pour la réalisation du dédoublement de l'autoroute A9. Par un jugement du 16 octobre 2012, le juge de l'expropriation a, dans le cadre de la procédure d'urgence prévue à l'article L. 15-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique alors applicable, fixé à 4 000 000 euros le montant de l'indemnité provisionnelle due par l'expropriant à la SARL D3P et autorisé celui-ci à prendre immédiatement possession des biens expropriés. Le montant définitif de l'indemnité d'expropriation a été fixé amiablement entre les parties à 5 195 000 euros par un accord intervenu le 10 avril 2013. La SARL D3P a déduit extra-comptablement le montant de cette indemnité du résultat imposable de son exercice clos le 31 décembre 2013, estimant qu'elle n'était pas imposable, et réintégré extra-comptablement la sortie de l'actif des biens objets de l'expropriation qu'elle avait constatée en comptabilisant une charge exceptionnelle, pour un montant de 1 229 804 euros. A l'issue d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a retenu le caractère imposable de cette indemnité d'expropriation à raison des plus-values professionnelles au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, sous déduction de la valeur nette comptable de 1 229 804 euros, soit une plus-value imposable de 3 965 196 euros. Elle a assorti le supplément d'impôt sur les sociétés en résultant de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue par l'article 1729 du code général des impôts. Par un jugement du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de la société tendant à la décharge de cette cotisation supplémentaire et des pénalités correspondantes. Par une décision du 3 juin 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé, sur le pourvoi de la SARL D3P, l'arrêt du 18 mars 2021 par lequel la Cour a rejeté la requête de la société et renvoyé à la Cour le jugement de l'affaire.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif soit en cours, soit en fin d'exploitation. 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes de l'article L. 15-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, alors en vigueur : " En cas d'urgence le juge peut soit fixer le montant des indemnités, comme il est dit aux articles L. 13-6 et R. 13-34, soit, s'il ne s'estime pas suffisamment éclairé, fixer le montant d'indemnités provisionnelles et autoriser l'expropriant à prendre possession moyennant le paiement ou, en cas d'obstacles au paiement, la consignation des indemnités fixées ". Aux termes de l'article L. 15-5, alors en vigueur, du même code : " La décision fixant le montant des indemnités provisionnelles ne peut être attaquée que par la voie de recours en cassation dans les formes et délais prévus à l'article L. 12-5. / Il est procédé, le cas échéant, et dans le délai d'un mois, à compter du jugement fixant les indemnités provisionnelles, à la fixation des indemnités définitives selon la procédure prévue aux articles L. 13-6, R. 13-30, R. 13-31, R. 13-32 et R. 13-34 sans qu'il y ait lieu, sauf décision expresse du juge, à un nouveau transport sur les lieux ".

3. Si l'indemnité d'expropriation accordée par le juge de l'expropriation dans le cadre de la procédure d'urgence prévue à l'article L. 15-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, aujourd'hui reprise à l'article L. 232-1 du même code, a un caractère provisionnel, cette circonstance, eu égard à la portée de la décision du juge de l'expropriation, est sans incidence sur le fait qu'il s'agit d'une créance acquise pour un montant déterminé à la date du jugement en ordonnant le paiement. Par conséquent, la SARL D3P est fondée à soutenir que l'indemnité provisionnelle de 4 000 000 euros fixée par la décision du juge de l'expropriation du 16 octobre 2012 ne pouvait être rattachée qu'à l'exercice clos le 31 décembre 2012. La circonstance que la créance correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité d'expropriation définitive et celui de l'indemnité provisionnelle n'a été certaine dans son principe et dans son montant qu'au cours de l'exercice suivant, au titre duquel la fraction d'indemnité correspondante doit être regardée comme un complément de prix, est sans incidence à cet égard. Ainsi, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL D3P, cette dernière est fondée à obtenir la réduction de la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013 de 4 000 000 euros, et ainsi, la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de cet exercice, et des pénalités correspondantes.

4. Il résulte de ce qui précède que seule la somme de 1 195 000 euros, correspondant à la différence entre le montant définitif de l'indemnité et le montant de l'indemnité provisionnelle, et non 1 395 000 euros, demeure imposable au titre de l'exercice clos en 2013 à raison de la fraction de l'indemnité d'expropriation perçue au cours de cet exercice. En l'absence de contestation de la déduction du résultat de cet exercice de la somme de 1 229 804 euros correspondant à la valeur nette comptable des actifs cédés, la demande du ministre tendant à la compensation doit être rejetée.

5. Il résulte de tout ce qui précède que SARL D3P est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier lui a refusé la décharge, en droits et pénalités, du supplément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SARL D3P de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E

Article 1er : La SARL D3P est déchargée de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, et des pénalités correspondantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 1801408 du 20 mai 2019 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à la SARL D3P une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL D3P est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée D3P et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 12 janvier 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 janvier 2023.

2

N° 22MA01623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01623
Date de la décision : 26/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-03 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations. - Pénalités pour manquement délibéré (ou mauvaise foi).


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : CABINET PLMC PUJOL LAFONT MARTY CASES PUGLIESE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-01-26;22ma01623 ?
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