La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/02/2023 | FRANCE | N°21MA02788

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 février 2023, 21MA02788


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Gautron,

rapporteur public,

- les observations de Me Bertrand-Hebrard représentant les consorts H... et I... et de Me Ouvrard ...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- les observations de Me Bertrand-Hebrard représentant les consorts H... et I... et de Me Ouvrard représentant le centre hospitalier de Hyères.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... I... a été admis aux urgences du centre hospitalier de Hyères le 29 juin 2008 en raison de la présence d'un os de lapin bloqué au niveau de l'oesophage. Une intervention chirurgicale sous anesthésie générale a été réalisée le soir même afin de retirer le corps étranger. A l'issue de l'intervention, M. I... a présenté un arrêt circulatoire entraînant une anoxie cérébrale et d'importantes séquelles neurologiques. A la suite d'une demande d'expertise médicale adressée au tribunal administratif de Toulon, dont le rapport a été remis le 29 octobre 2015, les consorts H... et I..., après avoir vainement sollicité, en leur qualité d'ayants-droit de M. C... I..., l'indemnisation de leurs préjudices auprès du directeur du centre hospitalier de Hyères, ont obtenu, par un jugement du 20 mai 2021 du tribunal administratif administratif de Toulon, la condamnation du centre hospitalier de Hyères et de l'ONIAM à les indemniser des préjudices subis par la victime et ceux subis en leur qualité de victimes indirectes. La caisse primaire d'assurance maladie de la Loire relève appel de ce jugement dont elle demande la réformation en tant qu'il a limité à la somme de 65 894,63 euros le montant du remboursement de ses débours, et demande à la cour de porter à la somme de 500 532,193 euros le montant de cette indemnité. Les consorts H... et I... relèvent également appel de ce jugement en tant qu'il a limité leur indemnisation aux montants ci-dessus mentionnés et demandent une meilleure indemnisation. Le centre hospitalier de Hyères conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal, à titre subsidiaire, à ce qu'une contre-expertise soit ordonnée et à ce que le montant des indemnités demandées soit réduit à de plus justes proportions.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel des consorts H... et I... :

2. Aux termes du huitième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, relatif au recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale contre le responsable d'un accident ayant entraîné un dommage corporel : " L'intéressé ou ses ayants droit doivent indiquer, en tout état de la procédure, la qualité d'assuré social de la victime de l'accident ainsi que les caisses de sécurité sociale auxquelles celle-ci est ou était affiliée pour les divers risques. Ils doivent appeler ces caisses en déclaration de jugement commun ou réciproquement (...) ". Il appartient au juge administratif, qui dirige l'instruction, d'assurer, en tout état de la procédure, le respect de ces dispositions. Ainsi, le tribunal administratif, saisi par la victime ou par la caisse d'une demande tendant à la réparation du dommage corporel par l'auteur de l'accident, doit appeler en la cause, selon le cas, la caisse ou la victime. La cour administrative d'appel, saisie dans le délai légal d'un appel de la victime ou de la caisse, doit communiquer la requête, selon le cas, à la caisse ou la victime. Eu égard au lien que les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale établissent entre la détermination des droits de la victime d'un accident et celle des droits de la caisse de sécurité sociale à laquelle elle est affiliée, la caisse ou la victime est recevable à faire appel à son tour du jugement même si le délai légal est expiré. Dans ces conditions, l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que les conclusions présentées par les consorts H... et I... par la voie de l'appel provoqué sont irrecevables au motif qu'il s'agit de conclusions portant sur un litige distinct de celui invoqué par la CPAM de la Loire qui aurait dû faire l'objet d'un recours principal enregistré dans le délai d'appel.

Sur la recevabilité de l'appel incident du centre hospitalier de Hyères :

3. D'une part, en contestant, par la voie de l'appel incident, le principe de la responsabilité retenu par le jugement attaqué du tribunal administratif de Toulon qui l'a condamné, en retenant un taux de perte de chance de 30 %, à réparer les préjudices subis par les ayants-droit de M. I... en lien avec les conséquences de l'accident médical survenu le 29 juin 2008, le centre hospitalier de Hyères ne soulève pas un litige distinct de l'appel de la CPAM de la Loire lequel tend à la réformation du jugement du 20 mai 2021 en tant que le tribunal administratif de Toulon n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires formées à l'encontre du centre hospitalier. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la CPAM de la Loire aux conclusions de l'appel incident doit être rejetée.

4. D'autre part, les conclusions, présentées à titre subsidiaire par le centre hospitalier de Hyères, tendant à ce que les indemnités accordées aux consorts H... et I... soient réduites à de plus justes proportions, ont pour cause le même fait générateur, concernent les mêmes personnes, et, par suite, se rattachent au même litige que celui soulevé par l'appel principal formé par les consorts H... et I.... Ces conclusions sont, par suite, et contrairement à ce que soutient la CPAM de la Loire, recevables.

5. Enfin, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ".

6. Le mémoire d'appel présenté par le centre hospitalier de Hyères ne se borne pas à la reproduction littérale de son argumentation devant le tribunal administratif de Toulon et comporte d'ailleurs le moyen tiré de ce que le tribunal n'apporte aucun élément de nature à démontrer l'existence d'un lien de causalité entre l'absence de capnographe lors de l'intervention chirurgicale et la survenue du dommage. Il contient également des conclusions présentées à titre infiniment subsidiaire tendant à limiter le montant de l'indemnité accordée à la CPAM de la Loire à la somme fixée par le tribunal administratif de Toulon. Par suite, la fin de non-recevoir soulevée par les consorts H... et I..., tirée de ce que le mémoire du centre hospitalier de Hyères constitue la reproduction littérale de son mémoire de première instance, doit être écartée.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Hyères :

7. Aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute ".

8. Il résulte de l'instruction que M. C... I... a été pris en charge au service des urgences du centre hospitalier de Hyères et a été victime, à l'issue de son intervention chirurgicale, d'un arrêt cardio-circulatoire causé, selon les termes du rapport d'expertise ordonné par le tribunal, selon toute vraisemblance par un choc anaphylactique. Au vu de l'état de santé antérieur du patient, de son âge, de l'absence d'antécédents cardiaques et du protocole d'anesthésie réalisé conformément aux règles de l'art, l'expert relève que ce choc anaphylactique, subi à l'occasion de l'anesthésie pratiquée pour retirer un os de lapin bloqué au niveau de l'oesophage, constitue un accident médical non fautif, ayant eu des conséquences dommageables anormales pour l'intéressé.

9. Cependant, il est spécifié que la prise en charge de ce choc allergique, qui constitue une urgence médicale, a été défaillante dès lors que M. I... souffrait d'hypokaliémie et qu'aucun électrocardiagramme n'a été réalisé pour surveiller ce trouble. Le patient aurait ainsi du^ be´ne´ficier d'une surveillance et d'un traitement plus approprie´ de l'hypokalie´mie qu'il présentait avant l'intervention chirurgicale, susceptible d'entraîner des troubles sévères du rythme cardiaque. Si le centre hospitalier produit un rapport critique d'un médecin spécialisé en anesthésie et en réanimation, indiquant que les résultats de la kaliémie n'ont été communiqués qu'à 21h26 alors que M. I... se trouvait déjà au bloc opératoire depuis 21h15, tant le rapport d'expertise judiciaire que les pièces du dossier médical du patient soulignent que ce dernier n'a été transféré au bloc opératoire qu'à 22h10 et que l'existence de l'hypokaliémie, dont l'analyse avait été effectuée à 20h44, était connue du médecin anesthésiste dès 21h15. L'expert relève également que le traitement à base de Solumedrol qui a été administré à M. I... et qui provoque une diminution du taux de potassium dans le sang, a certainement majoré l'hypokaliémie préexistante. Enfin, et ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, l'analyse d'un spécialiste en rythmologie, qui considère que le lien entre des altérations rythmiques des électrocardiogrammes réalisés entre 23h30 et 2 heures du matin et l'hypokaliémie n'est pas établi, ne contredit pas utilement les conclusions de l'expert judiciaire, qui a répondu que les électrocardiogrammes étaient en l'espèce de qualité médiocre, que leurs horaires ne correspondaient pas aux différentes étapes de la prise en charge de M. I... au bloc opératoire et que l'hypokaliémie engendre en tout état de cause une excitabilité myocardique et rend la réanimation cardio-respiratoire plus difficile.

10. Le rapport d'expertise souligne en outre que le monitorage mis en place pour la prise en charge anesthésique de M. I... au bloc opératoire n'était pas conforme aux bonnes pratiques et notamment aux recommandations de la société française d'anesthésie et de réanimation, en l'absence de monitorage de la capnographie, retardant ainsi le diagnostic du choc anaphylactique et sa prise en charge thérapeutique. Conformément aux conclusions de l'expert et à l'application combinée des articles D. 6124-94 à D. 6124-96 du code de la santé publique, l'utilisation d'un moyen pour surveiller la concentration en gaz carbonique expiré est obligatoire lorsque le patient est intubé. La circonstance qu'au cours de l'intervention chirurgicale, qui a duré une quinzaine de minutes, le médecin anesthésiste était présent en permanence et a contrôlé à trois reprises la tension artérielle du patient, ne suffit pas à remettre en cause les conclusions de l'expertise, eu égard à l'absence de capnographe qui n'a pas permis de déceler dans les meilleurs délais le collapsus puis l'arrêt cardio-circulatoire dont a été victime M. I....

11. Au vu des éléments qui précèdent, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la contre-expertise sollicitée par le centre hospitalier de Hyères, il y a donc lieu de retenir que l'absence, d'une part, d'une surveillance et d'un traitement plus approprié de l'hypokaliémie préopératoire dont souffrait M. I..., d'autre part, d'un monitorage de la capnie au cours de l'anesthésie générale, constituent des manquements de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Hyères.

12. Il résulte encore de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judicaire, que les fautes commises par le centre hospitalier de Hyères lors de la prise en charge de M. I... sont en lien direct avec la perte de chance d'éviter l'anoxie cérébrale dont ce dernier a été victime. L'expert judiciaire a ainsi estimé que le retard de diagnostic et de prise en charge appropriée a entraîné une perte de chance d'y échapper pouvant être évaluée à 70 %. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu que le patient, alors âgé de trente-quatre ans, était en bonne santé et ne présentait aucun antécédent cardiovasculaire connu, il y a lieu de fixer la part de responsabilité du centre hospitalier de Hyères à 70 % et de mettre à la charge de ce dernier la réparation de cette fraction du dommage.

Sur la responsabilité de l'ONIAM au titre de la solidarité nationale :

13. Aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire ". L'article D. 1142-1 du même code définit le seuil de gravité prévu par ces dispositions législatives.

14. Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique citées au point précédent font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de l'indemnité mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.

15. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment au point 12 que l'accident médical dont a été victime M. I... ne présente un caractère fautif qu'à hauteur de 70 % du dommage. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire que l'arrêt cardio-respiratoire causé par un choc anaphylactique a entraîné d'importantes séquelles et notamment un déficit fonctionnel permanent de 100 %. Dans ces conditions, au vu des éléments décrits au point 8 et de la faible probabibilité de survenance du choc anaphylactique, les conséquences de l'accident subi par M. I... doivent être regardées comme étant anormales et comme présentant un caractère de gravité au sens des dispositions précitées. Par suite, comme l'ont retenu à bon droit les premiers juges, et alors que les conditions de mise en jeu de la responsabilité nationale ne sont contestées par aucune des parties, la responsabilité de l'ONIAM doit être retenue à hauteur de 30 %.

Sur les préjudices :

16. Il résulte de l'instruction que la date de consolidation de l'état de santé de M. I... doit être fixée au 29 juin 2010.

En ce qui concerne la victime directe :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

17. Les premiers juges ont fait une exacte évaluation des dépenses exposées à hauteur de 179,22 euros au titre des frais d'affranchissement et de reproduction des pièces médicales et de 1 049,15 euros au titre de l'achat d'un téléviseur et d'un lecteur de DVD destinés à la chambre d'hôpital de M. I....

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

18. M. I... a subi d'importants troubles dans ses conditions d'existence durant la période de déficit fonctionnel temporaire total déterminée par l'expert du 29 juin 2008 au 29 juin 2010. En fixant l'indemnité le réparant à la somme de 12 000 euros, qui intègre nécessairement, compte tenu de son taux de 100 %, l'ensemble des préjudices liés à son état de dépendance physique et psychique résultant de son accident médical, le tribunal a suffisamment évalué ce chef de préjudice.

19. Les souffrances endurées par M. I... ont été évaluées à 6 sur une échelle de 1 à 7. Les premiers juges ont fait une appréciation suffisante de ce poste de préjudice en en fixant la réparation à la somme de 27 000 euros.

20. Le préjudice esthétique, temporaire et permanent, a été évalué par l'expert à 6 sur une échelle de 7, qui a tenu compte notamment de l'akinésie de M. I..., de sa trachéotomie et du port de sondes multiples. Les premiers juges ont alloué une somme globale de 9 000 euros au titre de ces préjudices. Cette somme, qui tient compte du décès de M. I... intervenu le 16 juillet 2011, soit un peu plus d'un an après la date de consolidation, n'apparaît pas, en l'espèce, sous-évaluée.

21. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de faire application du barême de capitalisation de la gazette du Palais, ont fait, une estimation satisfaisante de la réparation du déficit fonctionnel permanent de 100 % de M. I..., âgé de 36 ans à la date de consolidation de son état de santé et eu égard à son décès survenu le 16 juillet 2011, en l'évaluant à la somme de 9 000 euros.

22. Le tribunal administratif a fait une juste évaluation du préjudice d'agrément de l'intéressé en le fixant à la somme de 300 euros. Il en va de même du préjudice sexuel, compte tenu de son âge à la date de consolidation de son état de santé et de son décès survenu le 11 juillet 2011, qui a été justement fixé par les premiers juges à la somme de 900 euros.

23. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts H... et I... et le centre hospitalier de Hyères ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué à la somme totale de 59 428,37 euros le montant de l'indemnisation du préjudice de M. C... I... depuis décédé. Eu égard au partage de responsabilité défini aux points 12 et 15, et comme l'a retenu le tribunal, la somme mise à la charge du centre hospitalier de Hyères s'élève à 41 599,86 euros, soit 70 % du montant du préjudice, et celle mise à la charge de l'ONIAM s'élève à 17 828,51 euros, soit 30 % du montant de ce préjudice, ces sommes étant à verser aux consorts H... et I..., en leur qualité d'héritiers de M. C... I....

En ce qui concerne les victimes indirectes :

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

24. Il n'y a pas lieu d'accorder une quelconque somme aux consorts H... et I... qui ont abandonné leurs prétentions au titre de la perte de revenus des proches de M. I... liée à son décès.

25. Les premiers juges ont rejeté à juste titre la demande présentée au titre des frais de déplacements de la mère de M. I... et de deux de ses sœurs pour se rendre au centre hospitalier de Toulon, dès lors que ce chef de préjudice intéressent les ayants droit de la victime et ne pouvait être invoqué au titre des préjudices subis par la victime directe. Si les consorts H... et I... demandent que ces frais de déplacement soient désormais pris en compte au titre des préjudices subis par les victimes indirectes, ils ne justifient pas davantage devant la cour que devant le tribunal les dépenses en cause. Leur demande tendant au versement d'une somme de 2 909,81 euros doit donc être rejetée.

26. S'agissant des frais de transport en vue d'assister aux opérations d'expertise, il n'est pas contesté que Mme G... I..., présente à cette expertise, a exposé de telles dépenses dont les premiers juges ont fait une juste évaluation en les fixant à la somme de 355,32 euros.

27. Les consorts H... et I... exposent que l'enterrement de M. C... I... en Algérie se justifie par les origines de M. I... et sa volonté d'être inhumé à Bouira où se trouve le caveau familial et où est déjà enterré son père. Compte tenu de ces circonstances, il y a lieu d'accorder à Mme E... I... et à Mme G... I... le remboursement des frais de déplacements pour se rendre aux obsèques eu égard aux justificatifs des billets d'avion produits pour elles et leurs enfants, soit 1 753,92 euros pour Mme E... I... et 1 733,92 euros pour Mme G... I.... En revanche, la demande d'indemnisation des frais de déplacements de M. A... I..., dépourvue de toute pièce justificative, doit être rejetée.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

28. Mme J... H..., Mme D... I..., Mme B... I..., Mme E... I..., Mme G... I... et M. A... I..., qui sont respectivement mère, sœurs et frère de M. C... I..., ont subi un préjudice d'affection du fait de ce décès. Les premiers juges ont fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, qui n'est pas contestée et qui tient compte de la période d'hospitalisation de M. I..., en l'évaluant à 20 000 euros pour Mme J... H..., 7 000 euros pour Mme E... I... et Mme G... I..., 5 000 euros pour M. A... I... et 3 500 euros pour Mme D... I... et Mme B... I....

29. Les consorts H... et I... concluent à l'octroi d'une somme de 100 000 euros au titre du préjudice d'accompagnement. Toutefois, et dès lors que ces derniers n'apportent en cause d'appel aucun élément nouveau ou déterminant au soutien de leurs prétentions concernant ce chef de préjudice et ne justifient pas avoir exposé des frais pour se rendre dans un des centres hospitaliers au sein duquel M. I... a séjourné avant son décès, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 17 de leur jugement.

30. Il résulte de ce qui précède que les consorts H... et I... sont seulement fondés à soutenir que le montant de l'indemnité à verser à Mme E... I... doit être porté à la somme de 8 753,92 euros et à Mme G... I... à la somme de 9 089,24 euros, et à demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué. Eu égard au partage de responsabilité défini aux points 12 et 15, le centre hospitalier de Hyères versera les sommes de 6 127,74 euros à Mme E... I... et de 6 362,46 euros à Mme G... I... alors que l'ONIAM versera les sommes de 2 626,17 euros à Mme E... I... et de 2 726,77 euros à Mme G... I....

Sur les intérêts :

31. Les sommes de 6 127,74 euros et de 6 362,46 euros mises à la charge du centre hospitalier de Hyères porteront intérêts à compter du 15 juin 2018, date de réception de la demande préalable par le centre hospitalier d'Hyères.

32. Les sommes de 2 626,17 euros et de 2 726,77 euros mises à la charge de l'ONIAM porteront intérêts à compter du 25 février 2021, date d'enregistrement du mémoire des consorts H... et I... sollicitant pour la première fois la condamnation de l'ONIAM.

Sur les droits de la CPAM de la Loire :

En ce qui concerne les débours :

33. Le jugement attaqué a fait droit, en tenant compte de la part de responsabilité du centre hospitalier de Hyères retenue à hauteur de 70 %, aux conclusions de la CPAM de la Loire tendant au remboursement de ses débours au titre des indemnités journalières et du capital décès, pour un montant de 65 894,63 euros. Il a en revanche rejeté sa demande tendant au remboursement des frais hospitaliers exposés à hauteur de 503 102 euros du 30 juin 2008 au 29 juin 2010 et de 117 808,80 euros du 30 juin 2010 au 16 juillet 2011, au motif que la caisse n'avait pas produit de décompte détaillé de ces dépenses.

34. La CPAM de la Loire produit, à l'appui de sa demande d'appel, un relevé des débours exposés et une attestation d'imputabilité du médecin conseil du service médical de la Loire. Il ressort du rapport d'expertise judiciaire, ainsi que des bulletins d'hospitalisation produits en première instance, que M. C... I... est resté hospitalisé de la date de son accident jusqu'à son décès, soit du 29 juin 2008 au 16 juillet 2011. Son état de dépendance physique et psychique total et les importantes séquelles neurologiques qu'il a conservées ont conduit, suite à sa prise en charge par les centres hospitaliers de Hyères et de Toulon, à ce qu'il soit transféré au centre hospitalier de Saint-Etienne du 17 juillet 2008 au 24 septembre 2008, puis au centre médical de l'Argentière du 24 septembre 2008 au 19 février 2009 et enfin au centre hospitalier Claudinon à Le Chambon-Feugerolles à compter du 19 février 2009 jusqu'à son décès. Ces éléments ainsi que les documents produits par la CPAM, qui ne sont pas contredits par le centre hospitalier de Hyères, suffisent à établir que M. C... I... a été hospitalisé sur l'ensemble de cette période en raison des conséquences dommageables de l'accident en cause. Ainsi, la CPAM de la Loire est fondée à obtenir le remboursement par le centre hospitalier de Hyères des frais hospitaliers, déterminés, après application du taux de 70 %, à hauteur de 434 637,56 euros.

35. Il résulte de ce qui précède que la CPAM de la Loire est fondée à demander que l'indemnité que le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Hyères à lui verser soit portée de la somme de 65 894,63 euros à celle de 500 532,19 euros.

36. La CPAM de la Loire a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 500 532,19 euros à compter du 14 décembre 2018, date d'enregistrement de sa demande par le greffe du tribunal administratif de Toulon.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

37. Aux termes de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 115 euros et 1 162 euros au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023. ".

38. En application des dispositions précitées, il y a lieu de porter la somme de 1 098 euros que le tribunal administratif de Toulon a condamné le centre hospitalier de Hyères à verser à la CPAM de la Loire au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion à 1 162 euros, montant auquel cette indemnité a été fixée par l'arrêté du 15 décembre 2022 visé ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

39. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espe`ce, de mettre a` la charge du centre hospitalier de Hyères une somme de 2 000 euros au titre des frais expose´s par la CPAM de la Loire et non compris dans les de´pens. Dans les circonstances de l'espe`ce, il y a également lieu de mettre a` la charge du centre hospitalier de Hyères une somme globale de 2 000 euros au titre des frais expose´s par les consorts H... et I... pre´sente´es sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Les sommes de 4 900 euros et de 5 148,72 euros que le centre hospitalier de Hyères a été condamné à verser respectivement à Mme E... I... et à Mme G... I... par l'article 1er du jugement n° 1803065 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 sont portées, s'agissant de la somme due à Mme E... I..., à 6 127,74 euros et, s'agissant de la somme due à Mme G... I..., à 6 362,46 euros. Les sommes de 6 127,74 euros et de 6 362,46 euros porteront intérêts au taux légal à compter du 15 juin 2018.

Article 2 : Les sommes de 2 100 euros et de 2 206,60 euros que l'ONIAM a été condamné à verser respectivement à Mme E... I... et à Mme G... I... par l'article 2 du jugement n° 1803065 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 sont portées, s'agissant de la somme due à Mme E... I..., à 2 627,17 euros et, s'agissant de la somme due à Mme G... I..., à 2 726,77 euros. Les sommes de 2 627,17 euros et de 2 726,77 euros porteront intérêts au taux légal à compter du 25 février 2021.

Article 3 : La somme de 65 894,63 euros que le centre hospitalier de Hyères a été condamné à payer à la CPAM de la Loire par l'article 3 du jugement n° 1803065 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 est portée à 500 532,19 euros. La somme de 500 532,19 euros portera intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2018.

Article 4 : La somme de 1 098 euros que le centre hospitalier de Hyères a été condamné à verser à la CPAM de la Loire par l'article 3 du jugement n° 1803065 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 est portée à 1 162 euros.

Article 5 : Le jugement n° 1803065 du tribunal administratif de Toulon du 20 mai 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6: Le centre hospitalier de Hyères versera à la CPAM de la Loire une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le centre hospitalier de Hyères versera aux consorts H... et I... une somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance-maladie de la Loire, Mme G... I... représentante unique en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative des consorts K..., à l'office national d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et au centre hospitalier de Hyères.

Délibéré après l'audience du 26 janvier 2023 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Taormina, président assesseur,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 février 2023.

2

N° 21MA02788

nl


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02788
Date de la décision : 10/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : CABINET DE LA GRANGE ET FITOUSSI AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-02-10;21ma02788 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award