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03/04/2023 | FRANCE | N°21MA04690

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 03 avril 2023, 21MA04690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- de condamner solidairement la commune d'Ajaccio et la collectivité territoriale de Corse à lui verser, à titre provisionnel, la somme globale de 35 637 euros en réparation du préjudice que lui a causé sa chute de motocyclette survenue le 5 mars 2018 sur le boulevard Rossini à Ajaccio et de réserver le déficit fonctionnel temporaire au titre de ses activités professionnelles ;

- de condamner solidairement la commune d'Ajaccio et

la collectivité territoriale de Corse à lui rembourser la somme de 940 euros au titre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia :

- de condamner solidairement la commune d'Ajaccio et la collectivité territoriale de Corse à lui verser, à titre provisionnel, la somme globale de 35 637 euros en réparation du préjudice que lui a causé sa chute de motocyclette survenue le 5 mars 2018 sur le boulevard Rossini à Ajaccio et de réserver le déficit fonctionnel temporaire au titre de ses activités professionnelles ;

- de condamner solidairement la commune d'Ajaccio et la collectivité territoriale de Corse à lui rembourser la somme de 940 euros au titre des frais d'expertise ;

- de mettre à la charge de la commune d'Ajaccio et de la collectivité territoriale de Corse la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement avant-dire droit n° 1901289 du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à verser à M. A... une somme provisionnelle de 11 700 euros, a ordonné la désignation d'un expert judiciaire et a réservé, jusqu'en fin d'instance, les moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué par ce jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 décembre 2021 et 12 septembre 2022 sous le numéro 21MA04690, la collectivité territoriale de Corse, représentée par Me Meridjen, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Bastia, de rejeter la requête de M. A... et de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire l'indemnité susceptible d'être mise à sa charge en réparation des préjudices subis par M. A... à une somme qui ne saurait excéder 2 749,50 euros.

Elle soutient que :

- les conclusions indemnitaires présentées devant le tribunal, tendant au versement d'une provision, sont irrecevables, dès lors que le tribunal n'était pas dans l'attente des résultats d'une expertise ;

- le lien de causalité entre la barrière de sécurité placée sur la voie publique et la chute de la victime n'est pas établi ;

- aucun élément n'est de nature à démontrer le défaut d'entretien normal de la voie publique ;

- la victime a commis une faute d'imprudence de nature à l'éxonérer totalement de sa responsabilité ;

- le montant de l'indemnisation demandé doit être réduit.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 9 février 2022 et 14 septembre 2022, M. A..., réprésenté par la SCP Romani-Clada, Maroselli-Armani, agissant par Me Armani, demande à la cour :

1°) de rejeter les demandes de la collectivité territoriale de Corse et de la commune d'Ajaccio ;

2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Bastia en ce qu'il s'est limité à condamner la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à verser une provision et en ce qu'il ne les a pas condamnées conjointement et solidairement à réparer l'intégralité des conséquences dommageables de l'accident ;

3°) de condamner conjointement et solidairement la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à verser à titre provisionnel les sommes de 5 121 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 12 516 euros au titre de l'assistance par tierce personne, de 15 000 euros au titre des souffrances endurées et de 3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

4°) de réserver le poste de préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire au regard de ses activités professionnelles ;

5°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse et de la commune d'Ajaccio les dépens et la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio ne sont pas fondés ;

- il est fondé à demander, dans l'attente de la seconde expertise, la liquidation de ses préjudices au titre du déficit fonctionnel temporaire, de l'assistance par tierce personne, des souffrances endurées et du préjudice esthétique temporaire et à ce que le poste de préjudice lié au déficit fonctionnel temporaire par rapport à ses activités professionnelles soit réservé.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 8 mars 2022 et 2 août 2022, la commune d'Ajaccio, représentée par la SCP Lesage-Berguet-Gouard-Robert, agissant par Me Gouard-Robert, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de rejeter la requête de M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 1 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le lien de causalité entre l'accident et l'ouvrage public n'est pas établi ;

- sa responsabilité ne pouvait être retenue pour le motif, qui n'était pas soulevé par M. A..., tiré de la puissance d'éclairage de la voie publique ;

- aucun défaut d'entretien normal ne peut lui être reproché ;

- la victime a commis une faute d'inattention ;

- seule la responsabilité de la collectivité territoriale de Corse, en charge de l'entretien de la voie publique litigieuse, est susceptible d'être engagée ;

- l'évaluation du préjudice faite par M. A... devra être ramenée à de plus justes proportions.

Par une ordonnance du 3 août 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2022.

La procédure a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, qui n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées le 9 mars 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilite´ des conclusions incidentes présentées par M. A... tendant à réserver le poste de préjudice relatif à l'incidence professionnelle de son déficit fonctionnel temporaire et à condamner solidairement la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 940 euros au titre des dépens, dès lors que le jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2021 a réservé, à son article 5, jusqu'en fin d'instance, tous droits des parties sur lesquels il n'est pas statué par le jugement.

II. Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2021 sous le numéro 21MA04714, la commune d'Ajaccio, représentée par la SCP Lesage-Berguet-Gouard-Robert, agissant par Me Gouard-Robert, conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans l'instance n° 21MA04690.

Par un mémoire, enregistré le 12 septembre 2022, la collectivité territoriale de Corse, représentée par Me Meridjen, conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que dans l'instance n° 21MA04690.

Par un mémoire enregistré le 14 février 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse conclut à la condamnation solidaire de la collectivité territoriale de Corse et de la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 59 519,62 euros en remboursement des prestations servies à M. A... et la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Une mise en demeure a été adressée à M. A... le 3 août 2022.

Les parties ont été informées le 9 mars 2023, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilite´ des conclusions présentées par la CPAM de la Haute-Corse, dès lors que le jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2021 a réservé, à son article 5, jusqu'en fin d'instance, tous droits des parties sur lesquels il n'est pas statué par le jugement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 21MA04690 et n° 21MA04714 sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. Le 5 mars 2018, alors qu'il circulait à motocyclette sur le boulevard Pascal Rossini à Ajaccio, M. A... a été victime d'un accident de la circulation qu'il impute à la présence sur la chaussée d'une barrière de chantier non signalée et non éclairée. Par une ordonnance du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Bastia a ordonné, à fin de déterminer l'étendue de ses préjudices, la désignation d'un expert médical qui a remis son rapport le 16 juillet 2019. L'expert a été en mesure d'évaluer le préjudice d'assistance par une tierce personne et le déficit fonctionnel temporaire partiel du 5 mars 2018 au 27 juin 2019 ainsi que le préjudice esthétique temporaire et les souffrances endurées à la date du 27 juin 2019. Il a cependant relevé que l'état de santé de l'intéressé n'était pas consolidé compte tenu de son algodystrophie évolutive et qu'un nouvel examen médical devait être envisagé au terme d'une année. Dans cette attente, M. A... a saisi le tribunal administratif de Bastia afin d'obtenir notamment, à titre provisionnel, la liquidation de ces chefs de préjudices définitifs, selon les évaluations faites par l'expert.

3. Par un jugement avant-dire droit du 12 octobre 2021, le tribunal administratif de Bastia a condamné solidairement la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à verser à M. A... une somme provisionnelle de 11 700 euros, destinée à l'indemniser intégralement des chefs de préjudice précités au titre des périodes invoquées. Il a également ordonné la désignation d'un nouvel expert afin de de´terminer, si possible, la date de consolidation de l'e´tat de sante´ de M. A... et d'évaluer les préjudices définitifs de la victime non déterminés par le premier expert. La collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio relèvent appel de ce jugement et concluent au rejet des conclusions indemnitaires présentées par M. A.... M. A... conclut au rejet de ces demandes et, par la voie de l'appel incident, sollicite la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu sa responsabilité à hauteur de 30 % du montant des préjudices.

Sur la régularité du jugement :

4. Le juge du fond peut accorder une provision au créancier qui l'a saisi d'une demande indemnitaire lorsqu'il constate qu'un agissement de l'administration a été à l'origine d'un préjudice et que, dans l'attente des résultats d'une expertise permettant de déterminer l'ampleur de celui-ci, il est en mesure de fixer un montant provisionnel dont il peut anticiper qu'il restera inférieur au montant total qui sera ultérieurement défini.

5. Il résulte de ce qui a été exposé aux points précédents que les conclusions présentées par M. A... devant le tribunal, eu égard à leur objet, doivent être regardées comme tendant nécessairement, à titre principal, à l'octroi d'une provision dans l'attente de la détermination exacte du préjudice. Il résulte notamment du rapport d'expertise judiciaire que l'expert a été en mesure d'évaluer une partie des préjudices mentionnés au point 2 mais a cependant relevé que l'état de santé de l'intéressé n'était pas consolidé compte tenu de son algodystrophie évolutive et qu'un nouvel examen médical devait être envisagé au terme d'une année, ce qu'a relevé M. A... dans sa requête introductive d'instance, qui demandait en outre que le poste de préjudice relatif à l'incidence professionnelle de son déficit fonctionnel temporaire soit réservé dans l'attente de la nouvelle expertise. Par suite, la collectivité territoriale de Corse ne peut soutenir que la requête présentée par M. A... en première instance serait irrecevable dès lors qu'il se serait borné à demander exclusivement le versement d'une provision et que le jugement du tribunal, qui a alloué une provision à M. A... et ordonné d'office la désignation d'un nouvel expert afin de statuer définitivement sur les préjudices du requérant serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.

6. Contrairement à ce que soutient M. A..., le tribunal administratif de Bastia ne s'est pas limité à condamner la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à verser une provision mais a, par son jugement avant-dire droit, ordonné la désignation d'un expert afin d'évaluer les préjudices définitifs de la victime et a réservé, jusqu'en fin d'instance, les moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'était pas expressément statué par ce jugement. Par suite et en tout état de cause, le tribunal administratif de Bastia n'a pas méconnu la règle, applicable même sans texte à toute juridiction administrative, qui s'imposait à lui d'épuiser son pouvoir juridictionnel.

Sur la responsabilité :

En ce qui concerne la collectivité territoriale de Corse :

7. Il appartient à l'usager d'un ouvrage public qui demande réparation d'un préjudice qu'il estime imputable à cet ouvrage de rapporter la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre celui-ci et le préjudice invoqué. Le maître de l'ouvrage ne peut être exonéré de l'obligation d'indemniser la victime qu'en rapportant, à son tour, la preuve soit que cet ouvrage faisait l'objet d'un entretien normal, soit que le dommage est imputable à une faute de la victime ou à un cas de force majeure.

8. Il résulte de l'instruction que l'accident dont a été victime, le 5 mars 2018 vers 20h30, M. A..., a été provoqué par des barrières qui avaient été installées sur la chaussée autour d'une bouche d'égout non recouverte de sa plaque de protection. M. A..., qui circulait à motocyclette, a percuté ces barrières puis un abri pour voyageurs situé sur le trottoir. Le compte-rendu des services de la police nationale établi aussitôt après l'accident mentionne qu' " une plaque d'égout était manquante et était sécurisée par un barriérage de chantier qui n'était pas signalé ni éclairé ", que " le motard a percuté ces barrières et a terminé sa course dans l'abri de bus qui a été endommagé " et qu'une personne " témoin de l'accident s'est immédiatement arrêtée pour se mettre en protection et a remis le barriérage en place et y a apposé un gilet réflechissant ". Les pièces médicales produites montrent que M. A... a été immédiatement transporté au service des urgences du centre hospitalier d'Ajaccio et souffrait notamment d'une fracture de la clavicule droite. Dans ces conditions, les premiers juges ont pu estimer à bon droit que la matérialité des faits ainsi que le lien de causalité entre le dommage et l'ouvrage public devaient être regardés comme établis.

9. Les barrières de chantier en cause, à l'origine de l'accident de M. A..., et indispensables à l'utilisation de la voie publique et à la sécurité de ses usagers pendant la durée des travaux, sont constitutives d'un accessoire de la voie publique départementale, dont la gestion et l'entretien incombent en l'espèce à la collectivité territoriale de Corse, cette dernière ne contestant pas être à l'origine de leur installation. Il ne résulte pas de l'instruction que ces barrières, installées sur une voie de circulation supportant un trafic important, n'étaient pourvues d'aucune rubalise et d'aucun accessoire réflechisseur de lumière permettant notamment aux conducteurs de deux-roues de l'utiliser sans risque, y compris de nuit. La collectivité territoriale de Corse, qui se borne à indiquer que ces équipements visaient à prévenir le danger lié à l'absence de plaque d'égout et bénéficiaient d'un éclairage public, ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, d'un entretien normal de l'ouvrage public. Elle n'établit pas davantage qu'elle n'aurait pas eu le temps nécessaire pour signaler le danger ou sécuriser les lieux avant l'accident. Par suite, l'absence de toute signalisation de cet obstacle est révélatrice d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage public, de nature à engager la responsabilité de la collectivité territoriale de Corse, propriétaire de l'ouvrage et en charge de son entretien.

En ce qui concerne la commune d'Ajaccio :

10. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, et alors qu'aucun élément n'établit que la commune d'Ajaccio aurait été à l'origine des travaux sur la plaque d'égout ou de l'installation des barrières litigieuses, la responsabilité de cette dernière ne saurait être recherchée à raison d'un défaut d'entretien normal de l'ouvrage dont l'aménagement et l'entretien relèvent, ainsi qu'il a été dit, de la seule compétence de la collectivité territoriale de Corse.

11. Par ailleurs, s'il appartient au maire de veiller au bon éclairage des voies publiques situées sur le territoire de la commune, il résulte de l'instruction qu'un éclairage public est situé sur le trottoir à proximité immédiate du lieu de l'accident. Il ne résulte pas de l'instruction que le maire de la commune d'Ajaccio n'aurait pas assuré un bon éclairage sur le boulevard Pascal Rossini, d'autant que ni le compte-rendu des services de police, ni la déclaration de M. A... à son assureur ne font état d'un éclairage défectueux aux abords des lieux de l'accident, d'ailleurs pourvu de lampadaires ainsi que cela ressort des documents photographiques versés au dossier. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la présence sur la voie départementale des barrières en cause installées autour de la plaque d'égout avait été observée depuis suffisamment longtemps pour ne pas pouvoir être ignorée par la commune.

12. Il suit de là que la commune d'Ajaccio est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a jugé que sa responsabilité était engagée sur le fondement de la faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police et l'a condamnée à indemniser M. A....

En ce qui concerne la faute de la victime :

13. Il résulte de l'instruction, en particulier de la déclaration de l'intéressé à son assureur, que M. A..., qui réside à Ajaccio, effectuait son trajet habituel entre son lieu de travail et son domicile et connaissait ainsi les lieux. S'il n'est pas établi que l'intéressé aurait roulé à une vitesse inadaptée, il résulte de l'instruction que l'accident dont il a été victime a eu lieu dans une ligne droite, à proximité d'un passage pour piétons et alors qu'il faisait nuit, que les conditions météorologiques pluvieuses devaient inciter à une prudence accrue et qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que la voie publique était, à cet endroit, dépourvue de tout éclairage public. Compte tenu des possibilités d'éclairage offertes par son véhicule et, eu égard au devoir de prudence et à l'obligation de maîtrise de son véhicule qui s'imposent à tout conducteur, l'accident survenu à M. A... doit être regardé comme également imputable à l'imprudence dont il a fait preuve. Il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, la collectivité territoriale de Corse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a retenu sa responsabilité à hauteur de 70 %.

Sur la provision accordée par le tribunal :

14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 27 juin 2019, établi en exécution d'une ordonnance du président du tribunal administratif de Bastia du 27 mars 2019, que M. A... a présenté, à la suite de l'accident, un polytraumatisme au niveau du genou droit, du rachis cervical et de l'épaule droite avec une fracture du quart externe de la clavicule. M. A... souffre aussi d'une algodystrophie consécutive à cet accident au niveau de son épaule droite, qui était évolutive à la date de l'expertise et ne permettait ainsi pas de déterminer la date de consolidation de son état de santé, alors qu'il était en arrêt de travail depuis le jour de son accident. Le rapport d'expertise a conclu à la nécessité d'une assistance par une tierce personne à raison d'une heure par jour du 5 mars 2018 au 27 juin 2019. Il a par ailleurs précisé que M. A... avait subi un déficit fonctionnel partiel à hauteur de 40 % du 5 mars 2018 au 20 avril 2018 et de 35 % du 21 avril 2018 au 27 juin 2019. Il a enfin retenu des souffrances et un préjudice esthétique temporaire en lien avec son accident, à hauteur de 2 sur une échelle de 7. Dans les circonstances de l'espèce et au vu de ces préjudices, la collectivité territoriale de Corse et M. A... ne démontrent pas que les premiers juges auraient fait une estimation erronée de la provision allouée à hauteur d'un montant total de 11 700 euros, tenant compte du partage de responsabilité retenu, et dont le montant restera inférieur au montant total de l'indemnité qui sera ultérieurement défini par le tribunal sur la base du second rapport d'expertise médicale. Il suit de là que la collectivité de Corse n'est pas fondée à demander une minoration de l'évaluation de cette indemnité provisionnelle. Pour les mêmes motifs, M. A... n'est pas davantage fondé, par la voie de l'appel incident, à demander une majoration de cette indemnité accordée à titre provisionnel.

Sur les autres conclusions :

15. Le jugement attaqué ayant réservé, jusqu'en fin d'instance, tous droits des parties sur lesquels il n'est pas statué, les conclusions incidentes présentées par M. A... tendant, d'une part, à réserver le poste de pre´judice relatif a` l'incidence professionnelle de son de´ficit fonctionnel temporaire, d'autre part, à condamner solidairement la collectivité territoriale de Corse et la commune d'Ajaccio à lui verser la somme de 940 euros au titre des dépens doivent être rejetées comme irrecevables.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent, les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les frais liés au litige :

17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement n° 1901289 du 12 octobre 2021 du tribunal administratif de Bastia est annulé en tant qu'il a condamné la commune d'Ajaccio à payer une somme de 11 700 euros à M. A....

Article 2 : La requête n° 21MA04690 de la collectivité territoriale de Corse, le surplus de la requête n° 21MA04714 de la commune d'Ajaccio et les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à la collectivité territoriale de Corse, à la commune d'Ajaccio et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 16 mars 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 avril 2023.

2

N° 21MA04690, 21MA04714


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04690
Date de la décision : 03/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : MERIDJEN;MERIDJEN;SCP LESAGE - BERGUET - GOUARD-ROBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-03;21ma04690 ?
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