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21/04/2023 | FRANCE | N°21MA03703

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 21 avril 2023, 21MA03703


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré devant le tribunal administratif de Bastia la SARL Playa Baggia et M. D... B... comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir installé sur le domaine public maritime des matelas et parasols sur une superficie totale de 297 m², plage de Palombaggia sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio, en dépit du refus d'autorisation d'occupation temporaire opposé le 4 juin 2020.

Par le jugement n° 2001218 du 29 juin 2021, le tribunal administratif

de Bastia, d'une part, a condamné M. B... et la SARL Playa-Baggia à verser à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré devant le tribunal administratif de Bastia la SARL Playa Baggia et M. D... B... comme prévenus d'une contravention de grande voirie pour avoir installé sur le domaine public maritime des matelas et parasols sur une superficie totale de 297 m², plage de Palombaggia sur le territoire de la commune de Porto-Vecchio, en dépit du refus d'autorisation d'occupation temporaire opposé le 4 juin 2020.

Par le jugement n° 2001218 du 29 juin 2021, le tribunal administratif de Bastia, d'une part, a condamné M. B... et la SARL Playa-Baggia à verser à l'Etat respectivement les sommes de 3 000 euros et 15 000 euros et, d'autre part, leur a enjoint de libérer le domaine public et de remettre les lieux dans leur état initial, sous astreinte.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistré le 30 août 2021, la SARL Playa Baggia et M. B..., représentés par Me Susini, demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 juin 2021 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de les relaxer des poursuites de contravention de grande voirie engagées à leur encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article L. 774-2 du code de justice administrative ont été méconnues ;

- le procès-verbal a été signé par une personne qui n'était pas habilitée ;

- ce procès-verbal est insuffisamment précis s'agissant de la localisation et de la superficie de l'occupation litigieuse ;

- il n'est pas établi que les installations visées par le procès-verbal se situeraient sur le domaine public maritime ou en tout état de cause, au-delà des limites de la propriété des prévenus.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, la ministre de la transition écologique et la ministre de la mer concluent au rejet de la requête.

Elles soutiennent que les moyens soulevés par M. B... et la SARL Playa Baggia ne sont pas fondés.

La SARL Playa Baggia et M. B... ont produit un mémoire, enregistré le 20 mai 2022, qui n'a pas été communiqué et dans lequel il est soutenu, en outre, que l'auteur du procès-verbal n'a pas personnellement constaté l'infraction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Susini représentant la SARL Playa Baggia et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 24 décembre 2019, M. B..., gérant de la SARL Playa Baggia a formulé une demande d'occupation temporaire du domaine public maritime sur la plage de Palombaggia à Porto-Vechio pour une installation liée à des activités nautiques et balnéaires. La demande a été rejetée par un arrêté du préfet de la Corse-du-Sud du 14 juin 2020. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 2 novembre 2020 à l'encontre de la SARL Playa Baggia et de son gérant pour une occupation sans droit ni titre sur le domaine public maritime de la plage de Palombaggia d'un emplacement de 297 m² servant d'assiette à 66 matelas et 32 parasols. Le préfet de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia, comme prévenus d'une contravention de grande voirie, M. B... et la SARL Playa Baggia. Ces derniers relèvent appel du jugement du 29 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia les a condamnés à payer respectivement les sommes de 3 000 euros et 15 000 euros et leur a enjoint de libérer le domaine public et de remettre les lieux dans leur état initial, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. (...) /La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) /Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ".

3. Le délai de dix jours prescrit par l'article L. 774-2 du code de justice administrative pour la notification au contrevenant du procès-verbal de contravention de grande voirie n'étant pas prescrit à peine de nullité de la procédure, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir de ce que cette notification aurait été tardive pour soutenir que la procédure de contravention serait irrégulière.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " (...) les agents de l'Etat assermentés à cet effet devant le tribunal de grande instance (...) sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie ".

5. Il résulte de l'instruction, particulièrement des énonciations de la carte de commissionnement produite par l'administration dans la présente instance, que Mme A..., contrôleuse du domaine public maritime, a prêté serment le 17 avril 2019 devant le tribunal correctionnel d'Ajaccio et était commissionnée à l'effet de constater les infractions relevant du code général de la propriété des personnes publiques dans le département de la Corse-du-Sud. Elle était ainsi habilitée à établir et à signer le procès-verbal de contravention de grande voirie du 2 novembre 2020 fondant les poursuites engagées contre M. B... et la SARL Playa Baggia.

6. En troisième lieu, il résulte du procès-verbal dressé le 2 novembre 2020 qu'a été constaté, le mardi 7 juillet 2020 à 10h30, l'occupation sans droit ni titre par la SARL Playa Baggia et M. B... du domaine public maritime de la plage de Palombaggia sur la commune de Porto-Vecchio, par l'implantation d'une emprise sur sable de 297 m² pour 66 matelas et 32 parasols. Il n'est pas contesté qu'était joint à ce procès-verbal, comme il en fait mention, le constat d'occupation sans titre ainsi que le plan d'implantation et des photographies permettant d'identifier l'installation incriminée. Par ailleurs, les appelants n'apportent aucun élément de nature à établir que ces constatations relevées dans le procès-verbal, dont les mentions font foi jusqu'à preuve du contraire, comporteraient des inexactitudes. Par suite, et alors même que la plage de Palombaggia s'étend sur deux kilomètres, le procès-verbal établi à l'encontre de la SARL Playa Baggia et de M. B... est suffisamment précis pour permettre d'établir la localisation et la superficie de l'occupation litigieuse.

7. Enfin, si la signataire du procès-verbal n'a pas été personnellement témoin des faits en cause, les procès-verbaux, contrairement à ce qui est soutenu, peuvent toutefois servir de base à la condamnation dès lors que les énonciations qu'il comprend sont confirmées par l'instruction comme tel est le cas en l'espèce.

En ce qui concerne la matérialité de l'infraction :

8. Aux termes des dispositions de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous ". Aux termes de l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : 1° (...) le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles (...) 3° Les lais et relais de la mer : a) Qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers ; b) Constitués à compter du 1er décembre 1963. (...) ".

9. Pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et n'est pas lié par les termes d'un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime, adopté sur le fondement des dispositions réglementaires en vigueur relatives à la procédure de délimitation du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières. L'appartenance d'une dépendance au domaine public ne peut résulter de l'application d'un tel arrêté, dont les constatations ne représentent que l'un des éléments d'appréciation soumis au juge.

10. Les appelants, alors même qu'ils avaient demandé une autorisation d'occupation du domaine public, dont ils avaient d'ailleurs bénéficié auparavant, soutiennent désormais que la réalité de l'infraction n'est pas établie dès lors qu'il n'est pas démontré que leur établissement se trouverait sur le domaine public maritime. Il ressort cependant de l'arrêté préfectoral n° 05-0215 du 31 janvier 2005 portant délimitation du rivage de la mer de la plage de Palombaggia et des photographies et du plan d'implantation annexés au constat du 7 juillet 2020, faisant, d'une part, figurer l'emplacement exact des installations en litige de l'établissement Playa Baggia et, d'autre part, apparaître que les matelas et parasols de l'établissement sont installés en bord de mer et, sans qu'il soit nécessaire d'apporter une autre preuve de ce que les terrains en cause ont été soumis à l'action des flots avant que le mer ne s'en retire, que la parcelle partiellement occupée par les installations du restaurant exploité par M. B... et la SARL Playa Baggia est située sur un lais ou relais de la mer et appartient ainsi au domaine public maritime. Cette occupation sans droit ni titre, constatée par procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, présente le caractère d'une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les dispositions précitées du code général de la propriété des personnes publiques. Par suite, la matérialité de l'infraction relevée par ce procès-verbal de contravention de grande voirie doit être regardée comme établie et justifie l'engagement des poursuites intentées à l'encontre de la SARL Playa Baggia et de M. B....

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la SARL Playa Baggia ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia les a condamnés à la peine d'amende de 3 000 euros pour le premier et de 15 000 euros pour la seconde et leur a enjoint de libérer le domaine public maritime public et de remettre les lieux dans leur état initial, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés au litige :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat verse à M. B... et à la SARL Playa Baggia quelque somme que ce soit au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Playa Baggia et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Playa Baggia, à M. D... B... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- M. Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 avril 2023.

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N° 21MA03703

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03703
Date de la décision : 21/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : SCP AMIEL-SUSINI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-04-21;21ma03703 ?
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