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02/06/2023 | FRANCE | N°21MA00747

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juin 2023, 21MA00747


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Dufankev, qui a pour activité le commerce de détail de carburants, est associée de trois sociétés civiles immobilières de construc

tion-vente (SCCV), Le Pas Fleury, Rocca et Davaye, sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'art...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Dufankev, qui a pour activité le commerce de détail de carburants, est associée de trois sociétés civiles immobilières de construction-vente (SCCV), Le Pas Fleury, Rocca et Davaye, sociétés soumises au régime fiscal des sociétés de personnes prévu à l'article 8 du code général des impôts, et qui ont chacune fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue desquelles certains de leurs résultats ont été rehaussés. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a constaté que la SARL Dufankev n'avait pas souscrit les déclarations mentionnant le montant de sa quote-part des bénéfices réalisés par ces sociétés. Par une proposition de rectification du 25 septembre 2017, l'administration a informé la SARL Dufankev de la réintégration dans ses résultats au titre de son exercice clos le 31 mars 2016 de sa quote-part des bénéfices de ces trois sociétés, réalisés au titre de leur exercice clos le 31 décembre 2015. A l'issue de la procédure contradictoire, la SARL Dufankev a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016 ainsi qu'à une majoration de 40 % pour manquement délibéré. La société a présenté une première réclamation préalable le 8 février 2018, rejetée le 13 août suivant, puis une seconde réclamation le 23 décembre 2018 que l'administration a soumis d'office au tribunal administratif de Toulon, conformément à l'article R. 199-1 du livre des procédures fiscales. La SARL Dufankev a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016 et la réduction des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 mars 2014 et 2015. Par une décision du 2 mai 2019, l'administration fiscale a, en cours d'instance, prononcé le dégrèvement des sommes de 3 084 euros et 3 402 euros, soit la somme totale de 6 486 euros, au titre des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés acquittées par la requérante pour les exercices clos les 31 mars 2014 et 2015. Par un jugement du 21 décembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge, à concurrence de cette somme de 6 486 euros, et, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande. La SARL Dufankev, qui relève appel de ce jugement, doit être regardée comme demandant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016 et la décharge des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés acquittées au titre des exercices clos les 31 mars 2014 et 2015 qui n'ont pas fait l'objet d'un dégrèvement.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :

2. Aux termes de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; (...) ". Aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ". Aux termes de l'article L. 169 du même livre : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) ". Aux termes de l'article L. 189 du même livre : " La prescription est interrompue par la notification d'une proposition de rectification (...) ".

3. La société requérante demande l'imputation sur les résultats de ses exercices clos les 31 mars 2014 et 2015 des déficits des exercices clos les 31 décembre 2013 et 2014 des SCCV Davaye, Rocca et Le Pas Fleury. S'agissant des SCCV Davaye et Rocca, ces deux exercices, s'ils ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité, n'ont toutefois fait l'objet d'aucune reprise, les propositions de rectification datées du 23 mai 2017 qui leur ont été adressées ne concernant que les exercices clos en 2015 et 2016. Par conséquent, en application des dispositions précitées de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, les sociétés intéressées avaient ainsi, respectivement, jusqu'aux 31 décembre 2016 et 31 décembre 2017 pour formuler une réclamation préalable. Il s'ensuit que les réclamations des 8 février 2018, s'agissant de la SCCV Davaye, et 23 décembre 2018, s'agissant de la SCCV Rocca, ont été présentées au-delà du délai fixé à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales. Par suite et comme l'a exactement jugé le tribunal au point 4 de son jugement, les conclusions de la requête de la SARL Dufankev, en tant qu'elles portent sur la réintégration des déficits de ces sociétés au titre de ses exercices clos les 31 mars 2014 et 2015 sont irrecevables.

4. Pour le même motif, la réclamation du 23 décembre 2018, s'agissant de la SCCV Le Pas Fleury, au titre de son exercice clos le 31 décembre 2013, est tardive. En outre, les résultats de la SCCV Le Pas Fleury réalisés au titre de son exercice clos le 31 décembre 2014 n'ont donné lieu à aucune imputation sur les bénéfices de la société requérante. Il suit de là que les conclusions de la requête, en tant qu'elles portent sur la réintégration des déficits de la SCCV Le Pas Fleury dans les résultats de la SARL Dufankev au titre de ses exercices clos les 31 mars 2014 et 2015, sont irrecevables.

En ce qui concerne les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016 :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

5. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) ". Selon l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

6. Par la proposition de rectification du 25 septembre 2017, l'administration a précisé à la SARL Dufankev qu'en application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, elle n'a pas déclaré, dans la liasse portant sur l'exercice clos le 31 mars 2016, sa quote-part des résultats des trois sociétés dont elle est associée minoritaire et dont les bénéfices ont été rehaussés par des propositions de rectification du 23 mai 2017. Par ailleurs, la société requérante ne soutient pas utilement qu'elle n'aurait pas eu accès à l'intégralité de celles adressées aux trois sociétés susmentionnées. A cet égard et en tout état de cause, l'administration a joint à la proposition de rectification du 25 septembre 2017 ces trois propositions en larges extraits de 17 pages au total sans que la société requérante ne précise en quoi ceux-ci seraient insuffisants ou tronqués de telle sorte qu'ils l'auraient empêché de faire valoir utilement ses observations. Enfin, si la société requérante soutient que l'administration aurait dû tenir compte des liasses fiscales déposées par ces trois sociétés postérieurement aux propositions de rectification qui leur ont été adressées, une telle circonstance, ayant trait au bien-fondé des impositions en litige, est sans influence sur la régularité de celles-ci. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification du 25 septembre 2017 ne serait pas suffisamment motivée doit être écarté.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

7. Aux termes de l'article 218 bis du code général des impôts : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8,8 quater, 8 quinquies et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles ". Aux termes de l'article 38 du même code : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation (...) ".

8. D'une part, la circonstance, à la supposer même avérée, que les SCVV Le Pas Fleury, Rocca et Davayes n'aient pas communiqué à la SARL Dufankev leurs bilans dans les délais impartis est sans influence sur le bien-fondé des impositions supplémentaires à laquelle cette dernière a été assujettie à raison de la réintégration dans ses résultats, au titre de son exercice clos le 31 mars 2016, de sa quote-part des bénéfices réalisés par ces trois sociétés au titre de leur exercice clos le 31 décembre 2015.

9. D'autre part, il résulte de l'instruction que, pour rectifier les résultats des trois sociétés dont la SARL Dufankev est associée, l'administration s'est fondée sur leurs documents comptables, ces sociétés s'étant abstenues de déposer leurs liasses fiscales dans les délais impartis malgré la mise en demeure qui leur avait été adressée. Elle a déterminé le résultat imposable de la SCCV Le Pas Fleury en retenant, pour les produits, des ventes pour 89 167 euros, des stocks pour 61 509 euros, des loyers pour 5 597 euros, soit un total de 156 273 euros, et des charges s'élevant à 10 391 euros, soit un résultat de 145 882 euros. Elle a retenu un résultat de 197 344 euros pour la SCCV Rocca en faisant la différence entre les produits imposables et les charges déductibles. Enfin, elle a, selon la même méthode, retenu un résultat de 242 354 euros pour la SCCV Davayes. Pour contester le bienfondé des rehaussements du résultat de chacune des trois sociétés auxquels l'administration fiscale a procédé selon la procédure de taxation d'office, la société requérante se borne à renvoyer aux liasses fiscales déposées par ces sociétés postérieurement à la vérification de comptabilité dont elles ont fait l'objet sans pour autant que ces seuls documents ne justifient, à eux seuls, de la nature et des contreparties des charges déduites, ni ne remettent en cause le montant des recettes retenues par l'administration. Elle ne précise pas non plus en quoi le calcul du ministre, déjà exposé en première instance et réitéré en appel, serait erroné.

10. Dès lors, la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 mars 2016. Elle n'est, en tout état de cause, pas non plus fondée à se prévaloir de ces mêmes liasses fiscales déposées par les trois sociétés dont elle est associée pour contester, à titre subsidiaire, le montant de ces mêmes cotisations supplémentaires.

En ce qui concerne les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. Pour justifier l'application de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration fait valoir que la SARL Dufankev a omis de déclarer en 2016 la quote-part des bénéfices réalisés par les sociétés Le Pas Fleury, Rocca et Davaye, alors qu'elle-même indique qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle devait la déclarer pour la détermination de ses bénéfices. En faisant état de ces éléments, l'administration doit être regardée comme justifiant suffisamment du caractère délibéré des manquements déclaratifs du contribuable. Il s'ensuit que l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les suppléments d'imposition en litige ont été assortis de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Dufankev n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande et que ses conclusions à fin de décharge présentées en appel, y compris à titre subsidiaire, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

14. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par la SARL Dufankev non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Dufankev est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Dufankev et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction du contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023 où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la cour,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2023.

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N° 21MA00747

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