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08/06/2023 | FRANCE | N°21MA00978

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 08 juin 2023, 21MA00978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1902616 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mars 2021 et 23 août 2021, M. D..., re

présenté par Me Weill, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902616 du 12 janvier...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2014 et 2015.

Par un jugement n° 1902616 du 12 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 mars 2021 et 23 août 2021, M. D..., représenté par Me Weill, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902616 du 12 janvier 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée devant le tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que les conditions permettant d'opérer une substitution de base légale ne sont pas remplies ;

- le droit au débat oral et contradictoire a été méconnu ;

- l'administration a irrégulièrement procédé à une vérification de comptabilité de la SCI Villa Wilson ;

- la SCI a été privée des garanties attachées au contrôle sur place ;

- l'intention locative et les diligences accomplies en vue d'une location sont établies.

Par des mémoires en défense enregistrés les 28 juin 2021 et 23 septembre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. D... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Platillero,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Villa Wilson, qui a pour associés M. B... et M. D..., co-gérants et détenteurs chacun de 34 % des parts, la SNC Demeures et Investissements à hauteur de 17 % et M. C... à hauteur de 15 %, a fait l'objet d'un contrôle sur place, à l'issue duquel une proposition de rectification du 24 juillet 2017 en matière d'impôt sur les sociétés lui a été notifiée suivant une procédure de taxation d'office. Toutefois, cette proposition de rectification a été annulée et remplacée par une proposition de rectification du 4 octobre 2017 en matière d'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers suivant la procédure contradictoire. Au terme de la procédure, M. D... a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 et 2015, assorties des intérêts de retard et d'une majoration de 10 %. M. D... relève appel du jugement du 12 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et majorations, de ces impositions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. D'une part, dès lors que, ainsi qu'il est dit au point 8, l'administration n'a procédé à aucune substitution de base légale, M. D... ne peut utilement soutenir que les premiers juges n'ont pas suffisamment motivé leur réponse aux moyens afférents à l'irrégularité d'une telle substitution, qui étaient inopérants. D'autre part, les premiers juges ont suffisamment répondu au point 5 du jugement attaqué au moyen tiré de l'absence de débat oral et contradictoire, le bien fondé de cette réponse étant sans incidence sur le caractère suffisant de la motivation du jugement. Par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes de l'article 172 bis du code général des impôts : " Un décret précise la nature et la teneur des documents qui doivent être produits ou présentés à l'administration par les sociétés immobilières non soumises à l'impôt sur les sociétés qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés (...) ". Les articles 46 B et 46 C de l'annexe III au même code soumettent les sociétés immobilières mentionnées à l'article 172 bis du code général des impôts à des obligations déclaratives particulières et en vertu de l'article 46 D de la même annexe, ces sociétés " sont tenues de présenter à toute réquisition du service des impôts tous documents comptables ou sociaux, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des renseignements portés sur les déclarations prévues auxdits articles 46 B et 46 C. ". Il résulte de ces dispositions qu'afin d'examiner les documents comptables et autres pièces justificatives que l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts impose aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés de tenir, l'administration peut légalement procéder à un contrôle sur place de ces documents, dans le respect des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés.

5. La SCI Villa Wilson, constituée le 11 septembre 2013, a déposé depuis sa création des déclarations en qualité de société immobilière non soumise à l'impôt sur les sociétés. Au titre des années 2014 et 2015, elle n'a déclaré aucune recette mais a déduit des charges qui ont généré des déficits, à hauteur de 42 552 euros en 2014 et 60 811 euros en 2015, que ses associés ont imputés à proportion de leurs parts, dans la catégorie des revenus fonciers. L'administration a notifié à la SCI Villa Wilson un avis de contrôle sur place du 8 mars 2017 lui demandant de tenir à sa disposition à l'occasion de la première intervention sur place les documents prévus aux articles 172 bis du code général des impôts et 46 D de l'annexe III à ce code. A l'issue des opérations sur place, estimant que la SCI exerçait une activité d'achat-revente de biens immobiliers, elle lui a notifié une proposition de rectification du 20 juillet 2017 en matière d'impôt sur les sociétés, l'avis du 8 mars 2017 précisant que, dans l'hypothèse où la SCI serait reconnue passible de cet impôt, il vaudrait avis de vérification de comptabilité. Par une proposition de rectification du 24 juillet 2017, elle a en conséquence remis en cause les déductions de déficits opérées par M. D... en matière de revenus fonciers. A la suite d'une transmission de documents du 25 septembre 2017, ces propositions de rectification ont toutefois été abandonnées et remplacées par des propositions de rectification du 4 octobre 2017 notifiées à la SCI Villa Wilson et à M. D..., admettant l'imposition à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers mais maintenant la remise en cause des déficits du fait d'une réserve de jouissance, faute de location du bien.

6. Il ne résulte pas de l'instruction que lors du contrôle sur place de la SCI Wilson, l'administration aurait exigé la présentation de documents comptables et pièces justificatives autres que celles que l'article 46 D de l'annexe III au code général des impôts impose aux sociétés civiles immobilières qui donnent leurs immeubles en location ou en confèrent la jouissance à leurs associés de tenir, ou l'aurait privée d'une des garanties bénéficiant à l'ensemble des contribuables vérifiés. Dans ces conditions, la seule circonstance que l'administration lui a adressé une proposition de rectification du 20 juillet 2017 en matière d'impôt sur les sociétés, ultérieurement abandonnée, ne saurait établir l'irrégularité de la procédure de contrôle sur place qui a été effectivement engagée.

7. A cet égard, il est constant que la SCI Villa Wilson a bénéficié de deux entretiens avec le vérificateur les 22 mars et 24 avril 2017, dont il n'est pas allégué qu'ils auraient été insuffisants pour appréhender les rectifications en litige, et M. D... n'établit pas que le vérificateur se serait alors refusé à un débat oral et contradictoire, en se bornant à se prévaloir de ce que des mises en demeure de déposer des déclarations d'impôt sur les sociétés rappelant les conséquences d'un défaut de déclaration ont été notifiées à la SCI. Par ailleurs, dès lors que la SCI Villa Wilson n'a été privée d'aucune garantie de procédure attachée au contrôle sur place, M. D... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que l'administration aurait dû, à la suite de l'abandon de la proposition de rectification du 20 juillet 2017, engager à nouveau une telle procédure.

8. Enfin, il est constant qu'à la suite de la proposition de rectification du 4 octobre 2017 notifiée dans le délai de reprise, l'ensemble des garanties attachées à la procédure contradictoire a été respecté. Contrairement à ce que soutient M. D..., cette proposition de rectification annule et remplace la proposition de rectification du 20 juillet 2017 et ne procède pas à une substitution de base légale. Les moyens tirés de l'irrégularité d'une telle substitution, au regard de la loi et de l'instruction administrative 13-O-1412 du 30 avril 1996 reprise au bulletin officiel des impôts CTX-CTG-DG-20-40-10 du 12 septembre 2012, sont ainsi inopérants.

Sur le bien-fondé des impositions :

9. Aux termes de l'article 14 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 15, sont compris dans la catégorie des revenus fonciers, lorsqu'ils ne sont pas inclus dans les bénéfices d'une entreprise industrielle, commerciale ou artisanale, d'une exploitation agricole ou d'une profession non commerciale : 1° Les revenus des propriétés bâties, telles que maisons et usines (...) ". Aux termes de l'article 15 de ce code : " II. Les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ". Aux termes de l'article 28 du même code : " Le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété ". Il résulte de ces dispositions que les charges afférentes aux logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne peuvent venir en déduction pour la détermination du revenu foncier compris dans le revenu global soumis à l'impôt sur le revenu. Il appartient au propriétaire qui entend, pour déduire les charges afférentes à un logement resté vacant, se prévaloir de ce qu'il a entendu le louer et non s'en réserver la jouissance d' apporter la preuve des diligences qu'il a accomplies pour la location de ce logement.

10. La SCI Villa Wilson a acquis le 19 décembre 2013 un bien immobilier composé d'une maison de maître de trois étages avec son terrain située avenue du Président Wilson et traverse Bizalion à La Ciotat pour un prix de 800 000 euros. Elle a effectué des travaux de rénovation sur ce bien, avant de procéder le 21 septembre 2015 à une division parcellaire en quatorze lots qu'elle a ensuite revendus entre cette date et le 21 décembre 2016. L'administration a remis en cause la déduction des charges afférentes à cet immeuble au titre des années 2014 et 2015, sur le fondement du II de l'article 15 du code général des impôts.

11. Il résulte de l'instruction que la SCI Villa Wilson a acquis le bien en litige en vue de le confier en location après rénovation pour l'exploitation d'un établissement hôtelier. Le requérant produit l'acte authentique du 19 décembre 2013 qui fait état, dans ses dispositions relatives au prêt souscrit pour l'acquisition, de l'achat d'un immeuble ancien d'une surface de 470 m² comprenant neuf logements et dix pièces à titre de résidence secondaire à usage locatif à hauteur de 800 000 euros et de travaux de grosses réparations à hauteur de 330 000 euros en vue de la création de neuf chambres d'hôtes et une salle de réception, ainsi que des cahiers de clauses techniques particulières, des devis, des factures et des plans réalisés en vue de la réalisation de ce projet. Toutefois, il est constant que le projet a été abandonné pour des motifs financiers, ce que confirme un courrier du maître d'œuvre adressé à la SCI Villa Wilson dès le 4 mars 2014, qui fait état d'un important dépassement du budget prévisionnel. Il est tout aussi constant qu'après abandon de ce projet, le bien a été rénové en logements qui ont été cédés à compter du 21 septembre 2015, sans que la SCI Villa Wilson n'ait accompli aucune diligence pour louer ces logements, ni même d'ailleurs n'ait eu l'intention de les louer. Dans ces conditions, la SCI Villa Wilson doit être regardée comme s'étant réservée la jouissance du bien en litige. Par suite, les déficits fonciers déclarés par M. D... du fait de la prise en compte des frais afférents à l'immeuble n'étaient pas déductibles de ses revenus fonciers, en application du II de l'article 15 du code général des impôts.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation de ce jugement et de décharge, en droits et majorations, des impositions en litige, doivent dès lors être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. D... demande au titre des frais qu'il a exposés.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 juin 2023.

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N° 21MA00978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00978
Date de la décision : 08/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Fabien PLATILLERO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : WEILL

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-06-08;21ma00978 ?
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