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13/07/2023 | FRANCE | N°21MA02011

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 13 juillet 2023, 21MA02011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Galasud a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1907838 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés correspondant aux avances sans intérêts consenti

es aux sociétés civiles immobilières (SCI) Delta Promotion, Elco Apt et Centre commercial La...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Galasud a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 1907838 du 26 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a réduit les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés correspondant aux avances sans intérêts consenties aux sociétés civiles immobilières (SCI) Delta Promotion, Elco Apt et Centre commercial La Croix à proportion des participations détenues par la SARL Galasud dans ces SCI, en prononçant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés correspondantes, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 mai 2021, la SARL Galasud, représentée par Me Georges, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 mars 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives aux provisions pour dépréciation des comptes courants dans les SCI Elco Apt et Delta Promotion ainsi qu'aux provisions pour dépréciation des titres de participation dans ces SCI et la SCI Centre commercial La Croix ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés relatives aux avances sans intérêts qu'elle a accordées aux SCI Centre Carpentras, Centre Venelles et Centre La Seyne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une société associée et créancière d'une société civile immobilière est en droit de constituer une provision pour faire face au risque qui lui est propre de ne pas pouvoir recouvrir sa créance ; le bien constituant le seul actif de la SCI Delta Promotion a été cédé le 6 novembre 2015 et le bien immobilisé à l'actif de la SCI Elco Apt pour un montant de 1 050 000 euros au titre de l'exercice 2014 n'a qu'une valeur vénale de 580 000 euros ;

- les SCI Delta Promotion et Centre commercial La Croix ont cédé leurs actifs et elle était en droit de constituer des provisions dès lors que ces opérations n'ont pas de lien avec leur activité de gestion de patrimoine ; il en est de même s'agissant de la SCI Elco Apt dès lors que la valeur réelle du bien qu'elle possède est inférieur de moitié à son prix de revient ;

- la solution de décharge partielle adoptée par le tribunal pour les avances consenties aux SCI Delta Promotion, Elco Apt et Centre commercial La Croix doit être étendue aux SCI Centre Carpentras, Centre Venelles et Centre La Seyne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Claudé-Mougel,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité, la SARL Galasud, qui exerce une activité de promotion immobilière de logements, a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des années 2014 et 2015, résultant de la remise en cause de provisions qu'elle avait constituée pour dépréciation des comptes courants qu'elle détient dans des SCI Elco Apt et Delta Promotion dont elle est associée ainsi que pour la dépréciation des titres détenus dans ces SCI et la SCI Centre commercial La Croix, et de la réintégration dans ses résultats des intérêts qu'elle aurait dû percevoir dans le cadre d'une gestion normale sur des avances consenties à ces SCI. Elle relève appel du jugement du 26 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a fait partiellement droit à sa demande en réduisant les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés correspondant à ces avances sans intérêts, en demandant que cette solution soit étendue aux avances consenties aux SCI Centre Carpentras, Centre Venelles et Centre La Seyne et que soit prononcée la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause des provisions qu'elle a comptabilisées.

Sur l'étendue du litige :

2. Par deux décisions du 1er juin et du 22 juin 2021, postérieures à l'introduction de la requête d'appel, l'administration fiscale a prononcé le dégrèvement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés relatives non seulement aux avances sans intérêts consenties au cours des années 2014 et 2015 par la SARL Galasud aux SCI Elco Apt, Delta Promotion et Centre commercial La Croix, mais également à celles relatives aux avances sans intérêts qu'elle a consenties aux SCI Centre Carpentras, Centre Venelles et Centre La Seyne. Les conclusions de la requête de la SARL Galasud sont donc, dans cette mesure, devenues sans objet.

Sur le bien-fondé du jugement et les conclusions à fin de décharge :

3. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : (...) 5° les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des évènements en cours rendent probables (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent aux opérations de toute nature déjà effectuées, à cette date, par l'entreprise. Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier tant du montant des provisions qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que du principe même de leur déductibilité.

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation des comptes courants d'associés détenus par la SARL Galasud dans les SCI Elco Apt et Delta Promotion :

4. Une créance à recouvrer ne peut faire l'objet d'une provision que si son recouvrement a été reconnu douteux. Le caractère irrécouvrable d'une créance est subordonné à la preuve, qu'il incombe au contribuable de rapporter, d'une part, de l'accomplissement de diligences et de démarches conduites en vue de leur recouvrement et demeurées infructueuses et, d'autre part, de l'insolvabilité des débiteurs. Par ailleurs, en raison du fait que les membres d'une société civile immobilière sont tenus des dettes de celle-ci à l'égard des créanciers, une créance sur une société de cette forme ne peut être considérée comme douteuse que si elle est reconnue comme telle à l'égard non seulement de la société elle-même mais aussi de ses membres.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la SARL Galasud a constitué, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014, une provision d'un montant de 597 500 euros correspondant au solde débiteur du compte courant de la SCI Elco Apt dont elle est associée à hauteur de 75 % des parts sociales avec la SARL Agal qui détient les 25 % restant. Si la requérante fait état, pour justifier la constitution de cette provision, de la circonstance que la valeur vénale du bien que détient la SCI Elco Apt, bien qu'immobilisé à son actif pour un montant de 1 050 000 euros, est de 580 000 euros, inférieur à la créance qu'elle détient sur la SCI, elle n'établit pas ni même n'allègue que cette dernière et la SARL Agal auraient été insolvables, ou avoir engagé de quelconques démarches en vue du recouvrement de sa créance. L'administration était ainsi fondée à réintégrer cette provision dans les résultats de la SARL Galasud au titre de cet exercice.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction que la SARL Galasud a constitué, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, une provision d'un montant de 103 113,59 euros du fait du solde débiteur du compte courant de la SCI Delta Promotion, dont elle détient la totalité des parts, à hauteur de 787 242,51 euros. Elle n'établit pas davantage l'état d'insolvabilité de cette SCI alors que son résultat était, au titre cette exercice, bénéficiaire à hauteur de 596 505 euros, ni, par ailleurs, avoir engagé de quelconques démarches en vue du recouvrement de sa créance. L'administration était donc également fondée à réintégrer cette provision dans les résultats de la SARL Galasud au titre de cet exercice, nonobstant la circonstance que cette SCI aurait cédé, en novembre 2015, le seul immeuble qu'elle détenait.

En ce qui concerne les provisions pour dépréciation de titres de participation :

7. En vertu des dispositions combinées des articles 8, 218 bis et 239 ter du code général des impôts, les associés des sociétés civiles qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de leur vente sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il résulte de ces dispositions que, lorsque leur bénéfice imposable est déterminé conformément aux prescriptions des articles 38 et suivants du code général des impôts, ces associés doivent prendre en compte, à la clôture de leurs propres exercices, comme un profit imposable ou comme une charge déductible, la part qui leur revient dans les résultats bénéficiaires ou déficitaires de la société civile. Si cette règle n'a pas pour effet de priver les mêmes associés de la faculté qu'ils tiennent du 5°) du 1 de l'article 39 du code général des impôts de constituer une provision en vue de faire face à une dépréciation de leur participation dans le cas où des circonstances postérieures à l'acquisition de cette participation et sans lien avec l'activité de la société rendent probable une dévalorisation de quelque élément du patrimoine de cette dernière, elle fait, en revanche, obstacle à ce qu'ils puissent constituer une telle provision en vue de tenir compte de résultats déficitaires de l'activité de la société qui, même probables, ne seront qu'ultérieurement constatés dans les écritures de celle-ci et dont alors seulement, ils pourront déduire la part qui leur revient.

8. Il résulte de l'instruction que la SARL Galasud a comptabilisé, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2014, des provisions pour dépréciation de titres de participation détenus au sein des SCI Elco Apt et SCI Centre commercial La Croix (" 3C "), respectivement à hauteur de 127 500 euros et 210 520 euros et, au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2015, une provision pour dépréciation de titres de participation qu'elle détient au sein de la SCI Delta Promotion, pour un montant de 61 600 euros. Si elle soutient que ces sociétés ont chacune cédé les immeubles inscrits à leur actif, cette circonstance, qui n'est pas, contrairement à ce qu'elle affirme, sans lien avec leur activité, n'est pas de nature, à elle seule, à rendre probable une dévalorisation de leur patrimoine, alors que ces cessions ont nécessairement eu une contrepartie. Il ressort ainsi des attestations de vente produites par la requérante que la cession de l'immeuble que possédait la SCI Delta Promotion est intervenue le 6 novembre 2015 en contrepartie d'un montant de 2 025 000 euros et que ceux que possédait la SCI Centre commercial La Croix ont été vendus le 12 décembre 2014 en contrepartie d'une somme de 3 589 092 euros. Si la SARL Galasud produit des attestations de vente, en 2012, d'immeubles que possédait la SCI Elco Apt, qui démontrent d'ailleurs que l'activité de la SCI ne se limitait pas à la gestion locative, il résulte de l'instruction qu'elle possédait toujours des actifs immobiliers au cours de l'exercice 2014, et la SARL Galasud n'établit pas que leur valeur vénale aurait été inférieure à leur valeur d'inscription en comptabilité, au titre des immobilisations. L'administration fait en outre valoir, sans être contredite, que la SARL Galasud a acquis le 10 décembre 2014, soit 21 jours avant la constitution effective de la provision, les titres de la SCI Elco Apt, pour un montant 170 fois supérieur à leur valeur nominale. En conséquence, l'administration était en droit de procéder à la réintégration des provisions litigieuses dans les bases d'imposition de la société requérante soumises à l'impôt sur les sociétés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Galasud n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées.

D É C I D E

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la SARL Galasud tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés relatives aux avances sans intérêts qu'elle a accordées aux SCI Centre Carpentras, Centre Venelles et Centre La Seyne.

Article 2 : Le surplus de la requête de la SARL Galasud est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Galasud et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 29 juin 2023, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- M. Platillero, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juillet 2023.

2

N° 21MA02011


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02011
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net. - Provisions.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: M. Arnaud CLAUDÉ-MOUGEL
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : SELARL PATRICK GEORGES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-07-13;21ma02011 ?
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