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14/09/2023 | FRANCE | N°22MA00659

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 14 septembre 2023, 22MA00659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) de Garavan a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 mars 2018 par lequel le maire de Menton a refusé de lui délivrer un permis de construire tendant à la rénovation et à l'extension d'une maison existante ainsi qu'à la surélévation d'un abri de jardin pour créer une bergerie, ensemble la décision portant rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803369 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a ann

ulé cet arrêté du 2 mars 2018 et cette décision portant rejet implicite du recours ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le groupement foncier agricole (GFA) de Garavan a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 mars 2018 par lequel le maire de Menton a refusé de lui délivrer un permis de construire tendant à la rénovation et à l'extension d'une maison existante ainsi qu'à la surélévation d'un abri de jardin pour créer une bergerie, ensemble la décision portant rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1803369 du 31 décembre 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du 2 mars 2018 et cette décision portant rejet implicite du recours gracieux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 23 février et 27 juillet 2022, la commune de Menton, représentée par Me Barbaro, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande du GFA de Garavan devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge du GFA de Garavan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maire était tenu de rejeter la demande de permis de construire qui ne portait pas sur la régularisation des travaux réalisés antérieurement sans autorisation ;

- l'auteur de l'arrêté contesté disposait d'une délégation de pouvoir régulière ;

- il n'est pas démontré que le cabanon de jardin a été régulièrement édifié ;

- l'aménagement de la voie d'accès a été effectué sans autorisation et en contravention avec les dispositions du plan de prévention des risques naturels ;

- le terrain d'assiette est insuffisamment desservi en eau potable, électricité et assainissement ;

- la dangerosité de la voie d'accès justifie l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le projet qui n'est pas situé dans un espace déjà urbanisé ne peut être autorisé par application de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;

- le projet était soumis à la délivrance préalable d'une autorisation de défrichement ;

- les plans joints au dossier de la demande ne localisent pas précisément la voie d'accès ;

- la voie d'accès porte atteinte au caractère des lieux.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 juillet 2022, le GFA de Garavan, représenté par Me Zago, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de Menton au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Menton ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2022, la commune de Menton demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Nice du 31 décembre 2021 et de mettre à la charge du GFA de Garavan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens qu'elle invoque sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code forestier ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Copelovici, représentant la commune de Menton, et de Me Larbre, représentant le GFA de Garavan.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 2 mars 2018, le maire de Menton a refusé de délivrer au groupement foncier agricole (GFA) de Garavan un permis de construire tendant à la rénovation et à l'extension d'une maison existante ainsi qu'à la surélévation d'un abri de jardin pour créer une bergerie, sur un terrain cadastré section AO nos 135, 136, 137, 138 et 139. La commune de Menton relève appel du jugement du 31 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et la décision portant rejet implicite du recours gracieux exercé contre lui.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / Lorsque le terrain n'est pas directement desservi par une voie ouverte à la circulation publique, le plan de masse indique l'emplacement et les caractéristiques de la servitude de passage permettant d'y accéder. (...) ". Aux termes de l'article R. 111-8 du même code : " L'alimentation en eau potable et l'assainissement des eaux domestiques usées, la collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement ainsi que l'évacuation, l'épuration et le rejet des eaux résiduaires industrielles doivent être assurés dans des conditions conformes aux règlements en vigueur. ".

3. Pour refuser de délivrer le permis de construire demandé par le GFA de Garavan, le maire de Menton a relevé que le dossier déposé n'attestait pas de la desserte du projet en eau potable, en électricité et en assainissement, que le plan de masse était insuffisamment précis quant à la localisation d'une voie d'accès et que le projet ne respectait pas les dispositions de l'article R. 111-8 du code de l'urbanisme. Le dossier de cette demande comporte un plan de masse où sont figurés les raccordements prévus au réseau d'assainissement et de collecte des eaux pluviales (EP) ainsi qu'une voie interne débouchant au droit d'un parking aménagé sur la parcelle contigüe au sud, le plan de situation et la vue aérienne joints révélant que cette dernière parcelle est elle-même desservie par la voie publique. En outre, le projet, qui porte sur la rénovation et l'extension d'une maison existante ainsi que sur la surélévation d'un abri de jardin pour créer une bergerie, ne crée pas de nouveaux logements, ce qui ne rend pas nécessaires de nouveaux raccordements. Par suite, l'absence de représentation des raccordements aux réseaux d'électricité et d'eau potable, raccordements dont l'existence a été établie en défense, est sans incidence sur la régularité de la composition du dossier. Dans ces conditions, c'est à tort que le maire de Menton s'est fondé sur les dispositions citées au point 4 pour refuser de délivrer le permis de construire demandé par le GFA de Garavan.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme : " Lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 ou L. 214-13 du code forestier, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet, si le défrichement est ou non soumis à reconnaissance de la situation et de l'état des terrains et si la demande doit ou non faire l'objet d'une enquête publique. ". Aux termes de l'article L. 341-1 du code forestier : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. / Est également un défrichement toute opération volontaire entraînant indirectement et à terme les mêmes conséquences, sauf si elle est entreprise en application d'une servitude d'utilité publique. / La destruction accidentelle ou volontaire du boisement ne fait pas disparaître la destination forestière du terrain, qui reste soumis aux dispositions du présent titre. ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. L'autorisation est délivrée à l'issue d'une procédure fixée par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article L. 342-1 du même code : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'Etat, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; (...) ". Aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. ". Par un arrêté n° 2012-1020 du 9 octobre 2012, librement consultable sur le site internet de la préfecture des Alpes-Maritimes, le préfet des Alpes-Maritimes a fixé à 1 hectare, dans les communes littorales telles que celle de Menton, le seuil prévu notamment au 1° de l'article L. 342-1.

5. La nature du projet envisagé décrite dans le formulaire CERFA de la demande de permis de construire consiste en la rénovation et la petite extension d'une maison existante et en la surélévation d'un abri de jardin pour créer une bergerie. La notice descriptive des travaux ne fait état d'aucun déboisement à réaliser. Le plan de masse ne fait pas apparaître d'arbres qui préexisteraient sur l'emprise de cette extension. Par suite, alors que la commune de Menton se borne à faire valoir que le terrain d'assiette du projet supporte un boisement et qu'elle est d'ailleurs en partie grevée d'un espace boisé classé, c'est à tort que son maire a refusé de délivrer le permis demandé par le GFA de Garavan aux motifs que les travaux projetés nécessitaient une autorisation de défrichement que le pétitionnaire n'avait pas obtenue et que celui-ci ne produisait pas la pièce prévue à l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme, le service instructeur n'ayant au surplus pas demandé à celui-ci de compléter le dossier sur ce point.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ". Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées.

7. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux est situé dans un espace proche du rivage identifié par la directive territoriale d'aménagement (DTA) des Alpes-Maritimes, approuvée par décret du 2 décembre 2003. Il consiste d'abord en la réalisation d'une extension de 9,86 mètres carrés d'une construction existante à usage d'habitation disposant initialement d'une surface de plancher de 95,42 mètres carrés. Une telle extension d'une construction existante ne présente pas le caractère d'une extension de l'urbanisation au sens des dispositions de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. En revanche, le projet porte également sur la surélévation d'un abri de jardin ajoutant une surface de plancher de 30,36 mètres carrés à la surface existante de 15,18 mètres carrés. La commune oppose la circonstance que la construction de l'abri de jardin devant faire l'objet d'une extension n'a pas été autorisée. Si le GFA de Garavan fait valoir que cette construction est cadastrée, qu'elle est mentionnée dans l'acte de vente établi le 8 novembre 2006 et que la maison d'habitation érigée sur le terrain a été construite entre 1914 et 1918, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'abri de jardin aurait été autorisé avant l'entrée en vigueur de la loi relative à l'urbanisme du 15 juin 1943 et qu'il n'était pas soumis à l'époque à permis de construire. La commune de Menton est ainsi fondée à soutenir que l'extension de cet abri de jardin, qui ne se situe pas dans un espace déjà urbanisé, méconnaît les dispositions du code de l'urbanisme relatives au littoral telles que précisées par la directive territoriale d'aménagement des Alpes-Maritimes.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Les risques d'atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers. Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique permettent d'octroyer un permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

9. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, qui est en pente, comporte une voie interne dont la construction a nécessité divers déblayage et terrassements pour élargir un chemin préexistant. Les photographies annexées au procès-verbal d'infraction établi le 10 novembre 2010 montrent l'existence d'un phénomène de ravinement très limité. Le jugement du 20 janvier 2016 par lequel le tribunal correctionnel de Nice a relaxé partiellement le GFA de Garavan des poursuites engagées contre lui mentionne une certaine instabilité et des ruissellements sans faire état de dommages particuliers. Faute d'établir la réalité des risques encourus sur le terrain d'assiette résultant en particulier de la présence de cette voie, en opposant au pétitionnaire les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour refuser la délivrance du permis de construire demandé, le maire de Menton a donc entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

10. En cinquième lieu, l'article II.1 du règlement du plan de prévention des risques de mouvement de terrain (PPRMT) de la commune de Menton, approuvé le 14 février 2001, interdit en zone rouge tous travaux, ouvrages, aménagements ou constructions à l'exception de ceux mentionnés à l'article II.2. Aux termes de cet article II.2, sont autorisés avec prescriptions, notamment, d'une part, les travaux d'entretien des bâtiments implantés antérieurement à l'approbation de ce plan, les extensions limitées à 10 mètres carrés de surface hors œuvre nette et nécessaires à des mises aux normes d'habitabilité et de sécurité, à condition de ne pas aggraver les risques et de ne pas augmenter significativement le nombre de personnes exposées, d'autre part, sous réserve qu'ils ne fassent pas l'objet d'une occupation humaine permanente et qu'ils n'aggravent pas les risques ou leurs effets, les annexes des bâtiments d'habitation existants (garages, bassins, piscines...) ainsi que les constructions et installations directement liées à l'exploitation agricole ou forestière.

11. En l'espèce, l'extension de 9,86 mètres carrés de la construction existante à usage d'habitation présente sur le terrain d'assiette est au nombre des constructions autorisées sous réserve de prescriptions par l'article II.2 du règlement du PPRN. En outre, il n'est pas contesté que le bâtiment agricole existant dont le projet prévoit la surélévation est directement lié à l'exploitation agricole de culture de citronniers envisagée par le GFA de Garavan. La circonstance que l'abri de jardin préexistant et la voie interne, pour laquelle d'ailleurs le projet ne prévoit pas de réalisation de travaux, aurait été édifié sans autorisation est sans incidence sur la conformité de ce type de construction au règlement du PPRN. Ainsi, c'est à tort que le maire de Menton s'est fondé sur les dispositions de ce règlement pour refuser de délivrer le permis de construire en cause.

12. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale et les plans locaux d'urbanisme doivent prévoir des espaces naturels présentant le caractère d'une coupure d'urbanisation. ".

13. L'arrêté contesté est encore motivé par la circonstance que la voie d'accès au projet, en réalité la voie interne précitée, " semble être réalisée sur un espace concerné par l'article L. 121-22 relatif à la préservation des coupures d'urbanisation devant être traduit en espace boisé classé ". En se bornant à soutenir en appel que cette voie, grevée d'un espace boisé classé au plan local d'urbanisme actuel, est dangereuse et défigure les lieux, la commune de Menton ne conteste pas utilement le motif du jugement qui a considéré que les dispositions de l'article L. 121-22 du code de l'urbanisme ne sont pas directement opposables aux permis de construire, la commune n'étant d'ailleurs même pas couverte par un document d'urbanisme à la date de l'arrêté litigieux.

14. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

15. Lorsqu'une construction a fait l'objet de transformations sans les autorisations d'urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l'ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu'il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l'édifice réalisée sans autorisation. En revanche, une telle exigence ne trouve pas à s'appliquer dans le cas où les travaux effectués sans autorisation concernent d'autres éléments bâtis sur le terrain d'assiette du projet si le permis demandé ne porte pas sur ces éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment avec la construction faisant l'objet de la demande d'extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique.

16. Il ressort des mentions du jugement du tribunal correctionnel de Nice du 20 janvier 2016 mentionné au point 11 que le GFA de Garavan a reconstitué la voie existant actuellement sur son terrain à partir d'un ancien chemin semblant avoir existé depuis 1844 en s'abstenant de déposer une déclaration préalable. Ainsi qu'il a été exposé au point 13, la demande de permis de construire déposée par le GFA de Garavan ne porte pas sur cette voie. Pour autant, cet élément distinct du projet ne forme pas avec les constructions faisant l'objet de la demande d'extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, un ensemble immobilier unique. Par suite, la commune de Menton n'est pas fondée à soutenir que la demande de permis de construire en litige devait également porter sur cette voie en vue d'en obtenir la régularisation et à demander la substitution d'un tel motif aux motifs initiaux.

17. Ainsi qu'il a été dit au point 9, la commune de Menton est fondée à soutenir que la construction de l'abri de jardin devant faire l'objet d'une extension est irrégulière. Le pétitionnaire ayant omis de faire porter sa demande de permis sur l'ensemble des éléments de cette construction, le maire de Menton ne pouvait légalement lui accorder un permis portant uniquement sur l'extension de ce bâtiment construit sans autorisation. Ce nouveau motif, qui ne prive pas le pétitionnaire d'une garantie procédurale, doit donc être substitué aux motifs initiaux sur lesquels l'arrêté du 2 mars 2018 était fondé. En revanche, le projet objet de la demande de permis de construire étant divisible, ce motif est de nature à justifier uniquement le refus de permis de construire en ce qui concerne l'extension de l'abri de jardin.

18. Il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance et en appel par le GFA de Garavan à l'encontre de l'arrêté du 2 mars 2018 en tant qu'il refuse le permis de construire pour l'extension d'un abri de jardin. Il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que cet arrêté aurait été pris par une autorité incompétente par adoption des motifs retenus à bon droit aux points 2 et 3 du jugement attaqué.

19. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Menton est fondée uniquement à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 2 mars 2018 en ce qu'il refuse la surélévation d'un abri de jardin pour créer une bergerie et dans cette mesure la décision portant rejet implicite du recours gracieux.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :

20. Le présent arrêt se prononçant sur les conclusions à fin d'annulation du jugement en litige, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont, en tout état de cause, devenues sans objet et il n'y a donc pas lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par le GFA de Garavan.

Article 2 : L'arrêté du 2 mars 2018 du maire de Menton et la décision par laquelle le recours gracieux du GFA de Garavan a été rejeté sont annulés en tant qu'ils refusent un permis de construire tendant à la rénovation et à l'extension d'une maison existante.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 31 décembre 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Menton et du GFA de Garavan au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Menton et au groupement foncier agricole de Garavan.

Délibéré après l'audience du 31 août 2023, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Claudé-Mougel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2023.

N° 22MA00659 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00659
Date de la décision : 14/09/2023
Type d'affaire : Administrative

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: M. QUENETTE
Avocat(s) : CABINET MSELLATI-BARBARO

Origine de la décision
Date de l'import : 17/09/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-14;22ma00659 ?
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