La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2023 | FRANCE | N°21MA04033

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 21 septembre 2023, 21MA04033


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D..., Mme C... A... et la société civile immobilière (SCI) La Jean-Nette ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la restitution des prélèvements sociaux acquittés au titre de l'année 2016 à raison d'une plus-value de cession d'un bien immobilier.

Par un jugement n° 1803822 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 octobre 2021, M. D..., Mme A... et la SCI La Jean-

Nette, représentés par Me Nahon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D..., Mme C... A... et la société civile immobilière (SCI) La Jean-Nette ont demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la restitution des prélèvements sociaux acquittés au titre de l'année 2016 à raison d'une plus-value de cession d'un bien immobilier.

Par un jugement n° 1803822 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 3 octobre 2021, M. D..., Mme A... et la SCI La Jean-Nette, représentés par Me Nahon, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 2021 ;

2°) de prononcer la restitution des impositions en litige ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal administratif de Nice a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la modification par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 de l'affectation du produit des prélèvements sociaux n'a pas eu pour effet de rendre la législation française compatible avec le principe d'unicité de la législation sociale procédant du règlement (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- la modification par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 de l'affectation du produit des prélèvements sociaux n'a pas eu pour effet de rendre la législation française compatible avec le principe d'unicité de la législation sociale ;

- M. D... et Mme A..., qui n'ont jamais adhéré à un régime de sécurité sociale français, ne sont pas redevables des prélèvements sociaux à raison de la plus-value immobilière ;

- la différence de traitement en ce qui concerne les prélèvements sociaux applicables aux plus-values de cession de biens immobilier entre un résident de Monaco et un résident de l'Union européenne est contraire au principe de libre circulation des capitaux.

Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code général des impôts ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de l'action sociale et des familles ;

- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ;

- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 18 janvier 2018, Frédéric Jahin (C-45/17) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI La Jean-Nette, dont M. D... et son épouse, Mme A..., domiciliés à Monaco, sont associés à parts égales, a cédé en 2016 une maison d'habitation dont elle était propriétaire, située à Beausoleil (Alpes-Maritimes). M. D..., Mme A... et la SCI La Jean-Nette font appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la restitution de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, du prélèvement social, de la contribution additionnelle à ce prélèvement et du prélèvement de solidarité sur les produits de placement dont ils se sont acquittés à raison de la plus-value réalisée lors de la cession de ce bien.

2. En premier lieu, d'une part, aux termes du I de l'article 244 bis A du code général des impôts : " 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement selon les taux fixés au III bis. / (...) 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : / (...) c) Les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter dont le siège social est situé en France, au prorata des droits sociaux détenus par des associés qui ne sont pas domiciliés en France ou dont le siège social est situé hors de France ;/ (...) 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens ; (...) ". Aux termes du I de l'article 164 B de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont considérés comme revenus de source française : / (...) e bis) Les plus-values mentionnées aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC, lorsqu'elles sont relatives : / 1° A des biens immobiliers situés en France ou à des droits relatifs à ces biens ; (...) ". Aux termes du I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale, relatif à la contribution sociale sur les produits de placement : " Sont également soumises à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques (...) ". Aux termes de l'article 1600-0 H du code général des impôts : " La contribution pour le remboursement de la dette sociale prélevée sur les produits de placement est établie, contrôlée et recouvrée conformément à l'article 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale ". Aux termes du I de cet article 16 : " Il est institué, à compter du 1er février 1996, une contribution prélevée sur les produits de placement désignés aux I et I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale (...) ". Le II de l'article 1600-0 F bis du code général des impôts, alors en vigueur, relatif au prélèvement social sur les produits de placements, dispose que ce prélèvement est établi conformément aux dispositions de l'article L. 245-15 du code de la sécurité sociale. Ce dernier article, alors en vigueur, disposait : " Les produits de placement assujettis à la contribution prévue aux I à II de l'article L. 136-7 sont assujettis à un prélèvement social. (...) ". L'article L. 14-10-4 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable au présent litige, prévoyait une contribution additionnelle à ce prélèvement dont le taux était fixé à 0,3 %. Aux termes du I de l'article 1600-0 S du code général des impôts, alors en vigueur : " Il est institué : / (...) 2° Un prélèvement de solidarité sur les produits de placement mentionnés à l'article L. 136-7 du même code. (...) ".

3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que sont soumises aux prélèvements sociaux sur le fondement des dispositions du I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers situés en France réalisées par des sociétés qui relèvent de l'article 8 du code général des impôts dont le siège social est situé en France, mais dont le capital est détenu par des associés qui ne sont pas domiciliés en France, alors même que ces derniers ne relèvent pas d'un régime de sécurité sociale français. Par suite, l'administration a pu légalement soumettre aux prélèvements sociaux la plus-value réalisée à l'occasion de la cession d'une maison d'habitation située à Beausoleil par la SCI La Jean-Nette, dont le capital est détenu par M. D... et Mme A..., qui sont domiciliés à Monaco, sans qu'ait d'incidence la circonstance que ces derniers n'ont jamais adhéré à un régime de sécurité sociale français.

4. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale : " Le présent règlement s'applique aux ressortissants de l'un des Etats membres, aux apatrides et aux réfugiés résidant dans un Etat membre qui sont ou ont été soumis à la législation d'un ou de plusieurs Etats membres, ainsi qu'aux membres de leur famille et à leurs survivants ". Il résulte de ces dispositions que le règlement, dont l'application a été étendue aux Etats membres de l'Espace économique européen et à la Confédération suisse, ne s'applique qu'à des personnes qui sont ou ont été soumises à la législation de sécurité sociale d'un ou de plusieurs Etats membres de l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sans que le fait d'être un ressortissant ou un résident fiscal d'un de ces Etats, non affilié au régime de sécurité sociale de cet Etat, suffise à faire entrer dans le champ du règlement. Par suite, dès lors qu'il est constant que M. D... et Mme A... sont affiliés exclusivement au régime de sécurité sociale monégasque, l'article 11 de ce règlement et le principe d'unicité de législation qu'induit son application ne leur sont pas applicables. Dans ces conditions, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la modification par l'article 24 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 de l'affectation du produit des prélèvements sociaux n'a pas eu pour effet de rendre la législation française compatible avec le principe d'unicité de la législation sociale. En outre, le jugement attaqué, qui a visé ce moyen inopérant, n'était pas tenu d'y répondre, et n'est, de ce fait, pas entaché d'une omission à statuer.

5. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : / a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ".

6. Il résulte de l'arrêt C-45/17 rendu le 18 janvier 2018 par la Cour de justice de l'Union européenne, par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, qu'une législation telle que la législation française relative aux prélèvements sociaux, qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre État membre, d'un État membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un État tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un État membre et un État tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

7. La Cour de justice de l'Union européenne a toutefois retenu qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un État membre et un État tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations de l'article 65, paragraphe 1, sous a), du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un État membre, mais résidant dans un État tiers à l'Union européenne autre qu'un État membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre État membre.

8. Il résulte de ce qu'a ainsi jugé la Cour de justice de l'Union européenne que l'assujettissement aux prélèvements sur les produits de placement des redevables affiliés à la sécurité sociale dans un État, tel que la principauté de Monaco, autre que la Suisse ou que ceux qui font partie de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ne porte pas atteinte au principe de liberté de circulation des capitaux garanti par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, dès lors que M. D... et Mme A... résident à Monaco, lequel est un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse, ils ne sont pas fondés à soutenir que l'application des prélèvements sociaux à la plus-value de cession immobilière en cause serait contraire à la liberté de circulation des capitaux.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. D..., Mme A... et la SCI La Jean-Nette ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande. Par conséquent, leurs conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. D..., Mme A... et de la SCI La Jean-Nette est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., Mme C... A... et la société civile immobilière (SCI) La Jean-Nette et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme Mastrantuono, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 septembre 2023.

2

N° 21MA04033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04033
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: M. URY
Avocat(s) : NAHON

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-09-21;21ma04033 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award