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23/01/2024 | FRANCE | N°22MA03050

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 23 janvier 2024, 22MA03050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté non daté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a retiré la carte de résident qui lui avait été délivrée en qualité de " parent d'enfant français ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour s

ur ledit territoire pendant une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre audit préfet ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté non daté par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a retiré la carte de résident qui lui avait été délivrée en qualité de " parent d'enfant français ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire pendant une durée de deux ans, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer le " titre de séjour sollicité ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2202182 du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 15 décembre 2022, suite à la production de pièces le 9 décembre 2022, et des mémoires complémentaires, enregistrés les 28 mars et 18 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Kuhn-Massot, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2022 ;

2°) d'annuler cet arrêté non daté du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, en application des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, de lui délivrer un certificat de résidence sur le fondement de l'article " 6.1-5 " de l'accord franco-algérien, sous une astreinte de 150 euros par jour de retard, à délai de quinzaine de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à la condition que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive versée par l'Etat, si le bénéfice de l'aide juridictionnelle lui était accordé.

Il soutient que :

- sa requête n'est pas tardive et est recevable ;

- sur la légalité externe :

. il invoque un moyen relatif à la " prescription de l'action de l'Etat " ;

. l'administration a laissé la prétendue fraude perdurer pendant un temps tel que celui-ci a créé des droits à son profit ;

. le retrait ne s'est accompagné d'aucun examen de sa situation familiale ou sociale ;

- sur la légalité interne :

. une erreur préside à l'appréciation des éléments " de défense " qu'il a produits ;

. le retrait du titre ne tient pas compte de son insertion sur le territoire français sur le fondement du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, à défaut de pouvoir bénéficier à

vingt et un jours près des dispositions du 1 de ce même article ;

- l'arrêté préfectoral contesté a été pris en méconnaissance de l'article 3.2 de la " convention de New York " ;

- cet arrêté a également été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La procédure a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Par une ordonnance du 13 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 décembre 2023, à 12 heures.

Une pièce, présentée pour M. A..., par Kuhn-Massot, a été enregistrée le 3 janvier 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiquée.

Par une décision du 28 octobre 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande de M. A... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les observations de Me Kuhn-Massot, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Né le 9 mars 1994 et de nationalité algérienne, M. A... s'est vu délivrer un certificat de résidence en qualité de " parent d'enfant français ", sur le fondement des stipulations du 4 de l'article 6 de l'accord franco-algérien, valable du 18 mars 2013 au 17 mars 2014, avant d'obtenir une carte de résident sur le fondement des stipulations du g) de l'article 7 bis du même accord, pour la période du 11 avril 2014 au 10 avril 2024.

Le 21 septembre 2021, M. A... a déposé, auprès des services de la préfecture des Bouches-du-Rhône, une demande de duplicata de cette carte de résident. Mais, par un arrêté non daté, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé de lui retirer sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il sera reconduit à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ledit territoire pendant une durée de deux ans. M. A... relève appel du jugement du 20 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de la motivation de l'arrêté préfectoral en litige, que le préfet des Bouches-du-Rhône n'aurait pas procédé à l'examen de la situation familiale et sociale de M. A.... Dès lors, le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit être écarté.

3. En deuxième lieu, les développements du moyen invoqué par M. A... relatif à la " prescription de l'Etat " sont inintelligibles. Pour ce motif, ce moyen ne peut qu'être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'ayant déclaré être le père d'un enfant né le 10 septembre 2012 de son union alléguée avec une ressortissante française, et l'ayant reconnu comme tel le 25 septembre 2012, M. A... s'est vu délivrer un certificat de résidence en qualité de " parent d'enfant français " avant d'obtenir une carte de résident. Toutefois, à l'issue d'une enquête pour des faits de reconnaissance d'un enfant en vue de l'obtention d'un titre de séjour et obtention indue de document administratif, un rapport d'analyses de tests ADN du 19 septembre 2018 a conclu que M. A... ne pouvait être le père de cet enfant. Lors de son audition par les services de police le 17 juin 2019, M. A... a répondu affirmativement à la question " c'était votre but de régulariser votre situation administrative grâce à cette reconnaissance d'enfant ' ". Par conséquent, un acte administratif obtenu par fraude n'étant pas créateur de droits, c'est à bon droit que, pour ce motif, le préfet des Bouches-du-Rhône a décidé, par l'arrêté non daté contesté, qui a été notifié à l'appelant le 6 décembre 2021, de lui retirer sa carte de résident. Le moyen afférent doit dès lors être écarté.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant (...) ".

6. Alors même que les premiers juges ont, à juste titre, relevé qu'il ressortait des pièces du dossier, et notamment de la copie de son passeport, qu'il était entré sur le territoire français le 27 décembre 2011, M. A... persiste à soutenir devant la Cour, sans plus de précisions, qu'il y serait entré 12 décembre 2011. A supposer même le bien-fondé de cette allégation établi, il en résulte que l'appelant ne résidait pas en France depuis plus de dix ans, le 6 décembre 2021, lorsque l'arrêté préfectoral contesté lui a été notifié. A le supposer invoqué devant la Cour, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 doit donc, en tout état de cause, être écarté.

7. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

8. S'il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré sur le territoire français le 27 décembre 2011, sous couvert d'un visa Schengen de trente jours délivré le 14 décembre 2011 par le consulat général de France à Oran, et qu'il s'est vu délivrer un certificat de résidence en qualité de " parent d'enfant français ", valable du 18 mars 2013 au 17 mars 2014, puis une carte de résident, pour la période du 11 avril 2014 au 10 avril 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône lui a retiré, par son arrêté contesté, cette carte de résident au motif qu'il n'était pas le père de l'enfant qu'il avait pourtant reconnu le 25 septembre 2012 et qu'il s'était donc rendu responsable de manœuvres frauduleuses. M. A... se présente désormais comme étant, à la date d'édiction de l'arrêté contesté, le père d'une autre enfant qu'il aurait eue avec une compatriote algérienne qui résiderait régulièrement sur le territoire français. Or, si l'appelant a effectivement reconnu une fille, née le 12 février 2020, il ressort des pièces du dossier que la mère de cette dernière, ressortissante algérienne, titulaire d'une carte de résident valable jusqu'en 2029, était alors mariée avec un ressortissant français, et qu'elle était également suspectée de tentative d'obtention frauduleuse de document administratif, d'après un signalement du préfet des Bouches-du-Rhône au procureur de la République du 30 novembre 2020. En tout état de cause, M. A... n'établit pas la durée, la stabilité et l'effectivité de la communauté de vie qui l'unirait à cette compatriote, d'autant qu'il reconnaît continuer à vivre chez sa mère.

Les quelques virements bancaires figurant sur ses relevés de compte ne sont pas suffisants pour démontrer que M. A... contribuerait à l'éducation et à l'entretien de la fille dont il a déclaré être le père. Par ailleurs, M. A... n'établit ni que sa mère serait handicapée, ni en tout état de cause qu'il serait la personne la mieux à même de pouvoir l'assister dans tous les gestes de la vie courante, comme il le prétend pour la première fois devant la Cour, dans son dernier mémoire complémentaire. Malgré la présence de cette mère et de ses deux sœurs en France, l'appelant n'établit pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de dix-sept ans. Enfin, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la circonstance qu'il a bénéficié de contrats à durée indéterminée entre 2019 et 2021 puis de contrats intérimaires, ne suffit pas à établir une insertion socio-professionnelle suffisante, à la date d'édiction de l'arrêté contesté. Par suite, en édictant cet arrêté, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé du 27 décembre 1968. Ces moyens doivent dès lors être écartés.

9. En sixième lieu, l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, stipule que : " (...) 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées. (...) ".

10. Ces stipulations créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux intéressés et sont donc dépourvues d'effet direct. Dès lors, M. A... ne peut utilement s'en prévaloir. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté comme inopérant.

11. En septième lieu, et à supposer que M. A... puisse être regardé comme se prévalant des stipulations du 1 de l'article 3 de cette convention internationale des droits de l'enfant, un tel moyen, qui est quant à lui opérant, doit être écarté dès lors qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, l'appelant ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant qu'il a reconnue le 13 février 2020, ni même, au demeurant, de l'intensité des liens qu'il aurait noués avec cette dernière.

12. En huitième et dernier lieu, et au vu de tout ce qui vient d'être dit, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas entaché son arrêté non daté contesté d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la situation de M. A.... Ce moyen doit, par conséquent, être écarté.

13. Il résulte de ce tout qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 20 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

14. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent donc également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Alors qu'au demeurant, M. A... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme qu'il demande à ce titre soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

16. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, alors que la simple production de pièces sans être assortie de conclusions et de moyens ne saurait être regardée comme une requête, même sommaire, l'ensemble des conclusions présentées par M. A... doit être rejeté.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Olivier

Kuhn-Massot et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2024.

2

No 22MA03050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA03050
Date de la décision : 23/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : KUHN-MASSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-23;22ma03050 ?
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