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23/02/2024 | FRANCE | N°22MA01921

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 février 2024, 22MA01921


Vu les autres pièces du dossier.





Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.





Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.





Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.





Considérant ce qui suit :



1. La

SAS Corsica Sole 8, qui a pour objet social le développement, la construction et l'exploitation d'infrastructures de production d'énergie d'origine photovoltaïque, a réalis...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mahmouti,

- et les conclusions de M. Gautron, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Corsica Sole 8, qui a pour objet social le développement, la construction et l'exploitation d'infrastructures de production d'énergie d'origine photovoltaïque, a réalisé des investissements pour la construction et la mise en service d'une centrale photovoltaïque sur la commune de Pancheraccia, au lieu-dit Casaperta. Elle a demandé, au titre de son exercice clos le 31 décembre 2019, le bénéfice d'un crédit d'impôt pour investissement en Corse pour un montant de 1 879 936 euros, représentant 30 % des investissements réalisés. Le 30 avril 2020, l'administration lui a adressé une décision d'admission partielle de sa demande de remboursement et a prononcé une restitution du crédit d'impôt sollicité, pour un montant de 1 722 359 euros et a rejeté le reste de la demande à hauteur de 157 577 euros. La SAS Corsica Sole 8 a demandé au tribunal administratif de Bastia, dans le dernier état de ses écritures, de prononcer la restitution de la somme de 151 990,75 euros après avoir obtenu une restitution supplémentaire de 1 500 euros en cours de procédure. Elle relève appel du jugement n° 2000591 du 7 juin 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande, sauf en tant qu'il a rejeté sa demande concernant la facture portant sur un contrat d'aspersion et correspondant à un montant de crédit d'impôt pour investissements en Corse de 7 485 euros.

Sur le bienfondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le caractère de structure dédiée de la société Corsica Sole 8 :

2. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition

peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, financés sans aide publique pour 25% au moins de leur montant, réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité industrielle,

commerciale, artisanale, libérale ou agricole... 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à

20 % du prix de revient hors taxes : a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode

dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A... 3° bis Le taux mentionné au premier alinéa du 3° est porté à 30 % pour les entreprises qui ont employé moins de onze salariés et ont réalisé soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 2 millions d'euros au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené le cas échéant à douze mois en cours lors de la réalisation des investissements éligibles, soit un total de bilan n'excédant pas 2 millions d'euros... ". Aux termes de l'article 39 A de ce code : " 1. L'amortissement des biens d'équipement, autres que les immeubles d'habitation, les chantiers et les locaux servant à l'exercice de la profession... peut être calculé suivant un système d'amortissement dégressif, compte tenu de la durée d'amortissement en usage dans chaque nature d'industrie. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de l'amortissement dégressif... ". Aux termes de l'article 22 de l'annexe II au même code : " Les entreprises passibles de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux peuvent amortir suivant un système dégressif, dans les conditions fixé es aux articles 23 à 25, les immobilisations acquises ou fabriquées par elles à compter du 1er janvier 1960 et énumérées ci-après : Matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication, de transformation ou de transport ;... ". Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenus et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien et des coûts d'emprunt dans les conditions prévues à l'article 38 undecies... d. Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières ou fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production et des coûts d'emprunt dans les conditions pré vues à l'article 38 undecies. Les coûts administratifs sont exclus du coût d'acquisition et du coût de production définis ci-dessus, à l'exception du coût des structures dédiées... ". Aux termes de l'article 38 undecies de la même annexe : " Les coûts d'emprunt engagés pour l'acquisition ou la production d'une immobilisation, corporelle ou incorporelle, ou d'un élément inscrit en stock ou en encours, peuvent être, au choix de l'entreprise, soit compris dans le coût d'origine de l'immobilisation ou du stock, soit déduits en charge au titre de l'exercice au cours duquel les intérêts sont courus. Les dispositions du premier alinéa s'appliquent aux coûts d'emprunt attribuables aux éléments d'actif et engagés jusqu'à la date d'acquisition ou de réception définitive du bien qui exigent une période de préparation ou de construction en principe supérieure à douze mois avant de pouvoir être utilisés ou cédés... ".

3. Il appartient au juge de l'impôt d'apprécier, au vu de l'instruction, si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt pour investissement en Corse eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations. S'il se prononce au vu des éléments avancés par l'une et l'autre partie, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.

4. Il résulte des dispositions citées point 2, que sont exclus du crédit d'impôt les coûts administratifs, sauf si l'entreprise qui sollicite le crédit d'impôt est une structure dédiée à un seul et unique projet, auquel cas, les dépenses administratives en cause sont également incorporables au prix de revient de l'immobilisation. Une structure dédiée s'entend d'une entité dans laquelle toutes les dépenses et frais exposés ne concernent qu'une seule et même immobilisation à l'exclusion de toute autre, même lorsqu'ils ne sont pas attribuables à la production d'un actif. De par leur caractère général, les frais (notamment frais généraux et administratifs) sont considérés comme attribuables de fait à la production dudit actif et sont donc incorporés au prix de revient de ce dernier lorsqu'ils sont exposés par une société dédiée. Les dépenses spécifiques engagées au titre d'un projet déterminé au cours de la période de développement sont immobilisables (puis incorporables au coût de revient de l'immobilisation déterminée), à partir de la date à laquelle la direction de la société a pris la décision d'acquérir ou de produire l'immobilisation en cause.

5. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté par l'administration fiscale, que la société Corsica Sole 8 est une société dédiée au développement, à la construction et à l'exploitation d'une seule et unique centrale de production d'électricité, au sens des dispositions précitées au point 2.

En ce qui concerne la facture relative à l'accompagnement de Corsica Sole 8 dans le processus d'appel d'offre :

6. Doivent être incorporés au prix de revient les dépenses relatives aux réponses à appel d'offre qui permettent l'exploitation future de l'immobilisation.

7. Il résulte de l'instruction que la dépense de 125 000 euros, facturée par la société Corsica Sole 8 au titre d'un contrat d'assistance dans le cadre de la procédure d'appel d'offre organisée par la Commission de Régulation de l'Energie (CRE), portait non seulement sur la construction d'une centrale électrique mais également sur l'assistance " en vue de bénéficier d'un tarif d'achat de l'énergie pour l'exploitation du projet sur le site ". Ainsi, quand bien même les prestations mises à la charge de sa cocontractante par ce contrat, telles que précisées à son article 2, portent essentiellement sur des prestations " d'assistance ", rien n'y indique que ces prestations ne concernaient pas la phase d'exploitation du projet. Par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les dépenses de réponse à appel d'offre d'un montant de 125 000 euros hors taxes les frais y afférents ne sauraient être regardés comme directement attribuables à la construction de cette centrale et que, dès lors, elles ne pouvaient être incorporées dans le prix de revient de l'immobilisation.

En ce qui concerne le coût des prestations fournies par la société Driveco :

8. Il résulte de l'instruction que le contrat de partenariat conclu par la société Corsica Sole 8 avec la société Driveco pour un montant total de 35 000 euros hors taxes, s'il lui permettait certes de répondre utilement au cahier des charges de l'appel d'offre, concernait cependant " un programme de recherche et développement sur la recharge de véhicules à partir de l'énergie solaire, sur le site du projet " dont rien n'indique qu'il n'aurait vocation à n'être mis en œuvre que durant la phase de construction de la centrale électrique alors au contraire que ledit contrat prévoit notamment la fourniture d'un véhicule électrique affecté à la maintenance de la centrale lors de son fonctionnement. Par suite et comme l'a jugé à juste titre le tribunal, les dépenses correspondantes ne pouvaient pas être prises en compte dans l'assiette du crédit d'impôt sollicité au titre des dispositions de l'article 244 quater E du CGI.

En ce qui concerne les frais de raccordement au réseau d'électricité :

9. La Société Corsica Sole 8 demande le bénéfice du crédit d'impôt pour investissement en Corse au titre du raccordement électrique de sa centrale photovoltaïque au réseau public, pour un montant hors taxes de 324 185,83 euros. Toutefois, comme l'a jugé à juste titre le tribunal, la société Corsica Sole 8, qui n'est pas propriétaire des installations facturées par la société EDF qui sont toutes implantées sur le domaine public et n'en a pas non plus le contrôle, n'est dès lors pas fondée à revendiquer le bénéfice d'un régime d'amortissement dégressif s'agissant d'un bien qui n'est pas susceptible de figurer à son actif. En outre et en tout état de cause, il ressort de la convention conclue entre la société Corsica Sole 8 et la société EDF le 4 mai 2018 pour le raccordement de la centrale, que les travaux ainsi facturés sont relatifs au point de livraison, au branchement et à l'extension du réseau et non à la construction de la centrale électrique. Enfin, s'il en ressort également que les travaux relatifs au point de livraison comportent l'installation de deux compteurs permettant de mesurer l'énergie injectée dans le réseau public de distribution d'électricité, ces équipements sont relatifs à la mesure de l'électricité distribuée, et non à sa production. Par suite, et comme l'ont à juste titre considéré les premiers juges, les immobilisations en cause, qui ne peuvent être assimilées à des installations productrices d'énergie au sens de l'article 22 précité de l'annexe II au code général des impôts, n'étaient pas éligibles au crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Corsica Sole 8 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, verse à la SAS Corsica Sole 8 une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Corsica Sole 8 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Corsica Sole 8, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué chargé des comptes publics.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-est.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024 où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente-assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2024.

2

N° 22MA01921


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01921
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.

Contributions et taxes - Incitations fiscales à l'investissement.

Energie.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Jérôme MAHMOUTI
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SELAS LPA CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;22ma01921 ?
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