La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/02/2024 | FRANCE | N°23MA02043

France | France, Cour administrative d'appel, 5ème chambre, 23 février 2024, 23MA02043


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.



Par un jugement n° 2302222 du 30 juin 2023, le magistrat désign

près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 2302222 du 30 juin 2023, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 août 2023, M. A..., représenté par Me Jaidane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation sous autorisation provisoire de séjour et dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, une somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de l'absence de prise en compte, par le préfet, du complément qu'il a apporté à sa demande de titre de séjour, ainsi que cela lui avait été demandé ;

- les identités de l'agent notifiant et de l'interprète ne figurent pas sur l'arrêté, ni même sa propre signature ; il n'est pas permis de vérifier qu'il a été dûment informé de ses droits ; les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- il a complété son dossier de demande de titre de séjour, et le refus de lui délivrer un titre de séjour qui lui a en conséquent été opposé est illégal ;

- il établit résider en France depuis plus de dix ans ; dès lors, le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour en application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ; il vit en France aux côtés des membres de sa famille depuis 2012, y mène une vie privée intense et a fait des efforts d'intégration.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né en 1991, relève appel du jugement du 30 juin 2023 par lequel le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 3 mai 2023 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le requérant soutenait que l'arrêté litigieux était insuffisamment motivé et entaché d'une erreur de fait faute de prendre en compte la réponse qu'il avait adressée à la demande de pièces complémentaires nécessaires à l'instruction de son dossier de demande de titre de séjour, il ressort des motifs du jugement attaqué, et particulièrement de ses points 5 et 7, que le magistrat désigné n'a pas omis de répondre à ces moyens et n'a pas entaché sa décision d'une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le magistrat désigné près le tribunal administratif, les conditions dans lesquelles un acte administratif est notifié sont sans influence sur sa légalité. Dès lors, les moyens tirés, eu égard aux conditions de notification de l'arrêté litigieux, de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'article L. 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés comme inopérants.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 432-1 du même code : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. ". Aux termes de son article R. 432-2 : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R.* 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois. / (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'à supposer que M. A... ait effectivement complété le dossier de demande d'admission exceptionnelle au séjour qu'il avait présenté le 4 janvier 2023, par un envoi réceptionné le 9 février 2023 faisant suite à la sollicitation de la préfecture en ce sens du 6 février 2023, il en résulterait qu'une décision implicite de rejet de sa demande serait née le 9 juin suivant.

6. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1 ". Aux termes de ce dernier article : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".

7. Si M. A... bénéficie de l'aide médicale d'Etat depuis 2013, il se borne pour le reste à produire des documents bancaires sur lesquels des mouvements n'apparaissent que de façon très ponctuelle, des avis de non-imposition ne faisant pas apparaître de revenus perçus en France, et quelques ordonnances ou factures ainsi que des attestations d'inscription à des cours de français. Il n'établit pas, par la production de ces documents peu probants, qu'il résiderait habituellement en France depuis plus de dix ans. Il n'est dès lors pas fondé à soutenir que sa demande de titre de séjour devait être soumise pour avis à la commission du titre de séjour.

8. Par ailleurs, M. A... n'établit pas qu'il aurait des liens familiaux intenses en France en se bornant à produire des titres de séjour ou des cartes d'identité peu lisibles qui appartiendraient à des membres de sa famille, ni qu'il serait particulièrement inséré en faisant valoir ses inscriptions à des cours de français et une promesse unilatérale d'embauche datée de décembre 2022. Dans ces conditions, le préfet n'a pas entaché sa décision implicite d'une erreur manifeste d'appréciation en lui refusant le bénéfice du titre de séjour sollicité sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées au point 8, la décision portant refus de séjour ne méconnaît pas les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté litigieux est illégal en ce qu'il interviendrait après une décision portant refus de droit au séjour elle-même illégale.

12. En troisième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas elle-même, pour les mêmes motifs que ceux exposés s'agissant du refus de titre de séjour, le droit à la vie privée et familiale de M. A.... Elle ne méconnaît dès lors pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, tandis que les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatifs au droit au séjour, sont inopérants à son encontre.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 3 mai 2023 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel présentées par M. A..., en ce comprises les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais d'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Riadh Jaidane et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 9 février 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2024.

2

N° 23MA02043

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02043
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : JAIDANE

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;23ma02043 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award