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04/04/2024 | FRANCE | N°22MA01856

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 3ème chambre, 04 avril 2024, 22MA01856


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée (SARL) Forb's a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des majorations correspondantes.



Par un jugement n° 1902419

du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.



Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Forb's a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des majorations correspondantes.

Par un jugement n° 1902419 du 25 avril 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juin 2022 et le 13 janvier 2023, la SARL Forb's, représentée par Me Montagard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 avril 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et majorations en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale ne pouvait pas écarter sa comptabilité comme non probante ;

- l'administration aurait dû prendre en compte les éléments permettant de reconstituer sa comptabilité et les justificatifs qu'elle lui a transmis ;

- les résultats et les chiffres d'affaires ressortant de ces éléments sont largement inférieurs à ceux retenus par l'administration ;

- la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de l'année 2012 sur les commissions s'élève après apurement des comptes 467 à 37 326 euros, et non à 72'441 euros ;

- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires utilisée par l'administration est viciée et excessivement sommaire ;

- le vérificateur a méconnu les énonciations de la doctrine administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20 ;

- le montant des commissions perçues au cours de l'année 2013 ne s'élève qu'à 252 703 euros hors taxes, de sorte que la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondante ne s'élève qu'à 49 530 euros, au lieu de 197'822 euros ;

- elle n'a réalisé aucune opération taxable au cours de l'année 2014, de sorte qu'aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée ne pouvait être opéré au titre de la période correspondante ;

- l'application de la majoration pour manquement délibéré n'est pas fondée.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 décembre 2022 et le 13 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Forb's ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Platillero, président assesseur, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mastrantuono,

- et les conclusions de M. Ury, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Forb's, qui exploitait une agence immobilière située à Cannes, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 décembre 2014. La SARL Forb's relève appel du jugement du 25 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, et des majorations correspondantes.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la proposition de rectification du 31 juillet 2015 adressée à la SARL Forb's, qui indique qu'un procès-verbal de défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales a été dressé le 29 mai 2015, et qu'un second procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité a été établi contradictoirement le 22 juillet 2015, actant les documents manquants, et notamment la comptabilité et les pièces justificatives concernant les exercices 2013 et 2014, ainsi que les factures relatives aux comptabilisations de certains comptes de produits concernant l'exercice 2012, que la société n'a présenté aucune comptabilité au titre des exercices clos en 2013 et 2014. Il ressort par ailleurs sans ambiguïté de ces termes que le vérificateur, qui a, d'une part, réintégré au résultat de l'exercice clos en 2012 les recettes comptabilisées et non déclarées, rappelé la taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondante et remis en cause la taxe sur la valeur ajoutée déductible mentionnée sur les déclarations, et, d'autre part, reconstitué le chiffre d'affaires au titre de l'exercice clos en 2013 et 2014, en l'absence de comptabilité, n'a pas rejeté la comptabilité de la société. La circonstance que la SARL Forb's, postérieurement à la notification de la proposition de rectification du 31 juillet 2015, a transmis à l'administration des imprimés modèle 2065 relatifs à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2013 et 2014, ainsi que le grand livre général correspondant à ces exercices, et des pièces justificatives, ne saurait permettre de la regarder comme ayant présenté une comptabilité. Par conséquent, le moyen tiré de ce que l'administration fiscale n'aurait pu rejeter sa comptabilité doit être écarté comme inopérant.

3. En deuxième lieu, aucun texte ni aucun principe n'imposait à l'administration, qui a d'ailleurs admis dans sa réponse aux observations du contribuable la déductibilité de charges supplémentaires au vu des pièces justificatives transmises par la SARL Forb's après la fin des opérations de contrôle, de prendre en compte ces pièces ainsi que les imprimés relatifs à l'impôt sur les sociétés des exercices clos en 2013 et 2014 et le grand livre général correspondant à ces exercices. Par conséquent, la SARL Forb's n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait dû prendre en compte les éléments permettant de reconstituer sa comptabilité et les justificatifs qu'elle lui a transmis.

4. En troisième lieu, le vérificateur a constaté que la SARL Forb's, qui n'a déclaré au titre de l'année 2012 qu'une somme de 6 260 euros de taxe sur la valeur ajoutée collectée correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire, enregistrait dans des comptes 467 " débiteurs ou créditeurs " les opérations relatives à chaque propriétaire lui ayant confié la gestion d'un immeuble, le total des encaissements ainsi comptabilisés s'élevant pour l'année considérée à 1 759 965 euros. En l'absence de justification des sommes ainsi comptabilisées, il a regardé les soldes créditeurs de ces comptes, soit une somme globale de 442 040 euros, comme des recettes non déclarées, et rappelé la taxe sur la valeur ajoutée correspondante, soit 72 441 euros. La SARL Forb's, qui ne verse aux débats aucun document de nature à justifier des produits et des charges comptabilisés, ne démontre pas que les soldes créditeurs de ces comptes 467 comprendraient, outre les recettes taxables de son activité, des sommes correspondant à des loyers non reversés aux propriétaires, des sommes dues au titre de services rendus aux locataires ou des dépôts de garantie. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la taxe sur la valeur ajoutée collectée au cours de l'année 2012 sur les commissions ne s'élèverait qu'à 37 326 euros après apurement des comptes 467.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) / Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ".

6. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 13 septembre 2016. Par suite, la SARL Forb's, qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, n'a pas présenté au cours du contrôle sa comptabilité au titre des exercices clos en 2013 et 2014, supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition retenues au titre de la période correspondante.

7. D'une part, faute de présentation de la comptabilité, le vérificateur a reconstitué les recettes de la SARL Forb's au titre des années 2013 et 2014 à partir des encaissements constatés sur ses comptes bancaires, soit respectivement 1 266 920 euros et 23 582 euros. Il a déterminé, au vu des factures présentées par la société, le montant des charges déductibles du résultat reconstitué au titre de l'exercice clos en 2013, soit 215 085 euros, et celui de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, soit respectivement 7 473 euros et 970 euros au titre des années 2013 et 2014. Par conséquent, la SARL Forb's n'est pas fondée à soutenir que cette méthode de reconstitution, qui tient nécessairement compte des conditions de fonctionnement de l'entreprise, eu égard à la nature de l'activité de la société, serait radicalement viciée ou excessivement sommaire.

8. D'autre part, la société requérante, qui ne produit aucune pièce de nature à justifier de ses recettes, n'est pas fondée à soutenir que le montant des commissions perçues au cours de l'année 2013 ne s'élèverait qu'à 252 703 euros, de sorte que le rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant devrait être limité à 49 530 euros au lieu de 197'822 euros. De même, elle ne démontre pas ne pas avoir réalisé d'opérations taxables au cours de l'année 2014, alors que les encaissements sur ses comptes bancaires, ainsi qu'il a été dit au point précédent, s'élèvent à un montant non contesté de 23 582 euros.

9. En cinquième lieu, la société requérante, qui se borne à produire des imprimés modèle 2065 relatifs à l'impôt sur les sociétés ainsi que le grand livre général, sans produire aucune pièce de nature à justifier des produits et des charges, ne justifie pas des résultats et chiffres d'affaires ressortant de ces documents. Par conséquent, elle n'est pas fondée à soutenir que les résultats et les chiffres d'affaires ressortant de sa comptabilité seraient inférieurs à ceux retenus par l'administration.

10. En sixième lieu, la SARL Forb's ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations contenues dans la documentation administrative référencée BOI-CF-IOR-10-20, qui portent sur la procédure d'imposition et ne comportent aucune interprétation de la loi fiscale.

Sur les pénalités :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

12. La SARL Forb's a, de façon répétée au cours des années 2012 et 2013, fortement minoré la taxe sur la valeur ajoutée déclarée en s'abstenant de soumettre à la taxe la majeure partie de ses recettes. Dans ces conditions, alors que la société requérante, ainsi qu'il a été dit précédemment, ne justifie pas des chiffres d'affaires ressortant des documents qu'elle produit, l'administration établit son intention délibérée d'éluder le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée en litige et, par suite, le bien-fondé des majorations pour manquement délibéré appliquées aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Forb's n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Forb's la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de la SARL Forb's est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Forb's et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :

- M. Platillero, président assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Mastrantuono, première conseillère,

- M. Mérenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

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N° 22MA01856


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