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04/04/2024 | FRANCE | N°23MA01513

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 04 avril 2024, 23MA01513


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Bouygues immobilier a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel la maire de Biot a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un ensemble immobilier de logements sur un terrain situé 644 chemin des Soullières, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux.



Par un jugement n° 2002402 du 19 octobre 2022, le tribunal administra

tif de Nice a annulé cet arrêté du 11 février 2020 et la décision portant rejet du recours gracieux...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Bouygues immobilier a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel la maire de Biot a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un ensemble immobilier de logements sur un terrain situé 644 chemin des Soullières, ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2002402 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du 11 février 2020 et la décision portant rejet du recours gracieux et enjoint au maire de Biot de délivrer le permis de construire sollicité par la société Bouygues immobilier dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Par une ordonnance n° 469192 du 5 juin 2023, enregistrée le 9 juin 2023 au greffe de la Cour, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la cour administrative de Marseille la requête présentée par la commune de Biot.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 25 novembre 2022 et le 20 février 2023, et par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative de Marseille le 3 août 2023, la commune de Biot, représentée par Me Amblard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 19 octobre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de la SAS Bouygues immobilier devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Bouygues immobilier la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions du rapporteur public n'ont pas été mises en ligne dans un délai suffisant ;

- alors que la desserte du projet n'est pas directement assurée par une voie ouverte à la circulation publique, la demande de permis de construire ne contient pas le titre justifiant de l'existence d'une servitude de passage ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme était justifié dès lors que le chemin des Soullières constitue une voie privée non ouverte à la circulation publique ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme était justifié.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 décembre 2023, la SAS Bouygues immobilier, représentée par Me Raoul, conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit à nouveau enjoint au maire de Biot de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la commune de Biot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la commune de Biot ne sont pas fondés ;

- l'inexécution par la commune de Biot du jugement attaqué justifie que soit prononcée une nouvelle injonction assortie d'une astreinte.

Un mémoire présenté par la commune de Biot a été enregistré le 24 janvier 2024, et non communiqué en application de l'article R. 611-11 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Amblard, représentant la commune de Biot, et de Me Le Neel, représentant la SAS Bouygues immobilier.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 février 2020, le maire de Biot a refusé de délivrer à la société par actions simplifiée (SAS) Bouygues immobilier un permis de construire pour la construction d'un ensemble immobilier de logements sur un terrain situé 644 chemin des Soullières. Par un jugement du 19 octobre 2022, dont la commune de Biot relève appel, le tribunal administratif de Nice a, sur la demande du pétitionnaire, annulé cet arrêté et la décision portant rejet du recours gracieux et enjoint au maire de Biot de délivrer le permis de construire sollicité par la société Bouygues immobilier dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 février 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Biot, relatif aux conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public : " Pour être constructible : / - Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance et à la destination de la construction et de l'ensemble des constructions qui y sont à édifier. (...) ". Le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise à la réglementation d'urbanisme. Dès lors, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.

3. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet dispose d'un accès au chemin des Soullières qui est une voie en impasse d'un km environ reliée à la route de Valbonne. Ce chemin est une voie privée appartenant aux propriétaires riverains, excepté une section d'une centaine de mètres débouchant sur la route de Valbonne. La commune de Biot fait valoir que, à l'occasion de l'enquête publique prévue à cette fin, de nombreux riverains ont manifesté leur opposition au transfert de cette voie privée dans le domaine public communal envisagé par elle au titre de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, à la circulation du public sur cette voie et à la construction d'immeubles collectifs dans le quartier des Soullières. Un panneau se bornant à signaler son caractère de voie privée est posé à la limite de cette voie, ainsi qu'un panneau normalisé de limitation de tonnage. Aucun panneau n'y interdit l'accès au public qui est matériellement possible en l'absence de barrière, de portail ou tout autre dispositif équivalent. Il suit de là que, en dépit des réserves exprimées par certains riverains lors de l'enquête précitée, le chemin des Soullières, dans sa partie privée, doit être regardé comme ouvert à la circulation publique. Par suite, le pétitionnaire n'était pas tenu de justifier d'un titre créant une servitude de passage ou d'un droit de passage à son profit. Ce premier motif de refus retenu par le maire de Biot dans son arrêté du 11 février 2020 est donc illégal.

4. En second lieu, le plan local d'urbanisme de la commune de Biot délimite une zone UE correspondant aux espaces urbains existants d'accueil de l'habitat individuel. Elle comprend un secteur UEa, qui, correspondant notamment au quartier de Soullières, est " principalement destiné à l'accueil d'un habitat individuel pavillonnaire mais peut également recevoir des équipements collectifs à vocation sanitaire et sociale ainsi que des équipements collectifs à vocation scolaire et péri-scolaire ". Ce secteur UEa comprend lui-même un sous-secteur UEa1 dans lequel a été institué une servitude de mixité sociale au titre du 4° de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme et un périmètre défini en application de L. 151-15.

5. Aux termes de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Biot, relatif à l'aspect extérieur des constructions et à l'aménagements de leurs abords : " Dispositions générales : / - Les constructions, ainsi que les clôtures et les murs de soutènement, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, ne doivent pas porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le projet s'implante dans le quartier des Soullières qui constitue un secteur d'urbanisation moyennement dense comportant 240 habitations environ, exclusivement des maisons individuelles surmontées de toitures en tuiles, édifiées en retrait du chemin des Soullières ou des voies adjacentes. Ce quartier qui s'étend sur une superficie réduite est entouré par l'espace forestier recouvrant la vallée de La Brague. Quelques vastes parcelles y font l'objet d'une exploitation agricole sous serres, en cours d'abandon, notamment sur le terrain d'assiette du projet et une parcelle voisine. Le projet prévoit la construction sur un terrain d'une surface de 19 555 m², en fond de parcelle, d'un bâtiment de 12 logements en R+2, 41 maisons en R+1 avec garage fermé, jardin privatif et petite terrasse et en bordure du chemin des Soulières et encadrant l'accès, deux bâtiments en R+2 proposant 34 logements sociaux au total. Ces deux derniers bâtiments, dont la longueur chacun est supérieure à 30 m, conçus avec des toitures terrasses, présentent des hauteurs d'acrotère différentes et une alternance des volumes verticaux et horizontaux. Les façades seront revêtues d'un enduit fin de quatre couleurs contrastées différentes, ocre rouge, taupe, blanc-beige clair et gris anthracite. Ce projet a, eu égard à sa nature et à ses effets, un impact défavorable sur le site dans lequel il s'inscrit. Si l'architecte des Bâtiments de France, consulté du fait de l'inclusion du terrain dans le site inscrit de la bande côtière de Nice à Théoule, a émis un avis favorable le 6 novembre 2019, le maire de Biot n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article UE 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Biot en fondant l'arrêté litigieux du 11 février 2020 sur un second motif tiré de ce que " l'implantation et le gabarit des deux immeubles de logements situés le long du chemin des Soullières ne sont pas de nature à permettre une bonne insertion du projet dans le site ". Il résulte de l'instruction que le maire de Biot aurait pris la même décision s'il avait retenu ce seul motif.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur l'illégalité des motifs de l'arrêté du 11 février 2020 pour annuler celui-ci.

8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SAS Bouygues immobilier devant le tribunal administratif de Nice et devant la Cour.

9. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature. (...) Le maire peut certifier, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. (...) ".

10. Par arrêté du 12 juin 2015, le maire de Biot a consenti à Mme A... B..., 6ème adjoint, délégation de fonctions en ce qui concerne l'urbanisme, le logement et l'environnement et délégation de signature à l'effet de signer tous les actes relatifs à cette délégation, notamment en matière de permis de construire, à l'exception des actes concernant la gestion des ressources humaines et les autorisations de travaux qui relèvent des ERP. Cette délégation de signature est suffisamment précise. Le 24 juin 2015, le maire a certifié le caractère exécutoire de cet arrêté, qui avait été affiché et transmis en sous-préfecture le 22 juin 2015. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de Mme B..., signataire de l'arrêté attaqué, doit être écarté.

11. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. ". En vertu de l'article A. 424-4 du même code, la décision refusant la délivrance d'un permis de construire précise les circonstances de droit et de fait qui motivent la décision.

12. Il ressort de l'examen de l'arrêté contesté que celui-ci vise notamment le plan local d'urbanisme de la commune de Biot et expose de façon suffisamment précise les raisons pour lesquelles la demande de permis de construire déposée par la SAS Bouygues immobilier n'est pas conforme aux article UE 3 et UE 11 de ce règlement. S'il mentionne l'avis défavorable émis par le service GEMAPI de la CASA, il n'en tire aucune conséquence sur la méconnaissance d'une disposition précise. Ainsi, le moyen tiré de la motivation insuffisante de cet arrêté doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, la commune de Biot est fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 11 février 2020 et la décision portant rejet du recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. La SAS Bouygues immobilier demande à la Cour de prononcer une nouvelle injonction assortie d'une astreinte du fait de l'inexécution par la commune de Biot du jugement attaqué, lequel avait enjoint à son maire de délivrer le permis de construire sollicité. Ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées dans la mesure où le présent arrêt annule le jugement attaqué et rejette la demande de la SAS Bouygues immobilier devant le tribunal administratif de Nice.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Biot, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la SAS Bouygues immobilier au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SAS Bouygues immobilier une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Biot et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : La demande de la SAS Bouygues immobilier devant le tribunal administratif de Nice et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La SAS Bouygues immobilier versera à la commune de Biot la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Biot et à la société par actions simplifiée (SAS) Bouygues immobilier.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

N° 23MA01513 2


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