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04/04/2024 | FRANCE | N°23MA01515

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 1ère chambre, 04 avril 2024, 23MA01515


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée (SAS) Sagec méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le maire de Biot a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un bâtiment d'habitation comprenant 32 logements collectifs, sur la parcelle cadastrée section AN n° 97, sise chemin des Soullières à Biot (06410), ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Sagec méditerranée a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 11 février 2020 par lequel le maire de Biot a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un bâtiment d'habitation comprenant 32 logements collectifs, sur la parcelle cadastrée section AN n° 97, sise chemin des Soullières à Biot (06410), ensemble la décision portant rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 2002643 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté du 11 février 2020 et la décision portant rejet du recours gracieux et enjoint au maire de Biot de délivrer le permis de construire sollicité par la SAS Sagec méditerranée dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Par une ordonnance n° 469185 du 5 juin 2023, enregistrée le 9 juin 2023 au greffe de la Cour, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis à la cour administrative de Marseille la requête présentée par la commune de Biot.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 25 novembre 2022 et le 20 février 2023, et par un mémoire enregistré au greffe de la cour administrative de Marseille le 3 août 2023, la commune de Biot, représentée par Me Amblard, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 28 septembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de la SAS Sagec méditerranée devant le tribunal administratif de Nice ;

3°) de mettre à la charge de la SAS Sagec méditerranée la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions du rapporteur public n'ont pas été mises en ligne dans un délai suffisant ;

- alors que la desserte du projet n'est pas directement assurée par une voie ouverte à la circulation publique, la demande de permis de construire ne contient pas le titre justifiant de l'existence d'une servitude de passage ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme était justifié dès lors que le chemin des Soullières constitue une voie privée non ouverte à la circulation publique ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UE 4 du règlement du plan local d'urbanisme était justifié ;

- le motif tiré de la méconnaissance de l'article UE 13 du règlement du plan local d'urbanisme était justifié.

La requête a été communiquée à la SAS Sagec méditerranée qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de M. Quenette, rapporteur public,

- et les observations de Me Amblard, représentant la commune de Biot.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 février 2020, le maire de Biot a refusé de délivrer à la société par actions simplifiée (SAS) Sagec méditerranée un permis de construire pour la construction d'un bâtiment d'habitation comprenant 32 logements collectifs, sur la parcelle cadastrée section AN n° 97, sise chemin des Soullières. Par un jugement du 28 septembre 2022, dont la commune de Biot relève appel, le tribunal administratif de Nice a, sur la demande de la SAS Sagec méditerranée, annulé cet arrêté et la décision portant rejet du recours gracieux et enjoint au maire de Biot de délivrer le permis de construire sollicité par la SAS Sagec méditerranée dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. (...) ". Il ressort des pièces du dossier de première instance que le sens des conclusions du rapporteur public devant le tribunal administratif de Nice a été mis à disposition des parties le 2 septembre 2022, soit dans un délai raisonnable avant l'audience qui s'est tenue le 7 septembre suivant. Le moyen tiré du défaut de communication du sens des conclusions ne peut dès lors qu'être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 février 2020 :

3. Pour refuser, par l'arrêté contesté du 11 février 2020, de délivrer un permis de construire à la SAS Sagec méditerranée, le maire de Biot s'est fondé sur les dispositions de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme et sur le contenu de l'avis défavorable émis le 8 novembre 2019 par la communauté d'agglomération Sophia Antipolis (CASA), constatant en outre une méconnaissance des dispositions des articles UE 4 et UE 13 de ce règlement.

4. En premier lieu, aux termes de l'article UE 3 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Biot, relatif aux conditions de desserte des terrains par les voies publiques ou privées et d'accès aux voies ouvertes au public : " Pour être constructible : / - Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à l'importance et à la destination de la construction et de l'ensemble des constructions qui y sont à édifier. (...) ". Le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise à la réglementation d'urbanisme. Dès lors, si l'administration et le juge administratif doivent, pour l'application des règles d'urbanisme relatives à la desserte et à l'accès des engins d'incendie et de secours, s'assurer de l'existence d'une desserte suffisante de la parcelle par une voie ouverte à la circulation publique et, le cas échéant, de l'existence d'un titre créant une servitude de passage donnant accès à cette voie, il ne leur appartient de vérifier ni la validité de cette servitude ni l'existence d'un titre permettant l'utilisation de la voie qu'elle dessert, si elle est privée, dès lors que celle-ci est ouverte à la circulation publique.

5. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet dispose d'un accès au chemin des Soullières qui est une voie en impasse d'un km environ reliée à la route de Valbonne. Ce chemin est une voie privée appartenant aux propriétaires riverains, excepté une section d'une centaine de mètres débouchant sur la route de Valbonne. La commune de Biot fait valoir que, à l'occasion de l'enquête publique prévue à cette fin, de nombreux riverains ont manifesté leur opposition au transfert de cette voie privée dans le domaine public communal envisagé par elle au titre de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme, à la circulation du public sur cette voie et à la construction d'immeubles collectifs dans le quartier des Soullières. Un panneau se bornant à signaler son caractère de voie privée est posé à la limite de cette voie, ainsi qu'un panneau normalisé de limitation de tonnage. Aucun panneau n'y interdit l'accès au public qui est matériellement possible en l'absence de barrière, de portail ou tout autre dispositif équivalent. Il suit de là que, en dépit des réserves exprimées par certains riverains lors de l'enquête précitée, le chemin des Soullières, dans sa partie privée, doit être regardé comme ouvert à la circulation publique. Par suite, le pétitionnaire n'était pas tenu de justifier d'un titre créant une servitude de passage ou d'un droit de passage à son profit. Ce premier motif de refus retenu par le maire de Biot dans son arrêté du 11 février 2020 est donc illégal.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article UE 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Biot, relatif aux conditions de desserte par les réseaux publics d'eau, d'électricité et d'assainissement : " (...) Assainissement des eaux pluviales : / Les aménagements réalisés sur tout terrain ne doivent pas faire obstacle au libre écoulement des eaux de ruissellement des terrains naturels. / Les eaux de ruissellement pluvial provenant des toitures, des constructions et de toute surface imperméable doivent être stockées sur le terrain supportant la construction de l'opération, puis rejetées ensuite : / - soit vers des caniveaux, fossés et réseaux collectifs d'évacuation d'eaux pluviales de capacité suffisante, / - soit en cas d'absence de réseau pluvial, rejetées dans un épandage dimensionné d'après une étude hydrogéologique basée sur une pluie de fréquence trentennale. / En aucun cas, les eaux pluviales ne doivent être rejetées dans le réseau public d'assainissement des eaux usées. / La collecte et l'écoulement des eaux pluviales et de ruissellement doivent être assurés dans des conditions conformes aux prescriptions techniques indiquées dans les documents réglementaires municipaux en vigueur. (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que, satisfaisant à une demande de pièce complémentaire adressée par le service instructeur, la SAS Sagec méditerranée a joint à sa demande de permis de construire une étude hydrologique et hydraulique de dimensionnement des bassins écrêteurs de débits. Cette étude indique que, en application du règlement d'assainissement pluvial, en présence d'un exutoire identifié, l'infiltration des eaux pluviales sur le terrain d'assiette est proscrite. Elle énonce les mesures envisagées pour limiter l'imperméabilisation du sol et précise que les réseaux en sortie des trois bassins écrêteurs seront raccordés à un réseau commun puis au réseau collectif se trouvant sous le chemin des Soullières. Consultée au titre de ses compétences en matière de gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) et de gestion des eaux pluviales, la CASA a émis, le 8 novembre 2019, un avis défavorable, dont l'arrêté en litige précise le contenu, au motif que le réseau situé sous le chemin des Soullières ne pouvait être regardé comme un réseau public d'assainissement, bien que cette voie soit ouverte au public et qu'ainsi, le dossier devait comporter soit l'autorisation du propriétaire du réseau, au cas où celui-ci serait considéré comme privé, soit l'acte de servitude de tréfonds, au cas où la commune de Biot reconnaitrait le caractère public de ce réseau. L'extrait de carte joint à l'avis représente un réseau d'eaux pluviales privé sous la chaussée du chemin des Soullières.

8. S'il résulte des dispositions de l'article UE 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Biot que ce n'est qu'en l'absence de réseau pluvial que les eaux de ruissellement provenant des toitures, des constructions et de toute surface imperméable peuvent être rejetées dans un épandage, les réseaux collectifs d'évacuation d'eaux pluviales, pas davantage que les caniveaux et les fossés vers lesquels ces eaux doivent être rejetées ne se réduisent pas au seul réseau public d'assainissement pluvial. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n'est pas allégué par la commune de Biot que le réseau collectif dont bénéficient les propriétaires du chemin des Soullières ne serait pas de capacité suffisante pour recueillir les eaux de ruissellement en provenance du projet. Par suite, le projet ne méconnaît pas les dispositions de l'article UE 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Biot.

9. En troisième lieu, si la SAS Sagec méditerranée n'a pas contesté en première instance la légalité du motif reposant sur l'article UE 13, il ne résulte pas de l'instruction que, s'il n'avait retenu que ce motif, le maire de Biot aurait pris la même décision.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Biot n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté du 11 février 2020 et la décision portant rejet du recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SAS Sagec méditerranée, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par la commune de Biot au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Biot est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Biot et à la société par actions simplifiée Sagec méditerranée.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, où siégeaient :

- M. Portail, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

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