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06/03/1990 | FRANCE | N°89NC00725

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 06 mars 1990, 89NC00725


Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 août 1988 sous le numéro 101167 et au greffe de la Cour administrative d'appel sous le numéro 89NC00725, présentée par le ministre de l'équipement et du logement, tendant à ce que la Cour :
1) réforme le jugement en date du 16 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG a condamné l'Etat à verser à la SA. SAVONITTO une indemnité de 3 900 000 F en réparation du préjudice résultant d'une décision de sursis à statuer illégale opposée à une demande de permis de construire ;r> 2) réduise le montant de l'indemnité ;
Vu le mémoire en défense, formant...

Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 18 août 1988 sous le numéro 101167 et au greffe de la Cour administrative d'appel sous le numéro 89NC00725, présentée par le ministre de l'équipement et du logement, tendant à ce que la Cour :
1) réforme le jugement en date du 16 juin 1988 par lequel le tribunal administratif de STRASBOURG a condamné l'Etat à verser à la SA. SAVONITTO une indemnité de 3 900 000 F en réparation du préjudice résultant d'une décision de sursis à statuer illégale opposée à une demande de permis de construire ;
2) réduise le montant de l'indemnité ;
Vu le mémoire en défense, formant appel incident, enregistré le 24 avril 1989 présenté pour la Société anonyme SAVONITTO, tendant au rejet de la requête et, en outre, à ce que l'indemnité que l'Etat a été condamné à lui verser soit portée à la somme de 4 242 044 F ;
Vu l'ordonnance du 5 janvier 1989 par laquelle le président de la 1ère sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis le dossier à la Cour administrative d'appel ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été dûment averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience du 20 février 1990 :
- le rapport de M. PIETRI, Conseiller,
- les observations de Me X..., substituant la S SIRAT-GILLI, avocat de la S.A. SAVONITTO,
- et les conclusions de Mme FELMY, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'il résulte de l'examen des pièces du dossier que la société anonyme Entreprise SAVONITTO a déposé le 13 août 1981, une demande de permis de construire 221 logements en 10 bâtiments collectifs sur un terrain lui appartenant de 27 698 m2 situé dans la zone urbaine de la commune d'ILLZACH ; que, par lettre du 16 septembre 1981, le préfet du Haut-Rhin a informé ladite société, en application des dispositions de l'article R.421-12 du code de l'urbanisme, que le délai d'instruction de cette demande expirait le 30 novembre 1981 et que, si aucune décision ne lui avait été adressée avant cette date, cette lettre vaudrait permis de construire ; qu'ainsi le délai d'instruction était expiré à la date du 30 novembre 1981 à laquelle la société Entreprise SAVONITTO a reçu notification de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 27 novembre 1981 prononçant un sursis à statuer sur sa demande de permis de construire ; que, par suite, l'arrêté notifié le 30 novembre 1981 devait être regardé comme ayant rapporté le permis tacite dont la société était, à cette date, titulaire en vertu de l'article R.421-12 précité ; que, par jugement en date du 20 novembre 1984 devenu définitif, le tribunal administratif de STRASBOURG a annulé pour vice de forme la décision de sursis à statuer ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L.421-5 du code de l'urbanisme "Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés." ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'à la date où le permis de construire tacite a été acquis la commune d'ILLZACH n'était pas à même de fixer un délai pour la réalisation des travaux d'extension ou de renforcement des réseaux communaux de distribution d'eau et d'assainissement que nécessitaient, selon elle, les constructions projetées par la société Entreprise SAVONITTO sur son terrain classé en zone urbaine au plan d'occupation des sols approuvé le 7 février 1977 ; que, dès lors, le préfet ne pouvait légalement, en application des dispositions précitées de l'article L.421-5, prononcer le retrait du permis de construire tacitement accordé . ladite société ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L.410-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige, "Si la demande ... de permis de construire prévue à l'article L.421-1 est déposée dans le délai de six mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par ledit certificat, celles-ci ne peuvent être remises en cause" ; qu'il suit de là que, la société Entreprise SAVONITTO ayant déposé sa demande de permis de construire dans le délai de six mois qui a suivi la délivrance d'un certificat d'urbanisme le 26 mai 1981, le préfet ne pouvait légalement surseoir à statuer sur cette demande par suite de la mise en révision, le 2 novembre 1981, du plan d'occupation des sols de la commune d'ILLZACH ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin n'était pas légalement fondé à prendre l'arrêté du 27 novembre 1981 par lequel il a rapporté le permis de construire tacite dont la société Entreprise SAVONITTO était titulaire en décidant de surseoir à statuer sur sa demande de permis ; que l'illégalité ainsi commise est de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
Sur le préjudice :
Considérant que la société Entreprise SAVONITTO demande réparation du préjudice qu'elle a subi, pendant la période de trois ans allant de la date de la décision préfectorale de sursis à statuer à la date de son annulation par jugement du tribunal administratif, par suite de l'immobilisation du capital représenté par le terrain sur lequel devaient être réalisées les constructions projetées ; que, compte tenu, d'une part, de la valeur vénale acquise par le terrain que la société a acheté en 1966 et revendu en 1987 et, d'autre part, de ce que celle-ci n'établit pas avoir dû supporter des frais financiers du fait de l'immobilisation pendant trois ans du capital constitué par ce terrain, il sera fait une juste appréciation du préjudice causé à la société par ladite immobilisation en fixant à 750 000 F l'indemnité due de ce chef par l'Etat ; que, dès lors, il y a lieu de ramener de 3 900 000 F à 750 000 F la somme que le tribunal administratif de STRASBOURG a condamné l'Etat à verser à la société Entreprise SAVONITTO, de réformer en ce sens le jugement attaqué du 16 juin 1988 et, par suite, de rejeter le recours incident de la société tendant à porter à la somme de 4 242 044 F la condamnation de l'Etat ;
Sur les intérêts :
Considérant que, par application de l'article 1153 du code civil, la société Entreprise SAVONITTO a droit, comme elle l'a demandé, aux intérêts de la somme de 750 000 F à compter du 10 décembre 1984, date de sa première demande au ministre ;
Article 1 : La somme de 3 900 000 F que l'Etat a été condamné à verser à la société anonyme Entreprise SAVONITTO par le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 16 juin 1988 est ramenée à 750 000 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1984.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de STRASBOURG en date du 16 juin 1988 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer et le surplus du recours incident de la société Entreprise SAVONITTO sont rejetés.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'équipement, du logement, des transports et de la mer et à la société anonyme Entreprise SAVONITTO.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 89NC00725
Date de la décision : 06/03/1990
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-05-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME - PERMIS DE CONSTRUIRE


Références :

Code civil 1153
Code de l'urbanisme R421-12, L421-5, L410-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: PIETRI
Rapporteur public ?: FELMY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;1990-03-06;89nc00725 ?
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