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21/03/2005 | FRANCE | N°00NC00733

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 mars 2005, 00NC00733


Vu le recours du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, enregistré au greffe de la Cour le 7 juin 2000, complété par des mémoires enregistrés les 14 août 2000, 20 novembre 2001, 4 décembre 2003;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 11 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser, d'une part, à la société NV PWN Waterleidingbedrijf Noord-Holland une indemnité de 14 693 068 F, d'autre part à la ville d'Amsterdam une somme de 9 015 852 F, sous réserve de subrogation d

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Vu le recours du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT, enregistré au greffe de la Cour le 7 juin 2000, complété par des mémoires enregistrés les 14 août 2000, 20 novembre 2001, 4 décembre 2003;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 11 avril 2000 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser, d'une part, à la société NV PWN Waterleidingbedrijf Noord-Holland une indemnité de 14 693 068 F, d'autre part à la ville d'Amsterdam une somme de 9 015 852 F, sous réserve de subrogation de l'Etat dans les droits des demanderesses, ainsi que les intérêts de ces sommes au taux légal à compter du 25 avril 1988, les intérêts étant eux mêmes capitalisés à compter du 11 avril 1994, en réparation des préjudices qu'elles ont subi en raison de la pollution du Rhin par les rejets des Mines de Potasse d'Alsace (MDPA) ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société NV PWN Waterleidingbedrijf Noord-Holland et la ville d'Amsterdam devant le Tribunal administratif Strasbourg ;

Il soutient que :

- la demande était irrecevable en l'absence de production du mémoire complémentaire annoncé dans la requête ;

- les signataires de la requête bénéficient d'une délégation de signature du ministre en date du 25 mai 2000 pour ester en justice ;

- le tribunal se contredit en relevant à la fois les insuffisances de l'Etat et en affirmant qu‘elles sont sans lien avec le préjudice invoqué ;

- de nombreux arrêtés du préfet du Haut-Rhin, avant même la convention de Bonn de 1976, ont réglementé, toujours plus sévèrement, les rejets polluants ; la « guérilla contentieuse » livrée par les requérantes contre les arrêtés du préfet a en partie paralysé l'action de l'Etat ;

- le seuil de 80 kg/s ne pouvait être retenu alors même que la convention de Bonn déterminait une valeur de 115 kg/s ;

- les moyennes mensuelles étaient le plus souvent inférieures aux 145 kg/s retenus par le tribunal et les chiffres sur lesquels il se fonde sont incohérents ;

- les Mines de Potasse d'Alsace ne sont à l'origine que d'une partie minoritaire des rejets ;

- le tribunal a opéré un renversement de la charge de la preuve ;

- les eaux saumâtres des polders remontent dans le Rhin, comme il résulte d'ailleurs du protocole additionnel à la convention de Bonn ; la teneur en sel élevée des eaux aux Pays-Bas résulte de l'apport des eaux marines des polders via les eaux souterraines et le système d'éclusage ;

- le rapport de MM. X et Y (1978) énonce que 63% des chlorures proviennent des eaux souterraines, ce fait étant confirmé par l'annexe 2 du Protocole additionnel à la convention de Bonn. La corrosion a été accentuée dans les villes dotées de tramway par le phénomène de « couplage galvanique » ;

- aucune pollution n'a été identifiée à l'aval immédiat du point de rejet des Mines de Potasse d'Alsace ;

- en dehors de la note partiale du directeur du service des eaux, rien ne démontre l'impact réel des rejets salins sur les installations techniques des requérantes, dont le vieillissement normal n'a pas été pris en compte ;

- l'expertise de MM. Z et A ordonnée par le tribunal de grande instance de Paris et effectuée contradictoirement durant trois années montre, malgré la résistance des autorités néerlandaises à communiquer les informations utiles, l'absence de preuve d'une corrélation entre les déversements de chlorures et la corrosion ; que notamment les canalisations, même très anciennes, ne présentaient pas de perte d'épaisseur ; qu'elles ont dû être changées en raison de la seule présence de dépôts solides de fer et silices étrangers à la corrosion ; que les oxydes de fer déposés sur les parois des conduites et colorant l'eau en rouge proviennent de l'utilisation de chlorures de fer plutôt que d'aluminium ou bien des polymères organiques, tout aussi écologiques, dans la filière traitement des eaux ; que le réservoir que constitue le lac d'Ijssel reçoit les eaux du Rhin mais aussi celle des polders par le système d'éclusage ; qu'ainsi exposé à la pollution saline, le réseau de canalisations aurait nécessité une protection cathodique préventive dont l'absence constitue une faute des plaignants ;

- le rapport de la commission d'experts de la Vewin sur lequel se fondent les intimés est partial, cette commission étant composée pour deux tiers de représentants des plaignantes, et ne procède d'aucune constatation matérielle mais d'une simple étude théorique sans démonstration scientifique probante ;

- le principe de précaution est inapplicable en l'espèce ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires en défense enregistrés les 3 et 24 juillet 2000, les 23 janvier, 20 juin et 23 août 2001, 9 septembre 2003, 22 juin 2004, présentés pour la société NV PWN Waterleidingbedrijf Noord-Holland, ayant son siège Rijksweg, 501 1991 AS Velserbroeck PAYS BAS, et pour la ville d'Amsterdam, représentée par son bourgmestre en exercice à Staghuis Amstel,1 Postbus 202 1000 AE Amsterdam PAYS BAS, par Mes Huglo et Asscher avocats ;

La société et la ville d'Amsterdam demandent à la Cour :

- d'une part, de rejeter la requête susvisée ;

A cette fin elles soutiennent que :

- les signataires de la requête devront justifier de leur qualité pour faire appel au lieu et place du ministre ;

- plusieurs illégalités fautives ont été commises : ne pas avoir appliqué aux Mines de Potasse d'Alsace la législation sur les installations classées ; ne pas avoir apprécié les conséquences des rejets hors du territoire national ; ne pas avoir adopté les mesures de police permettant de prévenir ces pollutions ou les sanctions administratives ou pénales permettant de les réprimer, voire la suppression de l'installation polluante (article 15 de la loi du 19 juillet 1976) ; en transposant tardivement en droit interne la convention de Bonn du 3 décembre 1976, publiée le 16 septembre 1985 au journal officiel ; en méconnaissant le principe général du droit international selon lequel un Etat ne peut polluer en dehors de ses frontières ; en raison de la carence dans l'application de la directive n°80/778/CE du 15 juillet 1980 ; en utilisant pas les fonds remis par l'Etat néerlandais pour l'injection du sel dans le sol alsacien ;

- le lien de causalité entre ces illégalités et le préjudice subi ne fait aucun doute : la circonstance que le gouvernement néerlandais ait donné la priorité à la réduction de la pollution par les métaux lourds à partir d'octobre 1988 est sans incidence ; les faits sont établis tant par le rapport des experts de la VEWIN que celui des experts Z et A ; la salinité accroît la corrosion des canalisations et les traitements nécessaires de l'eau pour la rendre potable, nécessite le remplacement des canalisations en fer par des conduites revêtues de mortier de ciment et détériore l'ensemble des matériels au contact de l'eau ; le chlorure de sel crée une réaction chimique produisant du fer et donc à la longue des dépôts de corrosion ; le fait que le taux de chlorure ne rende pas l'eau impropre à la consommation humaine est sans emport puisque ce qui est en cause est la détérioration des conduites ; les 7 millions de tonnes de chlorure de sodium déversés par les Mines de Potasse d'Alsace dans le Rhin représentent environ 35 % du taux de sel présent dans le fleuve et 80 % de ce type de pollution par la France qui est à l'origine de 51 % de cette pollution du Rhin ; le lien entre la salinité et la corrosion a été constaté par le rapport Defontaine et les experts C et D ; l'eau du Rhin traitée par infiltration dans les terres ne rentre pas en contact avec l'eau de mer plus dense et donc située plus bas ; contrairement aux affirmations des experts français qui n'ont pas constaté de diminution de l'épaisseur des canalisations due à la corrosion, celle ci est bien réelle, se déposant sur la paroi intérieure et augmentant la turbidité de l'eau ; le traitement de l'eau passe nécessairement par le rajout de sulfates de fer pour procéder à la floculation des ions en solution, colorant l'eau en rouge ; l'accentuation de la corrosion en raison du « couplage galvanique » est une donnée erronée, il n'y a aucun tram sur la zone couverte par NV PWN et ce phénomène n'aurait touché que l'extérieur des canalisations, le courant électrique ne pouvant toucher l'intérieur de celles ci ; l'utilisation de polymères organiques aurait été extrêmement onéreuse et moins efficace ;

- il n'y a eu aucune obstruction dans la transmission d'éléments d'information aux experts Z et A ; ils n'ont pas vu de canalisations corrodées car la majorité d'entre elles avaient été remplacées avant leur visite sur place en 1992 ;

- le préjudice correspond, pour la période de 1976 à 1987, au remplacement des canalisations obstruées par la rouille ou à leur cimentage, à celui des puits de captage, à la procédure de chasse d'eau dans les réseaux de conduite et à la déminéralisation de l'eau potable, soit pour la société NV PWN 73 465 341 F et pour la ville d'Amsterdam 70 838 846 F, augmentés des intérêts depuis l'origine du préjudice et capitalisés ;

- la charge de la preuve est inversée en matière de principe de précaution et il incombe donc aux Mines de Potasse d'Alsace de démontrer l'innocuité de leurs rejets ;

- d'autre part, par la voie du recours incident, de condamner l'Etat à verser une indemnité totale, les montants déjà versés étant à déduire, de 11 199 719 euros à la société NV PWN et de 10 799 312 euros à la ville d'Amsterdam, augmentée des intérêts légaux depuis l'origine du préjudice et capitalisés à compter du 20 juin 2001 ;

A cette fin elles soutiennent que :

- compte tenu de l'annulation successive des arrêtés du préfet du Haut-Rhin autorisant les rejets, il en résulte que les Mines de Potasse d'Alsace ont procédé à ces rejets depuis l'origine sans base légale ; la période de responsabilité s'étend donc de 1977 (4 ans avant le premier jugement du Tribunal administratif de Strasbourg) jusqu'à l'arrêté d'autorisation de 1994 ;

- enfin, de condamner l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, à leur verser la somme de 10 000 euros ;

Vu le mémoire en observations, enregistré le 11 avril 2001, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ; il fait valoir que le moyen tiré par les demanderesses du non-respect de la législation minière est inopérant et mal fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance en date du 13 octobre 2004 par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 10 novembre 2004 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2005 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,

- les observations de M. B pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE et de Me Asscher, avocat de la société NVPWN et de la ville d'Amsterdam ;

- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Vu les notes en délibéré enregistrées les 2 et 4 mars 2005 produites par le MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 3 mars 2005 produite par Me Asscher, avocat de la société NV PWN et de la ville d'Amsterdam ;

Considérant que par deux requêtes enregistrées au Tribunal administratif de Strasbourg le 25 avril 1998, la Province de la Hollande septentrionale et la ville d'Amsterdam ont demandé respectivement l'annulation des décisions du ministre de l'environnement du 23 février 1988, des décisions implicites de du ministre de l'industrie et du premier ministre, rejetant leurs demandes d'indemnisation des préjudices subis du fait du retard mis à diminuer les rejets de sel dans le Rhin provenant des Mines de Potasse d'Alsace, ainsi que la condamnation de l'Etat à leur verser la somme de 3 500 000 F à titre de dommages et intérêts ; que par un jugement en date du 11 avril 2000, le Tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'Etat à verser à la société NV PWN, venant aux droits de la Province de la Hollande septentrionale, la somme de 14 693 068 F et à la ville d'Amsterdam la somme de 9 015 852 F ; que par une requête enregistrée le 7 juin 2000, le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT fait appel de cette décision aux motifs notamment que le lien de causalité n'est pas établi entre les dommages allégués et les rejets émis par les Mines de Potasse d'Alsace, le tribunal ayant opéré à tort un renversement de la charge de la preuve en estimant qu'il appartenait à l'administration de démontrer que la présence de chlorures due aux déversements litigieux n'avait pu contribuer aux faits dommageables ;

Sur la recevabilité de l'appel :

Considérant que par des arrêtés en date du 25 mai 2000, le MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT a donné délégation permanente à MM. Budot et Vesseron, signataires de la requête et respectivement directeurs de l'eau et de la prévention des pollutions délégué aux risques majeurs, pour signer en son nom tous actes relevant de leurs domaines de compétence, à l'exception des décrets et réponses à la Cour des comptes ; que le litige ressortissait à la compétence de ces deux directeurs ; que la fin de non-recevoir susvisée doit donc être écartée ;

Sur les conclusions de la requête du MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT :

Considérant que, par son jugement, le Tribunal administratif a jugé que le lien de causalité entre les déversements des Mines de Potasse d'Alsace et l'augmentation alléguée des coûts d'entretien et d'exploitation des services de transport et de distribution d'eau des requérantes était démontré eu égard aux résultats de diverses expertises et au fait que l'administration n'apportait pas la preuve que la présence de chlorures due aux déversements litigieux n'avait pas pu contribuer aux faits dommageables ; que s'agissant de la mise en cause de la responsabilité pour faute de la puissance publique, il appartient en tout état de cause aux requérantes d'apporter la preuve que la dégradation de la qualité de l'eau du fait de l'activité des Mines de Potasse d'Alsace entraîne un surcoût d'exploitation et de maintenance de son réseau de distribution d'eau potable ; qu'ainsi, le Tribunal a commis une erreur de droit en faisant supporter au défendeur la charge de la preuve de l'absence de lien de causalité entre les dommages allégués et les déversements litigieux ;

Considérant que pour établir le lien de causalité entre les rejets de chlorures de sodium par les Mines de Potasse d'Alsace et les dommages subis aux Pays-Bas, pour la période 1976-1987, la société NV PWN et la ville d'Amsterdam font valoir que les faits litigieux sont établis tant par le rapport des experts de la VEWIN que par celui remis pas les experts Z et A, missionnés par le juge d'instruction auprès du Tribunal de grande instance de Paris, dans lesquels les Mines de Potasse d'Alsace, situées près de Mulhouse sur le territoire français, apparaissent comme le principal responsable de la dégradation de la qualité de l'eau du Rhin ; qu'il résulte de l'élévation artificielle de la concentration en chlorure de sodium et des processus biologiques induits un surcoût d'exploitation et de maintenance provoqué par une corrosion plus rapide des réseaux de distribution, obligeant les collectivités requérantes à procéder au remplacement des puits de captage de l'eau souterraine profonde, au cimentage des conduites en fonte voire à leur remplacement et à effectuer des rinçages des dépôts de rouille ;

Considérant qu'il résulte du rapport de l'expertise diligentée par les experts C et D commis par le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Mulhouse notamment du compte rendu de mission préparatoire du 14 août 1986 et dont les conclusions sur ce point ne sont pas contestées par les parties au litige que les pays riverains du Rhin sont responsables de sa pollution par les chlorures à hauteur de 3 % pour la Suisse, 42 % pour l'Allemagne et 51 % pour la France, le reliquat étant d'origine indéterminée ; que s'agissant de la France, 80% de cette pollution provient des Mines de Potasse d'Alsace, qui y déversent le chlorure de sodium provenant du traitement de la sylvinite extraite desdites mines ;

Considérant, en premier lieu, que le rapport de la commission d'experts de la VEWIN en date du 22 mars 1994 porte sur les dommages causés au service de distribution des eaux de la province de Hollande septentrionale par les déversements de sel contenant des chlorures par les Mines de Potasse d'Alsace sur la période 1980-1986 ; que ladite commission était composée de six personnes, dont deux représentantes du service des eaux de la Hollande septentrionale (PWN) et deux représentantes des services municipaux des eaux d'Amsterdam (GWA) ; qu'il ressort de l'examen de cette communication que ce document a été rédigé à l'occasion de la procédure pénale engagée entre autres par la SA PWN contre les Mines de Potasse d'Alsace ; qu'élaboré dans ces conditions, ce rapport ne peut être qualifié «d'expertise» diligentée par des autorités judiciaires saisies par les parties au litige ; que s'il peut apparaître comme un élément d'information, ce rapport, qui étudie la situation créée par les déversements des Mines de Potasse d'Alsace, repose sur l'affirmation que des travaux passés prouvent la contribution des Mines de Potasse d'Alsace aux coûts supplémentaires que supportent les services des eaux néerlandais, établis à un tiers et proportionnels à la contribution moyenne de cette entreprise à la présence de chlorures dans le Rhin ; qu'une telle affirmation, qui n'est étayée par aucun document ou constat scientifique, n'est pas susceptible de démontrer le lien de causalité entre les dommages allégués et l'activité des mines ;

Considérant que les défendeurs en appel font valoir que les faits sont établis par le rapport d'expertise déposé devant les juridictions judiciaires par MM. Z et A le 19 décembre 1996, concernant la période du 13 août 1983 au 13 août 1986 portant étude de l'incidence des rejets des Mines de Potasse d'Alsace sur la qualité des eaux du Rhin, de la part prise eu égard aux autres sources de chlorures tant en amont qu'en aval des captages effectués par les collectivités néerlandaises, ainsi que de l'impact des déchets de chlorure sur les exploitations des parties civiles durant les périodes en cause et sur l'état des réseaux de distribution des eaux potables ;

Considérant qu'il résulte de ce rapport d'expertise que si, potentiellement, un certain risque de corrosion existe par la présence de chlorures dans l'eau du Rhin et qu'une part de ce risque est imputable aux Mines de Potasse d'Alsace, responsables pour la période 1983-1986 de l'apport de chlorure de sodium à hauteur de 29,67 %, l'examen des conduites âgées de 30 à 100 ans a révélé qu'elles présentaient non des problèmes de destruction par la corrosion mais des problèmes d'obturation par des dérivés de fer et de silice, résultant du traitement de l'eau par des sulfates de fer ; que les traitements ainsi mis en oeuvre par les services de distribution des eaux avaient pour objet non de traiter la corrosion mais de permettre la distribution d'une eau répondant aux normes alors en vigueur ; que les choix des techniques mises en oeuvre répondaient à des impératifs de politique intérieure notamment écologiques, le traitement par sulfate d'alumine ayant été écarté au profit du traitement par sulfate de fer, ayant une incidence directe sur l'état des réseaux de distribution ; que s'agissant de la réclamation de GWA, les experts ont écarté comme sans lien avec les chlorures en provenance du Rhin le remplacement des puits de captage et la déminéralisation de l'eau potable ; que s'agissant de la réclamation de PWN, les experts ont relevé que la moitié du réseau de distribution était déjà changée 20 ans avant le début de la période objet de l'expertise et que les « «chasses d'eau » étaient nécessaires au bon fonctionnement des conduites en fonction de l'âge de celles-ci et des adjonctions ou travaux réalisés sur les circuits avant remise en service ;

Considérant qu'il résulte des faits exposés ci-dessus que le lien de causalité n'est pas établi pour l'ensemble de la période visée par les demandes à savoir de 1976 à 1983 ; que si des chasses d'eau, des cimentations de conduites et le remplacement de celles-ci ont été effectuées plus précisément au cours de la période 1983-1986, leur lien avec les déversements des rejets de chlorure de sodium des Mines de Potasse d'Alsace n'est pas établi ; qu'aucun document produit ne justifie au titre de la période en cause la mise en oeuvre des travaux effectués comme ayant un lien direct avec l'activité des mines ;

Considérant que ni la mission d'enquête parlementaire sur les rejets de chlorures dans la Moselle, ni les différentes études théoriques invoquées ne sauraient établir davantage le lien de causalité entre les dommages allégués et l'activité en cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg encourt l'annulation ; que les demandes présentées par la société NVPWN venant aux droits de la Province de la Hollande septentrionale et de la ville d'Amsterdam devant le Tribunal administratif de Strasbourg ne peuvent, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité qu'être rejetées ;

Sur les conclusions incidentes de la société NV PWN et de la ville d' Amsterdam :

Considérant qu'en l'absence, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, de démonstration du lien de causalité entre les faits dommageables et les préjudices invoqués, les conclusions incidentes des requérantes tendant à ce que la Cour leur accorde une indemnisation pour les mêmes motifs mais sur une période élargie ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à verser à la société NV PWN et à la ville d'Amsterdam la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 11 avril 2000 est annulé.

Article 2 : Les requêtes présentées par la société NV PWN et la ville d'Amsterdam devant le Tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la société NV PWN et de la ville d'Amsterdam tendant au versement de frais irrépétibles sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECOLOGIE ET DU DEVELOPPEMENT DURABLE, à la société NV PWN Waterleidingbedrijf Noord-Holland (PWN) et à la ville d'Amsterdam.

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00NC00733


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 00NC00733
Date de la décision : 21/03/2005
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : HUGLO LEPAGE et ASSOCIÉS - SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-03-21;00nc00733 ?
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