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20/12/2007 | FRANCE | N°06NC01415

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2007, 06NC01415


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 novembre 2006, présentée pour M. et Mme Thierry X, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fils Florent, mineur au moment de l'introduction de la requête, demeurant ..., par Me Julia, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0403131 en date du 12 septembre 2006 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a condamné le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville qu'à leur verser une somme totale de 5 100 euros asso

rtie des intérêts au taux légal et, à titre subsidiaire, en tant qu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 novembre 2006, présentée pour M. et Mme Thierry X, agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fils Florent, mineur au moment de l'introduction de la requête, demeurant ..., par Me Julia, avocat ; M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0403131 en date du 12 septembre 2006 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a condamné le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville qu'à leur verser une somme totale de 5 100 euros assortie des intérêts au taux légal et, à titre subsidiaire, en tant qu'il a fractionné les différents chefs de préjudices subis par leur fils et par eux et en a limité l'indemnisation ;

2°) de condamner le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville à leur verser, d'une part, en qualité d'administrateurs légaux des biens de leur fils, une somme de 90 000 euros au titre du préjudice économique et une somme de 60 000 euros au titre du préjudice personnel et, d'autre part, à titre personnel une somme de 2 000 euros au titre du préjudice matériel et à chacun d'eux une somme de 20 000 euros au titre de leur préjudice moral, avec intérêts à compter de la demande préalable ;

3°) de condamner le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville à leur verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- qu'en associant un second médicament au premier qui était déjà administré à l'enfant, ce qui présentait des risques majorés connus, était disproportionné par rapport à l'état de santé de l'enfant et ne représentait pas la seule solution possible, le centre hospitalier a commis une faute de nature à engager intégralement sa responsabilité ;

- qu'à titre subsidiaire, le centre hospitalier a commis un défaut d'information, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ;

- que l'enfant conserve des séquelles, source d'incapacité qui doivent être évaluées, avec son préjudice professionnel, à la somme de 80 000 euros ;

- que le pretium doloris, jugé assez important par l'expert, et le préjudice esthétique léger à modéré, justifient une indemnisation supérieure à celle accordée par le tribunal administratif ;

- qu'ils ont dû se rendre de nombreuses fois à l'hôpital, ce qui leur a causé un préjudice économique évalué à 2 000 euros ;

- que l'angoisse ressentie pour la santé de leur enfant, qui a conduit à des épisodes dépressifs, justifie une indemnisation du préjudice moral de chacun des parents à hauteur de 20 000 euros ;


Vu le jugement attaqué ;


Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2007, présenté pour le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville, par Me Clément , avocat ;

Le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de M. et Mme X à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le traitement retenu, qui se justifiait, compte tenu de l'état de l'enfant et des autres solutions possibles, n'est pas à l'origine d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- à titre subsidiaire, le manquement au devoir d'information ne peut entraîner une indemnisation de l'entier préjudice des requérants ;
- que le tribunal administratif a justement évalué les préjudices dont font état les requérants ;


Vu la lettre du 24 mai 2007 par laquelle la Caisse primaire d'assurance maladie de Metz a été mise en demeure de défendre ;


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 décembre 2007 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les observations de Me Dupleix, de la SCP Lagrange, Philippot, Clément, Zillig, Vautrin, avocat du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville,

- et les conclusions de M. Collier, commissaire du gouvernement ;



Considérant que le 5 décembre 2000, un médecin du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville a modifié le traitement de Florent X, alors âgé de onze ans, et souffrant d'une épilepsie récalcitrante au Dépakine, en le complétant par du Lamictal ; que le 27 décembre 2000, l'enfant a développé un syndrome de Lyell et a été hospitalisé pendant un mois ; que M. et Mme X interjettent appel du jugement attaqué en date du 12 septembre 2006 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a condamné le centre hospitalier qu'à leur verser une somme de 5 100 euros au titre de leurs préjudices ainsi que de ceux de leur enfant ;


Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge du référé du Tribunal administratif de Strasbourg, que le choix d'associer un autre médicament au Dépakine était adapté à l'état de santé de Florent, dont l'épilepsie résistait au traitement prescrit et comportait des risques d'aggravation ; que le choix du Lamictal, qui était recommandé en association au Dépakine pour les enfants, qui ne présentait que des risques exceptionnels et a qui été administré à doses progressives très faibles, n'était pas constitutif d'une faute ; que les autres médicaments qui auraient pu être associés au Dépakine étaient susceptibles de comporter des effets psychologiques néfastes ou d'aggraver l'épilepsie de Florent ; qu'ainsi, la prescription litigieuse n'est pas de nature à engager la responsabilité pour faute du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville ; que les époux X ne sont pas fondés à demander la réformation du jugement sur ce point ;


Considérant, d'autre part, que lorsqu'un acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ; que le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a engagé sa responsabilité au motif qu'il n'avait pas informé de façon suffisamment complète et détaillée les époux X du risque de développement du syndrome de Lyell ;


Sur l'indemnisation :

Considérant, d'une part, que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation des troubles dans les conditions d'existence de Florent, tenant à l'existence d'un psoriasis aux doigts et à la difficulté d'exercer le métier de cuisinier, en en fixant le montant à 8 000 euros ; que, de même, en évaluant à 12 000 euros les souffrances physiques fixées par l'expert à 5 sur une échelle de 7 et à 5 000 euros le préjudice esthétique fixé à 2 ou 3 sur une échelle de 7, le tribunal administratif a correctement évalué ces chefs de préjudice ;


Considérant, d'autre part, que M. et Mme X ne démontrent, pas plus qu'en première instance, la réalité des préjudices matériels qu'ils invoquent ;


Considérant, enfin, que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du préjudice moral de chacun d'eux, résultant de leur inquiétude pour l'état de santé de leur fils, en l'évaluant à 500 euros ;


Considérant que le manquement au devoir d'information commis par l'hôpital n'a entraîné, pour le jeune Florent X et sa famille, que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé ; que la réparation du préjudice résultant de cette perte de chance doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudices subis ; que, compte tenu du rapprochement à opérer entre, d'une part, les risques inhérents au traitement et, d'autre part, les désagréments encourus en cas de renonciation à celui-ci, le tribunal n'a pas, contrairement à ce que soutiennent les appelants, fait une appréciation insuffisante des conséquences de cette perte de chance en limitant à 20 % des différents chefs de préjudices le montant mis à la charge du centre hospitalier ;


Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a limité l'indemnisation que le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville a été condamné à leur verser à un montant total de 5 000 euros en qualité de représentants légaux de leur fils mineur et 100 euros chacun en leur nom propre ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que le Centre hospitalier régional de Metz-Thionville, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. et Mme X la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de condamner M. et Mme X à payer au Centre hospitalier régional de Metz-Thionville la somme que celui-ci demande au titre des mêmes frais ;



DÉCIDE :



Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Centre hospitalier régional de Metz-Thionville relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Florent X, à M. et Mme Thierry X, au Centre hospitalier régional de Metz-Thionville et à la Caisse primaire d'assurance maladie de Metz.



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N° 04NC01415


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06NC01415
Date de la décision : 20/12/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DESRAME
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET JEAN-BENOIT JULIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2007-12-20;06nc01415 ?
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