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14/02/2013 | FRANCE | N°12NC00444

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 14 février 2013, 12NC00444


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni II, 36, avenue Charles-de-Gaulle à Bagnolet (93170), par l'association Vatier et associés ; l'ONIAM demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701954, en date du 10 janvier 2012, en tant que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser aux ayants droits de Mme G...une indemnité de 150 000 euros ;

2°) de limiter à

la somme de 10 300 euros l'indemnité due au titre des souffrances endurées et à...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni II, 36, avenue Charles-de-Gaulle à Bagnolet (93170), par l'association Vatier et associés ; l'ONIAM demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0701954, en date du 10 janvier 2012, en tant que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser aux ayants droits de Mme G...une indemnité de 150 000 euros ;

2°) de limiter à la somme de 10 300 euros l'indemnité due au titre des souffrances endurées et à 50 000 euros le préjudice lié à une pathologie évolutive ;

3°) de condamner les ayants droits de Mme G...aux entiers dépens de l'instance ;

Il soutient que :

- le tribunal a fait une juste évaluation du préjudice subi par Mme G...au titre du déficit fonctionnel temporaire en accordant une somme de 9 000 euros ;

- en revanche, c'est à tort que le tribunal a accordé 141 000 euros au titre des autres chefs de préjudices, car il a été fait une confusion entre le déficit fonctionnel temporaire et le déficit fonctionnel permanent alors qu'en l'absence de consolidation de l'état de la victime, seul le déficit temporaire est indemnisable ;

- il n'est pas contesté que Mme G...a subi un préjudice lié au caractère évolutif de sa maladie, préjudice qui ne saurait être indemnisé au-delà de 50 000 euros ;

- les souffrances endurées par la victime évaluées à 5/7 par l'expert pourront être indemnisées à hauteur de 10 300 euros ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet et 26 septembre 2012, présentés pour la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône par la SCP Guilbault associés ; la caisse primaire d'assurance maladie demande à la cour :

1°) de confirmer les condamnations mises à la charge de l'ONIAM ;

2°) par la voie de l'appel incident, de porter à la somme de 46 206,53 euros le montant de l'indemnité qui lui a été accordée en première instance ;

2°) en outre, de mettre à la charge de l'ONIAM :

- la somme de 926 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la somme de 39 930,53 euros qui lui a été accordée en première instance ne fait l'objet d'aucune contestation ;

- elle sollicite le versement d'une somme de 46 206,53 euros selon le décompte de ses débours définitifs ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2012 et le 4 janvier 2013, présentés pour M. F... G..., M. C... G..., M. A... G..., agissant en leur nom propre et en leur qualité d'ayants droits de Mme E...G...par la Selarl Cirera-Vaissière ;

Les consorts G...demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- de porter à la somme de 59 180 euros le montant de l'indemnité due au titre du déficit fonctionnel temporaire subi par MmeG..., à la somme de 400 000 euros le montant dû au titre du préjudice lié au syndrome dépressif et au caractère évolutif de la maladie, à la somme de 29 000 euros le montant dû au titre des souffrance endurées, la provision déjà versée venant en déduction de ces montants ;

- de condamner l'ONIAM à leur verser à chacun la somme de 80 000 euros en réparation de leur préjudice moral ;

- de dire que ces sommes porteront intérêts à compter du 13 septembre 2007, date de la réclamation préalable ;

3°) de condamner l'ONIAM à leur verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- la somme de 141 000 euros accordée par le tribunal n'indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, mais les souffrances endurées, le syndrome dépressif, l'asthénie et l'évolution rapide de la maladie ;

- Mme G...a subi un préjudice spécifique de contamination, en raison de l'évolution rapide de sa maladie ; elle a vécu de 1993 jusqu'en 2006 sans espoir de guérison et dans la crainte de son décès ; ils sollicitent une somme de 400 000 euros en réparation de ce chef de préjudice ; le jugement sera réformé en tant qu'il a limité l'indemnisation à 141 000 euros ;

- compte tenu de l'importance des souffrances endurées, une somme de 29 000 euros devra être accordée à ce titre ;

- pour allouer une indemnité de 9 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, les premiers juges n'ont pas pris en compte les jours de consultation et d'examen et l'incapacité à exercer une activité professionnelle à compter du 7 mars 2001, date à laquelle Mme G...s'est vu reconnaitre le statut de travailleur handicapé ; la somme allouée à ce titre devra être portée à 59 180 euros ;

- la somme allouée à M. G...et à ses deux fils devra être portée à 80 000 euros ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 septembre 2012, présenté pour l'ONIAM, qui conclut aux mêmes fins que la requête et au rejet de l'appel incident présenté par les ayants droits de Mme G...;

Il soutient, en outre, que :

- les journées d'hospitalisation et de consultation ne peuvent être indemnisées au titre du déficit fonctionnel temporaire ; la somme demandée est excessive, les consorts G...ayant considéré à tort que ce déficit devait être évalué à 100% ; la somme accordée en première instance à ce titre devra être confirmée ;

- l'indemnisation des souffrances endurées couvre aussi bien les souffrances physiques que psychiques ; les ayants droits de la victime demandent ainsi une double indemnisation pour le même poste de préjudice ;

- le préjudice de contamination relève d'une pratique d'indemnisation du juge judiciaire ;

- le tribunal a procédé à une juste évaluation du préjudice moral de l'époux de

Mme G...et de chacun de ses enfants ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 4 janvier 2013, présenté pour les consortsG..., qui concluent aux mêmes fins que leur précédent mémoire par les mêmes moyens ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 janvier 2013, présentée pour l'ONIAM ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Bonifacj,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- les observations de Me D...du Cabinet Vatier et associés, avocat de l'ONIAM,

- et les observations de Me B...de la Selarl Cirera-Vaissière, avocat des consortsG... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux premiers juges que

Mme E...G...a subi plusieurs transfusions sanguines au centre hospitalier général de Troyes en août 1981 ; qu'elle a présenté une hépatite aigüe en septembre 1981 et que sa contamination par le virus de l'hépatite C sera constatée en 1993 ; que, le 20 décembre 2000, Mme G...a saisi le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande d'expertise médicale ; que Mme G...étant décédée le 19 décembre 2006, son époux,

M. F...G...et ses deux fils, MM. C...et A...G..., ont demandé réparation à l'Etablissement français du sang des conséquences dommageables de la contamination de

Mme G...par le virus de l'hépatite C qu'ils imputaient aux transfusions reçues en 1981 ; que, par un jugement du 10 janvier 2012, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a retenu l'origine transfusionnelle de la contamination et condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué à l' Etablissement français du sang en application de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, à verser diverses indemnités aux consorts G...et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ; que l'ONIAM demande la réformation de ce jugement en tant qu'il l'a condamné à verser 150 000 euros aux ayants droits de MmeG... ; que, par la voie de l'appel incident, les consorts G...et la caisse primaire d'assurance maladie demandent à la cour d'augmenter le montant des indemnités qui leur ont été accordées en première instance ;

En ce qui concerne la demande de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du- Rhône :

2. Considérant que si la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône demande à la Cour de porter de 39 930,53 à 46 206,53 euros la somme mise à la charge de l'ONIAM en remboursement de frais médicaux et pharmaceutiques qu'elle a exposés, sa demande n'est assortie d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et doit, par suite, être rejetée ;

En ce qui concerne le préjudice de Mme G...:

3. Considérant, en premier lieu, que si les consorts G...soutiennent que

Mme G...a subi un préjudice spécifique de contamination et demandent une indemnité à ce titre, la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, en elle-même, un préjudice distinct de celui qui se trouve réparé par l'indemnisation accordée au titre des troubles dans les conditions d'existence ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de sa contamination par le virus de l'hépatite C, diagnostiquée en 1993, MmeG..., qui était alors âgée de 35 ans, a développé une cirrhose du foie puis un hépato-carcinome dont elle est décédée le 19 décembre 2006 ; qu'elle a subi 36 jours d'hospitalisation et 499 jours de traitement lourd qu'elle a mal supporté ; que l'expert a fixé son incapacité temporaire partielle à 40 % ; qu'il a, par ailleurs, évalué les souffrances endurées par Mme G...à 5 sur une échelle de 7 ; que Mme G...a souffert, en outre, d'une angoisse liée à l'évolution défavorable de sa maladie ; que, compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, il serait fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices à caractère personnel subis par Mme G...en évaluant les troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, y compris les souffrances endurées, à la somme de 100 000 euros ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, d'une part, l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser une indemnité de 150 000 euros aux consorts G...et, d'autre part, ces derniers ne sont pas fondés, par la voie de l'appel incident, à demander que cette indemnité soit portée à 488 180 euros ;

En ce qui concerne le préjudice moral des consortsG... :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en fixant à 30 000 euros l'indemnité due à M. G...et à 20 000 euros l'indemnité due à MM A...et C...G..., les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice moral, résultant de la contamination et du décès de MmeG..., subi par son époux et ses deux enfants ; que, par suite, les consorts G...ne sont pas fondés à demander la réformation sur ce point du jugement attaqué ;

Sur les conclusions tendant au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion visée à l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que l'ONIAM n'ayant pas la qualité de partie perdante en la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à sa charge les sommes que les consorts G...et la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône demandent au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'il en est de même de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale et réclamée par la caisse primaire d'assurance maladie ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 150 000 euros que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales a été condamné à verser aux consortsG..., en réparation des préjudices subis par MmeG..., par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 10 janvier 2012, est ramenée à la somme de 100 000 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du

10 janvier 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et les conclusions incidentes des consorts G...et de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. F... G..., à M. C... G..., à M. A... G...et à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône.

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12NC00444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00444
Date de la décision : 14/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Dons du sang.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : VAISSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-02-14;12nc00444 ?
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