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07/05/2014 | FRANCE | N°13NC00184

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 mai 2014, 13NC00184


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les

29 janvier et 27 mars 2013, présentés pour M. A... B..., demeurant..., par la société d'avocats Bruno Kern ;

M. B... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1001224 du 29 novembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Saint-Dizier en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner le centre hospitalier de S

aint-Dizier à lui verser la somme complémentaire de 101 717,56 euros en réparation de son p...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les

29 janvier et 27 mars 2013, présentés pour M. A... B..., demeurant..., par la société d'avocats Bruno Kern ;

M. B... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1001224 du 29 novembre 2012 en tant que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné le centre hospitalier de Saint-Dizier en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser la somme complémentaire de 101 717,56 euros en réparation de son préjudice financier ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le centre hospitalier a commis une faute en lui proposant un contrat à durée indéterminée alors qu'il recherchait un agent pour assurer des fonctions temporaires ;

- l'établissement a également commis une faute en renouvelant sa période d'essai alors qu'il était satisfait de son travail ;

- le contrat à durée déterminée de trois mois qui lui a été consenti doit être regardé comme constituant une période d'essai irrégulière ;

- le tribunal a justement considéré que l'hôpital a commis un détournement de procédure ;

- c'est à tort que le tribunal l'a indemnisé uniquement de son préjudice moral ;

- son préjudice financier est également établi jusqu'à l'âge de sa retraite dans la mesure où il n'a pas été en mesure de retrouver une situation économique équivalente à celle dont il bénéficiait;

- sa perte financière consécutive à la décision illégale du centre hospitalier s'élève à 72 147,56 euros, auxquels s'ajoute la somme de 29 570 euros correspondant à la perte sur les cotisations de retraite complémentaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 septembre 2013, présenté pour le centre hospitalier de Saint-Dizier, par Me Rayssac ; le centre hospitalier de Saint-Dizier, demande à la cour:

1°) de rejeter la requête ;

2°) et, par la voie d'un appel incident, d'annuler le jugement attaqué et de rejeter la demande présentée par M.B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M.B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'établissement n'a commis aucune faute ;

- le recrutement a été régulier, le poste proposé au requérant initialement prévu pour une durée déterminée ayant été transformé en recrutement à durée indéterminée en raison du départ prévu de l'ingénieur en charge des services techniques ;

- son contrat été rompu de façon régulière, le requérant étant dans l'incapacité de faire face à ses obligations professionnelles ;

- c'est dans une intention bienveillante que la période d'essai de M. B...a été renouvelée et qu'un contrat à durée déterminée de 3 mois lui a été proposé pour occuper d'autres fonctions ;

- la demande présentée au titre du préjudice moral est infondée :

- en l'absence de service fait, il ne peut prétendre à être indemnisé de sa perte de revenu ;

- si une indemnité de licenciement devait être accordée à M.B..., elle devrait être calculé par référence au décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité de l'appel incident du centre hospitalier de Saint-Dizier qui soulève un litige distinct de l'appel principal ;

Vu le décret n° 91-155 du 6 février 1991 modifié relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2014 :

- le rapport de Mme Bonifacj, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me Bruno Kern, avocat de M. B...et de MeC..., substituant Me Rayssac, avocat du centre hospitalier de Saint-Dizier ;

1. Considérant que M. B...a été recruté par le centre hospitalier de Saint-Dizier en qualité de technicien supérieur hospitalier chef, sous contrat à durée indéterminée, à compter du

30 mars 2009 ; qu'après le renouvellement de la période d'essai de trois mois prévue à l'article 3 de son contrat, le centre hospitalier de Saint-Dizier a informé l'intéressé, par une décision du

24 septembre 2009, qu'il mettait fin à son contrat à durée indéterminée au 30 septembre 2009 et qu'il lui proposait un contrat à durée déterminée de 3 mois à compter du 1er octobre 2009, qui n'a pas été renouvelé ; que, par le jugement attaqué du 29 novembre 2012, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a jugé que ce recrutement et la résiliation de ce contrat étaient entachés de détournement de pouvoir ; que M. B...demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il a limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité qui lui a été accordée au titre de son préjudice moral et de condamner le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser une indemnité complémentaire de 101 717,56 euros en réparation de son préjudice financier ; que, par la voie d'un appel incident, le centre hospitalier de Saint-Dizier demande l'annulation du jugement attaqué et le rejet de la demande présentée par M. B...devant les premiers juges ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier :

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le centre hospitalier de Saint-Dizier a recruté M. B...à compter du 30 mars 2009, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, en qualité de " responsable des installations sanitaires, thermiques, climatiques et fluides ", après avoir vainement recherché à pourvoir ce poste dans le cadre d'un contrat d'une durée de six mois, afin d'assurer le transfert de l'établissement vers un nouveau bâtiment ; que le centre hospitalier a mis un terme au contrat à durée indéterminée de M. B...par une décision du 24 septembre 2009 au motif qu'il avait des " difficultés de positionnement en qualité d'adjoint à l'ingénieur ", tout en lui proposant par ce même courrier un contrat à durée déterminée de trois mois ; qu'ainsi, et alors qu'il n'est pas établi par les pièces produites que l'intéressé rencontrait des difficultés dans l'exercice de ses fonctions, en mettant fin au contrat à durée indéterminée dont bénéficiait M.B..., le centre hospitalier a commis une faute qui engage sa responsabilité ; que, par suite, et tout état de cause, les conclusions à fin d'appel incident du centre hospitalier doivent être rejetées ;

Sur le préjudice subi par M.B... :

3. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;

4. Considérant, en premier lieu, que M. B... justifie d'un préjudice moral dont les premiers juges ont toutefois fait une appréciation excessive en le fixant à une somme de

10 000 euros ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette indemnité doit être ramenée à

5 000 euros ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que si, en l'absence de service fait, M. B...ne peut obtenir le paiement de l'intégralité des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à son départ à la retraite prévu par l'intéressé au mois de septembre 2012, il peut en revanche prétendre à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité de son éviction correspondant au montant des traitements dont il a été privé, déduction faite des sommes perçues durant la période en litige ; que M.B..., qui était âgé de 57 ans à la date de son éviction irrégulière du service, justifie, par les documents produits en appel, avoir subi une perte de revenu ; que, eu égard au salaire mensuel moyen perçu par l'intéressé au centre hospitalier, il y a lieu de lui accorder une indemnité d'un montant de 20 000 euros ;

6. Considérant, en revanche, que si M. B...présente également une demande d'indemnisation au titre des revenus qui lui seront versés à l'occasion de la liquidation de sa retraite complémentaire, il résulte de l'instruction que l'intéressé a repris une autre activité et n'a pas encore été admis à faire valoir ses droits à la retraite ; que, par suite, dans les circonstances de l'espèce, le préjudice allégué n'est pas établi et ne saurait donc donner lieu à réparation ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... est seulement fondé à demander que l'indemnité totale, que le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné le centre hospitalier de Saint-Dizier à lui verser, soit portée à la somme de 25 000 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de Saint-Dizier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en application de ces dispositions il y a en revanche lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Saint-Dizier une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 10 000 euros que le centre hospitalier de Saint-Dizier a été condamné à verser à M. B... par le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 29 novembre 2012 est portée à 25 000 euros.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du

29 novembre 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le centre hospitalier de Saint-Dizier versera à M. B... une somme de

1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... et les conclusions du centre hospitalier de Saint-Dizier sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au centre hospitalier de Saint-Dizier.

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N° 13NC00184


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00184
Date de la décision : 07/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BRUNO KERN AVOCATS SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-05-07;13nc00184 ?
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