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28/05/2015 | FRANCE | N°14NC01684

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 mai 2015, 14NC01684


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes I...G...et J...A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Office public de l'habitat (OPH) de la Meuse, à titre principal, à leur verser une somme de 138 325,49 euros correspondant au coût des travaux de reprise de leur immeuble ou, à titre subsidiaire, à réaliser les travaux de réparation et de remise en état de cet immeuble.

Par un jugement n° 1200718 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à leur demande à titre principal.

Pr

océdure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mmes I...G...et J...A...B...ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Office public de l'habitat (OPH) de la Meuse, à titre principal, à leur verser une somme de 138 325,49 euros correspondant au coût des travaux de reprise de leur immeuble ou, à titre subsidiaire, à réaliser les travaux de réparation et de remise en état de cet immeuble.

Par un jugement n° 1200718 du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Nancy a fait droit à leur demande à titre principal.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement les 25 août 2014 et 3 décembre 2014, l'OPH de la Meuse, représenté par MeE..., demande à la cour :

1°) d'infirmer le jugement du tribunal administratif de Nancy en ce qu'il a rejeté ses conclusions d'appel en garantie ;

2°) de condamner, à titre principal, la société Loribat, le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie à le garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ou, à titre subsidiaire, de limiter sa responsabilité à 5 % ;

3°) de condamner les appelés en garantie aux dépens ;

4°) de mettre à leur charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la responsabilité contractuelle pour faute de la société Loribat, du cabinet Céline Tacque et du bureau d'études BSSI Ingenierie étant engagée à son égard, cela permet de faire droit à ses conclusions d'appel en garantie ;

- le maître d'oeuvre a méconnu sa mission de direction des travaux dans la mesure où il n'a fait aucune observation concernant le mode de réalisation des travaux, malgré les recommandations formulées à ce sujet par la société Fondasol et qu'il n'a pas informé ou alerté le maître d'ouvrage sur l'existence de risques éventuels ;

- le poste " fondation " a été négligé par le maître d'oeuvre ;

- le bureau d'études BSSI Ingenierie n'a émis aucune réserve concernant le mode d'exécution des travaux ;

- la société Loribat a commis une faute dans l'exécution des travaux ;

- il n'a pas commis de faute en ne confiant pas au contrôleur technique une mission sur les avoisinants puisque ce dernier n'intervient pas dans la conception des reprises en sous-oeuvre et n'a pas demandé de mission complémentaire relative aux études et à l'exécution des ouvrages en infrastructure, ni de diagnostic sur les avoisinants ;

- l'évaluation de sa part de responsabilité retenue par l'expert est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2014, Mmes G...et A...B..., représentés par MeD..., concluent au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé, à ce que l'OPH de la Meuse soit condamné aux dépens et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2014, le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie, représentées par MeC..., concluent, à titre principal, au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé, à titre subsidiaire à ce qu'ils soient exonérés de toute responsabilité et, à titre infiniment subsidiaire, à ce que leur responsabilité soit limitée à 5 % chacun, à ce que l'OPH de la Meuse et la société Loribat soient condamnés à les garantir intégralement et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de l'OPH de la Meuse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- même si l'expert souligne qu'ils n'ont pas refusé les travaux ou émis de réserve sur leur mode d'exécution, il indique néanmoins que la conception n'est pas remise en cause ;

- leurs prestations étaient intellectuelles ;

- ils ont mis tout en oeuvre pour faire arrêter les travaux mais le maître d'ouvrage a ordonné qu'ils se poursuivent ;

- l'origine des dommages réside dans les conditions d'exécution des travaux par le constructeur, lequel n'a pas respecté les plans d'exécution réalisés par le maître d'oeuvre ;

- le contrôle par le maître d'oeuvre n'était pas journalier et il n'était pas conducteur de travaux ;

- l'OPH de la Meuse n'a pas eu recours à une mission complémentaire de contrôle technique et à une maîtrise d'oeuvre spécialisée dans un but d'économie ;

- il a souhaité continuer les travaux malgré les désordres, ce qui a augmenté le coût des travaux de reprise.

Par une lettre du 22 avril 2015 les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par l'OPH de la Meuse en raison d'une réception des travaux sans réserves.

Des observations concernant le moyen susceptible d'être relevé d'office ont été présentées, le 5 mai 2015, pour le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie et, le 6 mai 2015, pour l'OPH de la Meuse.

Vu :

- le jugement attaqué ;

- les autres pièces du dossier ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience.

Ont été entendus à l'audience publique :

- le rapport de M. Even, président de chambre ;

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

- et les observations de Me H...pour l'OPH de la Meuse et de Me F...pour le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie.

1. Considérant que l'Office Public de l'Habitat (OPH) de la Meuse a construit un immeuble composé de neuf logements, sur un terrain adjacent à celui où se situe celui appartenant à Mmes G...et A...B...à Verdun, dont la maîtrise d'oeuvre a été confiée au cabinet Céline Tacque, architecte, assisté du bureau d'études BSSI Ingenierie, l'exécution du lot n° 1 " VRD/gros-oeuvre " à la société Loribat et le contrôle technique à la société Socotec ; que des désordres sont apparus durant la réalisation des travaux de terrassement et de fondation au niveau de la propriété de Mmes G...et A...B..., lesquelles sont tiers par rapport à ces travaux publics ; que, par un jugement du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Nancy a condamné l'OPH de la Meuse à les indemniser à hauteur de 141 925,49 euros ou à réaliser les travaux de reprise sur l'immeuble appartenant aux tiers et à leur verser une indemnité de 3 600 euros et a, par ailleurs, rejeté les conclusions d'appel en garantie présentées par l'office à l'encontre du cabinet Céline Tacque, du bureau d'études BSSI Ingenierie et de la société Loribat au motif qu'il ne précisait pas leur fondement ; que l'OPH de la Meuse relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ces conclusions d'appel en garantie ; que le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie présentent des conclusions d'appel incident et provoqué tendant, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'ils soient exonérés de toute responsabilité, à titre infiniment subsidiaire à ce que leur responsabilité soit limitée à 5 % chacun et à ce que l'OPH de la Meuse et la société Loribat soient condamnées à les garantir intégralement ;

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par l'OPH de la Meuse à l'encontre de la société Loribat :

2. Considérant que la fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents, ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que, toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception des travaux réalisés par la société Loribat a été prononcée sans réserves le 21 septembre 2012, avec effet rétroactif au 31 juillet 2012 ; que, dès lors, les conclusions d'appel en garantie de l'OPH de la Meuse, maître d'ouvrage, tendant à ce que cette société soit condamnée sur le terrain exclusivement contractuel à le garantir des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages causés pendant les travaux à l'immeuble adjacent appartenant à Mmes G...et A...B..., présentées le 5 septembre 2012, ne peuvent qu'être rejetées ;

En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie présentées par l'OPH de la Meuse à l'encontre du cabinet Céline Tacque et du bureau d'études BSSI Ingenierie :

4. Considérant que la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée, dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l'état de l'ouvrage achevé, ont causé des dommages au maître de l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves ; qu'il importe peu, à cet égard, que les vices en cause aient ou non présenté un caractère apparent lors de la réception des travaux, dès lors que le maître d'oeuvre en avait eu connaissance en cours de chantier ; qu'en l'espèce, et à supposer que l'OPH de la Meuse ait entendu invoquer un manquement des maitres d'oeuvre à leur devoir de conseil au niveau de la réception des travaux, il n'apporte aucun élément suffisamment précis de nature à l'établir ; que, par suite, ses conclusions d'appel en garantie présentées à l'encontre du cabinet Céline Tacque, et du bureau d'études BSSI Ingenierie ne peuvent qu'être rejetées ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'OPH de la Meuse n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions d'appel en garantie ;

Sur les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie à l'encontre de l'OPH de la Meuse et de la société Loribat :

6. Considérant que le présent arrêt rejette l'appel principal formé par l'OPH de la Meuse et ne prononce aucune condamnation à l'encontre du cabinet Céline Tacque et du bureau d'études BSSI Ingenierie ; que, par suite, leurs conclusions d'appel incident et provoqué présentées à l'encontre de l'OPH de la Meuse et de la société Loribat doivent être rejetées comme étant dépourvues d'objet ;

Sur les dépens :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. (...) " ; que dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de maintenir les frais d'expertise à la charge de l'OPH de la Meuse ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Loribat, du cabinet Céline Tacque et du bureau d'études BSSI Ingenierie, qui ne sont pas des parties perdantes dans le cadre de la présente instance, la somme que demande l'OPH de la Meuse au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a en revanche lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'OPH de la Meuse une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le Cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie et une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mmes G... et A...B..., non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par l'OPH de la Meuse et les conclusions d'appel incident et provoqué présentées par le cabinet Céline Tacque et le bureau d'études BSSI Ingenierie sont rejetées.

Article 2 : L'OPH de la Meuse versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents) au cabinet Céline Tacque et au bureau d'études BSSI Ingenierie, et la même somme à Mmes G...et A...B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'OPH de la Meuse, au cabinet Céline Tacque, au bureau d'études BSSI Ingenierie, au liquidateur de la société Loribat, ainsi qu'à Mmes I... G...et J...A...B....

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N° 14NC01684


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01684
Date de la décision : 28/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables - Collectivité publique ou personne privée.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables - Collectivité publique ou personne privée - Action en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP GASSE-CARNEL-GASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-05-28;14nc01684 ?
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