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08/12/2015 | FRANCE | N°14NC01090

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 08 décembre 2015, 14NC01090


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Renaut a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de déclarer le département de la Moselle responsable des désordres affectant le système de drainage de sa parcelle cadastrée section 9 n° 26 " La Raev " située sur le territoire de la commune de Liehon, de le condamner à remettre en état le système de drainage dans le délai d'un mois ou, à défaut, de l'autoriser à faire réaliser les travaux aux frais du département et de le condamner

au versement d'une indemnité provisionnelle de 12 000 euros.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) Renaut a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de déclarer le département de la Moselle responsable des désordres affectant le système de drainage de sa parcelle cadastrée section 9 n° 26 " La Raev " située sur le territoire de la commune de Liehon, de le condamner à remettre en état le système de drainage dans le délai d'un mois ou, à défaut, de l'autoriser à faire réaliser les travaux aux frais du département et de le condamner au versement d'une indemnité provisionnelle de 12 000 euros.

Par un jugement n° 1000680 du 17 avril 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juin 2014 et 12 novembre 2015, l'EARL Renaut, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 avril 2014 ;

2°) de déclarer le département de la Moselle responsable des désordres affectant le système de drainage de sa parcelle cadastrée section 9 n° 26 " La Raev " située sur le territoire de la commune de Liehon ;

3°) de condamner le département à remettre en état le système de drainage dans le délai d'un mois, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;

4°) à défaut, de l'autoriser à faire réaliser les travaux aux frais du département et de condamner ce dernier au versement d'une indemnité provisionnelle de 12 000 euros ;

5°) de mettre à la charge du département de la Moselle la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle avait indiqué qu'il s'agissait d'un contentieux de travaux publics ; elle avait visé l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII et le décret du 16 fructidor an III qui attribuent compétence au juge administratif pour se prononcer sur la responsabilité de l'administration pour dommages de travaux publics ;

- elle a la qualité de tiers par rapport à une opération de travaux publics réalisée par le département de la Moselle ; à titre subsidiaire, elle peut aussi être regardée comme un usager puisqu'elle a participé au financement de l'opération ; à titre très subsidiaire, la responsabilité contractuelle du département de la Moselle est également engagée ; à titre infiniment subsidiaire, sa responsabilité est engagée sur le fondement de la responsabilité décennale ;

- les désordres affectant le système de drainage ont été contradictoirement constatés ; le coût des réparations est estimé à 11 250 euros HT.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 décembre 2014, le département de la Moselle, représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la Cour mette à la charge de l'EARL Renaut une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la créance de l'EARL Renaut est prescrite ;

- sa responsabilité contractuelle ne peut être recherchée, n'ayant jamais été lié par contrat avec l'EARL appelante.

Par un courrier du 5 novembre 2015, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'indemnisation formées par l'EARL Renaut sur le fondement de la garantie décennale comme étant nouvelles en appel.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand, président assesseur,

- et les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public.

1. Considérant qu'à l'occasion de la construction de l'aéroport de Lorraine sur le territoire de la commune de Louvigny, un remembrement a été effectué sur le territoire de la commune voisine de Liehon ; que l'EARL Renaut possédait une parcelle cadastrée section 9 n° 26 " La Raev " qui a fait l'objet de travaux connexes de drainage au cours de l'année 1995 ; que, postérieurement, sont apparus des désordres rendant le système de drainage partiellement inefficace, des drains et des collecteurs ayant fait l'objet d'écrasements ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, pour rejeter comme étant irrecevables les conclusions formées par l'EARL Renaut à l'encontre du département de la Moselle, le tribunal administratif de Strasbourg a considéré que la société requérante ne précisait pas le fondement de son action en responsabilité ; que, toutefois, il résulte des termes de sa demande introductive d'instance enregistrée devant le tribunal administratif que l'EARL Renaut invoquait sa qualité de tiers par rapport à une opération de travaux publics ou à un ouvrage public ; qu'en omettant de statuer sur les conclusions formées sur ce fondement, les premiers juges ont entaché leur jugement d'irrégularité ; que, par suite, le jugement attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions formées par l'EARL Renaut devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la responsabilité du département de la Moselle vis-à-vis de l'EARL Renaut en sa qualité de tiers au regard d'une opération de travaux publics ou d'un ouvrage public :

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, que si l'installation d'un système de drainage sur la parcelle cadastrée section 9 n° 26 " La Raev " située sur le territoire de la commune de Liehon constituait des travaux publics connexes aux opérations de remembrement réalisés en 1995 par le département de la Moselle, il n'est pas établi que ces derniers sont, par eux-mêmes, la cause directe et immédiate des désordres apparus ultérieurement et constatés pour la première fois dans un rapport d'expertise amiable daté du 18 novembre 2002, suite à une réunion contradictoire qui s'est tenue le 23 août 2001 ; que, dans ces conditions, l'EARL Renaut n'est pas susceptible d'engager la responsabilité du département intimé en sa qualité de tiers par rapport à une opération de travaux publics ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il est constant que le système de drainage de la parcelle cadastrée section 9 n° 26 " La Raev " appartenant à l'EARL Renaut n'appartient pas à une personne publique, ne s'incorpore matériellement ni au domaine public ni à un ouvrage public et n'est affecté ni à l'usage direct du public, ni à l'exécution d'un service public ; que, par suite, quand bien même il y a eu opération de travail public en 1995, l'ouvrage qui en est résulté ne peut être rangé dans la catégorie des ouvrages publics mais constitue un ouvrage privé utilisé par l'EARL Renaut qui en est propriétaire ; que, par suite, la société appelante n'est pas fondée à rechercher la responsabilité du département de la Moselle en qualité de tiers par rapport à un ouvrage public ;

Sur la responsabilité du département de la Moselle vis-à-vis de l'EARL Renaut en sa qualité d'usager d'un ouvrage public :

6. Considérant que le système de drainage défectueux ne constituant pas, ainsi qu'il vient d'être dit, un ouvrage public, l'EARL Renaut, qui invoque seulement qu'elle a financé pour partie la réalisation des travaux, ne peut rechercher la responsabilité du département de la Moselle en sa qualité d'usager d'un ouvrage public ;

Sur la responsabilité contractuelle du département de la Moselle vis-à-vis de l'EARL Renaut :

7. Considérant que l'EARL Renaut ne démontre pas qu'elle entretenait une relation contractuelle avec le département de la Moselle alors qu'il résulte des pièces du dossier que les travaux connexes au remembrement ont été réalisés par le département intimé pour le compte de l'association foncière de Liehon ; que si l'appelante produit un " décompte préalable des travaux " daté du 4 janvier 1996 prévoyant la nature des travaux connexes à réaliser et le montant de la subvention accordée par le département, ce document n'est pas de nature à établir l'existence d'un contrat liant l'EARL Renaut et le département de la Moselle, alors même que les travaux réalisés par ce dernier lui ont été commandés par l'association foncière de Liehon ; que, par suite, la responsabilité contractuelle du département de la Moselle ne saurait être engagée sur ce fondement ;

Sur la responsabilité décennale du département de la Moselle :

8. Considérant que devant la Cour, pour demander la condamnation du département de la Moselle, l'EARL Renaut s'est aussi fondée, à titre très subsidiaire, sur les principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que cette demande a le caractère d'une demande nouvelle formée en appel et est, par suite, irrecevable ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EARL Renaut n'est fondée ni à demander la condamnation du département de la Moselle à réparer les préjudices qu'elle invoque, ni, en tout état de cause, à enjoindre au département de réaliser des travaux de réfection ou à l'autoriser à effectuer elle-même des travaux aux frais dudit département ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes des dispositions figurant à l'article L761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...)" ;

11. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'EARL Renaut, partie perdante, puisse se voir allouer la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'EARL Renaut à verser au département de la Moselle la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 avril 2014 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'EARL Renaut devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : L'EARL Renaut versera la somme de 1500 (mille cinq cents) euros au département de la Moselle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Renaut et au département de la Moselle.

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14NC01090


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01090
Date de la décision : 08/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP HEMZELLEC-DAVIDSON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-12-08;14nc01090 ?
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