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09/06/2016 | FRANCE | N°15NC01477

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 juin 2016, 15NC01477


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SA Marwo et de Me B...pour le département du Bas-Rhin.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 31 janvier 2006, le département

du Bas-Rhin a conclu un marché relatif à la construction de nouvelles archives départementales. La société Marwo s'es...

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la SA Marwo et de Me B...pour le département du Bas-Rhin.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement du 31 janvier 2006, le département du Bas-Rhin a conclu un marché relatif à la construction de nouvelles archives départementales. La société Marwo s'est vue confier la réalisation du lot n° 203 " façades clins inox " pour un montant de 1 313 172,12 euros TTC.

2. Le 8 mars 2008, la société C2BI, responsable de l'ordonnancement, du pilotage et de la coordination des travaux (OPC), a constaté un retard d'exécution de 56 jours imputable à la société Marwo. Le 3 juin 2008, le département a émis à son encontre sous le n° 6367, un titre de recettes constatant les pénalités afférentes pour un montant de 36 768,81 euros que la société Marwo a réglé. Le 16 mars 2010, le département a notifié à la société Marwo le décompte général du marché, faisant apparaitre un solde négatif de 385,42 euros, ainsi que pour mémoire la somme de 30 743,16 euros HT au titre des pénalités de retard. Le 22 juillet 2010, le département a émis à son encontre sous le n° 6367, un deuxième titre de recettes correspondant au solde du marché pour la somme de 385,42 euros. La société Marwo a, par une demande du 30 septembre 2011, demandé au tribunal administratif de Strasbourg, l'annulation de ces titres.

3. Le 24 août 2012, en cours d'instance, le département du Bas-Rhin a réémis, sous les n° 14862 et 14863, deux titres, d'un montant de 36 768,81 euros et 385,45 euros, qui ont le même objet que les précédents. La société Marwo a, par une seconde demande adressée le 13 octobre 2012 au tribunal administratif de Strasbourg, demandé l'annulation de ces deux titres.

4. Par un jugement n° 1105007 du 25 octobre 2012, le tribunal administratif de Strasbourg, après avoir écarté l'exception de non-lieu, a annulé les titres émis en 2008 et 2010 et a condamné le département du Bas-Rhin à verser à la société Marwo la somme de 36 768,80 euros avec intérêts au taux légal à compter du 3 mai 2010, les intérêts échus au 30 septembre 2011 étant capitalisés à chaque échéance annuelle. Le département du Bas-Rhin s'est acquitté de cette condamnation.

5. Par la présente requête, la société Marwo relève appel du jugement n° 1204839 du tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 juin 2015 qui a rejeté sa demande d'annulation des titres exécutoires n° 14862 et 14863 émis le 24 août 2012.

Sur l'autorité de la chose jugée :

6. La société Marwo soutient que dans le jugement du 25 octobre 2012, le tribunal administratif de Strasbourg avait déjà pris en compte les titres contestés émis en 2012, et que ce faisant, le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée quant au règlement des comptes du marché.

7. Compte tenu de l'autorité de la chose jugée, le département du Bas-Rhin ne pouvait poursuivre le recouvrement des sommes en litige sur la base des titres émis en 2008 et 2012. En revanche, ce principe ne s'opposait pas à ce que de nouveaux titres soient émis dès lors qu'il ressort des motifs du jugement du 25 octobre 2012 que les premiers juges ont annulé le titre de recette n° 10748 pour vice de forme (absence de signature) et le titre de recettes n° 6367 en raison de son caractère prématuré dans la mesure où il avait été émis avant la notification du décompte général, mais ne s'est pas prononcé sur le principe de la créance. En conséquence, le département du Bas-Rhin, qui ne peut soutenir que le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée est irrecevable dès lors que lesdits titres ont été contestés dans les six mois de leur réception, pouvait émettre deux nouveaux titres de recettes, qui ont le même objet et portent sur le même montant, sans que soit méconnu le principe de l'autorité de la chose jugée.

Sur le bien fondé des titres en litige :

S'agissant du titre de recette n° 14862 :

8. En premier lieu, la société Marwo soutient que le titre de recettes est dépourvu de caractère exigible dès lors que la créance n'est pas comprise dans le solde du décompte général du marché qui lui a été notifié et que l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières, qui n'est pas mentionné dans le dernier article du cahier des clauses administratives particulières, ne peut déroger au principe d'unicité du décompte général.

9. Si les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l'établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n'y sont pas tenues. Par ailleurs, si l'article 13 du code des marchés publics, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion du marché prévoit que " Si le pouvoir adjudicateur décide de faire référence aux documents généraux, les documents particuliers comportent, le cas échéant, l'indication des articles des documents généraux auxquels ils dérogent ", cette obligation n'est toutefois pas prescrite à peine de nullité de la dérogation. (CE 31 juillet 1996 n° 124065).

10. Dès lors que l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières du marché en litige prévoit que " le maître d'ouvrage se réserve le droit d'appliquer ces pénalités dès qu'elles sont constatées par l'OPC sur calcul de la maîtrise d'oeuvre sans mise en demeure préalable par émission d'un titre de recette ", les parties doivent être regardées comme ayant voulu déroger en ce qui concerne les pénalités, au principe contractuel selon lequel seul le solde du décompte détermine l'ensemble de leurs droits et obligations. La circonstance que l'article ne soit pas au nombre des dérogations citées par le CCAP est sans influence sur l'appréciation du moyen. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'unicité du décompte général doit être écarté.

11. En deuxième lieu, la société Marwo soutient que le décompte général est devenu définitif, ne peut plus être contesté et que les titres de recettes émis sont dépourvus de fondement.

12. Il résulte de l'instruction que le décompte général a été notifié à l'entreprise Marwo le 19 mars 2010, et comporte une ligne intitulée " pénalités (56 jours) pour mémoire (30 743,16 euros) ". Le décompte a été refusé avec mémoire en réclamation du 30 avril 2010, reçu le 3 mai 2010, intitulé " demande de remise des pénalités de retard ". Contrairement à ce que soutient le département, la réclamation du 30 avril 2010, à laquelle le département n'a pas répondu, a fait naître une décision implicite de rejet susceptible d'être contestée sans délai. Au surplus, la société avait saisi le tribunal administratif de Strasbourg le 30 septembre 2011 d'une contestation des deux premiers titres exécutoires émis.

13. Si le département soutient que le décompte est définitif dès lors que la société n'a pas contesté dans les six mois suivant sa réception le courrier qu'il lui a adressé le 30 août 2012 (reçu le 6 septembre), adressé après émission des deux nouveaux titres exécutoires en litige, lui précisant que les pénalités de retard lui sont imputables, il résulte de l'instruction que la société Marwo a saisi le tribunal administratif le 13 octobre 2012, dans le délai de six mois ouvert par le rejet express de sa réclamation. Par suite, contrairement à ce que soutient le département, le décompte n'était pas devenu définitif et la société était recevable à invoquer ledit décompte.

14. En troisième lieu, la société Marwo soutient que le département du Bas-Rhin ne peut lui appliquer de pénalités en raison de retards partiels durant la phase d'exécution des travaux, celles-ci n'étant pas prévues au marché.

15. En l'absence de prévisions contraires du cahier des clauses administratives particulières, le cahier des clauses administratives générales permet l'application de pénalités en cas de retard d'exécution du marché dans sa globalité ou de l'une de ses tranches. Seul le cahier des clauses administratives particulières peut prévoir des pénalités en cas de non respect de délais partiels relatifs à "certains ouvrages, parties d'ouvrages ou ensemble de prestations" qui ne constituent pas des tranches. (CE 23 février 2004 n° 246622).

16. Aux termes de l'article 4.1.2 du cahier des clauses administratives particulières relatif aux délais d'exécution et au calendrier détaillé d'exécution : " (...)/B. Le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à la date d'effet de l'ordre de service prescrivant au titulaire concerné de commencer l'exécution des travaux lui incombant. (...) ". L'acte d'engagement signé par la société Marwo le 31 janvier 2006 prévoit en son article 3 que " le délai d'exécution de l'ensemble des lots est de 22 mois dont 2 mois de préparation. Ces délais partent à compter de la date fixée par l'ordre de service prescrivant au titulaire du lot concerné de commencer l'exécution des travaux lui incombant ". Par suite, tant le cahier des clauses administratives particulières que l'acte d'engagement ont prévu des délais globaux d'exécution des lots, sans prévoir, contrairement à ce que soutient la société Marwo, de délais partiels.

17. La société soutient que la preuve de la réalité du retard n'est pas rapportée par le maître d'ouvrage dès lors qu'il utilise un simple décompte sur les retards prévisibles établis par le pilote OPC.

18. D'une part, il n'est pas contesté que les travaux devaient être achevés le 29 juin 2007, dès lors que le premier ordre de service a été adressé à la société le 1er février 2006, et qu'un avenant repoussait de trois semaines le délai d'exécution. Or, dès le 8 février 2008, le conseil général a noté une liste des différés temporels constatés par l'OPC, à savoir pour l'entreprise Marwo, un retard prévisible de 56 jours au regard de l'achèvement total des travaux. Dès le 7 mars 2008, le département a adressé à la société Marwo un fax afin de l'informer des retards. Par ailleurs, le procès-verbal de réception du 18 juin 2009 indique que le conseil général accepte de réceptionner le lot de l'entreprise Marwo au 29 janvier 2009, sous réserve de lever les réserves au plus tard à la date du 30 octobre 2009, et l'annexe 2 du procès-verbal de réception note que 56 jours sont imputables à l'entreprise selon le compte-rendu de l'OPC. Par suite, la société Marwo, qui n'a pas contesté l'annexe 2 du procès-verbal de réception, ne peut utilement soutenir, alors qu'elle n'a pas respecté les délais globaux d'exécution, qu'aucun retard ne peut lui être imputé.

19. D'autre part, il ressort des comptes-rendus de réunion de chantier, et notamment, pour l'année 2008, ceux en date des 9 janvier (n° 99), 13 février (n° 107) et 20 février (n° 108) que si le premier fait état de six semaines prévisibles, le deuxième constate le retard et le troisième confirme ce retard avec une date d'exécution (à savoir le 22 février 2008). Au demeurant, le document portant récapitulatif des différés temporels critiques constatés par l'OPC le 8 février 2008 dans le cadre de sa mission indique un nombre de jours prévisibles de retard. Et les comptes-rendus de chantier et le procès-verbal de réception final de travaux attestent d'un retard calendaire supérieur à celui qui a servi de base de calcul à la somme mise en recouvrement au titre des pénalités.

20. En quatrième lieu, si la société Marwo soutient que le nombre de 56 jours ne correspond à rien, le département du Bas-Rhin soutient, sans être utilement contredit, avoir fait application d'un nombre de jours forfaitaire dès lors que les travaux ont été achevés plus de neuf mois après la date contractuelle prévue.

21. Enfin, la société Marwo soutient que les pénalités n'ont pas à être assujetties à la TVA.

22. Le calcul des pénalités de retard revêt un caractère forfaitaire. La circonstance que la formule de calcul posée par l'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières selon laquelle le montant des pénalités journalières par jour calendaire est fixé à 1/2000 du montant du marché TTC avec un minimum de 150 euros TTC, est sans incidence sur leur légalité.

23. En conséquence, la société Marwo n'est pas fondée à demander l'annulation du titre de recettes n° 14862 pour la somme de 36 768,81 euros.

S'agissant du titre de recettes n° 14863 correspondant à la somme de 385,42 euros :

24. La société Marwo soutient que le département a déjà encaissé la somme visée par le titre n° 14863.

25. En se bornant à soutenir que le département a déjà encaissé la somme visée par le titre n° 14863, la société Marwo ne conteste pas utilement le motif opposé par le tribunal administratif de Strasbourg tiré de l'inopérance d'un tel moyen. Il est constant que les opérations de paiement ou d'encaissement d'un titre exécutoire sont, ainsi que les premiers juges l'ont relevé, sans incidence sur sa légalité.

26. En conséquence, la société Marwo n'est pas fondée à demander l'annulation du titre de recettes n° 14863 pour la somme de 385,42 euros.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Marwo n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation des titres de recettes n° 14862 et 14863.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Bas-Rhin qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Marwo demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Marwo une somme de 1 500 euros à verser au département du Bas-Rhin au titre de ces mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Marwo est rejetée.

Article 2 : La société Marwo versera une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au département du Bas-Rhin au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Marwo et au département du Bas-Rhin.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 15NC01477


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01477
Date de la décision : 09/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SELARL LE DISCORDE-DELEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-09;15nc01477 ?
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