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21/06/2016 | FRANCE | N°15NC00549

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2016, 15NC00549


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Vic-sur-Seille a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement la société nouvelle GF Moselle, la compagnie d'assurance Axa France, l'Etat, la société Robinet et fils et la société Keller à lui payer la somme de 17 500 euros HT en réparation, sur le fondement de la garantie décennale, des désordres affectant sa station d'épuration et la somme de 1 080 euros par an au titre du préjudice d'exploitation qu'elle a subi de 2009 à la date du jugement.

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ugement n° 1301804 du 21 janvier 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Vic-sur-Seille a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement la société nouvelle GF Moselle, la compagnie d'assurance Axa France, l'Etat, la société Robinet et fils et la société Keller à lui payer la somme de 17 500 euros HT en réparation, sur le fondement de la garantie décennale, des désordres affectant sa station d'épuration et la somme de 1 080 euros par an au titre du préjudice d'exploitation qu'elle a subi de 2009 à la date du jugement.

Par jugement n° 1301804 du 21 janvier 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande et a mis à la charge de la commune de Vic-sur-Seille les frais d'expertise pour un montant de 13 901,94 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 mars 2015, la commune de Vic-sur-Seille, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 janvier 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner solidairement la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle et la société nouvelle GF Moselle à lui payer la somme de 17 500 euros HT en réparation, sur le fondement de la garantie décennale, des désordres affectant sa station d'épuration, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

3°) de condamner solidairement la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle et la société nouvelle GF Moselle à lui payer la somme de 1 080 euros par an au titre du préjudice d'exploitation qu'elle a subi de 2009 à la date du présent arrêt ;

4°) de mettre solidairement à la charge de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle et de la société nouvelle GF Moselle les frais d'expertise liquidés à la somme de 13 901,94 euros ;

5°) de mettre solidairement à la charge de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle et de la société nouvelle GF Moselle le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les désordres constatés par l'expert rendent l'ouvrage impropre à sa destination ; d'une part, le tassement différentiel du bassin clarificateur limite la capacité de traitement des eaux de la station et peut engendrer des rejets en milieu naturel non conformes aux normes en vigueur ; d'autre part, l'accentuation de l'ouverture du joint de dilatation situé entre le local technique et le bassin d'aération crée un souci d'étanchéité dont la responsabilité ne peut être attribuée à la société Véolia Eau, exploitante de la station d'épuration ; enfin, le décollement du revêtement en carrelage des parois du canal de mesure Venturi ne permet pas de réaliser des mesures fiables de la qualité des eaux traitées et rejetées ;

- elle a droit à être indemnisée, à hauteur de 1 080 euros par an, des surcoûts supportés par la société Véolia Eau chargée de l'exploitation de la station en raison des désordres affectant l'ouvrage ;

- les frais d'expertise doivent être mis à la charge de la société nouvelle GF Moselle et de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) de Moselle.

Par un mémoire, enregistré le 20 août 2015, la société Keller Fondation Spéciales, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la commune de Vic-sur-Seille le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a jugé à bon droit qu'en sa qualité de sous-traitant, sa responsabilité ne pouvait être recherchée sur le terrain de la garantie décennale ;

- la gîte du bassin clarificateur ne lui est pas imputable ;

- le coût des reprises des désordres affectant le bassin clarificateur n'est pas sérieusement établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2015, la société nouvelle GF Moselle, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce que la cour mette à la charge de la commune de Vic-sur-Seille le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Vic-sur-Seille ne peut rechercher la responsabilité solidaire des intervenants pour des désordres distincts affectant différents ouvrages ;

- les désordres dénoncés n'ont pas de caractère décennal, leur coût de reprise étant minime ; d'ailleurs, la station d'épuration a toujours fonctionné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2016, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Vic-sur-Seille ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tréand, président,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me D...pour la commune de Vic-sur-Seille.

1. Considérant qu'en 1996, la commune de Vic-sur-Seille a entrepris la construction d'une station d'épuration des eaux usées ; que la maîtrise d'oeuvre de l'opération a été confiée à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (DDAF) de la Moselle ; que, par acte d'engagement du 8 mars 1997, le lot " génie civil " du marché a été attribué à la société nouvelle GF Moselle ; qu'à la suite d'apparition de désordres, la commune de Vic-sur-Seille a recherché la responsabilité des constructeurs sur le terrain de la garantie décennale ; que, par jugement du 21 janvier 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

En ce qui concerne le tassement différentiel des fondations du bassin clarificateur :

3. Considérant que la commune de Vic-sur-Seille soutient que la station d'épuration est rendue impropre à sa destination en raison du tassement différentiel du bassin clarificateur qui limite la capacité de traitement des eaux de la station et peut engendrer des rejets en milieu naturel non conformes aux normes en vigueur ;

4. Considérant, d'une part, que si la commune de Vic-sur-Seille soutient, s'appuyant sur les conclusions de l'expert désigné en référé par ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 19 novembre 2008, que la capacité de traitement des eaux usées est limitée du fait des désordres affectant le bassin clarificateur, elle ne démontre pas que le marché de construction de la station d'épuration prévoyait une quelconque capacité de traitement à atteindre ; que la pièce produite intitulée " calendrier prévisionnel et procédure " dont se prévaut l'appelante n'est pas datée et ne présente aucun caractère contractuel ; qu'au surplus, elle prévoit, sans plus de précisions, que la station d'épuration aura une " capacité de 1 800 Eq/h ", l'Eq/h représentant la quantité journalière de pollution produite en moyenne par un habitant alors que la société Véolia parle d'une prévision de charge nominale maximale de 1 440 mètres cube par jour ; que, dans ces conditions, dès lors qu'aucune capacité de traitement de la station n'a été contractuellement fixée, les désordres n'ont pu, pour ce motif, rendre l'ouvrage impropre à sa destination ;

5. Considérant, d'autre part, que l'expert n'a pas établi que le basculement du bassin clarificateur pourrait conduire à des rejets non conformes notamment en " MES " (matières en suspension) ; que si la société Véolia indique qu'un tel risque existe, elle précise qu'il n'est qu'éventuel et ne peut se produire que si la station est utilisée pour le débit nominal de 1 440 mètres cube par jour, hypothèse qui n'est pas prévue par les stipulations du marché ; qu'ainsi, il n'est nullement établi que les désordres en cause puissent causer des rejets d'eaux insuffisamment purifiées dans le milieu naturel qui rendraient l'ouvrage impropre à sa destination ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Vic-sur-Seille n'est pas fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs du fait du tassement différentiel des fondations du bassin clarificateur ;

En ce qui concerne l'accentuation de l'ouverture du joint de dilatation situé entre le local technique et le bassin d'aération :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le joint de dilatation situé entre le local technique et le bassin d'aération de la station d'épuration fait l'objet d'un élargissement croissant provoquant un défaut d'étanchéité ; qu'à supposer que ce désordre rende l'ouvrage impropre à sa destination, ce qui n'est pas établi, il n'est pas sérieusement contesté que sa survenance n'est pas imputable aux constructeurs de la station d'épuration mais à la société Véolia Eau chargée de son exploitation ; que, par suite, la responsabilité décennale des constructeurs ne peut être recherchée à ce titre ;

En ce qui concerne le décollement du revêtement en carrelage des parois du canal de mesure Venturi :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le canal de sortie des eaux traitées de type Venturi au niveau duquel sont effectuées des mesures de la qualité des eaux rejetées dans le milieu naturel est rendu impropre à sa destination en raison du décollement des carrelages constituant le revêtement de ses parois ; que ce décollement modifie la dimension des sections du canal et altère la précision et la fiabilité des mesures effectuées ; que ces désordres, qui sont de nature décennale, ne sont imputables qu'à la société nouvelle GF Moselle et non à la DDAF de la Moselle, maître d'oeuvre, qui n'était pas chargée de l'exécution des travaux en cause dans l'apparition des désordres et à qui personne ne reproche un défaut de surveillance ; que, par suite, seule la responsabilité décennale de la société nouvelle GF Moselle est susceptible d'être engagée ;

Sur le préjudice :

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise que, pour remédier aux désordres, il est nécessaire de remplacer le canal de type Venturi et que le coût de ces travaux de reprise s'élève à 3 500 euros ;

10. Considérant, par ailleurs, que la commune de Vic-sur-Seille demande à être indemnisée, à hauteur de 1 080 euros par an, des surcoûts supportés par la société Véolia Eau pour assurer l'exploitation de la station d'épuration en raison des désordres affectant l'ouvrage ; que, dès lors qu'elle ne démontre, ni même n'allègue qu'elle dédommage son fermier, l'appelante n'est pas fondée à solliciter la réparation d'un préjudice qui n'a pas de caractère personnel ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de Vic-sur-Seille est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté l'intégralité de ses conclusions indemnitaires et à demander la condamnation de la société nouvelle GF Moselle à lui verser une somme de 3 500 euros ;

Sur les intérêts :

12. Considérant que même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout arrêt prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution ; qu'ainsi la demande de la commune de Vic-sur-Seille tendant à ce que lui soient alloués, à compter de la date de l'arrêt attaqué, des intérêts au taux légal sur la somme que la société nouvelle GF Moselle a été condamnée à lui verser, est dépourvue de tout objet et doit donc être rejetée ;

Sur les frais d'expertise :

13. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens " ;

14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vic-sur-Seille et de la société nouvelle GF Moselle, à parts égales, les frais d'expertise qui ont été taxés et liquidés par ordonnance du président du tribunal administratif de Strasbourg du 25 janvier 2012 à la somme de 13 901,94 euros ; que, par suite, l'article 3 du jugement sera réformé en ce sens ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ... " ;

16. Considérant, d'une part, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la société nouvelle GF Moselle le versement à la commune de Vic-sur-Seille d'une somme de 1 500 euros au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle n'étant pas la partie perdante, les conclusions présentées par la commune appelante sur le même fondement doivent être rejetées ;

17. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées font obstacle à ce que la société nouvelle GF Moselle, partie perdante, puisse se voir allouer la somme qu'elle demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens ;

18. Considérant, enfin, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions formées par la société Keller Fondations Spéciales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La société nouvelle GF Moselle est condamnée à verser une somme de 3 500 euros à la commune de Vic-sur-Seille en réparation des désordres affectant sa station d'épuration.

Article 2 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 13 901,94 euros sont mis, à parts égales, à la charge de la société nouvelle GF Moselle et de la commune de Vic-sur-Seille.

Article 3 : Les articles 1er et 3 du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 janvier 2015 sont réformés en ce qu'ils sont contraires au présent arrêt.

Article 4 : La société nouvelle GF Moselle versera à la commune de Vic-sur-Seille la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Vic-sur-Seille est rejeté.

Article 6 : Les conclusions formées par la société nouvelle GF Moselle et par la société Keller Fondations Spéciales au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vic-sur-Seille, au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, à la société nouvelle GF Moselle, à la société Keller Fondations Spéciales, à la société Robinet et fils et à Axa France.

Copie en sera adressée à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de la Moselle.

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N° 15NC00549


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00549
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. N'ont pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SCP GASSE-CARNEL-GASSE

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-21;15nc00549 ?
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