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27/09/2016 | FRANCE | N°15NC00927

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2016, 15NC00927


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Charleville-Mézières à lui verser la somme de 11 374,97 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute sur la voie publique le 11 mai 2011.

Par un jugement n° 1301860 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, Mme A..., représenté

e par la SCP ACG, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Ch...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Charleville-Mézières à lui verser la somme de 11 374,97 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute sur la voie publique le 11 mai 2011.

Par un jugement n° 1301860 du 5 mars 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mai 2015, Mme A..., représentée par la SCP ACG, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 5 mars 2015 ;

2°) de condamner la commune de Charleville-Mézières à lui verser la somme de 11 374,97 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute sur la voie publique, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de son accident survenu le 11 mai 2011 ou, à titre subsidiaire, à compter du 13 mai 2011, date de sa demande préalable auprès de la commune, avec capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner la commune de Charleville-Mézières à la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie du lien de causalité entre sa chute et le défaut d'entretien de la voie publique ;

- la commune a manqué a son obligation d'entretien de la voie publique dès lors qu'elle n'a pas installé de protection sur une bouche d'évacuation profonde de plusieurs dizaines de centimètres et n'a pas signalé l'existence d'un tel danger ; la circonstance que les services de la commune ont vérifié l'état de l'ouvrage quatre mois avant l'accident ne saurait l'exonérer de sa responsabilité comme celle qui a consisté à sécuriser l'ouvrage après l'accident ; la circonstance que le réseau d'assainissement appartienne à la communauté d'agglomération n'est pas davantage de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;

- elle n'a pas commis d'imprudence susceptible d'exonérer la commune de sa responsabilité ;

- elle justifie de la réalité et du quantum des préjudices qu'elle a subis au titre d'un déficit fonctionnel temporaire, des souffrances subies, de l'aide d'une tierce personne, de son incapacité permanente et de son préjudice d'agrément pour les sommes respectives de 1 229,63 euros, 3 500 euros, 1 145,34 euros, 3 000 euros et 2 500 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2015, la commune de Charleville-Mézières, représentée par la SELAS Cabinet Devarenne Associés demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les sommes demandées par MmeA... ;

3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi que Mme A...a chuté dans une bouche d'évacuation ;

- elle justifie de l'entretien normal de la voie publique ;

- Mme A...a commis une imprudence ;

- les montants des préjudices relatifs à la gêne temporaire partielle, aux souffrances endurées et au recours à une tierce personne ne sauraient excéder respectivement les sommes de 663,65 euros, 1 100 euros, 162,61 euros ;

- le montant du préjudice relatif à l'incapacité permanente doit être réduit à de plus justes proportions ;

- le préjudice d'agrément n'est pas établi ;

- la créance de la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes devra être rejetée dès lors que le document produit en première instance est un simple relevé de prestations qui ne justifie pas du montant de la créance.

La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières, à la société Juridica assurances et à la Smacl assurances qui n'ont pas présenté de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Charleville-Mézières et la Smacl assurances.

1. Considérant que Mme C...A...relève appel du jugement du 5 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Charleville-Mézières à lui verser la somme de 11 374,97 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à la suite de sa chute sur la voie publique le 11 mai 2011 ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant, que, pour obtenir réparation par le maître de l'ouvrage des dommages qu'il a subis, l'usager de la voie publique doit démontrer, d'une part, la réalité de son préjudice et, d'autre part, l'existence d'un lien de causalité direct entre l'ouvrage et le dommage ; que pour s'exonérer de la responsabilité qui pèse ainsi sur elle, il incombe à la collectivité maître d'ouvrage, soit d'établir qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage, soit de démontrer la faute de la victime ou l'existence d'un événement de force majeure ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a chuté le 11 mai 2011 en fin de matinée quai Rimbaud à Charleville-Mézières et a subi un traumatisme du genou droit ; que selon l'attestation du 7 juillet 2011 du commandant des sapeurs-pompiers du corps départemental des Ardennes, relative à leur intervention sur les lieux de l'accident, la chute de Mme A...a été occasionnée par un regard d'égout ; qu'il résulte également du courriel du 23 mai 2011 que le responsable du service d'assainissement de la communauté d'agglomération a fait procéder à la mise en sécurité du site dès le lendemain de l'accident et passé commande d'une grille de remplacement ; qu'en outre, selon le rapport du 11 juillet 2011 de l'enquêteur de la caisse primaire d'assurance maladie, qui s'est déplacé sur les lieux le 1er juin, il a été constaté qu'une grille avait été posée et qu'un panneau signalant le danger était encore en place ; que, compte tenu de ces éléments, l'accident de Mme A...peut être raisonnablement imputé à l'absence de grille de protection au droit d'un regard d'égout, qui constitue un ouvrage public incorporé à la voie publique et a la nature d'une dépendance nécessaire de celle-ci ; qu'alors qu'il est constant que l'absence de grille de protection n'était pas signalée, la commune, en se bornant à soutenir que deux contrôles sont effectués chaque année sur la voirie, n'établit pas, ainsi qu'il lui incombe, qu'elle a normalement entretenu l'ouvrage ; que ce défaut d'entretien normal de la voirie est donc de nature à engager la responsabilité de la commune de Charleville-Mézières ;

4. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que Mme A...a chuté en fin de matinée, vers 11h, dans un lieu à ciel ouvert, alors que selon le rapport d'expertise produit par la requérante ainsi que selon ses propres dires, elle regardait les oiseaux voler dans le ciel ; qu'ainsi, compte tenu du manque d'attention de MmeA..., l'accident de la victime est en partie imputable à son imprudence ; que, dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité incombant à la commune de Charleville-Mézières en limitant l'indemnisation du préjudice subi par Mme A...à 50 % des conséquences dommageables résultant de son accident ;

Sur le préjudice :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise médicale du 6 février 2013, que Mme A...s'est déplacée avec deux cannes anglaises du 12 mai 2011 au 31 juillet 2011, période au cours de laquelle elle a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne dans l'accomplissement des actes de la vie courante à raison de deux heures par semaine, sur une période de 81 jours ; que l'indemnisation due doit être calculée sur la base d'un taux horaire de 11 euros, déterminé en tenant compte du salaire minimum moyen sur la période augmenté des charges sociales ; que, dès lors, il y a lieu d'accorder à Mme A...une somme de 253 euros en réparation de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

S'agissant des préjudices temporaires :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise médicale que l'accident de Mme A...lui a causé une gêne temporaire partielle de classe III du 12 mai au 31 juillet 2011, de classe II du 1er au 8 août 2011, ainsi que de classe I du 9 août au 10 novembre 2011, jusqu'à sa date de consolidation ; que par suite, il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation de son déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant à 200 euros par mois, soit 1 200 euros ;

7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'intensité des souffrances endurées par Mme A...ont été estimées par le rapport d'expertise médicale à un niveau de 1,5 sur une échelle de 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 1 400 euros ;

S'agissant des préjudices permanents :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'expert a évalué l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de Mme A...à 2 % après consolidation ; qu'il y a lieu de fixer le montant du préjudice subi par Mme A...à la somme de 1 600 euros ;

9. Considérant, en second lieu, que Mme A...pratiquait avant son accident de manière régulière notamment des randonnées pédestres ; que le rapport d'expertise indique que Mme A...subit une gêne partielle dans de telles activités ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice d'agrément en allouant à Mme A...la somme de 500 euros ;

10. Considérant que le préjudice indemnisable de Mme A...s'élève ainsi à la somme de 4 953 euros ; que compte tenu de la part de responsabilité de la commune de Charleville-Mézières fixée à 50 %, le montant de la réparation lui incombant doit être arrêté à 2 476,50 euros ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

12. Considérant, d'une part, que Mme A...a droit aux intérêts au taux légal sur la somme que la commune de Charleville-Mézières est condamnée à lui verser à compter du 14 mai 2011, date de réception sa demande d'indemnisation auprès par la commune, compte tenu du délai normal d'acheminement postal ;

13. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que Mme A...a demandé la capitalisation des intérêts par une demande du 13 octobre 2012 ; qu'à cette date il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 13 octobre 2012, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

Sur les dépens :

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative alors en vigueur : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagées entre les parties (...) " ;

15. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, en l'absence de dispositions ou de circonstances particulières de nature à y faire obstacle, de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières le versement à Mme A...de la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique dont elle s'est acquittée en première instance ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de MmeA..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la commune de Charleville-Mézières au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Charleville-Mézières le versement de la somme de 1 500 euros à Mme A...sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1301860 du 5 mars 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La commune de Charleville-Mézières versera à Mme A...la somme de 2 476,50 euros. Cette somme sera assortie des intérêts à compter du 14 mai 2011. Les intérêts échus le 13 octobre 2012 seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts à compter de cette date, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Article 3 : La commune de Charleville-Mézières versera à Mme A...une somme de 35 (trente-cinq) euros au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La commune de Charleville-Mézières versera à Mme A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Charleville-Mézières présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A..., à la commune de Charleville-Mézières, à la caisse primaire d'assurance maladie des Ardennes, à la communauté d'agglomération de Charleville-Mézières, à la société Juridica assurances et à la Smacl assurances.

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N° 15NC00927


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00927
Date de la décision : 27/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-01-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages sur les voies publiques terrestres. Entretien normal.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SELAS CABINET DEVARENNE ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 07/10/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-09-27;15nc00927 ?
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