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26/01/2017 | FRANCE | N°15NC01931

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2017, 15NC01931


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F...et Mme C...A..., épouseF..., agissant en leur nom et en qualité de représentants de leur fille mineureD..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille lors de sa naissance le 18 novembre 2003, ainsi que la somme de 40 000 euros en réparation de leurs propres préjudices.

La caisse nationa

le militaire de sécurité sociale, mise en cause dans l'instance, a demandé au tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... F...et Mme C...A..., épouseF..., agissant en leur nom et en qualité de représentants de leur fille mineureD..., ont demandé au tribunal administratif de Besançon, dans le dernier état de leurs écritures, de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille lors de sa naissance le 18 novembre 2003, ainsi que la somme de 40 000 euros en réparation de leurs propres préjudices.

La caisse nationale militaire de sécurité sociale, mise en cause dans l'instance, a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à lui rembourser les débours exposés pour le compte de la jeune D...pour un montant fixé, dans le dernier état de ses écritures, à 6 747,97 euros.

L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), mis en cause dans l'instance, a conclu à sa mise hors de cause.

Par un jugement n° 1201596 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté les demandes de M. et MmeF..., ainsi que les conclusions de la caisse nationale militaire de sécurité sociale, et a mis les dépens à la charge des requérants.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 septembre 2015, et un mémoire en réplique enregistré le 26 février 2016, M. B... F...et Mme C...A..., épouseF..., agissant en leur nom et en qualité de représentants de leur fille mineureD..., représentés par MeG..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 7 juillet 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à leur verser une somme provisionnelle de 60 000 euros en réparation des préjudices subis par leur fille lors de sa naissance le 18 novembre 2003, ainsi qu'une somme provisionnelle de 40 000 euros en réparation de leurs propres préjudices ;

3°) de mettre les dépens à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon, ainsi qu'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'intervention tardive d'un médecin senior auprès de Mme F...lors de son accouchement le 18 novembre 2003 présente un caractère fautif et a fait perdre à son enfant une chance d'échapper aux séquelles dont celle-ci est atteinte depuis sa naissance ;

- cette perte de chance doit être évaluée à 15 % ;

- les séquelles dont la jeune D...est restée atteinte nécessitent des soins, des équipements et une assistance par une tierce personne, pour lesquels il est sollicité, dans l'attente de la consolidation de l'état de santé de l'enfant, une provision de 60 000 euros ;

- la situation médicale de l'enfant est à l'origine, pour ses parents, d'une douleur, de troubles dans les conditions d'existence et d'un préjudice d'agrément justifiant l'allocation, avant consolidation, d'une provision de 40 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 1er février 2016, la caisse nationale militaire de sécurité sociale informe la cour que le montant de ses débours s'élève à 8 671,84 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par la SCP UGGC Avocats, conclut à sa mise hors de cause.

L'ONIAM fait valoir que :

- aucune demande n'est présentée à son encontre devant la cour ;

- les complications à l'origine des séquelles dont reste atteinte la jeune D...ne sont pas imputables à un acte de prévention, de diagnostic ou de soins.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 février 2016, le centre hospitalier universitaire de Besançon, représenté par MeH..., conclut au rejet de la requête.

Le centre hospitalier fait valoir que :

- aucune faute ne lui est imputable dans la surveillance de la parturiente au cours du travail, ou dans les moyens mis en oeuvre pour l'extraction de l'enfant ;

- l'intervention tardive du médecin senior auprès de la mère ne présente aucun lien de causalité avec les séquelles de l'enfant, dès lors qu'une intervention plus rapide n'aurait pas permis d'accélérer la naissance.

La société mutuelle Uneo a été mise en demeure le 20 janvier 2016 en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., pour les requérants.

1. Considérant que MmeF..., née le 30 juin 1977, était enceinte de son premier enfant avec un terme prévu le 24 novembre 2003, quand elle a ressenti les premières contractions et perdu les eaux le 18 novembre 2003 ; qu'elle a été prise en charge, le même jour à 4 heures, par le centre hospitalier universitaire de Besançon et a été placée en salle de naissance sous la surveillance d'une sage-femme, dans l'attente d'un accouchement par la voie basse ; que l'enfant à naître ayant présenté une bradycardie sévère à partir de 14 heures 21, les praticiens du centre hospitalier ont procédé, après plusieurs tentatives infructueuses, à son extraction au moyen d'une ventouse, permettant la venue au monde d'D... à 14 heures 47 ; que si l'enfant, née en état de mort apparente, a fait l'objet de soins de réanimation qui ont permis de normaliser son rythme cardiaque et de rétablir une oxygénation suffisante, elle reste atteinte depuis sa naissance de troubles neurologiques et d'un retard moteur ; que M. et Mme F...ont recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de Franche-Comté qui, après deux expertises, a rejeté leur demande par un avis du 18 juin 2009 ; que les intéressés ont alors saisi le tribunal administratif de Besançon d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier à les indemniser des préjudices subis par leur enfant, ainsi que de leurs préjudices propres ; qu'après avoir mis en cause l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et ordonné une nouvelle expertise, le tribunal administratif a, par un jugement du 7 juillet 2015, rejeté la demande de M. et Mme F... tendant à la condamnation du centre hospitalier et estimé que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale n'étaient pas remplies ; que M. et Mme F...relèvent appel de ce jugement et réitèrent devant la cour leurs demandes présentées en première instance ; que la caisse nationale militaire de sécurité sociale, mise en cause dans l'instance, informe la cour du montant de ses débours, lesquels s'élèvent à 8 671,84 euros, sans toutefois en demander le remboursement ; que l'ONIAM conclut à sa mise hors de cause ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise déposés devant la commission régionale de conciliation et d'indemnisation et devant le tribunal administratif, que les séquelles neurologiques dont la jeune D...est restée atteinte après sa naissance le 18 novembre 2003 à 14 heures 47 résultent d'une hypoxie en rapport avec la bradycardie sévère constatée au cours de l'accouchement, à compter de 14 heures 21 ; qu'une sage-femme et un médecin interne assistaient Mme F...dès le début de l'épisode de bradycardie, et un médecin senior, appelé en renfort alors qu'il s'occupait d'une autre parturiente, est intervenu à compter de 14 heures 30 dans un délai qui ne présente pas de caractère fautif ; que, selon l'expert désigné par les premiers juges, les praticiens du centre hospitalier n'ont commis aucune faute en s'abstenant de procéder à une césarienne, qui n'aurait pas avancé la naissance de manière significative dès lors qu'une telle intervention nécessite, pour sa préparation, un délai de 20 à 30 minutes et que le ralentissement rapide du rythme cardiaque foetal exigeait d'extraire l'enfant au plus vite ; qu'en raison de la présentation postérieure de l'enfant, le choix de procéder à son extraction au moyen d'une ventouse était le plus approprié, un tel instrument étant selon l'expert précité moins dangereux qu'un forceps ; que les praticiens du centre hospitalier n'ont commis aucune faute en persévérant à utiliser une ventouse, malgré leurs tentatives infructueuses, dès lors que l'utilisation d'un forceps aurait pu provoquer une déflexion de la tête de l'enfant et entrainer des dommages spécifiques à cette méthode d'extraction ; que la prise en charge de l'enfant après sa naissance à 14 heures 47 a été adéquate et en accord avec les bonnes pratiques ;

4. Considérant, d'autre part, qu'il ressort du rapport d'expertise déposé devant le tribunal administratif que l'enregistrement du rythme cardiaque foetal a montré plusieurs épisodes de " tracé plat " le jour de l'accouchement, entre 7 heures 52 et 13 heures 10, qui, s'ils n'imposaient pas une intervention par césarienne, étaient de nature à signaler une souffrance foetale ; qu'eu égard à ces anomalies cardiaques, à la présentation postérieure du foetus et à la stagnation du travail, qui a duré près de 11 heures, l'expert relève que le médecin senior aurait dû être consulté, en amont de l'épisode de bradycardie, sur la conduite à tenir à l'égard de Mme F...et s'interroger sur les moyens à mettre en oeuvre, le cas échéant, pour accélérer la naissance de l'enfant ; que toutefois l'expert précise encore que le médecin senior, consulté comme il aurait dû l'être, aurait pu choisir de maintenir un accouchement par voie basse sans qu'une telle option présente un caractère fautif ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que l'absence d'examen par ce médecin, au cours du travail, des choix possibles pour la mise au monde de l'enfant, notamment par césarienne, aurait privé cette enfant d'une chance de naître plus rapidement, avant de souffrir d'une hypoxie, et d'échapper aux séquelles en résultant ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme F...ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité pour faute du centre hospitalier universitaire de Besançon ;

Sur la solidarité nationale :

6. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail (...) " ;

7. Considérant que, dans son rapport déposé devant les premiers juges, l'expert conclut que l'hypoxie dont résultent les dommages subis par la jeune D...n'a pas d'origine traumatique ; qu'ainsi, il n'est pas établi que les moyens mis en oeuvre par les praticiens lors de l'accouchement pour accélérer la naissance de l'enfant en situation de bradycardie, notamment l'utilisation d'une ventouse, auraient contribué à ces dommages ou à leur aggravation ; que, dès lors, ces mêmes dommages ne sauraient ouvrir droit à réparation au titre de la solidarité nationale ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont mis l'ONIAM hors de cause ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme F...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes ;

Sur les dépens exposés en première instance :

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

10. Considérant que le tribunal administratif de Besançon a mis les frais d'expertise exposés en première instance pour un montant de 1 600 euros à la charge des requérants ; qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'infirmer le jugement attaqué sur ce point et de mettre ces dépens à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. et Mme F...demandent le versement au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Besançon, taxés et liquidés à la somme de 1 600 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Besançon n° 1201596 du 7 juillet 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme F...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... F..., à Mme C... A...épouseF..., au centre hospitalier universitaire de Besançon, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la caisse nationale militaire de sécurité sociale et à la mutuelle Uneo.

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N° 15NC01931


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01931
Date de la décision : 26/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CABINET ARPEJ'

Origine de la décision
Date de l'import : 07/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-01-26;15nc01931 ?
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