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02/03/2017 | FRANCE | N°15NC01806

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 02 mars 2017, 15NC01806


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, la société à responsabilité limitée (Sarl) Bar Sun a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants relatifs à la même période et des pénalités qui lui ont été infligées en application des dispositions des articles 117 et 1759 du code général des impôts.

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n jugement n°1400248, 1400249 et 1400250 du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Besançon...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes distinctes, la société à responsabilité limitée (Sarl) Bar Sun a demandé au tribunal administratif de Besançon de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2008, 2009 et 2010, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants relatifs à la même période et des pénalités qui lui ont été infligées en application des dispositions des articles 117 et 1759 du code général des impôts.

Par un jugement n°1400248, 1400249 et 1400250 du 16 juin 2015, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2015, la Sarl Bar Sun, représentée par

MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 16 juin 2015 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010 et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration n'aurait pas dû écarter sa comptabilité dès lors que les anomalies relevées lors de la vérification ne présentent pas une gravité suffisante pour permettre de la considérer comme non probante ; en outre, les conditions de fonctionnement de l'établissement comportent des particularités de nature à expliquer les écarts constatés ;

- la méthode de reconstitution de recettes utilisée par le vérificateur ne peut être valablement retenue ; la valorisation des alcools est hasardeuse et ne correspond pas à la réalité des ventes effectuées ; il n'a pas été tenu compte de la pratique du " happy hour " ; s'agissant des rappels effectués concernant les remises sur les concessions accordées par la régie de Chalain, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a émis un avis défavorable à cette rectification en l'absence de pièces comptables permettant de considérer qu'il s'agissait d'un passif injustifié ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens soulevés par la Sarl Bar Sun ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Didiot,

- et les conclusions de Mme Peton-Philippot , rapporteur public.

1. Considérant que la Sarl BAR SUN, qui exerçait une activité saisonnière de débit de boissons, a fait l'objet en 2011 d'une vérification de comptabilité, portant sur la période du

1er avril 2007 au 31 mars 2010, à l'issue de laquelle le service, après avoir écarté sa comptabilité comme non probante et reconstitué son chiffres d'affaires, lui a notifié, d'une part, dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2010, et d'autre part, dans le cadre de la procédure contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 ; que la société requérante relève appel du jugement du 16 juin 2015 en tant que le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande de décharge des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne la régularité de la comptabilité :

2. Considérant qu'alors même que la comptabilité est en apparence régulière, l'administration est en droit de rectifier les déclarations souscrites par le contribuable, en se fondant sur tous les éléments desquels peut être tirée une présomption suffisante que le bénéfice déclaré est inférieur à celui qui a été effectivement réalisé ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, pour estimer que la comptabilité de la société requérante était dépourvue de valeur probante, le vérificateur a, à partir de l'analyse des stocks, achats et ventes, relevé des incohérences entre les quantités de boissons achetées et celles vendues au titre de l'ensemble de la période d'imposition litigieuse ; que, pour contester les constatations du vérificateur, la société requérante se borne à critiquer l'appréciation portée par le service au titre du seul exercice clos en 2008, en soutenant que les écarts mis en évidence sont très peu importants ; que toutefois, s'agissant des produits vendus restant en litige, à savoir les produits Smirnoff Ice et Desperados, le vérificateur a mis en évidence que l'écart entre les quantités achetées et les produits vendus porte, respectivement, sur 50 et 147 unités, pour des ventes déclarées de 196 et 809 unités, écart qui ne saurait être regardé comme minime, comme le prétend la société requérante, mais doit être tenu, en l'espèce, pour significatif ; que par ailleurs la société requérante ne conteste pas la nature et l'importance des anomalies et irrégularités ainsi mises en évidence pour les autres années en litige, reconnues d'ailleurs également dans l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du

28 novembre 2012, et ne produit aucune pièce permettant de justifier du détail des recettes réalisées ;

4. Considérant qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que l'administration a regardé la comptabilité de la requérante comme dépourvue de valeur probante et procédé à une reconstitution de son chiffre d'affaires ;

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

5. Considérant, à titre liminaire, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) "; que l'article L. 193 du même code dispose que : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition. " ;

6. Considérant, d'une part, ainsi qu'il a été indiqué plus haut, que les impositions en litige ont été établies, s'agissant des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des années 2008, 2009 et 2010 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2010, selon la procédure de taxation d'office ; que, d'autre part, le surplus des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige a été établi conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en date du 28 novembre 2012, laquelle a émis un avis favorable aux rectifications proposées concernant le rejet de la comptabilité et la reconstitution de recettes, sous réserve toutefois de la prise en compte d'éléments plus favorables à la société ; qu'il s'ensuit que conformément aux dispositions précitées du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve de l'exagération de l'ensemble des impositions litigieuses incombe à la requérante ;

7. Considérant, en premier lieu, que l'administration a procédé à une reconstitution du chiffre d'affaires généré par les ventes de boissons alcoolisées (bières et autres alcools) en procédant à un rapprochement entre les achats consommés et les ventes comptabilisées ; que pour les alcools autres que les bières, elle a notamment considéré que la différence entre ces deux valeurs correspondait à une consommation sous forme de cocktails, la quantité d'alcool dans chaque cocktail étant valorisée à 6 cl ; que le vérificateur à ensuite appliqué à ces alcools un tarif inférieur à celui figurant dans les fichiers de caisse de la société requérante ; qu'à la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, l'administration a par ailleurs retenu sur les résultats ainsi obtenus un taux de 15 % au titre des pertes et des offerts ;

8. Considérant que si la requérante conteste la méthode de reconstitution des ventes d'alcools retenue par l'administration, elle ne fournit aucun élément utile permettant d'appréhender la quantité des alcools effectivement vendus, l'appellation sous laquelle ils ont été commercialisés, ou encore leur quantité ; que l'appellation " divers bars " retrouvée sur les fichiers de caisse de la société, au demeurant non produits, n'est pas précisée, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer si cette catégorie correspond aux seules ventes de boissons, et a fortiori aux ventes d'alcool ; qu'il n'est pas davantage justifié que les recettes tirées de la vente de crémant et de champagne auraient été, au moins pour partie, comptabilisées dans la catégorie des " vins " ; que si la société produit une attestation d'un ancien employé justifiant de la pratique régulière dans son établissement du " happy hour ", consistant à offrir une boisson gratuite pour une consommation payée, elle ne produit aucun élément permettant d'établir qu'il y aurait lieu à cet égard de retenir un taux supérieur au taux de 15 % de pertes et offerts finalement retenu par l'administration ; qu'il en va de même des éventuelles erreurs de ventilation attribuées au personnel saisonnier dans la comptabilisation des recettes, qui ne sont pas davantage caractérisées ; que dans ces conditions la requérante, qui ne propose pas d'autre méthode permettant d'évaluer avec une approximation meilleure le montant de ses bénéfices imposables et n'établit pas le caractère erroné de la méthode suivie par l'administration, n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'exagération des évaluations faites par le service ;

9. Considérant, en second lieu, que la société Bar Sun conteste le rappel d'imposition concernant les remises sur les concessions de la régie de Chalain, avec laquelle elle a conclu une convention saisonnière pour permettre l'exploitation de son établissement ; qu'il résulte de l'instruction que, comme l'a relevé le service, ladite régie avait accordé à la société une remise de 1 900 euros hors taxes sur le montant de sa redevance au titre de l'année 2008, et qu'au titre de l'année 2010, elle avait racheté les investissements effectués dans le local pour un montant de 4 000 euros hors taxes, sommes devant toutes deux être réintégrées dans les bénéfices imposables de la société Bar Sun ; que nonobstant l'avis défavorable émis par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires à l'égard de la rectification proposée en ce sens, au motif tiré de l'absence de pièces comptables permettant de considérer qu'il s'agissait d'un passif injustifié, l'administration fait au contraire état de courriers de la régie de Chalain, respectivement datés du 30 septembre 2008 et du 5 mars 2010, qui confirment l'existence desdites remises ; que pour sa part, la société requérante qui, ainsi qu'il a été dit précédemment, supporte la charge de la preuve, n'apporte aucun élément venant utilement remettre en cause ces constats ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a pu procéder à la réintégration desdites sommes dans les résultats imposables de la requérante ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Bar Sun n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative:

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la Sarl Bar Sun est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Sarl Bar Sun et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 2 février 2017, à laquelle siégeaient :

M. Martinez, président de chambre,

M. Etienvre, président assesseur,

Mme Didiot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 mars 2017.

Le rapporteur,

Signé : S. DIDIOT Le président,

Signé : J. MARTINEZ

La greffière,

Signé : S. GODARD

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. GODARD

2

N° 15NC01806


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01806
Date de la décision : 02/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: Mme Sandra DIDIOT
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : CORBEL-ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-02;15nc01806 ?
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