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18/04/2017 | FRANCE | N°16NC00110

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 avril 2017, 16NC00110


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Réseaux souterrains lorrains + a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges à lui verser la somme de 298 761 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de mise en oeuvre effective des commandes passées dans le cadre des marchés portant, d'une part, sur l'extension et, d'autre part, sur le renforcement, l'enfouissement et l'extension des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et d

e génie civil du réseau de communications électroniques.

Par un jugement n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Réseaux souterrains lorrains + a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner le syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges à lui verser la somme de 298 761 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de mise en oeuvre effective des commandes passées dans le cadre des marchés portant, d'une part, sur l'extension et, d'autre part, sur le renforcement, l'enfouissement et l'extension des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et de génie civil du réseau de communications électroniques.

Par un jugement n° 1400266 du 8 décembre 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 janvier 2016 et 11 août 2016, la société Réseaux souterrains lorrains +, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 décembre 2015 ;

2°) de condamner le syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges à lui verser la somme de 298 761 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de l'absence de mise en oeuvre effective des commandes passées dans le cadre des marchés portant, d'une part, sur l'extension des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et de génie civil du réseau de communications électroniques et, d'autre part, sur le renforcement, l'enfouissement et l'extension des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et de génie civil du réseau de communications électroniques ;

3°) de mettre à la charge du syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) dont le tribunal a fait application n'était pas applicable dès lors que la société n'a pas signé ce document ;

- cette stipulation méconnaît l'article 77 du code des marchés publics ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré du détournement de procédure ;

- le syndicat était engagé par les bons de commande qu'il a émis qui précisaient un montant plancher de commandes ;

- l'interruption de l'exécution des prestations commandées lui a causé un préjudice dont elle est fondée à demander l'indemnisation ;

- le syndicat a commandé l'exécution de ces prestations dès l'attribution du marché suivant et a ainsi commis un détournement de procédure visant à évincer la société requérante ;

- l'attribution du marché à bons de commandes multi-attributaires ultérieur était illégale ;

- elle doit être indemnisée à hauteur de son manque à gagner selon un taux de marge nette de 21,14%.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2016, le syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges, représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête, à la suppression des passages de la requête constituant des attaques contre son directeur et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Réseaux souterrains lorrains + sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Kohler, premier conseiller,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la société Réseaux souterrains lorrains +.

1. Considérant que le syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges (SMDEV) a conclu des marchés à bons de commande sans minimum ni maximum portant, d'une part, sur l'extension et, d'autre part, sur le renforcement, l'enfouissement et l'extension des réseaux de distribution publique d'énergie électrique et de génie civil du réseau de communications électroniques pour la période 2008-2011 ; que les lots nos 1, 2, 3 et 5 de ces marchés ont été attribués à la société Réseaux souterrains lorrains, puis, après la liquidation judiciaire de cette dernière, ont été transférés à la société Réseaux souterrains lorrains + (RSL+) ; que cette société relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation du SMDEV à l'indemniser des conséquences résultant de l'absence d'exécution de quinze bons de commande émis en 2010 et 2011 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que la société RSL+, à l'appui de sa demande indemnitaire, soutenait que le SMDEV avait commis un détournement de procédure visant à l'évincer de l'exécution des travaux litigieux en invoquant plusieurs manquements dans la passation et l'exécution des marchés ultérieurs au marché en litige ; qu'il ressort des termes du jugement que le tribunal a indiqué que la société requérante ne pouvait pas utilement se prévaloir des difficultés rencontrées dans le cadre des marchés conclus postérieurement aux marchés litigieux pour obtenir l'indemnisation qu'elle sollicitait ; que les premiers juges, contrairement à ce que soutient la société, ont ainsi répondu au moyen tiré du détournement de procédure ;

Sur le bien-fondé de la demande indemnitaire :

En ce qui concerne l'application du contrat :

3. Considérant que lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics alors applicable : " I. - Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. / Il peut prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ou être conclu sans minimum ni maximum. / L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché. / Les bons de commande sont des documents écrits adressés aux titulaires du marché. Ils précisent celles des prestations, décrites dans le marché, dont l'exécution est demandée et en déterminent la quantité. (...) " ; que l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige prévoyait que : " La collectivité ne sera engagée auprès de l'entreprise titulaire qu'à compter de la signature par celle-ci de l'ordre de service " études " et/ou " travaux " pour chacun des bons de commande " ;

5. Considérant qu'il ressort des dispositions précitées du code des marchés publics qu'il appartient à la personne publique de prévoir, dans un marché à bon de commande, les modalités particulières devant être suivies pour l'émission des bons de commande ; qu'aucune disposition de ce code n'interdit alors à la personne publique de prévoir, dans le marché, que les bons de commande ne seront exécutés qu'à la suite de la notification d'un ordre de service de démarrage des travaux ; que, par suite, les stipulations prévues à l'article 1.2 du CCAP pouvaient prévoir, sans méconnaître l'article 77 du code de marchés publics, que le SMDEV ne serait engagé par les bons de commande émis qu'à compter de la notification des ordres de service de démarrage des travaux ; que le litige peut ainsi être réglé sur le terrain contractuel ;

En ce qui concerne l'opposabilité du cahier des clauses administratives particulières :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un avenant a été signé le 20 août 2010 pour changer la dénomination du titulaire du marché à la suite de la liquidation judiciaire de la société Réseaux souterrains lorrains et l'acquisition des actifs de cette dernière par la société RSL + nouvellement créée ; que cet avenant prévoyait dans son article 2 : " Toutes les clauses du marché initial demeurent... " ; que cet avenant, qui fait référence au marché initial, a ainsi rendu opposable à la société RSL + l'intégralité des clauses prévues dans les pièces constitutives de ce marché ; que, par suite, la société RSL + n'est pas fondée à soutenir que la clause prévue à l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières, pièce constitutive du marché, ne lui serait pas applicable ;

En ce qui concerne la faute du SMDEV :

7. Considérant, en premier lieu, qu'en application de la clause précitée de l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières, les bons de commande ne devenaient " fermes et définitifs ", et n'engageaient le SMDEV qu'à la suite de la notification de l'ordre de service de démarrage des travaux ; que les bons de commande émis par le SMDEV, tous rédigés dans les mêmes termes, invitaient toutefois l'entreprise à " prendre toutes dispositions utiles pour exécuter dans les conditions du marché, les travaux mentionnés en objet " ; que l'absence de notification de l'ordre de service de démarrage des travaux objets du bon de commande doit ainsi être justifiée par des raisons précises ; qu'il résulte de l'instruction que le SMDEV a émis, en 2010 et 2011, quinze bons de commande pour un montant total de 1 413 251 euros qui n'ont pas été suivis d'exécution ; que le SMDEV fait valoir, sans être contredit, que l'exécution des bons de commande ayant été suivis d'ordres de service avait subi des retards rendant impossible, pour la société, l'exécution de nouveaux travaux ; que, dans ces conditions, l'absence de notification d'ordres de service pour les quinze bons de commande litigieux ne constitue pas une faute du SMDEV dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

8. Considérant, en second lieu, que la société RSL+ ne peut utilement se prévaloir de manquements qu'aurait commis le SMDEV dans la passation et l'exécution des marchés ultérieurs au marché en cause, pour établir une faute de ce syndicat dans l'exécution de ce marché ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que l'absence de notification des ordres de service correspondant aux bons de commande litigieux ait résulté de la volonté délibérée du syndicat d'évincer la société requérante de l'exécution des marchés dont elle était titulaire, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction que la société a exécuté des travaux pour des montants de 7 158 858,64 euros pour le marché de travaux et de 805 685 euros pour le marché d'extension au cours de la période 2008-2010 ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société RSL+ n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à la suppression d'écrits injurieux ou diffamatoires :

10. Considérant que, en vertu des dispositions de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 reproduites à l'article L. 741-2 du code de justice administrative, les juridictions administratives peuvent, dans les causes dont elles sont saisies, prononcer, même d'office, la suppression des écrits injurieux, outrageants ou diffamatoires ;

11. Considérant que le SMDEV demande la suppression des passages mettant nommément en cause son directeur ; que ces passages n'excèdent toutefois pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère diffamatoire ; que les conclusions tendant à leur suppression doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du SMDEV, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société RSL+ demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de cette société une somme de 1 500 euros à verser au SMDEV sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société RSL+ est rejetée.

Article 2 : La société RSL + versera au SMDEV une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions du SMDEV tendant à la suppression d'écrits diffamatoires sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Réseaux souterrains lorrains + et au Syndicat mixte départemental d'électricité des Vosges.

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N° 16NC00110


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00110
Date de la décision : 18/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : CUNY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-04-18;16nc00110 ?
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