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15/06/2017 | FRANCE | N°15NC01461

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15NC01461


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1301943 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2015, M. D..., représenté par Me A...de la Chohinière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugeme

nt du tribunal administratif de Nancy du 13 mai 2015 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F...D...a demandé au tribunal administratif de Nancy de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1301943 du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2015, M. D..., représenté par Me A...de la Chohinière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 13 mai 2015 ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'administration a méconnu les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle a également méconnu les stipulations de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à cette convention ;

- l'administration a fait un usage irrégulier de son droit de communication en ne l'informant pas qu'elle entendait recueillir des éléments auprès de la société Formes et couleurs design et ne lui permettant pas de débattre de ces éléments ;

- elle a méconnu l'article L. 51 du livre des procédures fiscales en procédant à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur des éléments issus d'un précédent contrôle ;

- du fait qu'il était déjà gravement malade au moment du contrôle, il a été privé de la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;

- l'administration a fait porter son contrôle sur une période prescrite ;

- les versements sur son compte bancaire professionnel proviennent de prêts personnels et de versements réalisés sur fonds propres ;

- les dépenses de téléphone et de restauration, les frais kilométriques et les abonnements à des journaux ont un caractère professionnel ;

- les meubles et agencements commandés auprès de la société Formes et couleurs design étaient destinés à son futur local professionnel et, quand bien même il n'était pas en mesure de les réceptionner, ont été réglés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 février 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 5 avril 2016, complété par un mémoire enregistré le 15 juin 2016, Mme E...D..., M. B...D...et Mme C...D..., représentés par Me A...de la Chohinière, déclarent reprendre l'instance engagée par M.D..., décédé le 24 septembre 2015. Ils demandent également à la cour d'enjoindre à l'administration fiscale de produire les éléments obtenus dans l'exercice de son droit de communication auprès de la société Forme et couleurs design.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juin 2016, le ministre des finances et des comptes publics persiste dans ses conclusions initiales au motif qu'aucun des moyens soulevés par les héritiers de M. D...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dhiver,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que M.D..., qui a exercé la profession d'architecte jusqu'à la fin de l'année 2009, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle il a été assujetti à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période allant du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ; que, par un jugement du 13 mai 2015, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ; que M. D...a relevé appel de ce jugement ; que l'instance devant la cour a été reprise par son épouse et ses enfants après le décès de M. D...survenu le 24 septembre 2015 ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant, en premier lieu, que les requérants se bornent à reprendre en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que M. D...aurait été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur lors de la vérification de comptabilité et celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, dans le cadre de l'examen du recours hiérarchique formé par M.D..., l'administration fiscale a, le 26 novembre 2009, exercé son droit de communication auprès d'un fournisseur, la société Formes et couleurs design ; que l'administration n'était pas tenue d'informer le contribuable avant d'user du droit de communication qu'elle tire de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales ; que, dans son courrier du 27 novembre 2009, l'inspecteur principal a informé M. D...de l'exercice d'un droit de communication auprès de la société Formes et couleurs design et lui a indiqué la teneur des renseignements obtenus auprès de ce fournisseur ; que les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, que M. D...aurait sollicité une copie des documents obtenus auprès du fournisseur ; qu'ainsi, l'administration, qui n'était pas tenue d'avoir un débat oral et contradictoire spécifique sur les éléments recueillis dans l'exercice de son droit de communication, a satisfait aux obligations de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;

5. Considérant, en dernier lieu, que les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale ; qu'il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement les invoquer pour contester la régularité de la procédure d'imposition ; qu'il en va de même, pour le même motif, du moyen tiré de la violation de l'article 4 du protocole additionnel n° 7 à la même convention, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le droit de reprise de l'administration :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts (...) " ;

7. Considérant que si l'administration a, lors du contrôle, remis en cause en cause des déficits déclarés par M. D...au titre d'années prescrites et corrigé en conséquence les bénéfices non commerciaux de la première année non prescrite, cette rectification a, en tout état de cause, été sans incidence sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, qui sont les seules impositions en litige ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée collectée :

8. Considérant que le vérificateur a, à l'occasion de l'examen des comptes professionnels de M. D...des années 2006 et 2007, constaté que ce dernier avait encaissé des sommes qui n'étaient pas enregistrées en comptabilité ; que l'administration a regardé ces sommes comme des recettes non déclarées et procédé aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondants ; que si les requérants font valoir que ces sommes correspondent à des prêts personnels et proviennent d'une épargne sur le compte privé de M. D...résultant d'indemnités perçues à la suite d'une procédure contre un client, ils n'apportent aucun début de preuve à l'appui de leurs allégations ; que, par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration a regardé ces sommes comme des recettes professionnelles et les a soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

9. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " I. -1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) - II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) " ; aux termes de l'article 230 de l'annexe II au même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation (...) " ;

10. Considérant que l'administration, pour refuser la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les biens ou services que les assujettis acquièrent ou se livrent à eux-mêmes, a la charge de prouver que les conditions posées pour une telle déduction à l'article 271 du code général des impôts ne sont pas remplies, c'est-à-dire que les biens et services dont s'agit ne sont pas utilisés pour la réalisation d'opérations taxables ou ne le sont que dans une certaine proportion ;

11. Considérant, d'une part, que l'administration a constaté, lors du contrôle, que M. D... avait porté, dans ses charges des années 2006 et 2007, l'intégralité des frais de la ligne de téléphone fixe de son domicile à Plombières-les-Bains alors que, selon les indications du contribuable, il utilisait cette ligne au moins partiellement à des fins personnelles et qu'il disposait par ailleurs d'une ligne fixe à son agence à Nancy et d'une ligne de téléphone portable, toutes deux entièrement dédiées à l'exercice de sa profession ; que l'administration a remis en cause une partie de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à la ligne téléphonique au domicile, dans une proportion de 80 % ; que les requérants ne fournissent aucun élément de nature à établir que l'utilisation professionnelle de cette ligne aurait été supérieure à 20 % ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que les dépenses de téléphone n'étaient pas nécessaires à l'exploitation dans une proportion de 80 % ;

12. Considérant, d'autre part, que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux dépenses de restaurant de M. D...des années 2006 et 2007 dans une proportion de 80 % ; que le vérificateur a relevé, lors du contrôle, que les factures de restauration en cause ne comportaient aucun nom et que M. D...n'était pas en mesure de justifier du caractère professionnel des frais ; que les requérants se bornent à faire état de repas offerts à des clients potentiels sans donner une quelconque indication de l'identité de ces personnes ni de l'existence de démarches de prospection ; que, dans ces conditions, eu égard à la nature des frais en cause et à l'absence de toute explication de la part du contribuable, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de ce que les dépenses de restauration n'étaient pas nécessaires à l'exploitation dans une proportion de 80 % ;

13. Considérant, enfin, que les rectifications relatives aux frais kilométriques et aux abonnements à des journaux n'ont donné lieu à aucun rappel de taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, le moyen tiré du caractère professionnel de ces dépenses est sans portée utile sur les impositions en litige ;

14. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. - (...) 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (...) " ; qu'aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué (...).2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 (...), lors de la réalisation du fait générateur (...).Toutefois, la taxe devient exigible lors de la délivrance de la facture, à condition qu'elle précède la date d'exigibilité prévue au premier alinéa et qu'il ne s'agisse pas d'une facture d'acompte. " ;

15. Considérant que le droit à déduction de la taxe incluse dans le prix d'achat d'un bien ou d'un service ne peut être exercé tant que le fournisseur du bien ou du service n'est pas tenu au paiement de la taxe dont il est personnellement redevable au titre de la vente ou de la prestation de services, c'est-à-dire tant que cette taxe n'est pas exigible au sens de l'article 269 du code général des impôts ;

16. Considérant que l'administration a remis en cause la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée portée sur la déclaration de décembre 2008 afférente à l'acquisition par M. D...de mobiliers professionnels auprès de la société Formes et couleurs design ; que les requérants ne contestent pas qu'au 31 décembre 2008, ledit mobilier n'avait pas été livré ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de livraison des biens, la taxe n'était, par principe, pas exigible chez le fournisseur de M. D... en vertu des dispositions combinées du a du 2 et du a du 1 de l'article 269 du code général des impôts ; que les requérants n'établissent pas, ni même n'allèguent, qu'une facture définitive aurait été émise pour ces biens avant le 31 décembre 2008 ; qu'il ressort en revanche des pièces qu'ils fournissent que la facture n° 456/323 relative à ces mobiliers professionnels a été émise par la société Formes et couleurs design le 9 janvier 2009 ; qu'ainsi, en l'absence de facture au 31 décembre 2008, la taxe n'était pas non plus devenue exigible en application des dispositions du dernier alinéa de l'article 269 ; que, par suite et en tout état de cause, à supposer même que la facture ait été acquittée, M. D...ne pouvait pas exercer son droit à déduction au cours de la période contrôlée, qui s'achevait le 31 décembre 2008 ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de procéder à une mesure d'instruction auprès de l'administration fiscale, que Mme D... et autres ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de M.D... ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... et autres est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...D..., à M. B...D..., à Mme C... D...et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 15NC01461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01461
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. MARINO
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP LE ROY DE LA CHOHINIERE et ANTRIG

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-06-15;15nc01461 ?
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