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06/02/2018 | FRANCE | N°14NC00998

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 06 février 2018, 14NC00998


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant-dire droit du 29 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur la requête présentée le 30 mai 2014 par laquelle Mme A...F...épouse B...demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 0902206 du 1er avril 2014 en ce qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, a ordonné une expertise aux fins de se prononcer sur les fautes médicales alléguées par la requérante à l'occasion de son accouchement au centre hospitalier de R

omilly-sur-Seine, le 11 juin 2000, et sur l'imputabilité à ces fautes des préj...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour :

Par un arrêt avant-dire droit du 29 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Nancy, avant de statuer sur la requête présentée le 30 mai 2014 par laquelle Mme A...F...épouse B...demande la réformation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne n° 0902206 du 1er avril 2014 en ce qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction, a ordonné une expertise aux fins de se prononcer sur les fautes médicales alléguées par la requérante à l'occasion de son accouchement au centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, le 11 juin 2000, et sur l'imputabilité à ces fautes des préjudices subis par son enfant.

Les experts ont remis leur rapport le 17 octobre 2017.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2017, le centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.

Le centre hospitalier de Romilly-sur-Seine fait valoir que :

- aucune faute ne lui est imputable dans la prise en charge obstétricale de la requérante et les soins apportés à son enfant après l'accouchement ;

- l'hématome extradural présenté par l'enfant ne présente pas de caractère fautif et n'est pas à l'origine des préjudices de l'enfant ;

- ces préjudices résultent des lésions cérébrales présentées par l'enfant avant sa prise en charge obstétricale.

Par une ordonnance du 8 novembre 2017, les frais d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme totale de 4 500 euros.

Par une ordonnance du 20 novembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public.

1. Considérant que Mme F...épouseB..., a été prise en charge par le centre hospitalier de Romilly-sur-Seine le 11 juin 2000, alors qu'elle était enceinte de son premier enfant, et a donné naissance à son fils, E...D..., qui présente depuis lors un retard psychomoteur et des troubles oculomoteurs ; que, recherchant la responsabilité du centre hospitalier à raison des troubles neurologiques dont son enfant est atteint, Mme F...a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne qui a ordonné une expertise le 9 décembre 2002 ; qu'au vu du rapport d'expertise médicale remis le 22 novembre 2006, la requérante a saisi le tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine à lui verser une provision de 100 000 euros, à faire valoir sur le montant des réparations ; que, s'estimant insuffisamment informé, le tribunal administratif a, par un jugement avant-dire droit du 15 mars 2012, ordonné une nouvelle expertise médicale dont le rapport a été déposé le 3 janvier 2013 ; que, par un jugement du 1er avril 2014, le tribunal administratif, estimant qu'aucune faute n'était imputable au centre hospitalier dans la survenue des troubles neurologiques et ophtalmologiques de l'enfant, a limité le montant de l'indemnité à la somme de 3 000 euros en réparation des conséquences dommageables résultant pour cet enfant d'une utilisation traumatique des forceps lors de l'accouchement et de la réalisation inappropriée d'une aspiration trachéale immédiatement après la naissance ; que, saisie en appel par MmeF..., la cour administrative d'appel de Nancy, après avoir écarté les moyens d'irrégularité soulevés à l'encontre du jugement précité, a, par un arrêt avant-dire droit du 29 décembre 2015, ordonné une expertise complémentaire aux fins de se prononcer sur les fautes reprochées à l'hôpital et le lien de causalité entre ces fautes et les préjudices personnels que la requérante estime subir du fait de la situation de handicap de son enfant ; que les trois experts désignés par la cour ont remis leur rapport le 17 octobre 2017 ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant que MmeF..., admise à la maternité du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine le 11 juin 2000, à 3 heures, a été installée en salle de naissance le même jour vers 7 heures et a donné naissance à son enfant à 15 heures 30, à l'aide de forceps placés en partie haute ; que le nouveau-né a fait l'objet d'une aspiration trachéale par le médecin accoucheur à 15 heures 40 ; que, dans les suites de l'accouchement, l'enfant, qui a manifesté des geignements et a été placé sous incubateur à plusieurs reprises, a présenté une position anormale de la tête, ainsi qu'un myosis de l'oeil droit et un oedème de la paupière gauche le 12 juin 2000, à 5 heures 20 ; qu'après l'apparition de clonies le même jour à 16 heures 30, il a été décidé son transfert vers le service de réanimation pédiatrique du centre hospitalier de Troyes, lequel a eu lieu à 18 heures 15 ; que le scanner réalisé dans cet établissement le 12 juin 2000 a montré, outre l'existence de lésions bilatérales du thalamus, la présence d'un hématome extradural frontal important nécessitant le transfert en urgence de l'enfant au service de réanimation néonatale de l'American Memorial Hospital de Reims où un drainage de cet hématome a été réalisé le 13 juin 2000 ; que l'enfant a regagné le centre hospitalier de Troyes le 22 juin 2000 puis a été remis à sa famille le 27 juin 2000 avec une indication de suivi neurologique rapproché ; que les examens par imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisés le 27 septembre 2000 et le 23 octobre 2001 ont confirmé l'existence des lésions bilatérales du thalamus chez le jeune E...;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé le 17 octobre 2017, que si l'enregistrement du rythme cardiaque foetal réalisé avant l'accouchement indiquait, chez l'enfant à naître, des ralentissements précoces ou variables inférieurs à une minute, ces anomalies constatées jusqu'à 15 heures 10 caractérisaient un faible risque d'acidose et n'impliquaient aucune réaction particulière des praticiens du centre hospitalier ; que les anomalies du rythme cardiaque foetal constatées entre 15 heures 10 et 15 heures 25 nécessitaient seulement de prendre les mesures propres à prévenir le risque d'acidose, qualifié d'intermédiaire par les experts, ce que les praticiens ont fait en décidant d'installer la parturiente et de la faire pousser ; que l'extraction en urgence de l'enfant ne s'imposait qu'à compter de 15 heures 25, heure à laquelle l'enregistrement du rythme cardiaque foetal indiquait une bradycardie, soit à un moment où les praticiens ont décidé de procéder à cette extraction au moyen de forceps, permettant la venue au monde de l'enfant à 15 heures 30 ; que si les experts précisent que le contrôle du rythme cardiaque foetal ne présente jamais de fiabilité absolue dans la surveillance d'une éventuelle souffrance foetale, il résulte de l'instruction qu'il n'existe pas d'autre moyen de surveillance et qu'en l'espèce, les enregistrements du rythme cardiaque de l'enfant à naître n'indiquaient aucune souffrance foetale avant 15 heures 25 et, par conséquent, n'imposaient pas d'extraction en urgence avant cette même heure ; qu'ainsi, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'un retard fautif serait imputable au centre hospitalier dans la prise en charge de l'accouchement, jusqu'à la naissance de son enfant ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte encore de l'instruction, notamment du rapport d'expertise déposé devant la cour, que les lésions thalamiques droite et gauche et la lésion corticale et sous-corticale post-centrale gauche présentées par le jeuneE..., et dont résultent ses troubles neurologiques et ophtalmologiques, ne sont pas d'origine hémorragique ou traumatique ; qu'ainsi, ces lésions, auxquelles les experts donnent une origine anoxo-ischémique en précisant qu'elles se sont très probablement constituées avant l'accouchement, ne sont imputables ni aux forceps utilisés dans des conditions défectueuses lors de cet accouchement, ni à l'hématome extradural provoqué par l'utilisation de cet instrument ; qu'il s'ensuit que si la détresse respiratoire et les signes cliniques neurologiques présentés par l'enfant après sa naissance imposaient un transfert plus précoce du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine vers un centre de néonatologie adapté, le retard reproché sur ce point à l'établissement de santé, qui a seulement eu pour effet de retarder le traitement de l'hématome extradural, est resté sans conséquence sur les lésions neurologiques présentées par l'enfant au niveau du thalamus, qui étaient déjà constituées ; qu'un transfert plus rapide vers un centre de soins adapté n'aurait pas permis non plus de limiter la gravité de ces lésions en l'absence, selon les experts, d'un traitement susceptible d'en modifier l'évolution ; qu'en outre, si l'aspiration endo-trachéale réalisée sur le jeune E...quelques minutes après l'accouchement n'était pas nécessaire, eu égard aux signes cliniques qu'il présentait, ce geste médical n'a présenté aucun caractère préjudiciable pour l'enfant et est resté sans conséquence sur son état de santé ; qu'eu égard aux conclusions des experts, il n'est pas établi que la présence d'un pédiatre au sein du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine aurait permis d'éviter la survenue des lésions thalamiques chez le nourrisson, ou d'en limiter la gravité ; que dans ces conditions, si Mme F... reproche au centre hospitalier de Romilly-sur-Seine une prise en charge inadaptée de son enfant dans les premières heures de sa vie, les manquements allégués ne se trouvent à l'origine ni des séquelles neurologiques à raison desquelles elle demande une indemnisation, ni d'une perte de chance d'échapper à ces séquelles ;

5. Considérant, en dernier lieu, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, la situation de handicap dont souffre le jeuneE..., et pour laquelle sa mère demande une indemnisation, résulte des lésions neurologiques affectant le thalamus de l'enfant et qui ne sont pas imputables au centre hospitalier ; que, par suite, si Mme F...soutient que la mauvaise tenue du dossier médical de son enfant n'a pas permis d'établir le bon diagnostic à la naissance, cette circonstance, à la supposer établie, n'a eu aucune incidence sur le préjudice dont elle demande réparation ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à 3 000 euros le montant des réparations mises à la charge du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine ;

Sur les frais d'expertise :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de la partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ;

8. Considérant que les frais de l'expertise ordonnée en appel ont été liquidés à la somme de 4 500 euros par une ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel du 8 novembre 2017 ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de mettre cette somme à la charge du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont Mme F...demande le versement au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 500 euros, sont mis à la charge du centre hospitalier de Romilly-sur-Seine.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F...épouseB..., au centre hospitalier de Romilly-sur-Seine, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Marne, à la ministre des solidarités et de la santé, à M. G... D..., à Mme le professeur Catherine Adamsbaum, à M. le docteur Bernard Vezin et à M. le docteur Jean Furioli.

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N° 14NC00998


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00998
Date de la décision : 06/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : Mme ROUSSELLE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 10/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-06;14nc00998 ?
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