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20/02/2018 | FRANCE | N°16NC01194

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 20 février 2018, 16NC01194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le cabinet d'architecture F...et la SA Scobe à lui verser respectivement les sommes de 133 198,16 euros TTC et de 71 722,08 euros TTC en réparation des préjudices subis à raison des désordres constatés dans un hall sportif du campus universitaire de La Bouloie à Besançon, et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 12 908,62 euros TTC au titre des frais d'expertise à laquelle devront s'ajouter les honor

aires de l'expertA..., et une somme de 708,02 euros TTC au titre des frais d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La région Franche-Comté a demandé au tribunal administratif de Besançon de condamner le cabinet d'architecture F...et la SA Scobe à lui verser respectivement les sommes de 133 198,16 euros TTC et de 71 722,08 euros TTC en réparation des préjudices subis à raison des désordres constatés dans un hall sportif du campus universitaire de La Bouloie à Besançon, et de les condamner solidairement à lui verser la somme de 12 908,62 euros TTC au titre des frais d'expertise à laquelle devront s'ajouter les honoraires de l'expertA..., et une somme de 708,02 euros TTC au titre des frais d'huissier, subsidiairement de condamner la SA Scobe et le cabinet d'architecture F...à lui verser la somme de 204 920,25 euros TTC, ainsi qu'au remboursement des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1401937 du 14 avril 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 14 juin 2016 et le 30 novembre 2017, la région Bourgogne-Franche-Comté, représentée par MeE..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 14 avril 2016 ;

2°) de condamner le cabinet d'architecture F...à lui verser la somme de 133 198,16 euros TTC, de condamner la SA Scobe à lui verser la somme de 71 722,08 euros TTC en réparation des préjudices subis à raison des désordres constatés dans un hall sportif du campus universitaire de La Bouloie à Besançon ;

3°) de condamner le cabinet d'architecture F...et la SA Scobe solidairement à lui verser la somme de 10 908,62 euros TTC au titre des frais d'expertise ;

4°) subsidiairement de condamner solidairement la SA Scobe et le cabinet d'architecture F...à lui verser la somme de 204 920,25 euros TTC, ainsi qu'au remboursement des frais d'expertise ;

5°) de condamner solidairement la SA Scobe et le cabinet d'architecture F...au paiement des intérêts à compter du 19 décembre 2014 au taux légal ainsi que la capitalisation des intérêts échus et à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la SA Scobe et du cabinet d'architecture F...la somme de 12 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que les conditions d'engagement de la responsabilité décennale n'étaient pas réunies alors que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination, que les zones impraticables ou dégradées du fait des infiltrations dans le bâtiment sont nombreuses et étendues et que les désordres impactent l'activité par temps de pluie ;

- la SA Scobe et l'atelier d'architecture F...doivent l'indemniser de la totalité du coût des travaux de traitement des infiltrations affectant la toiture de l'unité de formation et de recherche des sciences et techniques physiques et sportives (UFR STAPS) tels qu'ils ont été déterminés par l'expertD... ;

- que les désordres sont imputables au maître d'oeuvre à hauteur de 65% et à l'entrepreneur à hauteur de 35 %.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 24 août 2016 et le 1er décembre 2017, M. G... F..., représenté par la SCP Tournier, Mayer-Blondeau, Giacomoni, Dichamp, Martinval, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de réduire le montant des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, de condamner la SA Scobe et la région Bourgogne-France-Comté à le garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre et de mettre à la charge de la région une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les protocoles transactionnels portent sur des problèmes d'étanchéité de la toiture du bâtiment de l'UFR STAPS et ont l'autorité de chose jugée entre les parties ;

- la région ne justifie pas de désordres de nature décennale ;

- les désordres allégués résultent d'un défaut d'entretien imputable à la région et de défauts d'exécution imputables à la SA Scobe alors qu'aucune faute d'exécution ne peut lui être reprochée ;

- les dommages et intérêts ne peuvent être fixés au coût de réfection totale de la toiture dans la mesure où les travaux préconisés entraîneraient une amélioration de l'ouvrage et il convient de pratiquer un abattement pour vétusté ;

- le remboursement des frais d'expertises judiciaires et d'honoraires d'huissiers de justice dont seule la société d'équipement du département du Doubs a assumé le coût ne peut être mis à sa charge.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 10 mars 2017 et le 27 décembre 2017, la SA Scobe, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête, à ce que le cabinet d'architecture F...soit condamné à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison de l'exception de chose transigée, un protocole d'accord ayant été signé en 2001 entre elle, la société d'équipement du département du Doubs, M. F... et le bureau Veritas ;

- la requête est également irrecevable en l'absence de moyen d'appel ;

- aucune faute dans l'exécution ne peut lui être reprochée et elle ne saurait être tenue de garantir des erreurs dont elle n'est pas à l'origine ;

- les conditions d'engagement de la garantie décennale ne sont pas réunies dès lors que les travaux de réparation préconisés par l'expert ont été exécutés conformément aux règles de l'art et avec l'accord du maître d'ouvrage, que les infiltrations sont d'une importance limitée et ne rendent aucunement la pratique des sports impossible et que la région n'a procédé à aucun entretien sur une toiture dont elle a pris possession en 1998 ;

- la région n'est pas fondée à demander réparation de l'entier préjudice alors qu'elle a pris à sa charge au titre des réparations des travaux d'un montant de 38 168,99 euros HT ;

- un abattement de 95% devra être appliqué ;

- eu égard à la faute de conception, il y a lieu de retenir la responsabilité de l'architecte, lequel devra la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;

- la région Franche-Comté ne saurait solliciter l'indemnisation de sommes au titre des dépens qu'elle n'a pas supportés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M.I...,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., substituant Me Charrel, avocat de la région Bourgogne-Franche-Comté, et de Me Barras, avocat du cabinet d'architectureF....

1. Considérant que par contrat du 5 octobre 1995, la région Franche-Comté a confié à la société d'équipement du département du Doubs le soin de procéder en son nom et pour son compte à l'étude de la réalisation de l'immeuble de l'UFR STAPS sur le campus de la Bouloie à Besançon ; que par contrat du 1er avril 1996, la région Franche-Comté a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction d'un hall sportif composé d'une salle d'athlétisme, d'une salle de sports collectifs, de deux salles de groupe, d'un logement gardien et des annexes et vestiaires, à un groupement composé dont le mandataire était M. G...F..., architecte ; que le lot n°5 " Etanchéité "de ce chantier a été confié à la SA Scobe par un acte d'engagement signé le 21 février 1997 ; qu'un procès-verbal des opérations préalables à la réception a été signé le 4 mai 1998 avec des réserves liées à la réalisation de certains travaux complémentaires d'étanchéité ; que des infiltrations ont été alors constatées rapidement par le maître d'ouvrage au niveau des toitures de la halle sportive ; qu'une expertise judiciaire a été confiée à M. A... dont le rapport a été déposé le 17 juillet 2001 ; que la SA Scobe a effectué les travaux de reprise de toiture préconisés par l'expert et, après levée des réserves intervenue le 29 novembre 2001, un protocole transactionnel est intervenu entre la société d'équipement du département du Doubs, M.F..., la SA Scobe et le Bureau Véritas ; que le mandataire de la région, après avoir fait constater par un huissier, le 15 novembre 2002, l'existence d'infiltrations d'eau dans la halle sportive, la salle d'athlétisme et le mur d'escalade, a obtenu l'organisation d'une deuxième expertise confiée à M. C...par ordonnance du 4 mars 2003 du juge des référés du tribunal de grande instance de Besançon ; qu'à la suite du dépôt du rapport le 7 février 2006, un nouveau protocole transactionnel a été signé le 29 novembre 2007 en vertu duquel la SA Scobe prenait en charge l'exécution de l'une des solutions alternatives préconisées par l'expert, sous la maîtrise d'oeuvre de M. F...; que constatant que les travaux alors réalisés en exécution de ce protocole n'avaient pas permis de remédier aux désordres, la société d'équipement du département du Doubs a sollicité l'organisation d'une troisième expertise confiée à M. D...par ordonnance de référé du 20 juillet 2011 ; que M. D...qui a déposé son rapport le 31 août 2011, a préconisé une solution de reprise chiffrée à la somme de 204 920,25 euros ; que la région Franche-Comté a saisi le tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs, d'une demande tendant à la condamnation du cabinet F...et de la SA Scobe à lui verser les sommes correspondant au coût de la reprise des désordres de la toiture tels qu'ils ont été chiffrés par l'expert ; que la région Bourgogne-Franche-Comté relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté ses demandes ;

Sur la responsabilité décennale :

2. Considérant qu'il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans ;

3. Considérant que l'expert commis en référé a constaté le 20 octobre 2010 des traces d'eau dans la salle de sports collectifs, diverses traces d'infiltrations dans les circulations, des traces de fuites sur le sol et 10 décembre 2010 la présence d'eau dans une cuvette au droit du but et dans deux autres récipients et les traces de deux auréoles sur le sol dans le hall d'athlétisme révélant des infiltrations d'eau par la couverture ayant notamment pour origine la perte d'efficacité des joints d'étanchéité et un point d'ancrage sur la couverture ; que la région fait valoir que les désordres impactent directement l'activité du bâtiment, la présence d'eau sur les aires de jeu impliquant de délimiter des espaces d'accès interdits pour assurer la sécurité des pratiquants ; que toutefois ces allégations ne sont assorties d'aucun élément probant alors que l'expert A...avait relevé en 2001 que les locaux étaient exploités normalement, que M. C...note que les infiltrations constatées se sont traduites pour l'essentiel par la présence de flaques d'eau au sol qui ont été nettoyées au fur et à mesure et que M. D...a estimé qu'il n'y avait pas de préjudice pour l'université car les halls de sports ont toujours été utilisables ; que la région n'apporte aucun autre élément de nature à établir que les dégradations pourraient, même à plus long terme, affecter la solidité de l'immeuble et compromettre sa destination alors qu'un manque d'entretien des couvertures a été observé par l'expert en 2010 ; que dans ces conditions, les désordres constatés, qui ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination, ne sont pas susceptibles d'engager la garantie décennale des constructeurs ;

4. Considérant qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que les désordres affectant les bâtiments de l'UFR STAPS n'étaient pas de nature à rendre cet ouvrage impropre à sa destination et n'étaient pas ainsi susceptibles d'engager la responsabilité décennale de la SA Scobe et de M. F...à cet égard ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la région Bourgogne-Franche-Comté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;

Sur les dépens et les frais de procès non compris dans les dépens :

6. Considérant que l'article R. 761-1 du code de justice administrative prévoit que les dépens de l'instance sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties ; que la région Bourgogne-Franche-Comté est partie perdante dans la présente instance et, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les dépens à la charge d'une autre partie ; que les conclusions de la requérante présentées à ce titre doivent être rejetées ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F...et de la SA Scobe, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la région Bourgogne-France-Comté demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la région Bourgogne-Franche-Comté une somme de 1 500 euros à verser respectivement à M. F...et à la SA Scobe au titre des frais exposés par ces derniers et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la région Bourgogne-Franche-Comté est rejetée.

Article 2 : La région Bourgogne-Franche-Comté versera une somme de 1 500 euros respectivement à M. F...et à la SA Scobe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la région Bourgogne-Franche-Comté, à la SA Scobe et au cabinet d'architectureF....

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N° 16NC01194


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01194
Date de la décision : 20/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-03-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Désordres de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs. N'ont pas ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SCP PERRIGUEY TOURNIER MAYER-BLONDEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-20;16nc01194 ?
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