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29/05/2018 | FRANCE | N°16NC00915-16NC00926

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 29 mai 2018, 16NC00915-16NC00926


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'université de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, de condamner solidairement, au titre des lots n° 16 et n° 17 du marché de construction d'un laboratoire de génétique et de physiologie de la souris, la société Imhoff, M. C...et la société OTE Ingénierie à lui verser une somme de 309 133,39 euros en réparation des désordres rencontrés ainsi qu'une somme de 40 000 euros au titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance et, d'autre part, de condamner

solidairement, au titre du lot n° 12 du même marché, la société Campeis, M. C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'université de Strasbourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, de condamner solidairement, au titre des lots n° 16 et n° 17 du marché de construction d'un laboratoire de génétique et de physiologie de la souris, la société Imhoff, M. C...et la société OTE Ingénierie à lui verser une somme de 309 133,39 euros en réparation des désordres rencontrés ainsi qu'une somme de 40 000 euros au titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance et, d'autre part, de condamner solidairement, au titre du lot n° 12 du même marché, la société Campeis, M. C...et la société OTE Ingénierie à lui verser une somme de 266 196,10 euros en réparation des désordres rencontrés ainsi que les sommes de 42 000 euros à titre de dommages et intérêts pour troubles de jouissance et 10 000 euros au titre de son préjudice moral.

Par jugement n° 1105210 du 23 mars 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, condamné solidairement la société Imhoff, M. C...et la société OTE Ingénierie à verser à l'université de Strasbourg une somme de 40 870 euros au titre de leur responsabilité décennale concernant les travaux des lots n° 16 et n° 17 et a, d'autre part, condamné solidairement M. C...et la société OTE Ingénierie à verser à l'université de Strasbourg une somme de 1 500 euros au titre de leur responsabilité contractuelle concernant les travaux des lots n° 16 et n° 17 et a mis à la charge solidaire de la société Imhoff, de M. C...et de la société OTE Ingénierie les frais de l'expertise réalisée par M.K..., liquidés et taxés à la somme de 41 871,33 euros TTC.

Le tribunal administratif a également condamné solidairement la société Campeis, M. C... et la société OTE Ingénierie à verser à l'université de Strasbourg la somme de 207 530,62 euros en réparation des désordres constatés du lot n° 12 et a mis à la charge solidaire de la société Campeis, M. C...et la société OTE Ingénierie les frais de l'expertise réalisée par M. G..., liquidés et taxés à la somme de 9 925 euros.

Le tribunal administratif s'est, enfin, prononcé sur les conclusions d'appel en garantie présentées par les parties au titre des condamnations prononcées par ce jugement.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 20 mai 2016 sous le n° 16NC00915, et des mémoires complémentaires enregistrés le 24 octobre 2017 et le 20 décembre 2017, la société OTE Ingénierie, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 23 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamnée à payer à l'université de Strasbourg la somme de 202 530,62 euros ;

2°) de rejeter la demande de l'université de Strasbourg dirigée à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Strasbourg les entiers frais et dépens et une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son appel est recevable dès lors qu'elle développe des moyens d'appel ;

- elle n'entend pas discuter le jugement concernant les lots n° 16 et n° 17 ;

- l'université de Strasbourg ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt à agir ;

- les réserves émises lors d'une première tentative de réception des travaux du lot n°12, confiés à la société Campeis, le 3 octobre 2001, n'ont pas été levées de façon satisfaisante ;

- alors qu'une expertise avait été ordonnée en référé, le 1er avril 2003, à la demande de l'université de Strasbourg, la maîtrise d'oeuvre n'a pas été attraite à cette mission et n'a donc jamais été mise en mesure de s'exprimer au sujet des désordres du lot confié à la société Campeis ;

- cette expertise et les opérations d'expertise dommages-ouvrage auxquelles elle n'a pas été non plus conviée ne lui sont pas opposables ;

- elle a formellement contesté, en première instance, les éléments constatés par l'expert ;

- la garantie de parfait achèvement n'incombe qu'aux entreprises et en aucun cas à la maîtrise d'oeuvre ;

- le délai de garantie biennale est expiré ;

- l'université ne peut plus rechercher sa responsabilité contractuelle au titre des fautes éventuellement commises s'agissant de la conception des travaux et de leur surveillance ;

- les désordres invoqués n'emportent ni impropriété quant à la destination de l'ouvrage litigieux, ni atteinte à sa solidité et ainsi, en dehors de ceux pris en charge par l'assurance dommages-ouvrage de l'université, ne sont pas de nature décennale ;

- les réparations préconisées par l'expert sont totalement démesurées au regard du problème posé ;

- l'université a régulièrement bénéficié de l'intervention de son assurance dommages-ouvrage et n'est pas fondée à réclamer un quelconque montant aux constructeurs ;

- l'indemnité de l'assurance doit obligatoirement être affectée à la réalisation de travaux définis dans le cadre de l'expertise dommages-ouvrages, ce dont ne justifie pas l'université, laquelle a pourtant perçu de son assureur un montant d'indemnisation plus important que la somme de 14 183,19 euros qu'elle reconnait avoir reçue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2017, l'université de Strasbourg, représentée par MeH..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de la société OTE Ingénierie ;

2°) de confirmer le jugement du 23 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de la société OTE Ingénierie une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable dans la mesure où la société ne développe pas de moyen d'appel ;

- l'institut génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) est un service de l'université et par suite, la fin de non-recevoir opposée à cet égard à la demande de première instance ne peut qu'être écartée ;

- la circonstance que la société OTE Ingénierie n'ait pas été attraite aux opérations d'expertise n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité à son égard ;

- il a été démontré en première instance que les désordres évolutifs affectant le lot n° 12 " Revêtement de sol dur et faïence " rendent les sols concernés impropres à leur destination, à savoir celle de locaux à usage de laboratoire de recherche biologique ;

- les désordres apparus dès l'année 2002 l'ont contrainte à engager des travaux de réfection ;

- l'expert a constaté le caractère multiple des désordres ;

- elle a produit les justificatifs concernant les travaux de réparation pris en charge par son assurance dommages-ouvrage pour un montant de 14 183,19 euros qu'elle a déduit de ses demandes au titre du lot n° 12.

II. Par une requête, enregistrée le 23 mai 2016 sous le n° 16NC00926, et un mémoire complémentaire enregistré le 2 novembre 2017, M. A...C..., représenté par MeJ..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 23 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamné solidairement avec les sociétés OTE Ingénierie et Campeis à verser les sommes de 40 870 euros et 1 500 euros à l'université de Strasbourg et mis à leur charge les frais d'expertise ;

2°) de réformer le jugement du 23 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamné solidairement avec les sociétés OTE Ingénierie et Campeis à verser les sommes de 207 530,62 et 9 925 euros à l'université de Strasbourg ;

3°) de rejeter les demandes de l'université de Strasbourg présentées devant le tribunal administratif en tant qu'elles sont dirigées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de l'université de Strasbourg les entiers frais et dépens de première instance et d'appel ainsi que le versement d'une somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

5°) A titre subsidiaire, de condamner les sociétés Seitha, Imhoff, OTE Ingénierie et Campeis, représentée par son liquidateur ainsi que l'assureur de cette dernière, la SMABTP, à le garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, frais et dépens et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur le litige afférent aux lots n° 16 et n° 17 :

- le rapport d'expertise ne caractérise aucunement des désordres de nature décennale et ne met en exergue ni une impropriété quant à la destination de l'ouvrage ni un manquement à sa mission contractuelle ;

- l'étanchéité parfaite des locaux n'était pas contractuellement exigée ;

- les problèmes de température sont imputables aux réglages effectués par la société Seitha ;

- la liaison du tunnel séparant les deux parties de l'animalerie ne faisait pas partie du marché de base mais était seulement mentionnée dans les fiches-programmes fournies ;

- la réception sans réserves du vaporisateur a juridiquement purgé les réclamations le concernant ;

- la réception des travaux met fin aux rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et les constructeurs ;

- il n'est pas établi qu'il aurait manqué à son devoir de conseil ;

Sur le litige relatif au lot n° 12 :

- la maîtrise d'oeuvre n'a pas été appelée aux opérations d'expertise confiée à

M. G...par ordonnance de référé du 1er avril 2013 ;

- la juridiction doit tirer toutes les conséquences de cette violation du principe du contradictoire qui n'est manifestement pas conforme aux règles du procès équitable ;

- l'expert n'a adressé aucune note aux parties suggérant la mise en cause de la maîtrise d'oeuvre ;

- tous les désordres ont été identifiés comme imputables aux travaux de pose ;

- ces désordres étaient apparents lors de la réception mais les réserves ont néanmoins été levées ;

- le maître d'oeuvre n'est pas tenu par des obligations de parfait achèvement qui incombent aux seules entreprises ;

- il n'a pas failli à sa mission de surveillance.

Par des mémoires en défense enregistrés les 13 octobre 2016 et 27 novembre 2017, la société Axima Concept, à l'enseigne Cofely Axima, venant aux droits de la société Axima Seitha, représentée par la SCP Hemzellec-Davidson, demande à la cour :

1°) de débouter les appelants et toute autre partie ou succombant de leurs fins, demandes et conclusions en tant que dirigées à son encontre ;

2°) de mettre à la charge des appelants le versement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle était en charge de la maintenance de l'exploitation du conditionnement de l'air, de la ventilation et du chauffage des locaux de l'IGBMC selon un contrat de maintenance du 23 avril 2002 qui a pris fin le 30 mai 2005 ;

- elle n'a jamais participé en tant que constructeur à la réalisation de l'opération de construction et ne peut se voir condamnée sur le fondement de la garantie décennale ;

- elle ne peut se voir reprocher des fautes engageant sa responsabilité contractuelle.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 31 octobre et 30 novembre 2017, la société Imhoff, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) de rejeter toutes les conclusions dirigées à son encontre au titre des désordres du lot n° 12 ;

2°) subsidiairement de condamner M. C...à la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au titre des désordres affectant les lots n° 16 et n° 17 en principal, intérêts, frais et dépens et article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) de mettre à la charge de M. C...le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle n'entend pas remettre en cause le jugement rendu par le tribunal administratif au titre des lots n° 16 et n° 17 ;

- l'appel en garantie de M. C...à son encontre n'est pas motivé et ne précise pas le fondement sur lequel il est présenté ;

- il est prescrit ;

- elle n'a pas participé aux travaux relatifs au lot n° 12.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 novembre et 20 décembre 2017, la société OTE Ingénierie, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'adjuger à M. C...le bénéfice de ses conclusions d'appel principal ;

2°) de rejeter l'appel en garantie formé, subsidiairement, par ce dernier et de mettre à sa charge les entiers frais et dépens ;

3°) de condamner M. C...à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de l'université de Strasbourg.

Elle soutient que :

- elle entend soutenir l'appel de M. C...en reprenant les moyens développés dans le cadre de sa propre procédure d'appel enregistrée sous le n° 16NC00915 ;

- l'université ne justifie pas de sa qualité et de son intérêt pour agir ;

- sa responsabilité ne saurait être recherchée sur le fondement contractuel, de la garantie biennale et de la garantie décennale ;

- l'appel en garantie de M. C...à son encontre ne peut que s'inscrire dans le cadre d'une responsabilité extracontractuelle ;

- M. C...n'apporte la preuve d'aucune faute qu'elle aurait commise alors qu'il incombait à celui-ci d'assurer la conception du lot carrelage.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2017, l'université de Strasbourg, représentée par MeH..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête d'appel de M.C... ;

2°) de confirmer le jugement rendu le 23 mars 2016 par le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur le litige concernant les lots n° 16 et n° 17 :

- le tribunal administratif a relevé, à juste titre, que la mise en place d'un tunnel de lavage était prévue par les stipulations du marché et que le désordre l'affectant était bien imputable tant aux maîtres d'oeuvre, chargés de la conception de l'ouvrage, qu'à la société Imhoff en charge des travaux, ce qui engageait leur responsabilité décennale ;

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu la responsabilité des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage ;

Sur le litige concernant le lot n° 12 :

- les constatations de faits opérées par l'expert n'ont fait l'objet d'aucune discussion et leur inexactitude n'est pas établie ;

- la société Campeis était présente aux opérations d'expertise, assistée d'un avocat et n'a pas contesté la réalité des désordres ;

- l'absence de la maîtrise d'oeuvre aux opérations d'expertise n'a pas empêché le constat de la réalité de ces éléments de fait ;

- la maîtrise d'oeuvre était chargée d'une mission de surveillance des travaux ;

- elle s'en remet à ses écritures de première instance pour le surplus.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président assesseur ;

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public ;

- et les observations de MeE..., pour le société OTE Ingénierie, de MeI..., pour M. C..., de MeH..., pour l'université de Strasbourg, de MeF..., pour la société Imhoff et de Me D...pour la société Axima Concept.

Considérant ce qui suit :

1. L'université Louis Pasteur a entrepris la réalisation, pour les besoins de son institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC), d'une extension du bâtiment existant, sis à Illkirch-Graffenstaden, destiné à accueillir de nouveaux laboratoires de génétique et de physiologie de la souris. Par marché du 2 juin 1999, la maîtrise d'oeuvre de ce projet a été confiée à un groupement conjoint composé de M.C..., architecte mandataire, et du bureau d'études OTE Ingénierie. Un avenant à ce marché a, le 8 mars 2000, confié à ce groupement une mission d'ordonnancement, pilotage, coordination (OPC). Les lots n°16 " Chauffage-ventilation-climatisation " et n°17 " Plomberie " ont été confiés, par marchés des 19 juillet et 19 septembre 2000, à la société Ihmoff. Les travaux de ces deux lots ont été respectivement réceptionnés sans réserve par décisions du 27 juin 2002 avec effet au 18 janvier 2002 et du 30 janvier 2002 avec effet au 31 octobre 2001. Le lot n° 12 " Revêtement de sols durs et faïence " a, quant à lui, été confié, par marché du 19 septembre 2000, à la société Campeis. Les travaux de ce lot ont été réceptionnés sans réserve le 30 avril 2002 avec effet au 18 janvier précédent. La société Seitha, à laquelle a succédé la société Axima Concept, s'est vu confier le marché de maintenance et d'exploitation du conditionnement d'air, de ventilation et du chauffage des locaux de l'IGBMC.

2. Des désordres ayant été constatés sur les lots n° 12 et n° 16, l'université Louis Pasteur a, par deux requêtes distinctes, demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de désigner des experts aux fins de se prononcer sur ces désordres. Par une ordonnance n° 03-00605 du 1er avril 2003, M. K...a été désigné pour l'expertise concernant les désordres du lot n° 16, et a rendu son rapport le 30 septembre 2008. Par ordonnance n° 03-00607 du 1er avril 2003, M. G... a été désigné pour l'expertise concernant les désordres du lot n° 12, et a rendu son rapport le 30 octobre 2004. L'université de Strasbourg, venant aux droits de l'université Louis Pasteur, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant, d'une part, s'agissant des lots n° 16 et n° 17, à la condamnation solidaire, sur le fondement de la garantie décennale ou subsidiairement de la responsabilité contractuelle, de la société Imhoff, de M. C...et de la société OTE Ingénierie à lui verser la somme de 349 133,09 euros et d'autre part, s'agissant du lot n° 12, à la condamnation solidaire de la société Campeis, de M. C...et de la société OTE Ingénierie à lui verser une somme de 318 196,11 euros au titre de la garantie décennale.

3. M. C...interjette appel du jugement du 23 mars 2016 par lequel le tribunal administratif l'a condamné, d'une part, s'agissant des lots n° 16 et n° 17, solidairement avec les sociétés Imhoff et OTE Ingénierie, à verser à l'université de Strasbourg une somme de 40 870 euros au titre de leur responsabilité décennale et, solidairement avec la société OTE Ingénierie, une somme de 1 500 euros au titre de leur responsabilité contractuelle et, d'autre part, s'agissant du lot n° 12, solidairement avec les sociétés Campeis et OTE Ingenierie, à verser à l'université de Strasbourg une somme de 207 530,62 euros sur le fondement de la garantie décennale et une somme de 9 925 euros au titre des frais de l'expertise réalisée par M.G.... La société OTE Ingénierie interjette appel du même jugement en tant qu'il l'a condamnée, au titre des désordres affectant le lot n° 12, à payer à l'université de Strasbourg la somme de 207 530,62 euros, les frais d'expertise et une indemnité de 1 000 euros au titre frais exposés et non compris dans les dépens.

4. Ces requêtes sont dirigées contre un même jugement, sont relatives aux mêmes désordres et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par conséquent, il ya lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de la requête d'appel de la société OTE Ingénierie :

5. La requête d'appel de la société OTE Ingénierie ne se borne pas à reprendre les faits présentés en première instance ni à présenter de brèves observations mais comporte une critique du jugement attaqué. Ainsi la fin de non-recevoir, opposée à la requête par l'université de Strasbourg, tirée du défaut de motivation de la requête d'appel doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le litige relatif au lot n° 12 :

S'agissant de la recevabilité de la demande de première instance :

6. Contrairement à ce que soutient la société OTE Ingénierie, les marchés de maîtrise d'oeuvre et du lot n° 12 ont été signés par le président de l'université Louis Pasteur qui a également présenté les demandes d'expertise formées le 20 février 2003 devant le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg. L'université de Strasbourg, venant régulièrement aux droits de l'université Louis Pasteur, a saisi ce tribunal de demandes indemnitaires en réparation des préjudices subis au titre des désordres constatés dans le cadre de l'exécution de ces marchés, et en particulier s'agissant du lot n°12. Par suite, la société OTE Ingénierie n'est pas fondée à soutenir que l'université de Strasbourg n'avait ni qualité ni intérêt pour présenter une telle demande à son encontre. Sont à cet égard, sans incidence sur la recevabilité de cette dernière, les circonstances, à les supposer établies, d'une part, que certaines factures relatives à ces marchés auraient été adressées à d'autres services de l'université Louis Pasteur et, d'autre part, que l'université de Strasbourg n'aurait passé aucune commande.

S'agissant de la régularité de l'expertise :

7. L'irrégularité des opérations d'expertise, résultant de ce que ni M. C...ni la société OTE Ingénierie n'ont été appelés à y participer, ne faisait pas obstacle à ce que les éléments contenus dans ce rapport d'expertise fussent retenus par le tribunal administratif à titre d'éléments d'information, dès lors que M. C... et la société OTE Ingénierie avaient été mis à même, dans le cadre de la procédure contradictoire afférente à l'examen au fond du litige, d'en discuter le contenu et les conclusions et que les contestations formulées, le cas échéant, à cet égard ont été examinées par le juge du fond.

S'agissant de la responsabilité décennale :

8. Il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre le cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

9. Il résulte de l'instruction que 219 désordres affectant le lot n° 12 " Revêtement de sols durs et faïence " ont été constatés lors des opérations préalables à la réception, selon le procès-verbal dressé le 3 octobre 2001. Ce document liste les réserves relatives, entre autres, à l'exécution des travaux, notamment de remplacement de nombreux carreaux défectueux, de joints défectueux, irréguliers ou inexistants, d'angles rentrant de la faïence, de planéité à reprendre, d'absence de calfeutrement derrière les plinthes ou de coupes de carrelage à revoir. L'ensemble des étages du bâtiment était affecté par ces désordres. Dans un courrier du 5 novembre 2001 adressé au maître d'ouvrage, la société Campeis, titulaire du lot, a précisé que certaines réserves ne seraient pas levées. Le maître d'oeuvre a néanmoins prononcé, le 30 janvier 2002, avec effet au 31 octobre 2001, la réception des travaux sans réserves. Il ne résulte pas de l'instruction que les désordres qui ont amené l'université à engager son action en responsabilité décennale contre les constructeurs aient été d'une nature différente de ceux qui avaient été constatés depuis octobre 2001, ni que la généralisation des problèmes de fragilité des carrelages et de dégradation des joints, même si elle n'était pas entièrement révélée à la date de la réception, n'ait pas été prévisible dès cette date. Dans ces conditions, les désordres invoqués par l'université de Strasbourg doivent être regardés comme ayant présenté un caractère apparent lors de la réception et n'étaient donc pas de nature à engager la responsabilité décennale des constructeurs.

10. Il résulte de ce qui précède que la société OTE Ingénierie et M. C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés solidairement à verser à l'université de Strasbourg la somme de 207 530,62 euros assortie des intérêts au taux légal.

S'agissant des appels en garantie :

11. Il résulte de ce qui précède que la société OTE Ingénierie et M. C...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg les a condamnés à se garantir l'un l'autre de la condamnation prononcée à leur encontre au titre des désordres afférents au lot n°12.

S'agissant des frais d'expertise :

12. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de la partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Les frais de l'expertise afférente aux travaux du lot n°12, taxés et liquidés par une ordonnance du 5 novembre 2004 du président du tribunal administratif de Strasbourg, s'élèvent à la somme de 9 925 euros. Il y a lieu de mettre ces frais à la charge de l'université de Strasbourg.

En ce qui concerne le litige relatif aux lots n° 16 et n° 17 :

S'agissant de la garantie décennale :

13. Il résulte de l'instruction que le projet d'extension de l'IGBMC prévoyait la réalisation d'une animalerie équipée d'une laverie disposant d'un espace dit " propre " et d'un autre dit " sale " reliés par un tunnel de lavage. Or, l'expertise a établi que les locaux de la laverie côté sale atteignaient, avant l'installation, sur les préconisations de l'expert, d'un extracteur complémentaire à la fin de l'année 2005, une température de 32 degrés avec un taux d'hygrométrie très élevé. Compte tenu de la destination de l'animalerie qui doit rester une zone protégée du laboratoire et de la présence de personnel dans cette zone, une telle situation était de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination. Ces désordres imputables à M.C..., la société OTE Ingénierie, membres de la maîtrise d'oeuvre et la société Imhoff, à qui avait été confié le lot n° 16, étaient par suite de nature à engager leur responsabilité décennale et à justifier leur condamnation solidaire à indemniser l'université de Strasbourg du coût de l'installation de l'extracteur installé en 2005, pour un montant non contesté de 38 870 euros.

14. M.C..., qui demande l'annulation du jugement, ne développe aucun moyen de nature à infirmer celui-ci en tant, en outre, qu'il l'a solidairement condamné à indemniser l'université de son trouble de jouissance consécutif aux désordres constatés.

S'agissant de la responsabilité contractuelle :

15. M.C..., en se bornant à soutenir qu'il n'a pas failli dans l'accomplissement de sa mission de surveillance, n'apporte aucun élément de nature à établir que les premiers juges auraient, en retenant que la maîtrise d'oeuvre n'avait émis, lors de la réception des travaux exécutés par la société Imhoff, aucune réserve relative à l'absence de signalement par cette entreprise des clapets coupe-feu, commis une erreur de droit ou fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce. Il n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort qu'ils l'ont condamné solidairement avec son cotraitant, le bureau OTE Ingénierie, à verser à l'université de Strasbourg une somme de 1 500 euros à ce titre.

S'agissant des appels en garantie :

16. Il résulte de l'instruction que l'ensemble des désordres de nature décennale, liés au niveau de température et d'hygrométrie dans les locaux de la laverie, sont imputables à l'exécution des lots confiés à la société Imhoff ainsi qu'à des insuffisances dans la conception du projet dont la société OTE Ingénierie et M. C...s'étaient répartis la charge de manière sensiblement égale. Dès lors, ni la société Imhoff, ni la société OTE Ingénierie ni M. C...ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges les ont condamnés à se garantir mutuellement à raison d'un tiers chacun des condamnations prononcées au titre de la responsabilité décennale.

17. S'agissant des condamnations prononcées dans le cadre de la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre au titre de leur devoir d'assistance, aucun appel en garantie ne saurait être dirigé contre les sociétés Imhoff et Campeis, entrepreneurs chargés de l'exécution de certains lots ou la société Axima Concept, venant aux droits de la société Seitha, chargée d'une mission de maintenance. Par ailleurs, il ressort du marché de maîtrise d'oeuvre que la mission d'assistance apportée au maître d'ouvrage lors des opérations de réception était dévolue au bureau d'études OTE Ingénierie dans une proportion de 80%. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif a condamné M. C...à garantir la société OTE Ingénierie à hauteur de 20 % des condamnations mises à sa charge au même titre.

S'agissant des frais d'expertise :

18. Les frais de l'expertise afférente aux travaux des lots n° 16 et n° 17, taxés et liquidés par une ordonnance du 10 octobre 2008 du président du tribunal administratif de Strasbourg, s'élèvent à la somme de 41 871,33 euros T.T.C. et ont été mis à la charge de l'université de Strasbourg. Compte tenu de ce qui précède, ces frais doivent être mis à la charge solidaire de la société Imhoff, de la société OTE Ingénierie et de M.C....

Sur les frais liés à l'instance :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M.C..., une somme de 1 500 euros, à verser à la société Axima Seitha et une somme de 1 500 euros, à verser à la société Imhoff sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des autres parties présentées sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1105210 du 23 mars 2016 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'en son article 9, il a condamné M. C...et la société OTE Ingénierie à verser à l'université de Strasbourg une somme de 207 530,62 euros, avec intérêts et capitalisation, au titre des désordres affectant les carrelages, en tant qu'en son article 10, il a mis à leur charge les frais d'expertise, en tant qu'en ses articles 11 et 12, il les a condamnés au titre des appels en garantie et, enfin, en tant qu'en son article 12, il a mis à leur charge la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 2 : La demande présentée par l'université de Strasbourg tendant à la condamnation de

M. C...et de la société OTE Ingénierie au titre des désordres relatifs au lot n° 12 du marché litigieux est rejetée.

Article 3 : Les frais de l'expertise réalisée par M.G..., liquidés et taxés à la somme de 9 925 euros, sont mis à la charge de l'université de Strasbourg.

Article 4 : M. C...versera une somme de 1 500 euros à la société Axima Seitha et une somme de 1 500 euros à la société Imhoff au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société OTE Ingenierie, à l'université de Strasbourg, à M. C..., à la société Imhoff, à la société Axima Seitha, à MeL..., liquidateur de la SAS Campeis et au ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

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16NC00915- 16NC00926


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