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25/09/2018 | FRANCE | N°17NC01727

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 17NC01727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Chabert et M. K...I...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 octobre 2013 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat leur a infligé des sanctions. La SCI Chabert a également demandé à cette même juridiction d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 38 263 euros émis à son encontre le 8 novembre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat.

Par un jugement n° 1400195-1400196 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette dé

cision et ce titre exécutoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Chabert et M. K...I...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 octobre 2013 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat leur a infligé des sanctions. La SCI Chabert a également demandé à cette même juridiction d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 38 263 euros émis à son encontre le 8 novembre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat.

Par un jugement n° 1400195-1400196 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision et ce titre exécutoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 juillet 2017 et le 3 août 2018, l'Agence nationale de l'habitat, représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SCI Chabert et M. I...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la SCI Chabert et de M. I...le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal n'a pas répondu à un moyen présenté en défense tiré de ce que la présence de ses agents à la séance de la commission des recours était prévue par des textes ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité alors que les textes organisant la procédure de sanction n'imposent pas une distinction entre organes d'instruction et de sanction, que la présence des agents en séance est prévue par l'article 7 du règlement et que l'intervention de la commission des recours constitue une garantie ;

- l'irrégularité alléguée ne présente pas de caractère substantiel ;

- l'indépendance et l'impartialité de la commission sont garanties ;

- la sanction n'est pas disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2018, la SCI Chabert représentée par la SELARL Cossalter, De Zolt et Couronne, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme

de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Agence nationale de l'habitat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- le principe d'impartialité est méconnu dans la mesure où la directrice générale de l'agence a tout à la fois sollicité la sanction et présidé la commission des recours, où elle avait reçu un pouvoir d'un membre de la commission, et où six agents ont participé aux travaux de la commission sans en être membres ;

- la sanction est disproportionnée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- l'arrêté du 2 février 2011 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale

de l'habitat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., conseil de la SCI Chabert et de MeL..., conseil de l'Agence nationale de l'habitat.

Une note en délibéré présentée pour l'Agence nationale de l'habitat a été enregistrée le 12 septembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 28 juin 2010, l'Agence nationale de l'habitat a attribué à la SCI Chabert une subvention de 295 541 euros dans le cadre de la réhabilitation d'un immeuble situé rue Ausone à Metz. Par une décision du 2 avril 2013, l'Agence nationale de l'habitat a retiré cette subvention et a réclamé à la SCI Chabert le reversement de la somme de 307 358 euros, majorations comprises. Le 31 octobre 2013, après avis de sa commission des recours, elle a également prononcé d'une part, contre cette société et M.I..., gérant, une sanction consistant à les priver, pour les cinq ans à venir, de toute possibilité d'obtenir une subvention pour les logements qu'ils détiendraient ou dont ils seraient, directement ou non, propriétaires, et d'autre part, à l'égard de la seule SCI Chabert, une sanction pécuniaire d'un montant de 38 263 euros pour laquelle elle a ensuite émis, le 8 novembre 2013, un titre exécutoire. L'Agence nationale de l'habitat relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 31 octobre 2013 et le titre exécutoire du 8 novembre 2013.

Sur la régularité du jugement :

2. L'examen du jugement attaqué révèle que les premiers juges qui, pour annuler la décision du 31 octobre 2013 et, par voie de conséquence, le titre exécutoire du 8 novembre 2013, ont retenu le moyen tiré de la présence irrégulière au sein de la commission de recours de certains agents de l'Agence nationale de l'habitat, ont omis de viser et de répondre au moyen en défense soulevé par l'agence dans son mémoire du 23 mars 2017 et tiré de ce que la présence de ces agents était prévue par les textes. Ce moyen n'était pas inopérant et dans ces conditions, l'appelante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par la SCI Chabert et M. I...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Sur la légalité de la décision du 31 octobre 2013 :

4. Aux termes de l'article L. 321-2 du code de la construction et de l'habitation : " L'Agence nationale de l'habitat peut prononcer des sanctions à l'encontre des bénéficiaires des aides ou de leurs mandataires, ainsi que des signataires d'une convention prévue aux articles L. 321-4 ou L. 321-8, ayant contrevenu aux règles ou aux conventions conclues. Elle peut, pour une durée maximale de cinq ans, refuser une nouvelle demande d'aide émanant du même bénéficiaire. Elle peut également prononcer des sanctions pécuniaires dont le montant, qui ne peut excéder la moitié de l'aide accordée ou une somme équivalant à deux ans de loyers, est fixé par décret compte tenu de la gravité des faits reprochés et de la situation financière de la personne ou de l'organisme intéressé. Les personnes ou les organismes concernés sont mis en mesure de présenter leurs observations préalablement au prononcé des sanctions. ".

En ce qui concerne la compétence :

5. Par un arrêté du 19 mars 2010, publié au Journal officiel de la République française du 30 mars 2010, le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable, et de la mer a nommé Mme N...M...aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de l'habitat. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit, par suite, être écarté.

En ce qui concerne la composition de la commission des recours :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 321-6-3 du code de la construction et de l'habitat dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission des recours mentionnée à l'article R.321-1 est composée d'un représentant du ministre chargé du logement, d'un représentant du ministre chargé de l'économie, d'un représentant des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, d'un représentant des présidents de conseils départementaux, d'un représentant des propriétaires et d'un représentant des locataires ainsi que d'un représentant de l'Union d'économie sociale du logement. Les membres de la commission sont nommés par le ministre chargé du logement. / La commission des recours est chargée de donner un avis préalable aux décisions du conseil d'administration ou du directeur général de l'agence statuant sur les sanctions prévues à l'article L. 321-2. / (...) / La commission est présidée par le directeur général de l'agence ou son représentant. Son secrétariat est assuré par l'agence. / Les modalités de fonctionnement de cette commission sont définies par son règlement intérieur, qu'elle adopte et soumet à l'approbation du conseil d'administration. ".

7. D'une part, en application de l'article 7 du décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de l'écologie exerce, pour le compte du ministre chargé du logement, la tutelle de l'Agence nationale de l'habitat. Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, régulièrement publié au Journal officiel de la République française n° 174 du 28 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République Française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat, et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité :/ 1° (...) les directeurs d'administration centrale (...) ". En application de ces dispositions, M. J... F..., qui avait été nommé, par décret du 11 juillet 2008, directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages au ministère de l'écologie, était de ce seul fait compétent pour signer les décisions des 23 juin 2010 et 27 octobre 2010 portant nomination des membres de la commission des recours de l'Agence nationale de l'habitat. Le moyen tiré de ce qu'il aurait dû bénéficier d'une délégation de signature spécifique de la part du ministre chargé du logement doit donc être écarté.

8. D'autre part, et contrairement à ce qui est allégué par la SCI Chabert et M.I..., les représentants respectifs des ministres chargés du logement et de l'économie, M. A...et M.H..., ont été désignés en qualité de membres de la commission des recours par le ministre chargé du logement par une décision du 22 octobre 2013 versée au dossier.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement intérieur de la commission des recours : " La commission des recours ne peut valablement délibérer que si la moitié au moins des membres sont présents ou représentés. Un membre de la commission qui n'est pas représenté peut donner mandat pour le représenter à un autre membre de la commission. Chacun des membres présents de la commission peut être porteur d'un mandat au plus. Les mandats doivent être transmis ou remis à l'agence au plus tard au début de la séance de la commission. Les avis de la commission sont pris à la majorité des voix, chaque membre présent ou régulièrement représenté dispose d'une voix ".

10. Il ressort des pièces du dossier que M. H...et Mme B...ont été régulièrement représentés au sein de la commission des recours dans sa séance du 24 octobre 2013. Par ailleurs, M. D... et M. G...ont donné leur pouvoir à deux membres présents. Le quorum étant atteint, la commission des recours a pu régulièrement émettre un avis sur les sanctions envisagées.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du règlement intérieur de la commission des recours, le secrétariat des séances est assuré par l'agence et aux termes de l'article 7 du même règlement, le président peut inviter à assister à une séance toute personne dont il juge la présence utile pour éclairer les débats. La circonstance que six agents de l'Agence nationale de l'habitat aient, sur le fondement de ces dispositions, assisté à la séance du 24 octobre 2013, durant laquelle trente-neuf affaires ont été examinées, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure alors qu'il ne ressort pas du procès-verbal qu'ils auraient pris part au délibéré ni que leur seule présence aurait été de nature à exercer une influence sur l'avis émis par la commission.

12. En dernier lieu, la SCI Chabert et M. I...soutiennent que les sanctions dont ils ont fait l'objet ont été prononcées à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe d'impartialité reconnu par les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : " Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai ".

14. Aux termes du I de l'article R. 321-21 du code de la construction en sa rédaction applicable au litige : " (...) Le conseil d'administration ou, par délégation, le directeur général de l'agence exerce le pouvoir de sanction prévu à l'article L. 321-2. Il peut, notamment, prononcer une sanction pécuniaire en cas de fausse déclaration ou de manoeuvre frauduleuse. (...) La commission examine la demande de sanction formulée par le conseil d'administration ou par le directeur général de l'agence. Elle notifie les griefs à la personne concernée et l'invite à présenter ses observations écrites. La notification est faite par tout moyen permettant de lui donner date certaine. Dans le délai d'un mois commençant à courir le lendemain du jour de la notification, le bénéficiaire de l'aide peut adresser des observations écrites à la commission des recours. (...) Dans le même délai, le bénéficiaire de l'aide peut demander à présenter des observations orales, en se faisant assister, le cas échéant, par un conseil de son choix ou en se faisant représenter (...) ".

15. Le moyen soulevé par la SCI Chabert et M. I...soulève la question suivante : Il résulte des dispositions combinées des articles R. 321-21 et R. 321-6-3 du code de la construction et de l'habitation que les sanctions susceptibles d'être prononcées par l'Agence nationale de l'habitat sont prononcées à l'initiative du conseil d'administration de l'agence ou, par délégation, de son directeur général, que la commission des recours chargée, dans le cadre d'une discussion contradictoire, d'émettre un avis sur les demandes de sanctions, est présidée par le directeur général de l'agence, ou son représentant et qu'enfin, la sanction est prononcée par le conseil d'administration ou, par délégation, par le directeur général de l'agence. Ces dispositions du code de la construction et de l'habitation, en ce qu'elles permettent au directeur général de l'Agence nationale de l'habitat d'être à la fois l'autorité qui est à l'origine de la procédure de sanction, celle qui préside la commission des recours et celle qui prononce la sanction, méconnaissent-elles les exigences posées par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et en particulier le principe d'impartialité '

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1400196 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Le dossier de la requête de l'Agence nationale de l'habitat est transmis au Conseil d'Etat pour examen de la question de droit définie dans les motifs du présent arrêt.

Article 3 : Il est sursis à statuer sur la requête de l'Agence nationale de l'habitat jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission au Conseil d'Etat du dossier de cette requête.

Article 4 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'au terme de l'instance.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à l'Agence nationale de l'habitat, à la SCI Chabert et à M. K... I....

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N° 17NC01727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01727
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CABINET D. MUSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-09-25;17nc01727 ?
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