La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2018 | FRANCE | N°17NC01755-17NC01901

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2018, 17NC01755-17NC01901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Chabert a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 307 358 euros émis à son encontre le 11 octobre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Par un jugement n° 1400003 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 juillet 2017 et le 7 août 2018 sous le n° 17NC01755, la SCI Chabert, représent

ée par la SELARL Cossalter, De Zolt et Couronne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Chabert a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 307 358 euros émis à son encontre le 11 octobre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH).

Par un jugement n° 1400003 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 18 juillet 2017 et le 7 août 2018 sous le n° 17NC01755, la SCI Chabert, représentée par la SELARL Cossalter, De Zolt et Couronne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 307 358 euros émis à son encontre

le 11 octobre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat ;

3°) de mettre à la charge de l'Agence nationale de l'habitat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé dans la mesure où les premiers juges n'ont pas recherché si la procédure contradictoire avait concerné l'application d'un loyer excessif ;

- faute pour la collectivité d'avoir entendu M. D...sur le dépassement des loyers pour les trois logements non concernés par les faux baux, le titre exécutoire n'a pas été précédé d'une procédure contradictoire ;

- la subvention est bien divisible ;

- la subvention n'a pas été attribuée par fraude, la fraude n'étant intervenue qu'a posteriori ;

- les loyers sont conformes aux maximums exigés par le code de la construction et de l'habitation, en particulier à son article R. 321-28 ;

- le loyer accessoire n'était pas excessif alors que l'ANAH ne justifie pas l'absence de respect des conditions posées dans la décision d'octroi ;

- la décision est créatrice de droits et l'ANAH ne pouvait retirer cette décision sans démontrer l'illégalité du versement de la subvention.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2018, l'Agence nationale de l'habitat, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Chabert au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

II - Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2017 sous le n° 17NC01901, la SCI Chabert, représentée par la SELARL Cossalter, De Zolt et Couronne, demande à la cour d'ordonner le sursis de l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017.

Elle soutient que :

- le recouvrement de la somme aurait des conséquences difficilement réparables ;

- ses moyens sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2018, l'Agence nationale de l'habitat, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCI Chabert au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante ne démontre pas le caractère difficilement réparable des conséquences du jugement ;

- les moyens ne paraissent pas sérieux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président-assesseur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., conseil de la SCI Chabert et de MeE..., conseil de l'Agence nationale de l'habitat.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 28 juin 2010, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a attribué à la SCI Chabert une subvention de 295 541 euros dans le cadre de la réhabilitation d'un immeuble situé rue Ausone à Metz. Par une décision du 2 avril 2013, la directrice générale de l'ANAH a retiré cette subvention et a réclamé à la SCI Chabert le reversement de la somme de 307 358 euros, majorations incluses. Le 11 octobre 2003, elle a émis à son encontre un titre exécutoire du même montant. La SCI Chabert relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire.

2. Les requêtes n° 17NC01755 et n° 17NC01901 sont dirigées contre un même jugement.

Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la requête 17NC01755 :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

3. L'examen du jugement attaqué révèle que les premiers juges ont écarté le moyen tiré par la SCI Chabert de l'insuffisante mise en oeuvre de la procédure contradictoire en relevant qu'en tout état de cause, elle avait été mise à même de présenter ses observations par un courrier du 29 janvier 2013, préalablement à la décision du 2 avril 2013 lui notifiant l'obligation de reversement. Toutefois, alors, en outre, que ce moyen n'a pas été visé dans le jugement, il ressort de l'examen de la demande de première instance qu'il consistait à soutenir que la SCI Chabert n'avait pas été mise à même de s'expliquer sur le grief tiré de ce que certains des logements subventionnés avaient effectivement méconnu le loyer maximal mentionné dans les baux. La SCI Chabert est, dans ces conditions, fondée à soutenir que le jugement qui n'est pas suffisamment motivé, s'agissant de sa réponse apportée à ce moyen, est entaché d'irrégularité et qu'il doit, par suite, être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCI Chabert devant le tribunal administratif de Strasbourg.

En ce qui concerne la légalité du titre exécutoire :

5. En premier lieu, il résulte de l'article 1er de la décision du

1er septembre 2012, régulièrement publiée au bulletin officiel n° 2013/1 du 25 janvier 2013, par laquelle la directrice générale de l'ANAH lui a délégué sa signature, que

M. F...C..., directeur général adjoint de l'agence, est, en son absence, autorisé à signer tous actes relevant de la compétence d'ordonnateur de la directrice générale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M.C..., signataire du titre exécutoire litigieux, doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 321-21 du code de la construction et de l'habitation : " Le retrait de l'aide versée par l'agence est prononcé et le reversement des sommes perçues exigé s'il s'avère que celle-ci a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou de manoeuvres frauduleuses / Le retrait et le reversement total ou partiel peuvent également être prononcés en cas de non-respect des prescriptions de la présente section ou des conventions conclues en application des articles L. 321-4 et L. 321-8, ou de toute autre convention liée au bénéfice des aides de l'agence, selon les modalités fixées par le règlement général de l'agence. ". Aux termes de l'article 62 du règlement général de l'ANAH, approuvé par arrêté du 2 février 2011 : " En cas de non-respect des prescriptions relatives au bénéfice des aides de l'agence objet du présent chapitre, et des conditions particulières éventuellement notifiées par le directeur général, ou en cas de réalisation non conforme à l'objet de l'opération, le directeur général de l'agence, après avis de la commission LHI, décide du retrait total ou partiel de la subvention et du reversement total ou partiel des sommes déjà versées. Préalablement à toute décision de retrait ou de reversement, un courrier est adressé au bénéficiaire pour l'informer de la mise en oeuvre de la procédure et l'inviter à présenter ses observations dans un délai qu'il fixe mais qui ne saurait excéder deux mois. Les dispositions du troisième alinéa de l'article 22 du présent règlement sont applicables aux décisions de reversement des subventions attribuées au titre du présent chapitre. La décision est notifiée au maître d'ouvrage par lettre recommandée avec accusé de réception. Le paiement est effectué à l'agence comptable de l'ANAH dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision de reversement ".

7. Par une lettre du 29 janvier 2013, l'ANAH a informé la SCI Chabert de la mise en oeuvre d'une procédure contradictoire préalable à un reversement aux motifs, d'une part, que les baux remis à l'agence au moment de la demande de paiement du solde de la subvention, différents des baux authentiques signés par les locataires, sont des faux dont la fourniture est constitutive d'une manoeuvre frauduleuse et d'autre part, que les engagements de location repris notamment dans le formulaire de demande de subvention signé par le bénéficiaire, ainsi que les engagements fixés par les conventions n'ont, dès l'origine, jamais été respectés, du fait notamment d'un montant de loyers pratiqués supérieur aux plafonds autorisés. La décision de retrait et de reversement du 2 avril 2013 est fondée sur ces deux motifs et par suite, le moyen tiré de ce que la société requérante n'aurait pas été mise en mesure de présenter ses observations sur ce dernier grief manque en fait et doit être écarté.

8. En troisième lieu, l'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.

9. D'une part, dans un jugement du 24 avril 2014, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Metz a condamné M.D..., gérant de la SCI Chabert, à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis pour avoir transmis à l'ANAH des quittances de loyer dont le montant est inférieur à ceux réellement pratiqués, ainsi que de faux baux sur lesquels il a imité la signature des locataires concernés et de fausses attestations de loyer, et pour avoir ainsi indûment obtenu de cette agence la somme de 295 451 euros à titre de subvention, alors qu'il savait ne pas remplir les conditions pour la percevoir en raison du montant des loyers exigés. Ces constatations de fait opérées par la juridiction pénale s'imposant au juge administratif, la SCI Chabert n'est pas fondée à soutenir que cette fraude en ce qu'elle n'aurait été mise en évidence que postérieurement à l'attribution de la subvention, ne pouvait avoir aucune incidence sur l'obligation de reversement à laquelle elle a été soumise. Au demeurant, elle ne conteste pas la réalité de la fraude commise s'agissant de quatre des sept logements concernés par la subvention en litige.

10. D'autre part, aux termes de l'article R. 321-27 du code de la construction et de l'habitat : " Le loyer maximal applicable aux logements conventionnés ainsi que les conditions de son évolution sont fixés par la convention. / La valeur de ce loyer est fixée au mètre carré de surface habitable au sens de l'article R. 111-2, augmentée de la moitié, dans la limite de 8 mètres carrés par logement, de la surface des annexes définies par l'arrêté pris en application de l'article R. 353-16. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 9 mai 1995 pris en application de l'article R. 353-16 et de l'article R. 331-10 du code de la construction et de l'habitation : " Pour la définition de la surface utile visée à l'article R. 331-10 et au 2° de l'article R. 353-16 du code de la construction et de l'habitation, les surfaces annexes sont les surfaces réservées à l'usage exclusif de l'occupant du logement et dont la hauteur sous plafond est au moins égale à 1,80 mètre. Elles comprennent les caves, les sous-sols, les remises, les ateliers, les séchoirs et celliers extérieurs au logement, les resserres, les combles et greniers aménageables, les balcons, les loggias et les vérandas et dans la limite de 9 mètres carrés les parties de terrasses accessibles en étage ou aménagées sur ouvrage enterré ou à moitié enterré. ".

11. La SCI Chabert fait valoir que les loyers perçus pour les logements concernés étaient conformes aux maximums exigés par le code de la construction en se bornant à soutenir que le supplément de loyer demandé concernait des annexes et des équipements supplémentaires. Toutefois, s'il résulte en effet de l'instruction que la société a appliqué un loyer accessoire pour les logements n° 4, 5, 6 et 7 respectivement de 168,58 euros, 287,07 euros, 180,55 euros et 166,98 euros en raison, selon elle, de la mise à disposition des locataires d'une cuisine équipée, d'un meuble de salle de bain et d'un garage, ces aménagements mobiliers ne constituent pas des annexes au sens de l'arrêté du 9 mai 1995 précité. Au demeurant les baux n° 6 et 7 font état de places de stationnement et non de garages. Par ailleurs, les prix retenus par la SCI Chabert sont très largement supérieurs au prix du marché qui est proche de 70 euros pour la location d'un garage fermé dans le secteur géographique concerné. Enfin, la SCI Chabert a transmis à l'ANAH des baux pour les loyers conventionnés qui ne mentionnent pas ces annexes. Dans cette mesure, la SCI Chabert doit être regardée comme ayant appliqué pour ces logements sociaux conventionnés des dépassements de loyer en méconnaissance des engagements qu'elle avait souscrits en vue d'obtenir la subvention en litige.

12. Enfin, et dès lors qu'il est établi d'une part, que pour quatre des sept logements, la société a produit des faux baux afin de percevoir indûment le solde de la subvention en cause et d'autre part, qu'elle a demandé à ses locataires des loyers supérieurs au maximum autorisé, l'ANAH a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que la gravité des manquements commis justifiait le retrait de la totalité de l'aide accordée.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la demande de la SCI Chabert tendant à l'annulation du titre exécutoire doit être rejetée.

En ce qui concerne les frais liés à l'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la l'ANAH qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que réclame la SCI Chabert au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Chabert, partie perdante, le versement à l'ANAH d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

Sur la requête n° 17NC01901 :

16. Le présent arrêt statue sur les conclusions de la SCI Chabert tendant à l'annulation du jugement n° 1400003 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17NC01901 par laquelle la SCI Chabert demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

17. Il n'y a enfin pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'ANAH au titre des frais liés à cette instance.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1400003 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SCI Chabert devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La SCI Chabert versera à l'Agence nationale de l'habitat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17NC01901 de la SCI Chabert.

Article 5 : Les conclusions présentées par l'Agence nationale de l'habitat dans l'instance 17NC01901 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Chabert et à l'Agence nationale de l'habitat.

2

N° 17NC01755-17NC01901


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01755-17NC01901
Date de la décision : 25/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-03-01-01 Logement. Aides financières au logement. Primes et prêts à la construction. Primes à la construction.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CABINET D. MUSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-09-25;17nc01755.17nc01901 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award