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27/12/2018 | FRANCE | N°17NC01902

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 27 décembre 2018, 17NC01902


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Immobilière (SCI) Aymen a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement la commune de Reims et la société Gaston Viellard à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices que lui ont causés les travaux de démolition de l'immeuble mitoyen de celui dont elle était propriétaire.

Par un jugement n° 1302007 du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné solidairement la commune de Reims et la sociét

Gaston Viellard à verser une somme de 166 600,29 euros à la SCI Aymen ainsi qu'une so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile Immobilière (SCI) Aymen a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement la commune de Reims et la société Gaston Viellard à lui verser diverses sommes en réparation des préjudices que lui ont causés les travaux de démolition de l'immeuble mitoyen de celui dont elle était propriétaire.

Par un jugement n° 1302007 du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné solidairement la commune de Reims et la société Gaston Viellard à verser une somme de 166 600,29 euros à la SCI Aymen ainsi qu'une somme de 178 677,42 euros à la société Filia-MAIF et, au titre des appels en garantie présentés par la commune et la société Gaston Viellard, a condamné cette société à garantir intégralement la commune de Reims des condamnations prononcées à son encontre.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 juillet 2017 et 15 décembre 2017, la société Gaston Viellard, représentée par Me C...de l'association d'avocats Montalescot - Aily - C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 27 juin 2017 en tant qu'il l'a condamnée à garantir intégralement la commune de Reims des condamnations prononcées à son encontre.

2°) de condamner la commune de Reims à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de 80 % ;

3°) de condamner la commune de Reims à lui rembourser, à concurrence de sa part de responsabilité, les sommes qu'elle a réglées en exécution de l'ordonnance de référé du 11 septembre 2015 et du jugement attaqué du 27 juin 2017 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Reims le versement d'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'a pas été démontré que le rapport du 4 janvier 2011 de M. D...lui aurait été communiqué avant qu'elle établisse son devis et précise son mode opératoire pour la réalisation des travaux de démolition ;

- en réalité, ce rapport ne lui a été communiqué que le 1er décembre 2011, postérieurement à l'établissement de son devis ;

- la commune de Reims, maître d'oeuvre, est l'auteur du cahier des clauses techniques particulières et conformément à l'article 7.12.1 de ce document, elle devait, après avoir conçu les modalités d'exécution des travaux de démolition, lui présenter sur place les travaux à entreprendre et lui en spécifier la nature ;

- en cette même qualité, elle était également en charge de la réalisation des plans d'exécution des travaux, des notes de calcul et des études de détails en vertu des stipulations de l'article 9.2 du cahier des clauses administratives particulières ;

- il n'est pas établi qu'un document lui ait été remis pour l'alerter sur l'état des bâtiments avoisinants avant son intervention et il incombait à la commune de réaliser une étude spécifique à cet égard ;

- la commune a validé sans émettre de réserve le mode opératoire et les prestations prévus dans le devis transmis le 16 novembre 2011.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 27 novembre 2017 et le 4 janvier 2018, la commune de Reims, représentée par la SELAS Cabinet Devarenne Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Gaston Viellard le versement d'une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- des échanges ont eu lieu entre la commune et la société Gaston Viellard quant à la méthodologie et le mode opératoire des travaux de démolition à prévoir en complément des préconisations générales contenues aux pièces du marché ;

- la société Gaston Viellard, qui est spécialisée dans les opérations de démolition, était contractuellement tenue de réaliser toutes les prestations nécessaires à la bonne exécution des travaux de démolition ;

- le rapport de M. D... lui a été transmis le 1er décembre 2011 et s'il était de nature à remettre en cause son devis, elle devait le faire savoir à la commune ;

- la commune n'avait pas conservé à sa charge la mission de maîtrise d'oeuvre d'exécution ;

- le rapport de M. D... préconisait un mode opératoire spécifique pour la démolition de cet immeuble et faisait état de contraintes particulières liées à sa mitoyenneté.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Gaston Viellard ainsi que de Me E... pour la commune de Reims.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir fait constater, par voie d'expertise, l'état de péril caractérisant l'immeuble situé au 48 rue Gambetta à Reims, le maire de Reims a, par arrêté du 22 février 2011, mis en demeure son propriétaire, M.B..., de faire réaliser, dans les deux mois, les travaux nécessaires de mise en sécurité ou de démolition. Ce dernier n'ayant pas déféré à cette injonction, la commune de Reims s'est substituée à lui et a, le 22 novembre 2011, confié à la société Gaston Viellard la mission de procéder à la démolition de l'immeuble. Les opérations de démolition ayant endommagé l'immeuble mitoyen du 50 de la rue Gambetta, dont la société civile immobilière (SCI) Aymen est propriétaire, cette dernière a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner solidairement la commune de Reims et la société Gaston Viellard à réparer les préjudices qui lui ont ainsi été occasionnés.

2. Par un jugement du 27 juin 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a solidairement condamné la commune de Reims et la société Gaston Viellard à verser, d'une part, une somme de 166 600,28 euros à la SCI Aymen, d'autre part, une somme de 178 677,42 euros à la société d'assurance Filia-MAIF. La société Gaston Viellard fait appel de ce jugement en tant seulement qu'il l'a également condamnée à garantir la commune de Reims de l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière.

3. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement - réserve étant faite par ailleurs de l'hypothèse où le dommage subi par le tiers trouverait directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché et qui seraient de nature à entraîner la mise en jeu de la responsabilité des constructeurs envers le maître d'ouvrage sur le fondement des principes régissant la garantie décennale des constructeurs - que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.

4. Il résulte de l'instruction que les travaux de démolition de l'immeuble situé au 48 rue Gambetta à Reims ont fait l'objet d'un bon de commande délivré à la société Gaston Viellard, dans le cadre d'un marché conclu le 14 décembre 2009 avec cette dernière par la commune de Reims. L'entreprise a alors adressé un devis à la commune le 16 novembre 2011 et par un ordre de service du 22 novembre 2011, le maire de Reims a prescrit le commencement des travaux de démolition de l'immeuble. La réception sans réserves de ces travaux n'a été prononcée que le 26 décembre 2014 et dans ces conditions, l'appel en garantie présenté en première instance contre la société Gaston Viellard par la commune de Reims dès le 20 décembre 2013 ne saurait avoir qu'un fondement contractuel.

5. Selon les stipulations de l'article 7.12 " Démolitions " du cahier des clauses techniques particulières applicable au marché, l'entrepreneur, auquel est spécifiée la nature des travaux de démolition à entreprendre, doit tenir compte de la configuration des lieux et il " est tenu pour responsable de tous dégâts, dégradations et détériorations ou sinistres qui surviendraient aux ouvrages existants conservés par suite des travaux de démolition ou constructions existantes mitoyennes ". Par ailleurs, selon les mêmes stipulations, il lui incombe d'effectuer les démolitions " par tous moyens appropriés " et " de prendre les mesures et précautions nécessaires pour éviter que les travaux n'affectent les propriétés voisines ".

6. Il résulte de l'instruction que la commune de Reims a communiqué à la société Gaston Viellard, au plus tard par courriel du 1er décembre 2011, le rapport d'expertise établi le 4 janvier 2011, dans le cadre de la procédure de péril, par M. D...qui a précisément décrit l'état de l'immeuble situé au 48 rue Gambetta. Ce rapport présentait ainsi les spécificités du site et indiquait notamment que le mur pignon situé du côté du 50 rue Gambetta était porteur, ce qui constituait un risque supplémentaire pour les deux immeubles. Ce rapport mentionnait également qu'il n'avait pu être détecté si les bâtiments étaient disjoints ou si la maçonnerie séparative était constitutive d'un double mur pignon pour les deux propriétés et il soulignait, en outre, de manière explicite l'existence d'un risque d'entrainement du 50 rue Gambetta en cas de mouvement plus accentué du 48 avec des conséquences gravissimes pour les deux immeubles. Ce rapport déduisait enfin de ces constatations la nécessité de procéder, d'une part, à une démolition précautionneuse depuis la partie supérieure de la construction, avec démontage des cheminées, en prenant soin de conserver le mur mitoyen entre le 48 et le 50 rue Gambetta et, d'autre part, à la mise en place d'une confortation et d'un bâchage en applique du pignon 50 rue Gambetta, dont on ne pouvait exclure une décompression du fait de la perte d'appui créé par l'immeuble du 48 rue Gambetta. A la date à laquelle elle a procédé à la réalisation effective des travaux de démolition, la société Gaston Viellard était ainsi entièrement informée des caractéristiques et des fragilités des immeubles situés au 48 et au 50 de la rue Gambetta et si elle soutient que le devis de démolition qu'elle avait adressé à la commune avait été établi avant d'avoir obtenu la communication de ce rapport, il lui appartenait, en sa qualité de professionnelle des travaux de démolition, sinon de modifier ce devis pour tenir compte des éléments de ce rapport, du moins si elle s'estimait insuffisamment renseignée sur l'état du site de procéder à des investigations complémentaires lui permettant d'assurer sa mission dans le respect des obligations mises à sa charge par les stipulations précitées du cahier des clauses techniques particulières. Par suite, les désordres ayant affecté l'immeuble appartenant à la SCI Aymen trouvent leur origine exclusive dans les manquements de la société Gaston Viellard à ses obligations contractuelles sans que cette dernière puisse les imputer à une faute de surveillance, au demeurant non établie, de la commune de Reims.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Gaston Viellard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à garantir la commune de Reims de l'intégralité des condamnations prononcées contre cette dernière au profit de la SCI Aymen et de son assureur, la société Filia-MAIF.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Reims, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Gaston Viellard demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société Gaston Viellard le versement à la commune de Reims d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Gaston Viellard est rejetée.

Article 2 : La société Gaston Viellard versera à la commune de Reims une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gaston Viellard et à la commune de Reims.

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N° 17NC01902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01902
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-01 Responsabilité de la puissance publique. Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. Action en garantie.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : BILLET MOREL BILLET-DEROI THIBAUT SELARL

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;17nc01902 ?
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