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26/02/2019 | FRANCE | N°18NC00163

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 26 février 2019, 18NC00163


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fimaluplast a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 novembre 2015 par laquelle l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois a résilié le contrat correspondant au lot n° 7 " Menuiserie extérieure " d'un marché de travaux relatif à la première phase de restructuration et d'extension de l'établissement, et de condamner l'EHPAD de Ligny-en-Barrois à lui verser une somme de 138 926 euros.

Par un jugement n°

1600038 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Nancy, a prononcé un non-lie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Fimaluplast a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 5 novembre 2015 par laquelle l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois a résilié le contrat correspondant au lot n° 7 " Menuiserie extérieure " d'un marché de travaux relatif à la première phase de restructuration et d'extension de l'établissement, et de condamner l'EHPAD de Ligny-en-Barrois à lui verser une somme de 138 926 euros.

Par un jugement n° 1600038 du 28 novembre 2017, le tribunal administratif de Nancy, a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre la mesure de résiliation, a rejeté la demande indemnitaire de la société Fimaluplast et a fait droit à la demande reconventionnelle présentée par l'EHPAD de Ligny-en-Barrois en condamnant la société Fimaluplast à lui verser une somme de 20 297,14 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 janvier 2018 et 23 octobre 2018, la société Fimaluplast, représentée par la SELARL Leclercq-Leroy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 28 novembre 2017 en tant qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation ;

2°) de condamner l'EHPAD de Ligny-en-Barrois à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conséquences financières occasionnées par la résiliation du marché ;

3°) de rejeter les demandes indemnitaires présentées par l'EHPAD de Ligny-en-Barrois ;

4°) de mettre à la charge de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mise en demeure du 5 août 2015 ne lui a pas laissé un délai raisonnable pour exécuter les prestations demandées par le maître de l'ouvrage ;

- à la suite de cette mesure, elle a tenté de poursuivre l'exécution du chantier et a fait part au maître de l'ouvrage de ses difficultés d'approvisionnement ;

- les parties sont d'ailleurs convenues que les bâtis de porte ne seraient pas immédiatement posés dans la mesure où les accès étaient bloqués ;

- si cette mise en demeure lui reproche son retard, elle omet de préciser que le maître de l'ouvrage n'avait pas respecté ses obligations contractuelles en ne réglant pas les situations provisoires ;

- elle ne pouvait pas respecter la seconde mise en demeure du 28 septembre 2015 dès lors que les travaux demandés ne pouvaient pas être réalisés dans le délai imparti, les menuiseries commandées par le maître de l'ouvrage et son appareil de production ayant été détruits lors de l'incendie de ses locaux, survenu le 26 septembre 2015, ce dont l'EHPAD de Ligny-en-Barrois avait été informé ;

- cette dernière mise en demeure concerne des prestations distinctes de la précédente mise en demeure, ce qui démontre que les prestations alors demandées avaient été réalisées ;

- l'incendie de ses locaux est un cas de force majeure qui lui permet de se libérer sans indemnité de ses obligations contractuelles ;

- la mise en demeure du 28 septembre 2015 est abusive dès lors que l'incendie de ses locaux la plaçait dans l'incapacité de faire face à ses obligations contractuelles ;

- l'EHPAD de Ligny-en-Barrois aurait dû proposer compte tenu de cette situation une résiliation amiable du marché ;

- la résiliation prononcée à son encontre lui a occasionné un préjudice financier qui, s'il n'est pas directement à l'origine de la cessation de son activité liée à l'incendie de ses locaux, a néanmoins aggravé sa situation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois, représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Fimaluplast le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la résiliation du 5 novembre 2015 est justifiée par l'inexécution par la société Fimaluplast de ses obligations contractuelles et non par l'incendie dont elle a été victime ;

- lors de la première mise en demeure du 5 août 2015, la société avait déjà un retard de quatre-vingt-six jours calendaires ce dont attestent les comptes rendus de chantiers et le procès verbal d'huissier du 5 octobre 2015 ;

- l'incendie des locaux de la société est sans lien avec la mesure de résiliation prononcée à son encontre ;

- la demande indemnitaire de la société ne fait pas état de son fondement et le quantum n'est pas justifié ;

- la société Fimaluplast ne démontre pas avoir subi un préjudice ;

- une somme de 104 736,49 euros toutes taxes comprises lui a été réglée au titre de l'exécution des prestations de son marché ;

- l'article 46.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux exclut tout droit à indemnisation lorsque la résiliation est prononcée aux torts exclusifs du titulaire du marché ;

- l'achèvement des prestations du marché a dû, pour être réalisé dans les délais, être confié à une nouvelle entreprise, qui a engendré un surcoût de 20 297,14 euros hors taxes, ce qui justifie sa demande d'indemnisation au titre des stipulations des articles 48.3 et suivants du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Louis, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Pour la construction d'une unité d'accueil spécifique des patients souffrant de la maladie d'Alzheimer d'une capacité de vingt-six lits, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de Ligny-en-Barrois a, par un acte d'engagement du 10 juin 2014, confié à la société Fimaluplast la réalisation du lot n° 7 " Menuiserie extérieure " de cette opération, pour un montant de 115 771 79 euros hors taxes, soit 138 926,15 euros toutes taxes comprises. Par un ordre de service du 16 janvier 2015, le calendrier détaillé d'exécution des prestations a été notifié à cette société. En raison des retards constatés dans l'exécution de ses obligations contractuelles, l'EHPAD de Ligny-en-Barrois lui a adressé deux mises en demeure, les 5 août et 28 septembre 2015, avant, le 5 novembre 2015, de prononcer la résiliation du marché pour faute, à ses frais et risques. La société Fimaluplast fait appel du jugement du 28 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande indemnitaire d'un montant de 138 926 euros et a fait droit à la demande reconventionnelle présentée par l'EHPAD de Ligny-en-Barrois en condamnant la société à lui verser une somme de 20 297,14 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016.

Sur le bien fondé de la résiliation du marché et la demande indemnitaire :

2. Aux termes de l'article 46.3.1 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux applicables au contrat en litige en vertu des stipulations des articles 2 et 12-1 du cahier des clauses administratives particulières du marché : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'oeuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent (...). Aux termes de l'article 46.3.2 du même document : " Sauf dans les cas prévus aux g, i, k et l du 46.3.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'alors que la société Fimaluplast avait accumulé un retard de quatre-vingt-six jours calendaires dans l'exécution de l'ensemble de ses obligations contractuelles par rapport au calendrier détaillé d'exécution qui lui avait été notifié le 16 janvier 2015, l'EHPAD de Ligny-en-Barrois lui a adressé, le 5 août 2015, une première mise en demeure d'exécuter avant le 17 août suivant, quatre prestations de son marché. Si elle soutient que le délai qui lui était ainsi imparti n'était pas suffisant pour réaliser les prestations demandées, cette mise en demeure se bornait à l'informer qu'en cas d'inexécution, celles-ci seraient réalisées à ses frais et risques, sans résiliation du marché. Il est constant que la résiliation en litige est intervenue après une seconde mise en demeure datée du 28 septembre 2015 et il en résulte qu'elle ne peut, dans ces conditions, être regardée comme ayant été décidée en conséquence de l'inexécution de celle du 5 août 2015. Le moyen soulevé à cet égard présente donc un caractère inopérant.

4. En second lieu si, après avoir reçu le 28 septembre 2015, une autre mise en demeure de réaliser, dans les délais contractuels, les prestations inexécutées, la société Fimaluplast s'est prévalue de l'incendie de ses locaux, survenu le 26 septembre 2015, qui a notamment détruit les menuiseries commandées par le maître de l'ouvrage et son appareil de production, cet évènement, en admettant même qu'il puisse relever d'un cas de force majeure, ne saurait être regardé comme susceptible de l'exonérer des conséquences de son manquement à ses obligations, dès lors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, l'important retard qui lui est imputable, avait déjà été constaté dès le 5 août 2015.

5. Il en résulte qu'en raison de son ampleur, le retard de la société Fimaluplast à s'acquitter de ses obligations dans les délais contractuels, est constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du marché à ses torts exclusifs. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur l'indemnité mise à la charge de la société Fimaluplast :

6. Ainsi qu'il a été exposé au point 4 ci-dessus, la société Fimaluplast ne peut se prévaloir d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer de sa responsabilité contractuelle. Par suite, et ainsi qu'il résulte des stipulations du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux applicables au contrat et notamment de celles de son article 48.6, l'EHPAD de Ligny-en-Barrois était en droit d'obtenir une indemnité correspondant à l'excédent de dépenses résultant du marché de substitution qu'il a conclu avec la société Menuiserie Lefèvre, pour un montant non contesté de 20 297,14 euros hors taxes.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Fimaluplast n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy l'a condamnée à verser à l'EHPAD de Ligny-en-Barrois une somme de 20 297,14 euros hors taxes.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'EHPAD de Ligny-en-Barrois, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Fimaluplast demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Fimaluplast le versement d'une somme de 1 500 euros à l'EHPAD de Ligny-en-Barrois sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Fimaluplast est rejetée.

Article 2 : La société Fimaluplast versera à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Ligny-en-Barrois une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fimaluplast et l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de Ligny-en-Barrois.

2

N° 18NC00163


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00163
Date de la décision : 26/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. Fin des contrats. Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : LECLERCQ-LEROY

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-26;18nc00163 ?
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