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19/03/2019 | FRANCE | N°17NC01727

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 19 mars 2019, 17NC01727


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Chabert et M. J...I...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 octobre 2013 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat leur a infligé diverses sanctions et en particulier une sanction pécuniaire de 38 263 euros infligée à la SCI Chabert. Cette dernière a également demandé à ce tribunal d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 38 263 euros émis à son encontre le 8 novembre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat en vue du recouvrement de cette somme.



Par un jugement n° 1400195-1400196 du 16 mai 2017, le tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Chabert et M. J...I...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 31 octobre 2013 par laquelle l'Agence nationale de l'habitat leur a infligé diverses sanctions et en particulier une sanction pécuniaire de 38 263 euros infligée à la SCI Chabert. Cette dernière a également demandé à ce tribunal d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 38 263 euros émis à son encontre le 8 novembre 2013 par l'Agence nationale de l'habitat en vue du recouvrement de cette somme.

Par un jugement n° 1400195-1400196 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 31 octobre 2013 et le titre exécutoire du 8 novembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 13 juillet 2017 et le 3 août 2018, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 16 mai 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la SCI Chabert et M. I...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la SCI Chabert et de M. I...le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le jugement est irrégulier dans la mesure où le tribunal n'a pas répondu à un moyen présenté en défense tiré de ce que la présence de ses agents à la séance de la commission des recours était prévue par des textes ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'impartialité alors que les textes organisant la procédure de sanction n'imposent pas une distinction entre organes d'instruction et de sanction, que la présence des agents en séance est prévue par l'article 7 du règlement et que l'intervention de la commission des recours constitue une garantie ;

- l'irrégularité alléguée ne présente pas de caractère substantiel ;

- l'indépendance et l'impartialité de la commission sont garanties ;

- la sanction n'est pas disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2018, la SCI Chabert représentée par la SELARL Cossalter, De Zolt et Couronne, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme

de 2 000 euros soit mise à la charge de l'ANAH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- le principe d'impartialité est méconnu dans la mesure où la directrice générale de l'agence a tout à la fois sollicité la sanction et présidé la commission des recours, où elle avait reçu un pouvoir d'un membre de la commission, et où six agents ont participé aux travaux de la commission sans en être membres ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un arrêt avant-dire droit du 25 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, pour irrégularité, le jugement n° 1400196 du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg et, statuant par la voie de l'évocation, a écarté plusieurs moyens soulevés devant les premiers juges par les intimés, avant de décider, par application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier de la requête au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen la question de savoir si les dispositions du code de la construction et de l'habitation, en ce qu'elles permettent au directeur général de l'ANAH d'être à la fois l'autorité à l'origine de la procédure de sanction, de présider la commission des recours et de prononcer la sanction, méconnaissent les exigences posées par l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en particulier, le principe d'impartialité.

Le Conseil d'Etat a émis, le 21 décembre 2018, un avis contentieux n° 424520 sur les questions posées par la cour.

Par des mémoires enregistrés le 18 janvier 2019 et le 25 janvier 2019, l'ANAH, représentée par MeC..., réitère ses conclusions et soutient en outre que :

- les nouveaux moyens soulevés par les intimés ne sont pas recevables ;

- la commission des recours est composée régulièrement dans la mesure où la sous-direction du financement du logement relève de la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et où Mme K...a été nommée en qualité de sous-directrice du financement du logement par arrêté du 13 mars 2012 ;

- la participation des suppléants à cette commission est prévue par l'article 3 du décret n°2006-672 du 8 juin 2006 ;

- la sanction n'est pas disproportionnée.

Par un mémoire enregistré le 19 janvier 2019, la SCI Chabert représentée par la SELARL Cossalter, De Zolt et Couronne, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme

de 2 000 euros soit mise à la charge de l'ANAH au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient en outre que :

- la composition de la commission des recours est irrégulière dans la mesure où l'arrêté du 22 octobre 2013 portant nomination de membres de cette commission a été signé non pas par la ministre chargée du logement, mais, pour la ministre, par Mme H...K..., sous-directrice du financement du logement ;

- deux membres présents n'ont pas été désignés par la ministre du logement ;

- l'irrégularité de la composition de la commission est manifestement susceptible d'avoir exercé une influence sur la décision de la directrice générale de l'ANAH ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par une lettre enregistrée le 25 janvier 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a informé la cour qu'il n'entendait pas présenter d'observations dans cette instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- l'arrêté du 9 juillet 2008 ;

- l'arrêté du 2 février 2011 portant approbation du règlement général de l'Agence nationale

de l'habitat ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Wallerich, président-rapporteur,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., représentant l'Agence nationale de l'habitat.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 28 juin 2010, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) a attribué à la SCI Chabert une subvention de 295 541 euros dans le cadre de la réhabilitation d'un immeuble situé rue Ausone à Metz. Par une décision du 2 avril 2013, l'ANAH a retiré cette subvention et a réclamé à la SCI Chabert le reversement de la somme de 307 358 euros, majorations comprises. Le 31 octobre 2013, après avis de sa commission des recours du 24 octobre 2013, elle a également prononcé d'une part, contre cette société et M.I..., gérant, une sanction consistant à les priver, pour les cinq ans à venir, de toute possibilité d'obtenir une subvention pour les logements qu'ils détiendraient ou dont ils seraient, directement ou non, propriétaires, et d'autre part, à l'égard de la seule SCI Chabert, une sanction pécuniaire d'un montant de 38 263 euros pour laquelle elle a ensuite émis, le 8 novembre 2013, un titre exécutoire. L'ANAH a relevé appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 31 octobre 2013 et le titre exécutoire du 8 novembre 2013.

2. Par un arrêt avant-dire droit du 25 septembre 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé, pour irrégularité, le jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg et statuant par la voie de l'évocation, a écarté certains des moyens soulevés en première instance par la SCI Chabert et M.I.... Il y a lieu de statuer sur les autres moyens qu'ils ont soulevés devant le tribunal administratif ainsi que sur les nouveaux moyens soulevés devant la cour.

Sur la légalité de la décision du 31 octobre 2013 :

En ce qui concerne la composition de la commission des recours :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 321-6-3 du code de la construction et de l'habitat dans sa rédaction alors en vigueur : " La commission des recours mentionnée à l'article R.321-1 est composée d'un représentant du ministre chargé du logement, d'un représentant du ministre chargé de l'économie, d'un représentant des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, d'un représentant des présidents de conseils départementaux, d'un représentant des propriétaires et d'un représentant des locataires ainsi que d'un représentant de l'Union d'économie sociale du logement. Les membres de la commission sont nommés par le ministre chargé du logement. / La commission des recours est chargée de donner un avis préalable aux décisions du conseil d'administration ou du directeur général de l'agence statuant sur les sanctions prévues à l'article L. 321-2. / (...) / La commission est présidée par le directeur général de l'agence ou son représentant. Son secrétariat est assuré par l'agence. / Les modalités de fonctionnement de cette commission sont définies par son règlement intérieur, qu'elle adopte et soumet à l'approbation du conseil d'administration. ".

4. En application de l'article 7 du décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008, la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages du ministère de l'écologie exerce, pour le compte du ministre chargé du logement, la tutelle de l'ANAH. Aux termes de l'article 7.1 de l'arrêté du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire : " La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages comprend : - la sous-direction du financement du logement ; (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, régulièrement publié au Journal officiel de la République française n° 174 du 28 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République Française de l'acte les nommant dans leurs fonctions (...), peuvent signer au nom du ministre ou du secrétaire d'Etat, et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité :(...) 2°Les chefs de service, directeurs-adjoints, sous-directeurs (...) ". Par arrêté du Premier ministre, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, en date du 13 mars 2012 et publié au Journal officiel du 15 mars 2012, Mme H...K..., ingénieure en chef des ponts, des eaux et des forêts, a été nommée, à compter du 19 mars 2012, sous-directrice du financement du logement à la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages à l'administration centrale du ministère de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement (direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature). En application de ces dispositions, MmeK..., était, de ce seul fait, compétente pour signer la décision du 22 octobre 2013 portant nomination des membres de la commission des recours de l'ANAH. Le moyen tiré de ce que M. A... et M. G...auraient ainsi été désignés par une autorité incompétente doit donc être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 du décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 applicable aux commissions administratives à caractère consultatif, quelle que soit leur dénomination, placées auprès des autorités de l'Etat et des établissements publics administratifs de l'Etat : " Sous réserve de règles particulières de suppléance : 1° Le président et les membres des commissions qui siègent en raison des fonctions qu'ils occupent peuvent se faire suppléer par un membre du service ou de l'organisme auquel ils appartiennent ; (...) ". Aux termes de l'article 4 du règlement intérieur de la commission des recours de l'ANAH : " La commission des recours ne peut valablement délibérer que si la moitié au moins des membres sont présents ou représentés. Un membre de la commission qui n'est pas représenté peut donner mandat pour le représenter à un autre membre de la commission. Chacun des membres présents de la commission peut être porteur d'un mandat au plus. Les mandats doivent être transmis ou remis à l'agence au plus tard au début de la séance de la commission. Les avis de la commission sont pris à la majorité des voix, chaque membre présent ou régulièrement représenté dispose d'une voix ".

6. Il résulte du procès-verbal de la commission des recours du 24 octobre 2013 que M. G..., chef du bureau des financements du logement au ministère de l'économie, y a été représenté par son adjointe, que MmeB..., responsable de l'Union d'économie sociale du logement, a été représentée par la responsable " produits politiques publiques " et " logement des salariés " de cette union, que M. Marie, président du conseil général de la Seine-Maritime, a donné son pouvoir à Mme Rougier, présidente de la commission des recours, et que M.F..., vice-président de l'Union nationale de la propriété immobilière, a donné son pouvoir à M.A..., membre de la commission. La circonstance que quatre membres de la commission aient été régulièrement représentés ou aient donné un mandat pour les représenter lors de la séance du 24 octobre 2013 n'est pas, dès lors que, comme en l'espèce et ainsi qu'il a été jugé par l'arrêt avant-dire droit du 28 septembre 2018, le quorum était atteint, de nature à entacher d'irrégularité la séance du 24 octobre 2013.

7. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la sanction contestée serait irrégulière en raison des vices qui affecteraient la composition de la commission des recours.

En ce qui concerne la compatibilité de la procédure de sanction de l'ANAH avec les stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

8. Aux termes de l'article L. 321-2 du code de la construction et de l'habitation : " L'Agence nationale de l'habitat peut prononcer des sanctions à l'encontre des bénéficiaires des aides ou de leurs mandataires, ainsi que des signataires d'une convention prévue aux articles L. 321-4 ou L. 321-8, ayant contrevenu aux règles ou aux conventions conclues. Elle peut, pour une durée maximale de cinq ans, refuser une nouvelle demande d'aide émanant du même bénéficiaire. Elle peut également prononcer des sanctions pécuniaires dont le montant, qui ne peut excéder la moitié de l'aide accordée ou une somme équivalant à deux ans de loyers, est fixé par décret compte tenu de la gravité des faits reprochés et de la situation financière de la personne ou de l'organisme intéressé. Les personnes ou les organismes concernés sont mis en mesure de présenter leurs observations préalablement au prononcé des sanctions. ".

9. Aux termes de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation : " L'Agence nationale de l'habitat a pour mission, dans le respect des objectifs définis à l'article L. 301-1, de promouvoir le développement et la qualité du parc existant de logements privés, en particulier en ce qui concerne les performances thermiques et l'adaptation à la perte d'autonomie. Elle participe à la lutte contre l'habitat indigne et dégradé, aux actions de prévention et de traitement des copropriétés fragiles ou en difficulté, à la lutte contre la précarité énergétique et à l'amélioration des structures d'hébergement ". Aux termes de l'article R. 321-1 du même code : " L'Agence nationale de l'habitat est un établissement public administratif de l'Etat. / Elle est placée sous la tutelle des ministres chargés du logement, du budget et de l'économie. / Elle comprend, outre un conseil d'administration, (...) une commission des recours ". Aux termes de l'article L. 321-2 : " L'Agence nationale de l'habitat peut prononcer des sanctions à l'encontre des bénéficiaires des aides ou de leurs mandataires, ainsi que des signataires d'une convention prévue aux articles L. 321-4 ou L. 321-8, ayant contrevenu aux règles ou aux conventions conclues. Elle peut, pour une durée maximale de cinq ans, refuser une nouvelle demande d'aide émanant du même bénéficiaire. Elle peut également prononcer des sanctions pécuniaires dont le montant, qui ne peut excéder la moitié de l'aide accordée ou une somme équivalant à deux ans de loyers, est fixé par décret compte tenu de la gravité des faits reprochés et de la situation financière de la personne ou de l'organisme intéressé. Les personnes ou les organismes concernés sont mis en mesure de présenter leurs observations préalablement au prononcé des sanctions ". Aux termes de l'article R. 321-21 : " I. - En ce qui concerne les aides versées par l'agence : / Le conseil d'administration ou, par délégation, le directeur général de l'agence exerce le pouvoir de sanction prévu à l'article L. 321-2. Il peut, notamment, prononcer une sanction pécuniaire en cas de fausse déclaration ou de manoeuvre frauduleuse. L'avis de la commission des recours n'est pas requis pour les opérations mentionnées aux III, IV et V de l'article R. 321-12. / Le directeur général de l'agence notifie les griefs à la personne concernée et l'invite à présenter ses observations écrites. La notification est faite par tout moyen permettant de lui donner date certaine. Dans le délai d'un mois commençant à courir le lendemain du jour de la notification, le bénéficiaire de l'aide peut adresser des observations écrites à l'Agence. La date limite au-delà de laquelle celles-ci ne sont pas prises en considération est déterminée conformément aux prescriptions des articles L. 112-1 et L. 112-13 du code des relations entre le public et l'administration. Dans le même délai, le bénéficiaire de l'aide peut demander à présenter des observations orales devant la commission des recours, chargée de donner un avis préalable sur les sanctions, en se faisant assister, le cas échéant, par un conseil de son choix ou en se faisant représenter (...) ". Aux termes, enfin, de l'article R. 321-6-3 : " La commission des recours mentionnée à l'article R. 321-1 (...) / est chargée de donner un avis préalable aux décisions du conseil d'administration ou du directeur général de l'agence statuant sur les sanctions prévues à l'article L. 321-2. / (...) La commission est présidée par le directeur général de l'agence ou son représentant. Son secrétariat est assuré par l'agence. (...) ".

10. Les dispositions des articles R. 321-21 et R. 321-6-3 du code de la construction et de l'habitation, citées ci-dessus, confient au conseil d'administration de l'ANAH ou, par délégation, à son directeur général tant l'engagement de la procédure de sanction contre le bénéficiaire d'une aide ou le signataire d'une convention que la décision relative à la sanction. Elles prévoient par ailleurs que cette décision est prise au vu de l'avis d'une commission présidée par le directeur général ou son représentant.

11. Si les poursuites engagées par l'ANAH en vue d'infliger des sanctions financières sur le fondement de l'article L. 321-1 du code de la construction et de l'habitation cité ci-dessus sont des accusations en matière pénale, au sens de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'en résulte pas que la procédure de sanction doive respecter les stipulations de cet article, dès lors, d'une part, que ni le conseil d'administration de l'ANAH, ni son directeur général, compétents pour prendre les mesures de sanction, ne peuvent être regardés comme un tribunal, au sens des stipulations de cet article, et, d'autre part, que la décision de sanction peut faire l'objet d'un recours de plein contentieux devant la juridiction administrative, devant laquelle la procédure est en tous points conforme aux exigences de l'article 6.

En ce qui concerne le respect du principe d'impartialité tel qu'il résulte du droit interne :

12. Le principe d'impartialité, qui est un principe général du droit s'imposant à tous les organismes administratifs, n'impose pas qu'il soit procédé, au sein de l'ANAH, à une séparation des fonctions de poursuite et de sanction. En effet, d'une part, ainsi qu'il résulte des dispositions citées au point 2, l'ANAH n'est pas une autorité administrative ou publique indépendante mais un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle de l'Etat. D'autre part, les organes collégiaux qui interviennent dans la procédure ne peuvent raisonnablement donner à penser à la personne poursuivie qu'ils ont un fonctionnement de type juridictionnel, qu'il s'agisse de la commission des recours, qui n'a qu'un rôle consultatif, ou du conseil d'administration, qui, s'il peut se prononcer directement sur les sanctions, comprend, conformément à l'article R. 321-5 du code de la construction et de l'habitation, des représentants des ministres de tutelle et dont les délibérations, y compris celles portant le cas échéant sur des sanctions, sont susceptibles de faire l'objet d'une opposition de ces ministres, conformément à l'article R. 321-6 du même code. Ainsi, compte tenu de la soumission de l'établissement à la tutelle de l'Etat et de l'absence d'apparence de fonctionnement juridictionnel de ses organes, le principe d'impartialité ne fait pas obstacle à ce que le directeur général de l'ANAH puisse à la fois, par délégation du conseil d'administration, prendre l'initiative des poursuites et exercer le pouvoir de sanction, et présider en outre la commission consultative des recours. Ce principe ne s'oppose pas davantage à ce que le directeur général assiste avec voix consultative aux séances du conseil d'administration, comme le prévoit l'article R. 321-4 du code de la construction et de l'habitation, y compris lorsque ce dernier prend une décision de sanction.

13. Il résulte de ce qui précède que la SCI Chabert et M. I...ne sont pas fondés à soutenir que les sanctions dont ils ont fait l'objet auraient été prononcées à l'issue d'une procédure méconnaissant le principe d'impartialité et les stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'inexactitude des faits :

14. Par un jugement du 24 avril 2014, devenu définitif, le tribunal correctionnel de Metz a condamné M.I..., gérant de la SCI Chabert à une peine d'emprisonnement de six mois avec sursis, pour avoir transmis à l'ANAH des quittances de loyer dont le montant est inférieur à ceux réellement pratiqués, ainsi que de faux baux sur lesquels il a imité la signature des locataires concernés et de fausses attestations de loyer, et pour avoir ainsi indûment obtenu de cette agence, la somme de 295 451 euros à titre de subvention, alors qu'il savait ne pas remplir les conditions pour la percevoir en raison du montant des loyers exigés. Ces constatations de fait opérées par la juridiction pénale s'imposant au juge administratif, les intimés ne sont pas fondés à soutenir qu'ils n'ont commis aucune manoeuvre frauduleuse et auraient respecté les engagements souscrits.

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction :

15. Contrairement à ce que soutiennent la SCI Chabert et M.I..., l'article L. 321-2 du code de la construction et de l'habitation habilitait l'ANAH à refuser, à titre de sanction, toute nouvelle demande d'aide pour une durée maximale de cinq ans, à prononcer également des sanctions pécuniaires et enfin à sanctionner à la fois la SCI Chabert et M.I..., reconnu coupable des faits reprochés. Eu égard à la gravité des griefs constatés, qui ne relèvent pas d'une simple négligence mais procèdent d'un comportement frauduleux, l'interdiction faite à la SCI Chabert et à

M. I...de présenter de nouvelles demandes auprès de l'ANAH pour une durée de cinq ans et la sanction pécuniaire de 38 263 euros qui été infligée à la SCI Chabert ne sont pas disproportionnées.

Sur la légalité du titre exécutoire :

16. En premier lieu, il résulte de l'article 1er de la décision du

1er septembre 2012, régulièrement publiée au bulletin officiel n° 2013/1 du 25 janvier 2013, par laquelle la directrice de l'ANAH lui a délégué sa signature, que M. L...E..., directeur général adjoint de l'ANAH est, en son absence, autorisé à signer tous actes relevant de la compétence d'ordonnateur de la directrice générale. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de M.E..., signataire du titre exécutoire litigieux, doit être écarté.

17. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points précédents et ceux de l'arrêt n° 17NC01727 du 25 septembre 2018, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la désignation irrégulière, comme membres de la commission de recours, de MM. A... et G...qui ont été nommés par Mme K...et non par son prédécesseur, M.D..., de l'incompétence du ministre pour subdéléguer son pouvoir de nomination, de l'irrégularité de la séance de la commission de recours et en particulier s'agissant de la présence de six agents de l'agence, et enfin du caractère disproportionné du montant de la sanction pécuniaire prononcée au regard des faits reprochés.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Chabert et M. I...ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision du 31 octobre 2013 par laquelle la directrice générale de l'ANAH leur a infligé des sanctions ainsi que du titre exécutoire d'un montant de 38 263 euros émis le 8 novembre 2013 à l'encontre de la SCI Chabert.

Sur les frais liés à l'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ANAH, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la SCI Chabert et M. I...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de condamner ensemble la SCI Chabert et M. I...à verser à l'ANAH une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La demande présentée par la SCI Chabert et M. J...I...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 2 : La SCI Chabert et M. I...sont condamnés à verser ensemble à l'Agence nationale de l'habitat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Agence nationale de l'habitat, à la SCI Chabert et à M. J... I....

2

N° 17NC01727


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01727
Date de la décision : 19/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

38-03-03-01 Logement. Aides financières au logement. Amélioration de l'habitat. Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Marc WALLERICH
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CABINET D. MUSSO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-19;17nc01727 ?
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