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14/11/2019 | FRANCE | N°18NC01269

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre, 14 novembre 2019, 18NC01269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices imputés à des fautes de l'administration fiscale dans le cadre de son action en recouvrement.

Par un jugement n° 1600133 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître s'agissant des préjudices résul

tant de la détérioration des meubles saisis le 23 avril 1985 ainsi que de l'ouverture...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices imputés à des fautes de l'administration fiscale dans le cadre de son action en recouvrement.

Par un jugement n° 1600133 du 20 février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître s'agissant des préjudices résultant de la détérioration des meubles saisis le 23 avril 1985 ainsi que de l'ouverture d'une procédure collective à son encontre et comme non fondée s'agissant des autres chefs de préjudice.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 avril 2018, M. D... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que l'administration a entendu lui opposer la prescription quadriennale alors qu'elle n'avance aucun motif pour l'établir et que celle-ci a été interrompue par ses multiples demandes ayant le même fait générateur, constitué par les mesures d'exécution en vue du recouvrement des créances fiscales, le délai de quatre ans ayant commencé à courir pour la dernière fois le 19 décembre 2013 comme l'a jugé à juste titre le tribunal administratif de Strasbourg ;

- l'administration a poursuivi avec acharnement le recouvrement de ses créances fiscales, déclarées dans la procédure collective pour 677 647,24 francs, alors qu'il avait présenté suffisamment de garanties pour leur paiement en ayant vendu sa résidence personnelle pour 950 000 francs et constitué des hypothèques en ce qui concerne le reste de ses immeubles à hauteur de 4 195 530 francs et que le paiement du solde de ses dettes fiscales était pris en charge dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire dès lors qu'elles avaient été déclarées à la procédure collective ; c'est donc à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que l'action en recouvrement de l'Etat n'était pas fautive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'action de M. B... tendant à la réparation des préjudices consécutifs à la perte de son garage, de son patrimoine immobilier ainsi que la séparation de son couple est prescrite dès lors que la réparation de ces dommages n'a été demandée que par assignation du 12 octobre 2000, et n'était pas comprise dans les demandes des 10 juillet 1992 et 23 juin 1994, de sorte que cette créance était prescrite à la date de la demande préalable d'indemnisation du 23 avril 2015 ;

- l'action en recouvrement de l'Etat n'est pas fautive ;

- la perte du garage de M. B... ainsi que celle de son patrimoine immobilier ne sont pas imputables à l'action en recouvrement du comptable, non plus que son divorce.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a exploité à titre individuel jusqu'au 1er octobre 1983 un fonds de commerce de réparation et de ventes de véhicules automobiles neufs et d'occasion sous la dénomination " Garage Crame Auto " comportant la concession de diverses marques. Cette activité a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité pour la période du 1er janvier 1975 au 30 septembre 1978 ayant donné lieu à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 505 773,46 francs, expressément acceptés par l'intéressé, et à des suppléments d'impôt sur le revenu à hauteur de 219 979 francs au titre des années 1975 à 1978, dont la mise en recouvrement est intervenue au cours de l'année 1980. Ces impositions supplémentaires ont fait l'objet de diverses transactions et réclamations contentieuses pour être finalement ramenées à 157 906 francs de taxe sur la valeur ajoutée et 145 655 francs d'impôt sur le revenu. Le service a également effectué une seconde vérification de comptabilité, concernant la période du 1er janvier 1979 au 31 décembre 1982 et accompagnée d'une vérification approfondie de la situation fiscale du foyer fiscal, contrôles qui ont donné lieu à la mise en recouvrement de 1 008 583 francs de taxe sur la valeur ajoutée et de 146 363 francs d'impôt sur le revenu, dont la mise en recouvrement est intervenue au cours de l'année 1984. A la suite de diverses réclamations, les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée ont été ramenés à 280 885 francs tandis que les suppléments d'impôt sur le revenu ont été intégralement dégrevés hormis une somme de 53 francs. Par une lettre du 23 avril 2015, M. B... a saisi le ministre de l'action et des comptes publics d'une demande tendant à l'indemnisation des préjudices résultant de la perte de son garage, de la perte de son patrimoine immobilier ainsi que la survenance de son divorce et qu'il imputait à des fautes de l'administration commises dans le cadre du recouvrement des impositions supplémentaires ci-dessus analysées. Cette demande d'indemnisation ayant été rejetée le 10 novembre 2015, M. B... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg aux fins d'obtenir la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 400 000 euros à titre de dommages et intérêts. Le tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté cette demande, M. B... relève appel de ce jugement du 20 février 2018.

2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie. Le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition. Enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

3. Afin d'obtenir réparation des préjudices allégués constitués selon lui par la " perte de son garage ", la disparition de son patrimoine immobilier et par la désunion de son couple, M. B... soutient que le comptable a, abusivement et de manière précipitée, poursuivi le recouvrement forcé des créances fiscales, en faisant preuve d'acharnement, en dépit des réclamations, assorties de demandes de sursis de paiement justifiées par des garanties suffisantes, qu'il avait déposées, du dégrèvement de ces impositions et de l'ouverture de la procédure collective de redressement judiciaire dans le cadre de laquelle devait s'effectuer le règlement du solde de sa dette fiscale à l'exclusion de toute voie d'exécution.

4. D'abord, il résulte de l'instruction que si M. B... a déposé des réclamations contentieuses à l'encontre de ces impositions, celles-ci ne pouvaient bénéficier du sursis de paiement, en vertu des dispositions alors applicables de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elles avaient été établies d'office. Contrairement à ce qu'il soutient, M. B... ne présentait aucune garantie suffisante à l'appui d'une demande de recouvrement amiable de ces impositions tandis que le comptable, en l'absence de sursis de paiement, était tenu de poursuivre la procédure de recouvrement forcé de l'impôt. En effet, les immeubles possédés par M. B... étaient grevés d'hypothèques au profit d'autres créanciers de rang préférentiel à celui de l'Etat.

5. Ensuite, contrairement à ce que M. B... soutient, les créances fiscales consécutives aux deux opérations de contrôle fiscal n'ont pas été intégralement dégrevées, de sorte que le comptable était tenu d'en poursuivre le recouvrement par les voies de droit à sa disposition y compris, comme il l'a fait, en assignant l'intéressé en procédure collective. S'agissant précisément de la décision d'assigner M. B... en redressement judiciaire, il n'appartient pas à la juridiction administrative d'en connaître la régularité ou le bien-fondé, non plus que des différentes saisies mobilières effectuées, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges.

6. Enfin, si M. B... soutient que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, emportant de plein droit interdiction des poursuites individuelles, par arrêt de la Cour d'appel de Metz le 7 novembre 1989, à laquelle l'administration a produit sa créance, puis l'homologation du plan de redressement le 30 novembre 1989, faisaient obstacle au recouvrement forcé des sommes restant dues, il résulte de l'instruction, et notamment de la chronologie présentée par M. B... dans la présente requête, que le recouvrement forcé du solde de sa dette ne s'est pas poursuivi au-delà du jugement d'ouverture de la procédure de redressement.

7. Il résulte de ce qui précède que l'administration n'a commis aucune faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat dans le cadre du recouvrement des impositions laissées à la charge de M. B.... Par suite, M. B... n'est pas fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme qu'il demande à titre de dommages et intérêts.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat au paiement de dommages et intérêts. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'action et des comptes publics.

2

N° 18NC01269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01269
Date de la décision : 14/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services économiques. Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Marc AGNEL
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : SCP BECKER SZTUREMSKI VAUTHIER KLEIN-DESSERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-11-14;18nc01269 ?
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