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28/01/2020 | FRANCE | N°17NC02223

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 28 janvier 2020, 17NC02223


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme U... C..., agissant en qualité de tutrice légale de Mme H... S..., et la Sarl JPF ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à verser à Mme C..., en qualité de tutrice de Mme S..., une somme de 90 720,83 euros en réparation des dommages de travaux publics dont cette dernière a été victime et à la Sarl JPF une somme de 7 000 euros en réparation du préjudice subi par elle.

Par un jugement n° 1502851 du 11 juillet 201

7, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme U... C..., agissant en qualité de tutrice légale de Mme H... S..., et la Sarl JPF ont demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à verser à Mme C..., en qualité de tutrice de Mme S..., une somme de 90 720,83 euros en réparation des dommages de travaux publics dont cette dernière a été victime et à la Sarl JPF une somme de 7 000 euros en réparation du préjudice subi par elle.

Par un jugement n° 1502851 du 11 juillet 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 11 septembre 2017, les 12 février, 13 mars et 13 avril 2018, les 12 mars et 26 avril 2019, Mme W... F... née T..., M. K... J... et Mme U... C... née J..., venant aux droits de Mme S..., décédée en cours d'instance, représentés par Me Y..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nancy du 11 juillet 2017 ;

2°) de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à leur verser une somme de 78 000 euros correspondant à la valeur vénale de l'immeuble ;

3°) de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à leur verser une somme de 4 821,14 euros au titre des frais afférents à l'immeuble d'ores et déjà exposés ;

4°) de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à leur verser une somme de 7 800 euros au titre des frais afférents à l'immeuble qui devront être supportés au cours des sept prochaines années ;

5°) de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à verser à Mme C... une somme de 491,55 euros en remboursement des frais de déplacement exposés ;

6°) de condamner l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à verser à la Sarl JPF une somme de 7 000 euros ;

7°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " le versement à Mme F..., M. J... et Mme C... d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

8°) subsidiairement, d'ordonner avant-dire-droit une mesure d'expertise judiciaire ayant pour objet de déterminer la valeur vénale de l'immeuble avant le sinistre survenu le 12 avril 2013.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité sans faute de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " est engagée au titre de la responsabilité pour dommages de travaux publics, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise de M. E... ;

- les désordres, affectant l'immeuble constatés par l'expert judiciaire, ont pour origine les travaux de construction mis en oeuvre par l'office public de l'habitat ;

- le dommage est anormal et spécial ;

- Mme S... est fondée à demander, à raison de la dégradation de son habitation du fait des travaux, la réparation du préjudice lié à la perte du prix de vente de cette maison, à hauteur d'une somme de 78 000 euros, fixée dans le compromis de vente signé le 28 février 2013 ;

- à supposer que sa demande s'analyse en une perte de chance de vendre la maison à ce prix, cette perte de chance est établie ;

- le dommage a fait obstacle à la poursuite de la cession ;

- l'expert judiciaire a fait référence aux restrictions d'habitabilité des immeubles prises en avril 2013 ;

- Mme S... a été informée par le maire de la commune de Longwy le 16 avril 2013 de la mise en oeuvre d'une procédure de péril imminent ;

- le rapport du 6 mai 2013 de l'expert désigné dans le cadre de cette procédure a relevé que la stabilité d'assise des bâtiments visités n'est plus assurée, que des désordres importants ont été constatés et que la sécurité des personnes est concernée ;

- la date de signature de l'acte notarié était fixée entre les deux visites de l'expert ;

- la signature de l'acte de vente a été reportée au 23 avril 2013 en raison de l'impossibilité de débloquer les fonds nécessaires au financement de l'acquisition avant le 14 avril 2013 ;

- il est ainsi établi qu'à la suite du sinistre, l'état de la maison ne permettait plus la poursuite de la vente ;

- l'arrêté de péril n'a pas été levé ;

- la vente n'a pas échoué en raison du refus de déblocage du prêt personnel souscrit par les acquéreurs ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, Mme S... est fondée à demander l'indemnisation de son préjudice tiré de la perte de la valeur vénale de l'habitation pour une somme de 78 000 euros ;

- subsidiairement, une mesure d'instruction pourra être ordonnée pour préciser la valeur vénale du bien immobilier ;

- pour les mêmes motifs, Mme S... est bien fondée à demander à être indemnisée des frais afférents à l'immeuble exposés au titre de la conservation du bien depuis le 23 avril 2013 pour une somme de 4 821,14 euros ainsi que des frais qu'elle devra exposer pendant une durée prévisible de sept années comme tenu de son âge, soit 7 800 euros correspondant aux frais d'assurance et aux taxes foncières ;

- elle est bien fondée à demander à être indemnisée des frais de déplacements de Mme C... engagés pour constater l'état de la maison et assister aux opérations d'expertise judiciaire, frais qui ont été remboursés par Mme S..., pour une somme de 491,55 euros ;

- à la suite du décès de Mme S..., Mme F... née T..., M. J... et Mme C... née J..., venant aux droits de Mme S..., reprennent à leur compte les demandes de Mme S... ;

- pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la société JPF est bien fondée à demander à être indemnisée d'une somme de 7 000 euros correspondant à sa commission au titre de la négociation de la cession qu'elle n'a pu percevoir en raison du dommage ayant fait obstacle à la réalisation de la vente.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 février et 28 mars 2018, 9 avril et 6 septembre 2019, l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", représenté par Me O... succédant à la SCP Gottlich-Laffon, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête ;

2°) subsidiairement, de condamner in solidum la société Fondasol, la société Eiffage Construction Lorraine, et les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., à le garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

3°) de condamner Mme T..., M. J..., Mme J... venant aux droits de Mme S..., et la Sarl JPF ainsi que la société Fondasol, la société Eiffage Construction Lorraine, et les architectes, Mme Q..., MM. D... et M... aux dépens ;

4°) de mettre à la charge solidaire d'une part, de Mme T..., de M. J..., de Mme J... venant aux droits de Mme S..., et de la Sarl JPF et d'autre part, de la société Fondasol, de la société Eiffage Construction Lorraine, et des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'existe qu'un lien indirect entre la perte d'une commission invoquée par la société JPF et les travaux entrepris ;

- l'immeuble n'est pas inhabitable et peut être vendu ;

- le lien de causalité entre les désordres subis par l'habitation de Mme S... et la perte de chance de vendre cet immeuble n'est pas établi dès lors que la vente aurait échoué au seul motif de l'absence de déblocage d'un prêt personnel ;

- Mme S... n'est donc pas fondée à demander le prix de vente de cet immeuble mais, tout au plus, des dommages et intérêts à raison de la perte de chance de réaliser une opération qui n'est nullement définitivement compromise ;

- le montant des dommages et intérêts ne saurait excéder une somme de 1 000 euros, Mme S... n'apportant pas la preuve qu'elle n'a pas pu trouver un nouvel acquéreur ;

- le préjudice lié aux frais à exposer pendant sept ans est éventuel ;

- les frais de déplacement ne sont pas un préjudice propre à Mme S..., seule Mme C... pouvant les réclamer ;

- la demande d'expertise, nouvelle en appel, est irrecevable ;

- il a précisé le fondement contractuel de son appel en garantie ;

- à supposer que le cahier des clauses administratives générales applicables (CCAG) travaux de 2009 ne s'applique pas concernant la responsabilité de l'entrepreneur à l'égard du maître d'ouvrage du fait d'un dommage subi par des tiers, la responsabilité de la société Eiffage Construction Lorraine est principalement retenue sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs ;

- par un arrêt n° 17NC00579 du 23 juillet 2019, la cour administrative de Nancy, dans le cadre de l'exécution des marchés conclus par l'office public de l'habitat pour la construction d'un ensemble immobilier de trente-deux logements sociaux à Longwy a retenu la responsabilité in solidum de la société Fondasol, des architectes, Mme Q..., MM. D... et M... et de la société Eiffage Construction Lorraine à l'endroit de l'office ;

- ceux-ci devront ainsi le garantir de toutes condamnations.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 novembre 2018 et 30 août 2019, Mme Q..., M. D... et M. M..., représentés par Me B..., demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :

1°) de rejeter la requête ;

2°) subsidiairement, de rejeter les appels en garantie présentés à leur encontre ;

3°) de rejeter toute demande de condamnation in solidum ;

4°) de condamner, solidairement ou in solidum, la société Fondasol, la société Géotec, la société Eiffage Construction Lorraine et la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre ;

5°) très subsidiairement, de prononcer un partage de responsabilité, en limitant leur part de responsabilité à 20 % au maximum ;

6°) de mettre à la charge, solidairement ou in solidum, de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", de la société Fondasol, de la société Géotec, de la société Eiffage Construction Lorraine et de la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam une somme de 3 000 euros à verser à chacun d'eux sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- il n'est pas établi que les prétendus dégâts occasionnés trouvent leur origine de manière certaine dans les travaux entrepris par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " ;

- le constat d'huissier du 4 mars 2013 réalisé par la société Eiffage indique que des fissures et autres dégradations étaient déjà présentes sur des maisons dont celle de Mme S... avant la réalisation du chantier ;

- les lieux étaient, en hauteur, dégradés avant les travaux, de sorte qu'il y a lieu de constater que le talus avait déjà naturellement tendance à descendre ;

- aucune analyse technique sérieuse n'a été diligentée pour affirmer que la maison de Mme S... était invendable ;

- l'expert a constaté que la situation était stabilisée ;

- le caractère certain du dommage n'est pas établi ;

- les frais de déplacement sollicités par Mme C... ne sont pas une dépense personnelle de Mme S... et aucun justificatif n'est versé ;

- les frais afférents à l'immeuble ne sont pas la conséquence des travaux réalisés, mais sont liés à la qualité de propriétaire et sans rapport avec ces travaux ;

- il en va de même des frais afférents pour les sept années à venir ;

- il en va de même des frais de déplacements, en tout cas déductibles fiscalement, de sorte qu'une indemnité aurait pour conséquence un enrichissement sans cause ;

- le risque de glissement existant avant la réalisation des travaux, le caractère anormal du préjudice n'est pas démontré ;

- subsidiairement, ils n'ont commis aucune faute, notamment dans la conception ou la direction du chantier ;

- l'obligation de direction des travaux pesant sur l'architecte ne se substitue pas à celle que l'entrepreneur est tenu d'exercer sur son propre personnel ;

- la société Géotec et la société Fondasol ont mal appréhendé le risque de glissement de terrain ;

- ils ont été assistés par la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam qui, au titre de la conception de l'ouvrage, était chargée notamment de la rédaction des cahiers des clauses techniques particulières et de la direction du chantier notamment lors de la phase de terrassement ;

- ils se sont appuyés sur les études techniques et sur le cahier des charges " démolition - terrassement " rédigé par le bureau d'études ;

- très subsidiairement, la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam a commis une faute en raison de son insuffisante appréhension du risque lié à la circulation souterraine des eaux lors de la phase de conception et de direction du chantier ;

- elle ne les a pas alertés en méconnaissance de son obligation de conseil ;

- la société Géotec n'a pas su appréhender ce risque dans toute son ampleur ;

- la société Fondasol n'a pas proposé une solution adéquate en cours de chantier ;

- la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam n'a pas su gérer la situation et suffisamment appréhender le risque lié à la circulation souterraine des eaux lors de la phase de conception et de direction du chantier ;

- la société Eiffage Construction Lorraine n'a pas su appréhender correctement le risque de glissement de terrain et le suivi du chantier lors du terrassement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2019, la société Fondasol, représentée par Me R..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de rejeter l'appel en garantie formé par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " ;

3°) de condamner in solidum la société Eiffage Construction Lorraine, la société Géotec et les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., à la relever et la garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " ou de toute autre partie déclarée responsable les dépens ;

5°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " ou de toute autre partie déclarée responsable le versement d'une somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat est insuffisamment motivée, faute de préciser le fondement juridique de son action ;

- il n'est pas établi par les requérants que les préjudices allégués soient directement en lien avec l'opération de construction litigieuse ;

- elle n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité tant contractuelle, compte tenu de ses missions au regard de la norme NF P 94-500, qu'extracontractuelle ;

- en sa qualité de bureau d'études géotechniques, elle n'est débitrice que d'une obligation de moyens et n'engage sa responsabilité qu'à la double condition que soit rapportée la preuve d'une faute commise et établi le lien de causalité entre cette dernière et le préjudice allégué ou subi ;

- elle avait préconisé dans son rapport d'étude G12 un ouvrage de soutènement ;

- l'expert judiciaire n'a pas déterminé la cause du sinistre et aucun élément de son rapport ne permet d'établir un manquement dans la réalisation de ses missions ;

- le manque de mesure préalable à l'ouverture des fouilles jusqu'à la mise en oeuvre du soutènement ne peut lui être imputé ;

- la maîtrise d'oeuvre a rédigé le dossier de consultation des entreprises et a donc assumé de fait la mission de conception géotechnique G2 ;

- elle-même n'a été saisie que tardivement pour une assistance à la maîtrise d'oeuvre alors que les marchés étaient passés ;

- elle a signalé l'absence de drainage et demandé la mise en place d'un film étanche provisoire afin de protéger le site contre les intempéries ;

- en l'absence de débat contradictoire et d'éléments sur les imputabilités dans le rapport d'expertise de M. E..., elle ne saurait être condamnée ;

- en cas de condamnation prononcée contre elle, la société Eiffage Construction Lorraine, la société Géotec ainsi que les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., devront la garantir in solidum.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 18 mars et 13 novembre 2019, la société Eiffage Construction Lorraine, représentée par Me X... de la Selarl X... - Deleau, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de mettre à la charge de Mme F... née T..., de M. J..., de Mme C... née J... venant aux droits de Mme S..., et de la société JPF, les dépens de l'instance ;

3°) subsidiairement de rejeter l'appel en garantie formé par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " ;

4°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " les dépens de l'instance ;

5°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) très subsidiairement, de condamner in solidum la société Fondasol, la société Géotec, les architectes, Mme Q..., MM. D... et M... et la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam à la relever et la garantir de l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;

7°) de répartir la charge de la responsabilité entre les parties sans qu'elle puisse excéder 10 % s'agissant de la société Eiffage Construction Lorraine.

Elle soutient que :

- il n'est pas établi par les héritiers de Mme S... que les préjudices allégués sont directement en lien avec l'affaissement du terrain ;

- il n'est pas apporté la preuve que l'absence de régularisation de la vente soit imputable à ce glissement de terrain ;

- l'attestation du notaire ne précise pas les raisons de l'absence de régularisation de l'acte authentique ;

- il n'est pas davantage indiqué si une indemnité d'immobilisation était prévue au compromis de vente et si celle-ci a été réglée par les acquéreurs ;

- l'immeuble étant toujours susceptible d'être vendu, le fait que Mme S... a supporté pour les années 2013, 2014 et 2015 la taxe foncière ainsi que l'assurance du bien ne saurait lui être imputable ;

- en tout état de cause, la majoration de la taxe foncière à la suite d'un retard de paiement pour un montant de 90 euros ainsi que la somme de 676,97 euros correspondant à une facture d'électricité, alors que le bien est inhabité, selon Mme S..., ne sont qu'imputables à cette dernière ;

- le préjudice lié aux frais afférents à l'immeuble qui devront être supportés au cours des sept prochaines années, correspondant à une évaluation forfaitaire annuelle de 1 300 euros, n'est pas justifié ;

- s'agissant du préjudice de la société JPF correspondant à la commission qu'elle aurait perdue du fait de l'absence de réalisation de la vente, il n'est pas non plus établi que la non réalisation de cette vente soit imputable à l'affaissement du terrain ;

- il n'est pas davantage démontré que les acquéreurs potentiels ne se soient pas acquittés des frais leur incombant en cas de non réitération de la promesse de vente, dont tout ou partie de la commission de l'agence immobilière ;

- l'absence de réalisation de la vente n'empêche pas la société JPF de trouver un autre acquéreur de sorte qu'une éventuelle indemnisation devrait en tout état de cause prendre la forme d'une perte de chance ;

- subsidiairement, le maître d'ouvrage ne peut se prévaloir de l'article 35 du cahier des clauses administratives générales applicables (CCAG) aux marchés publics de travaux de 1976 non applicable en vertu des stipulations du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché renvoyant à l'application du CCAG approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 ;

- l'article 35 de ce dernier CCAG ne prévoit pas la responsabilité de plein droit de l'entrepreneur portant sur l'ensemble des cas de dommages aux personnes et aux biens mais uniquement dans les cas de dommages subis par le personnel et les biens du maître d'ouvrage ;

- le CCAP ne comporte pas de stipulations à cet égard ;

- le contrat la liant au maître d'ouvrage ne met donc pas à sa charge la responsabilité des dommages causés aux tiers résultant de l'exécution des travaux ;

- aucune preuve d'une faute contractuelle à l'origine du préjudice des requérants n'étant rapportée, l'appel en garantie ne peut qu'être rejeté ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles ;

- l'étude géotechnique de type G11 réalisée le 18 mai 2010 par la société Fondasol n'a pas été portée à sa connaissance ;

- elle a demandé à la maîtrise d'oeuvre la réalisation d'une mission d'étude de type G2 ;

- les rapports de la société Fondasol établissent qu'elle n'a commis aucune faute en ce qu'ils ne font état d'aucune non-conformité dans l'exécution des travaux et ne signalent pas de risque de glissement de terrain ;

- la prestation de soutènement n'est pas en cause et le changement qu'elle a proposé dans les modalités d'exécution de cette prestation n'est donc pas la cause du sinistre ;

- la cause du glissement de terrain réside dans une sous-estimation du risque d'instabilité du talus en phase d'études et en phase de conception par la maîtrise d'oeuvre ainsi que dans un manque d'investigation par le bureau d'études géotechnique lors de ses missions G12 et G2, ce qui implique que seule la responsabilité de ces derniers peut être recherchée ;

- il ne lui appartenait pas de déterminer le programme des travaux, alors que plusieurs études de sols avaient été commandées par le maître d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre ;

- par une ordonnance du 31 octobre 2014 concernant les époux G..., la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel en garantie formé à son encontre ;

- par deux jugements du 29 décembre 2016, le tribunal administratif de Nancy l'a mise hors de cause ;

- très subsidiairement, si sa responsabilité était retenue, la société Fondasol, la société Géotec, le Bureau d'Etudes Adam et la maîtrise d'oeuvre devront la garantir de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre ;

- les sociétés Fondasol et Géotec n'ont pas su appréhender le risque résultant des travaux réalisés en contrebas du talus et n'ont pas proposé une solution adéquate avant et en cours de chantier ;

- les architectes, Mme Q..., MM. D... et M... et la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam ont manqué à leur mission de direction des travaux et de surveillance du chantier ;

- aucune condamnation in solidum ne peut être prononcée, les fautes n'étant pas de même nature et n'ayant pas contribué dans les mêmes proportions à la réalisation du dommage ;

- en tout état de cause, elle n'a tout au plus participé que pour une part minime à la réalisation du désordre ;

- il appartiendra à la juridiction de répartir les responsabilités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2019, la société Géotec, représentée par Mme I... A... de l'Aarpi Axial Avocats, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de rejeter les appels en garantie formés à son encontre ;

3°) de mettre à la charge in solidum de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", de la société Fondasol, de la société Eiffage Construction Lorraine et des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lien de causalité entre " la perte du produit de vente de la maison " et le chantier entrepris par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " n'est pas établi ;

- subsidiairement, elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission G11 et ainsi les appels en garantie formés à son encontre doivent être rejetés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2019, la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam, représentée par Me L... de la Selarl Lime - L..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de rejeter les appels en garantie formés à son encontre ;

3°) subsidiairement, de condamner in solidum, la société Eiffage Construction Lorraine, la société Fondasol, les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., à la garantir intégralement de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ;

4°) de mettre à la charge in solidum, en particulier de la société Eiffage Construction Lorraine et de Mme Q..., MM. D... et M..., architectes, ou de toute partie succombante le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nancy le 23 juillet 2019, devenu définitif, a tranché la question des responsabilités dans le glissement de terrain à l'origine des désordres grevant les fonds voisins de la parcelle litigieuse ;

- elle était chargée au sein de l'équipe de maîtrise d'oeuvre d'une mission de bureau d'études " structures ", plus particulièrement concernant l'édification du bâtiment lui-même et non la préparation d'un talus ;

- elle n'avait pas à intervenir au démarrage des travaux, lors des opérations de déboisement de la parcelle et de creusement du talus préalables à la réalisation de la plateforme et de son mur de soutènement ;

- la préparation du talus en phase de démarrage du chantier a été appréciée, contrôlée et validée par la société Fondasol, sur la base des travaux réalisés par la société Eiffage Construction Lorraine qui a communiqué en amont les plans et coupes des talus ;

- elle n'avait pas pour mission de déterminer le risque lié à la circulation souterraine des eaux ;

- la société Eiffage Construction Lorraine et son sous-traitant sont responsables des travaux qu'ils ont réalisés et de l'absence de mise en oeuvre sur les talus de mesures de protection ou conservatoires lors de la phase de déblaiement de la parcelle ;

- seule la société Fondasol a défini les conditions de drainage et de protection du talus lors de la phase provisoire de terrassement ;

- la sous-estimation du risque de glissement concerne au premier chef la société Fondasol ;

- il n'est pas apporté la preuve que l'absence de finalisation de la vente soit imputable au glissement de terrain ;

- le préjudice ne saurait être équivalent à la valeur vénale de l'immeuble ;

- la preuve du coût d'éventuels travaux de réparation de l'immeuble n'est pas rapportée ;

- l'immeuble n'étant pas invendable, les frais exposés pour sa conservation depuis 2013 ne sont pas justifiés ;

- l'évaluation forfaitaire des frais futurs sur une période de sept années repose sur les seules allégations de Mme S... et ne correspond à aucune évaluation sérieuse ;

- la société JPF n'établit pas le lien de causalité entre le préjudice dont elle se prévaut et le glissement des terres.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'arrêt n°17NC00579 du 23 juillet 2019.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Devillers, président,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- et les observations de Me Y... pour Mme C..., la société JPF, Mme T... et M. J..., de Me R... pour la société Fondasol, de Me P... pour la société Eiffage Construction Lorraine, de Me O... pour l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat et de Me L... pour la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam.

Considérant ce qui suit :

1. Au mois d'avril 2013, à l'occasion des travaux de terrassement effectués en vue de la construction d'un immeuble collectif à usage d'habitation par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", en contrebas de la propriété de Mme S..., un talus s'est affaissé, occasionnant des désordres aux immeubles voisins, dont celui de l'intéressée. Mme S..., représentée par sa tutrice légale Mme C..., et la Sarl JPF agence immobilière en charge de la vente de l'immeuble, ont demandé au tribunal administratif de Nancy la condamnation de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " à les indemniser des préjudices subis à raison de dommages de travaux publics. Par un jugement du 11 juillet 2017, dont Mme F... née T..., M. J... et Mme C... née J..., venant régulièrement aux droits de Mme S..., décédée en cours d'instance, ainsi que la Sarl JPF font appel, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ces demandes indemnitaires.

Sur la responsabilité de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " :

2. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

3. En l'espèce, le lien de causalité existant entre les travaux réalisés par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " et les dommages subis par les immeubles riverains n'est pas utilement contesté, dès lors qu'à supposer même que la maison de Mme S... était déjà dégradée avant le commencement du chantier, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert M. E... du 11 juillet 2014, que l'état des fissures constatées sur l'immeuble a pour cause déterminante le glissement de terres qui s'est produit lors des travaux d'excavation. Les premiers juges ont toutefois regardé les préjudices invoqués comme n'étant pas justifiés.

En ce qui concerne les préjudices de Mme F..., M. J... et Mme C... :

Quant au préjudice résultant de l'impossibilité de réaliser la vente de la maison :

4. Les requérants soutiennent avoir subi un préjudice financier constitué par la perte du produit de la vente de l'habitation. En produisant une attestation du notaire selon laquelle un compromis de vente avait été signé concernant la maison litigieuse, pour un montant de 78 000 euros, qui n'a jamais été régularisé par la signature de l'acte authentique qui devait avoir lieu le 23 avril 2013, sans toutefois indiquer, notamment par une attestation du même notaire ou de l'acheteur, le motif de non-réalisation de la vente, qui avait d'ailleurs déjà été reportée, les requérants n'établissent pas, en tout état de cause, par cette pièce et les autres éléments généraux versés à l'instance, que l'échec de la vente a eu pour origine la survenance des dommages de travaux publics le 12 avril 2013.

Quant au préjudice tiré de la perte de chance définitive de vendre la maison :

5. A l'appui de cette demande, les requérants qui ne produisent pas d'éléments quant à l'impossibilité définitive de vendre la maison qui appartenait à Mme S... et relatifs notamment au caractère devenu inconstructible du terrain, à l'impossibilité de réparer la maison, ou au caractère définitivement non habitable de celle-ci, n'établissent pas le caractère certain du préjudice dont ils se prévalent.

Quant au préjudice financier tenant à la perte de valeur vénale de l'habitation :

6. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert M. E... du 11 juillet 2014, qu'eu égard à l'importance des fissures constatées sur l'immeuble en litige et au coût substantiel des travaux à entreprendre pour le stabiliser et le réparer, très nettement supérieur au prix de vente mentionné au point 4, les requérants sont fondés à soutenir que leur préjudice s'établit à la valeur vénale de l'immeuble, laquelle peut être, dans ces circonstances, justement appréciée au montant de 78 000 euros, correspondant à son prix de vente avant la réalisation du dommage.

Quant au préjudice lié aux frais exposés afférents à l'immeuble :

7. Si les requérants demandent le remboursement des frais exposés en tant que propriétaires de l'immeuble depuis la date de la non-réalisation de la vente et pour les sept années à venir, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 ci-dessus que le lien de causalité n'est pas établi entre la survenance des dommages et la non-réalisation de la vente et que le caractère certain de la perte de chance de vendre l'immeuble, y compris dans son état affecté de désordres, n'est pas démontré. Par suite, ces chefs de préjudice ne peuvent être indemnisés.

Quant au préjudice lié aux frais de déplacement de Mme C... :

8. Il résulte de l'instruction que Mme C... s'est déplacée sur le lieu de l'habitation en litige afin de constater les désordres l'affectant à la suite du glissement de terrain et qu'elle a assisté aux réunions d'expertise. Mme C... a droit, au regard des pièces versées à l'instance, au remboursement des frais exposés correspondant au coût des péages autoroutiers, du carburant et des repas dont il est justifié à hauteur d'une somme de 436,15 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F..., M. J... et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation de l'office public " Meurthe-et-Moselle Habitat " à leur verser une somme de 78 000 euros au titre du préjudice lié à la perte de la valeur vénale de l'habitation ainsi qu'à verser à Mme C... une somme de 436,15 euros au titre des frais qu'elle a exposés.

En ce qui concerne le préjudice de la Sarl JPF :

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, en l'absence de lien de causalité établi entre l'absence de vente de la maison et le glissement de terrain, la société JPF ne peut prétendre à la réparation d'un préjudice financier constitué par la perte de la commission qu'elle devait percevoir, pour un montant de 7 000 euros, au moment de la signature de l'acte authentique de la vente de la maison de Mme S....

11. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les appels en garantie présentés, par la voie de l'appel provoqué par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle " et par la voie d'appels incidents et provoqués par les constructeurs.

Sur les conclusions d'appel provoqué de l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " :

12. En premier lieu, il résulte des écritures présentées en première instance par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", que ses conclusions tendant à la condamnation in solidum de la société Fondasol, de la société Eiffage Construction Lorraine, et des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., à le garantir des condamnations prononcées à son encontre reposent, les travaux n'ayant pas été réceptionnés, sur la responsabilité contractuelle de ces entrepreneurs. Il est ainsi, contrairement à ce que fait valoir la société Fondasol, motivé.

13. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert du 17 juillet 2014, que l'absence de mesures particulières permettant, tant préalablement à la réalisation des travaux de terrassement qu'au cours de leur exécution, d'assurer la stabilité du terrain, lequel présentait une forte déclivité, a favorisé, au regard des caractéristiques géologiques du secteur, le phénomène de glissement de terres constaté peu après le début de l'opération de talutage.

14. A cet égard, il résulte de l'instruction que, par un rapport du 18 mai 2010, la société Géotec, investie par le maître d'ouvrage d'une mission d'étude géotechnique préliminaire de site de type G11, selon la norme NF P 94-500 dans sa version alors en vigueur, avait expressément identifié un risque de glissement de terrain en raison de la topographie du site et avait recommandé, notamment, " des mesures de soutènement préalables au talutage et une protection de la stabilité des terrains en amont ".

15. Or la société Fondasol, chargée d'une mission d'étude de faisabilité géotechnique de type G12, dont l'objectif, à la suite de la mission G11, était d'identifier les aléas majeurs et les principes généraux pour en limiter les conséquences, selon la norme NF P 94-500, ainsi que, notamment, de proposer une solution de soutènement eu égard aux conditions de stabilité des sols, n'a pas fait état, dans son rapport du 23 mars 2012, alors que l'étude préalable de la société Géotec lui avait été communiquée, d'un risque de glissement du terrain et n'a pas proposé de mesures spécifiques, telles qu'un soutènement préalable aux opérations de talutage, pour s'assurer de la stabilité des terres préalablement à la réalisation des travaux. En outre, ayant été également investie, à la fin du mois de mars 2013, d'une mission d'assistance à l'étude de projet géotechnique de type G2 et de supervision d'exécution de type G4, pour la réalisation des talus, de parois en palplanches et d'un drainage, la société Fondasol n'a, dans aucun des rapports qu'elle a remis les 26 mars, 28 mars et 3 avril 2013, y compris, pour le dernier d'entre eux, à la suite de sa visite de chantier, signalé un risque de glissement des terrains, ni formulé aucune réserve quant à la poursuite des travaux de terrassement du talus alors en cours. Quand bien même cette mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage de type G2 et G4 ne lui a, en effet, été attribuée que tardivement, et notamment après la rédaction des clauses techniques applicables au marché de travaux attribué à la société Eiffage Construction Lorraine, la société Fondasol doit être regardée, faute d'avoir signalé un risque de glissement des terres en dépit des éléments du rapport préalable de la société Géotec, et de préconiser des mesures de stabilisation du terrain pour la réalisation des opérations de talutage, comme ayant manqué à ses obligations contractuelles et commis une faute qui a concouru à la réalisation du dommage.

16. Il résulte également de l'instruction que les architectes, Mme Q... et MM. D... et M..., ne se sont pas davantage assurés de ce que les conditions de stabilité du terrain étaient suffisantes alors que le risque de glissement des terres avait été clairement identifié dans le rapport préalable de la société Géotec du 18 mai 2010 et qu'ils ne se sont pas non plus enquis de la mise en place d'un dispositif pour prévenir un tel risque ou pour en limiter les conséquences lors des opérations de terrassement. Ainsi, Mme Q... et MM. D... et M... ont également commis une faute de nature à engager leur responsabilité contractuelle à l'égard du maître d'ouvrage.

17. Il ne résulte pas de l'instruction que le rapport de la société Géotec du 18 mai 2010 ait été communiqué à la société Eiffage Construction Lorraine, alors qu'ainsi qu'il a été précédemment exposé, ni la société Fondasol ni les architectes, Mme Q... et MM. D... et M..., n'avaient préconisé la mise en place d'un dispositif spécifique de stabilisation des terres avant les opérations de talutage dont elle avait la charge. Par ailleurs, il ne résulte pas des pièces de son marché que la société Eiffage Construction Lorraine était tenue de procéder à des études géologiques complémentaires approfondies ou à la mise en oeuvre, préalablement aux opérations de talutage, de mesures de protection propres à cette opération, tel un soutènement.

18. Toutefois, il est constant que le glissement des terres s'est produit, alors que les travaux avaient débuté, après plusieurs épisodes pluvieux de forte intensité sans que le site, qui avait été déboisé et arasé de constructions, ait fait l'objet d'une protection contre le ruissèlement des eaux par la mise en place, durant cette phase provisoire, d'une tranchée drainante en crête de talus et d'un film étanche pour protéger les talus en cas d'intempéries, ces mesures ayant, au demeurant, été préconisées par la société Fondasol dans ses rapports des 26 mars et 3 avril 2013. Dans ces conditions, la société Eiffage Construction Lorraine à qui il incombait de réaliser ces travaux et les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., au titre de leur mission de coordination du chantier, doivent être regardés comme ayant chacun commis une faute qui a contribué à la réalisation du dommage et de nature à engager leur responsabilité.

19. Contrairement à ce que soutient la société Eiffage Construction Lorraine, les stipulations de l'article 35.1.1 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, applicable à son marché, selon lesquelles : " les dommages de toute nature, causés par le titulaire au personnel ou aux biens du maître de l'ouvrage (...), du fait de la conduite des travaux ou des modalités de leur exécution, sont à la charge du titulaire, sauf si celui-ci établit que cette conduite ou ces modalités résultent nécessairement de stipulations du marché ou de prescriptions d'ordre de service ", ne font pas obstacle à ce que le maître d'ouvrage, condamné à indemniser des tiers victimes d'un dommage de travaux public, exerce une action en garantie à l'encontre de l'entrepreneur sur le fondement du contrat qu'ils ont conclu, en se prévalant en l'espèce des manquements aux obligations contractuelles du constructeur relevées au point précédent.

20. Il résulte de ce qui précède que l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " est fondé à demander la condamnation in solidum de la société Fondasol, de la société Eiffage Construction Lorraine ainsi que des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., à le garantir des condamnations prononcées à son encontre par le point 9 du présent arrêt.

Sur les appels en garantie des entrepreneurs :

En ce qui concerne les appels en garantie de la société Fondasol, de la société Eiffage Construction Lorraine ainsi que des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., dirigés contre la société Géotec et le Bureau d'Etudes Jean-J... Adam :

21. En premier lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 14 ci-dessus, le rapport du 18 mai 2010 de la société Géotec réalisé au titre de sa mission G11, a identifié le risque d'un glissement de terrain et recommandé, notamment, des mesures de soutènement préalables aux opérations de talutage ainsi qu'une protection de la stabilité des terrains en amont. Par suite, et alors que la société Géotec n'était pas investie d'une autre mission, aucun manquement à l'origine des condamnations prononcées à l'encontre de la société Fondasol, des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., ainsi que de la société Eiffage Construction Lorraine ne saurait être retenu à son encontre. Dès lors, les conclusions d'appel en garantie présentées par la société Fondasol, les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., ainsi que par la société Eiffage Construction Lorraine à l'encontre de la société Géotec doivent être rejetées.

22. En second lieu, il résulte de l'instruction que le Bureau d'Etudes Jean-J... Adam était principalement en charge de la construction des logements et non des opérations préalables au terrassement et de préparation du talus. Par ailleurs, à supposer même établi qu'il ait rédigé le cahier des clauses techniques particulières du marché de la société Eiffage Construction Lorraine, il ne résulte pas de l'instruction et il n'est pas établi que le glissement de terres trouve sa cause directe dans des insuffisances des stipulations de ce marché. Par suite, aucun manquement du Bureau d'Etudes Jean-J... Adam à l'origine des condamnations prononcées à l'encontre des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., ainsi que de la société Eiffage Construction Lorraine ne saurait être retenu et les conclusions d'appels en garantie dirigées contre lui ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les appels en garantie formés entre eux par la société Fondasol, les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., et la société Eiffage Construction Lorraine :

23. Ainsi qu'il a été dit au point 15 ci-dessus, la société Fondasol a commis une faute en ne signalant pas un risque de glissement du terrain et en ne préconisant pas de mesures préalables à l'opération du talutage telle que la réalisation d'un soutènement. Mme Q..., MM. D... et M..., architectes membres de l'équipe de maîtrise d'oeuvre, ont manqué à leur mission de conseil en n'attirant pas l'attention du maître d'ouvrage sur le risque d'instabilité du terrain, notamment compte tenu des conclusions du rapport de la société Géotec du 18 mai 2010, ainsi qu'à leur mission de coordination du chantier en ne s'assurant pas de la réalisation de mesures de protection contre les intempéries. Pour sa part, la société Eiffage Construction Lorraine a commis un manquement à ses obligations en ne procédant pas, en cours d'exécution des travaux, à la protection du talus contre les intempéries par un système de drainage en amont et la pose d'un film étanche. Il sera fait une juste appréciation de l'importance respective des fautes qu'ils ont commises et qui ont contribué à la réalisation des préjudices pour lesquels ils ont été condamnés à garantir l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", en faisant peser la charge finale de leurs conséquences à raison de 70 % sur la société Fondasol, de 20 % sur Mme Q..., MM. D... et M..., pris eux-mêmes in solidum, et de 10 % sur la société Eiffage Construction Lorraine.

24. Il résulte de ce qui vient d'être dit que la société Fondasol est fondée à demander la condamnation des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., pris in solidum, ainsi que de la société Eiffage Construction Lorraine à la garantir respectivement à hauteur de 20 % et de 10 % des condamnations prononcées à son encontre. Mme Q..., MM. D... et M... sont ensemble fondés à demander la condamnation de la société Fondasol et de la société Eiffage Construction Lorraine à les garantir à hauteur respectivement de 70 % et de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre. Enfin, la société Eiffage Construction Lorraine est fondée à demander la condamnation de la société Fondasol et des architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., ceux-ci pris in solidum, à la garantir respectivement de 70 % et de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre.

En ce qui concerne l'appel en garantie présenté par le Bureau d'Etudes Jean-J... Adam :

25. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions d'appel en garantie formées par le Bureau d'Etudes Jean-J... Adam sont sans objet et ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

26. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'office public " Meurthe-et-Moselle Habitat " le versement à Mme F..., M. J... et Mme C... d'une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

27. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", la société Fondasol, la société Eiffage Construction Lorraine, les architectes, Mme Q..., MM. D... et M..., la société Géotec et le Bureau d'Etudes Jean-J... Adam au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du 11 juillet 2017 du tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de M. J..., de Mme F... et de Mme C... venant aux droits de Mme S....

Article 2 : L'office public de l'Habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " est condamné à verser à M. J..., Mme F... et Mme C..., venant aux droits de Mme S..., une somme de 78 000 euros.

Article 3 : L'office public de l'Habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " est condamné à verser à Mme C... une somme de 436,15 euros.

Article 4 : La société Fondasol, Mme Q..., MM. D... et M..., pris ensemble, et la société Eiffage Construction Lorraine sont solidairement condamnés à garantir l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " des condamnations prononcées à son encontre aux articles 2, 3 et 8.

Article 5 : La société Fondasol est condamnée à garantir Mme Q..., MM. D... et M..., pris ensemble, et la société Eiffage Construction Lorraine à hauteur de 70 % des condamnations prononcées à leur encontre à l'article 4.

Article 6 : Mme Q... et MM. D... et M..., sont condamnés solidairement à garantir la société Fondasol et la société Eiffage Construction Lorraine à hauteur de 20 % des condamnations prononcées à leur encontre à l'article 4.

Article 7 : La société Eiffage Construction Lorraine est condamnée à garantir la société Fondasol et Mme Q..., MM. D... et M..., pris ensemble, à hauteur de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre à l'article 4 ci-dessus.

Article 8 : L'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat " versera à M. J..., Mme F... et Mme C..., ensemble, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : L'article 2 du jugement du 11 juillet 2017 du tribunal administratif de Nancy est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 10 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 11: Le présent arrêt sera notifié à M. K... J..., à Mme W... F... née T..., à Mme U... C... née J..., à la Sarl JPF, à l'office public de l'habitat " Meurthe-et-Moselle Habitat ", à la société Fondasol, à la société Bureau d'Etudes Jean-J... Adam, à Mme U... Q..., à M. V... D..., à M. N... M..., à la société Eiffage Construction Lorraine et à la société Géotec.

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N° 17NC02223


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