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28/01/2020 | FRANCE | N°18NC02204-18NC02205

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre, 28 janvier 2020, 18NC02204-18NC02205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner in solidum les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, CMBP, Warsmann, Papier Père et Fils et Socotec à lui verser la somme globale de 405 985,33 euros en réparation des préjudices consécutifs aux désordres affectant le musée " Guerre et Paix " à Novion Porcien, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'en

registrement de sa requête avec capitalisation annuelle de ceux-ci.

Par un juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département des Ardennes a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner in solidum les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, CMBP, Warsmann, Papier Père et Fils et Socotec à lui verser la somme globale de 405 985,33 euros en réparation des préjudices consécutifs aux désordres affectant le musée " Guerre et Paix " à Novion Porcien, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête avec capitalisation annuelle de ceux-ci.

Par un jugement n°1601529 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné in solidum les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, CMBP et Socotec à verser au département des Ardennes une somme de 197 568 euros au titre des désordres affectant les pannes en lamellé-collé de l'ouvrage, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2016 et de leur capitalisation à compter du 29 juillet 2017.

Le tribunal a également condamné in solidum les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, Warsmann et Socotec à verser au département des Ardennes une somme de 109 728,30 euros au titre des désordres affectant la verrière centrale de l'ouvrage et ses chéneaux, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2016 et de leur capitalisation à compter du 29 juillet 2017.

Le tribunal a en outre condamné in solidum les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils et Papier Père et Fils à verser au département des Ardennes une somme de 53 280,30 euros au titre des désordres affectant la terrasse végétale de l'ouvrage, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2016 et de leur capitalisation à compter du 29 juillet 2017.

Le tribunal a enfin condamné in solidum les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, CMBP, Warsmann, Papier Père et Fils et Socotec à verser au département des Ardennes une somme de 14 548,80 euros au titre des frais d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, d'études et de diagnostic exposés avant l'introduction de l'instance, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 juillet 2016 et de leur capitalisation à compter du 29 juillet 2017.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 3 août 2018 sous le n°18NC02204, complétée par un mémoire enregistré le 22 octobre 2019, la société Sycomore, représentée par Me L..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 en tant qu'il l'a condamnée in solidum au paiement de l'intégralité des sommes dues au département des Ardennes ;

2°) de la mettre hors de cause ;

3°) de mettre à la charge du département des Ardennes le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- eu égard à sa mission, les désordres ne lui étaient pas imputables si bien que le tribunal a, à tort, retenu sa responsabilité ;

- dès lors qu'elle n'a pas participé à l'acte de construction, sa responsabilité ne pouvait pas être retenue ;

- dès lors qu'elle n'a commis aucune faute, aucune obligation in solidum au titre de la garantie décennale ne pouvait être mise à sa charge.

Par des mémoires, enregistrés les 26 octobre 2018, 28 novembre 2018, 2 avril 2019 et 16 mai 2019, le département des Ardennes, représenté par Me C..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal, au rejet de l'appel principal de la société Sycomore et, à titre subsidiaire, à la réformation partielle du jugement en tant seulement qu'il a condamné in solidum la société Sycomore ;

2°) à titre principal, au rejet de l'appel incident de Mme B..., exploitant la société Atelier Paysage, pour irrecevabilité, à titre subsidiaire, au rejet au fond de cet appel, enfin à titre très subsidiaire, à la réformation partielle du jugement en tant seulement qu'il a condamné in solidum la société Atelier Paysage ;

3°) à titre principal, au rejet de l'appel incident de la société Socotec pour irrecevabilité et, à titre subsidiaire, au rejet au fond de cet appel ;

4°) à titre principal, au rejet de l'appel incident de la société Agence 3 Arches, pour irrecevabilité, à titre subsidiaire, au rejet au fond de cet appel, enfin à titre très subsidiaire, à la réformation partielle du jugement en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à l'appel en garantie contre la société Sycomore ;

5°) à titre principal, au rejet de l'appel incident de la SCP Tirmant-F..., en sa qualité de liquidateur de la société Papier Père et fils, pour irrecevabilité, à titre subsidiaire, au rejet au fond de cet appel, enfin à titre très subsidiaire, à la réformation partielle du jugement en tant seulement qu'il n'a pas fait droit à l'appel en garantie contre la société Sycomore et en tant qu'il a fait supporter 90% de la somme de 10 800 euros correspondant au coût d'habillage des crosses à la société Papier Père et fils ; cette somme devra être supportée in solidum par le groupement de maîtrise d'oeuvre, la société Papier Père et fils, la société Warsmann et la société Socotec ;

6°) à la réformation du jugement exclusivement au titre des désordres affectant la terrasse végétale en condamnant la société Socotec Construction in solidum aux côtés des sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils et Papier Père et fils à réparer les préjudices résultant de ces désordres ;

7°) à ce qu'il soit mis à la charge de tout succombant le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la société Sycomore répond avec les autres membres du groupement solidaire de la totalité de la dette commune vis-à-vis du département en raison des désordres imputables aux prestations incluses dans le marché de maîtrise d'oeuvre, même si ces désordres ne lui sont pas imputables ;

- il ressort des factures émises par la société qu'elle a participé à la direction de l'exécution des travaux et à l'assistance du maître d'ouvrage lors des opérations de réception ;

- en raison du caractère objectif du régime de responsabilité décennale des constructeurs vis à vis du maître d'ouvrage, aucune faute n'est exigée ;

- seule une réformation du jugement pourrait être prononcée en tant qu'il l'a condamnée in solidum ;

- l'appel incident de la société Atelier paysage, par lequel elle demande sa mise hors de cause, porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- l'engagement de la responsabilité de cette société est fondé dès lors qu'elle s'est engagée solidairement dans le cadre du marché de maîtrise d'oeuvre ;

- seule une réformation du jugement pourrait être prononcée en tant qu'il l'a condamnée in solidum ;

- l'appel incident de la société Socotec porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- l'ensemble des désordres en cause est imputable à cette société, eu égard à l'étendue de sa mission ;

- c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société Socotec in solidum avec les autres constructeurs dès lors que les désordres en cause sont imputables à tous ces intervenants ;

- l'appel incident de la société Agence 3 Arches porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- l'appel incident de la société Papier Père et fils porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- c'est à bon droit que le tribunal a condamné la société Papier Père et fils in solidum avec les autres constructeurs dès lors que les désordres en cause sont imputables à tous ces intervenants ;

- la société Papier Père et Fils, au regard de sa qualification technique, aurait dû formuler des observations au maître d'oeuvre afin que soit prévu un habillage des crosses ; les désordres liés aux infiltrations au droit des chéneaux lui sont donc en partie imputables ;

- les désordres affectant la terrasse végétale résultent de l'infiltration due à un défaut de pose du chéneau en zinc ;

- le rapport de l'expert, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des dires des parties, n'est pas entaché d'irrégularité ;

- les désordres, qui sont apparus quelques semaines après la mise en service de l'ouvrage, ne sont pas la conséquence d'un défaut d'entretien.

Par un mémoire, enregistré le 7 novembre 2018, Mme N... B..., exploitant sous le nom O..., représentée par Me H..., conclut :

1°) à titre principal, à l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamnée in solidum au paiement des condamnations au profit du département des Ardennes et à sa mise hors de cause ;

2°) à titre subsidiaire, à la condamnation solidaire des sociétés Warsmann, CMBP, Me F... de la SCP Tirmant-F... en qualité de mandataire judiciaire de la société Papier Père et fils, la société Agence 3 Arches et la société Socotec à la relever et garantir intégralement de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son égard ;

3°) à titre subsidiaire, à ce qu'il soit mis à la charge de tout succombant le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a retenu à bon droit la condamnation des cinq constructeurs fautifs comme ayant concouru ensemble à l'apparition des désordres dont le département demande réparation ;

- eu égard à la spécificité de sa mission, les désordres en cause ne lui sont pas imputables si bien que sa responsabilité in solidum ne pouvait pas être engagée ;

- elle est fondée à appeler en garantie l'agence 3 Arches, la société Warsmann, la société CMBP, la société Papier Père et fils et la société Socotec au regard des fautes qu'ils ont commises à l'origine des désordres en cause ;

Par des mémoires, enregistrés les 12 février 2019 et 27 août 2019, la société Socotec Construction, représentée par Me D..., conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) au rejet de l'appel en garantie présenté par la société Atelier Paysage contre elle ;

2°) au rejet de l'appel incident du département des Ardennes dirigé contre elle concernant les désordres affectant la terrasse végétale ;

3°) à la réformation du jugement en tant qu'il l'a condamnée solidairement et à sa mise hors de cause ;

4°) à la limitation de toute condamnation éventuelle à la quote-part de 5% retenue par le tribunal ;

5°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Sycomore, du département des Ardennes et de tout succombant le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la société Atelier Paysage tendant à ce qu'elle la garantisse de toute condamnation prononcée contre elle sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- les désordres ne lui sont pas imputables au regard de la spécificité et des limites de sa mission ;

- sa responsabilité solidaire avec les autres constructeurs ne pouvait pas être engagée ;

- l'appel incident du département des Ardennes dirigé contre elle concernant les désordres affectant la terrasse végétale soulève un litige distinct de celui soulevé par l'appelant principal et est donc irrecevable.

Par un mémoire, enregistré le 5 mars 2019, la société Agence 3 Arches, représentée par Me A..., conclut :

1°) à titre principal, au rejet de l'appel de la société Sycomore, de l'appel incident et provoqué de la société Atelier Paysage et de l'appel incident de la société Socotec et à la condamnation de la société Sycomore à la garantir à hauteur de 20% des condamnations prononcées à son encontre ;

2°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a statué sur les appels en garantie concernant les sommes dues au titre des désordres affectant les pannes en lamellé-collé et à la condamnation de la société CMBP à la garantir à hauteur de 90% des condamnations prononcées à ce titre et de la société Socotec à hauteur de 5% ;

3°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a statué sur les appels en garantie concernant les sommes dues au titre des désordres affectant la terrasse végétale et à la condamnation de la société Warsmann à la garantir à hauteur de 90% des condamnations prononcées à ce titre et de la société Socotec à hauteur de 5% ;

4°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a statué sur les appels en garantie concernant les sommes dues au titre des désordres affectant la verrière et ses chéneaux et à la condamnation de la société Papier Père et fils à la garantir à hauteur de 95% des condamnations prononcées à ce titre ;

5°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a statué sur les appels en garantie concernant les sommes mises à la charge de l'ensemble des constructeurs et à la condamnation des sociétés CMBP, Warsmann, Papier et Fils et Socotec à la garantir à hauteur de 95% des condamnations prononcées à ce titre ;

6°) à titre subsidiaire, à la réformation du jugement en ce qu'il a rejeté les appels en garantie contre les autres maîtres d'oeuvre solidaires et à la condamnation de chacun de ces maitres d'oeuvre à prendre en charge une part égale de la dette finale mise à sa charge, soit 20% pour la société Atelier paysage, 20% pour la société BET Jacky Manesse, 20% pour la société Ardennes Structures et 20% pour la société Sycomore ;

7°) à ce qu'il soit mis à la charge de tout succombant le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions de la société Atelier Paysage tendant à ce qu'elle soit garantie par les autres constructeurs de toute condamnation prononcée contre elle sont nouvelles en appel et donc irrecevables ;

- le tribunal a, à bon droit, retenu la responsabilité des sociétés Sycomore et Atelier paysage qui étaient tenues solidairement de réparer les dommages mis à la charge de la maîtrise d'oeuvre du fait de leur qualité de membre du groupement solidaire d'entreprises titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre ;

- l'appel incident de la société Socotec est irrecevable dès lors qu'il soulève un litige distinct à hauteur d'appel ;

- la responsabilité du contrôleur technique a été retenue à bon droit ;

- l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation n'interdit aucune condamnation solidaire du contrôleur technique avec les autres constructeurs au profit du maître de l'ouvrage ;

- cet article a été respecté par le tribunal qui en a fait application en statuant sur les appels en garantie ;

- son appel incident dirigé contre la société Sycomore, qui se rattache au même litige que celui soulevé par l'appelante, est recevable ;

- dès lors que les maîtres d'oeuvre n'étaient convenus d'aucune répartition de la dette, le tribunal aurait dû les condamner à parts égales, soit 20% de la dette ; le tribunal aurait donc dû faire droit à son appel en garantie dirigé contre la société Sycomore à hauteur de 20% ;

- son appel provoqué contre les autres constructeurs est recevable dès lors que l'admission de l'appel principal aggravera sa situation ;

- concernant les sommes dues au titre des désordres affectant les pannes en lamellé-collé, elle est fondée à être garantie à hauteur de 90% par la société CMBP et à hauteur de 5% par la société Socotec ;

- concernant les sommes dues au titre des désordres affectant la verrière et ses chéneaux, elle est fondée à être garantie à hauteur de 90% par la société Warsmann et à hauteur de 5% par la société Socotec ;

- concernant les sommes dues au titre des désordres affectant la terrasse végétale, elle est fondée à être garantie à hauteur de 95% par la société Papier Père et fils ;

- concernant les sommes mises à la charge de l'ensemble des constructeurs, elle est fondée à être garantie à hauteur de 95% par les sociétés CMBP, Warsmann, Papier Père et fils et Socotec ;

- elle est fondée à être garantie à hauteur de 20% chacun par les autres membres du groupement de maîtrise d'oeuvre.

Par un mémoire, enregistré le 18 avril 2019, la SCP Tirmant-F..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Papier Père et Fils, représentée par Me K... de la SCP K...-Brenner, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à la réformation du jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité et l'a condamnée à garantir partiellement les autres intervenants ;

3°) à titre subsidiaire, à la condamnation des autres intervenants à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Elle soutient que :

- la société requérante s'est engagée solidairement dans le cadre d'une convention de groupement pour le marché de maîtrise d'oeuvre avec quatre cocontractants ;

- l'appel de la société Atelier Paysage sera rejeté dès lors qu'elle était membre du groupement de maîtrise d'oeuvre et que sa responsabilité a été retenue à bon droit ;

- l'appel en garantie de la société Agence 3 Arches dirigé contre elle sera rejeté dès lors qu'aucune responsabilité ne peut être retenue à son encontre ;

- le tribunal ne pouvait pas la condamner solidairement avec les autres constructeurs dès lors qu'elle ne devait répondre que des désordres affectant les travaux qu'elle a réalisés ;

- le jugement doit être réformé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 10 800 euros correspondant au coût d'habillage de 12 crosses en lamellé-collé alors qu'il avait exclu à juste titre sa responsabilité sur ce point ;

- elle n'est pas responsable des désordres affectant la terrasse végétale, qui résultent de la seule défaillance de quelques soudures, constatée après l'expiration du délai de garantie décennale, et qui sont sans rapport avec les infiltrations constatées en 2003 ;

- cette défaillance, qui n'affecte ni la solidité de l'ouvrage ni ne le rend impropre à sa destination, est liée à une absence d'entretien des chéneaux pendant plus de dix ans par le département ;

- dès lors qu'elle n'a commis aucune faute, elle est fondée à appeler en garantie les sociétés Agence 3 Arches, Atelier paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, Ardennes Structures, CMBP, Warsmann et Socotec.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 octobre 2019, la société Warsmann, représentée par la SCP Badré Hyonne Sens-Salis Denis Roger Daillencourt, conclut au rejet de l'appel présenté par la société Sycomore, des appels présentés par la société Atelier paysage, la société Agence 3 Arches, la société Socotec Construction et la SCP Tirmant-F... ainsi que de toute demande dirigée contre elle et à ce que soit mise à la charge solidaire de la société Sycomore, de la société Atelier Paysage, de la société Agence 3 Arches, de la société Socotec Construction et de la SCP Tilmant-F... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante s'est engagée solidairement dans le cadre d'une convention de groupement pour le marché de maîtrise d'oeuvre avec quatre cocontractants ;

- l'appel incident de la société Atelier paysage porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- l'engagement de la responsabilité de cette société est fondé dès lors qu'elle s'est engagée solidairement dans le cadre du marché de maîtrise d'oeuvre ;

- l'appel incident de la société Agence 3 Arches porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- la responsabilité de la société Agence 3 Arches a, à bon droit, été retenue ;

- l'appel incident de la société Socotec porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ;

- c'est à bon droit que la responsabilité du contrôleur technique a été retenue ;

- l'appel incident de la société Papier Père et fils porte sur un litige distinct de l'appel principal et est donc irrecevable ; l'appel en garantie de cette société contre elle n'est pas motivé ; elle n'établit pas qu'elle a commis une faute en lien avec les désordres en cause qui sont étrangers aux travaux qu'elle a réalisés.

La clôture de l'instruction, initialement fixée le 22 octobre 2019, est intervenue le 8 novembre 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 3 août 2018 sous le n° 18NC02205, la société Sycomore, représentée par Me L..., demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Elle soutient que :

- il est établi que les désordres ne lui sont pas imputables ;

- elle n'est pas intervenue à l'acte de construire et a facturé ses prestations exécutées en application de la convention de conception muséographique, signée le 22 juillet 2002, directement au conseil général des Ardennes ;

- l'exécution du jugement est de nature à lui porter un préjudice financier important.

Par un mémoire, enregistré le 8 octobre 2018, l'Agence 3 Arches, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Sycomore sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a intérêt à défendre dès lors qu'elle s'est déjà acquittée de la quote-part des sommes mises à sa charge par le jugement contesté ;

- la société Sycomore ne justifie d'aucun moyen sérieux dès lors que sa condamnation résulte de la clause de solidarité stipulée entre les différents maîtres d'oeuvre ;

- la société requérante ne justifie pas que l'exécution du jugement attaqué entraîne des conséquences difficilement réparables ;

- il est très hypothétique que la société requérante soit tenue de débourser une quelconque somme dès lors que les coauteurs responsables vont probablement s'acquitter de leurs dettes.

Par un mémoire, enregistré le 26 octobre 2018, le département des Ardennes, représenté par Me C..., conclut, à titre principal au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Sycomore la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et, à titre subsidiaire, à ce que le sursis à exécution du jugement ne soit ordonné qu'en faveur de la société Sycomore.

Il soutient que :

- la société requérante ne justifie pas que l'exécution du jugement attaqué entraîne des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens énoncés dans la requête ne paraissent pas sérieux ;

- la société Sycomore répond avec les autres membres du groupement solidaire de la totalité de la dette commune vis-à-vis du département en raison des désordres imputables aux prestations incluses dans le marché de maîtrise d'oeuvre, même si ces désordres ne lui sont pas imputables ;

- il ressort des factures émises par la société qu'elle a participé à la direction de l'exécution des travaux et à l'assistance du maître d'ouvrage lors des opérations de réception ;

- en raison du caractère objectif du régime de responsabilité décennale des constructeurs vis à vis du maître d'ouvrage, aucune faute n'est exigée ;

- seule une réformation du jugement pourrait être prononcée en tant qu'il l'a condamnée in solidum ;

- le sursis à exécution du jugement attaqué ne pourra être prononcé qu'en faveur de la société requérante, en l'absence de toute autre demande formée dans le délai d'appel par les autres parties.

Par un mémoire, enregistré le 24 janvier 2019, la SCP Tirmant-F..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Papier Père et Fils, représentée par Me K... de la SCP K...-Brenner, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de la société Sycomore sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société requérante ne justifie pas qu'elle risquerait de perdre les sommes qu'elle règlerait au département des Ardennes dès lors que ce dernier pourrait les lui restituer ;

- elle ne fait état d'aucun moyen sérieux à l'appui de son appel dès lors qu'elle s'est engagée solidairement dans le cadre d'une convention de groupement pour le marché de maîtrise d'oeuvre avec quatre cocontractants ;

- elle ne justifie pas de l'existence de conséquences difficilement réparables si elle devait exécuter la décision de première instance dans l'attente de l'arrêt de la Cour au fond.

Un mémoire, enregistré le 7 novembre 2019, présenté pour Mme N... B..., exploitant sous le nom O..., conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens. Ce mémoire n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 22 octobre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2019 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Antoniazzi, premier conseiller,

- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,

- les observations de Me Ildiz, avocat du département des Ardennes,

- et les observations de Me A..., avocat de la société Agence 3 Arches.

Des notes en délibéré, présentées pour le département des Ardennes dans les deux instances, ont été enregistrées le 8 janvier 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Le département des Ardennes a lancé une procédure d'attribution d'un marché de construction d'un musée dénommé " Guerre et Paix " à Novion Porcien. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à un groupement solidaire ayant pour mandataire la société Agence 3 Arches et également composé des sociétés Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse et BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, suivant un acte d'engagement conclu le 15 mars 2001. Les lots " charpente bois lamellé collé ", " couverture métallique " et " serrurerie " ont été respectivement attribués aux sociétés CMBP, Papier Père et Fils et Warsmann. Enfin, la société Socotec a été chargée, dans le cadre de l'exécution du marché, d'une mission de contrôle technique. La réception de l'ouvrage a été prononcée le 19 mai 2003. Des désordres sont apparus dès juin 2003 et ont perduré en dépit de l'accomplissement de divers travaux de reprise. A la demande du département, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prescrit une expertise, confiée à M. I... par une ordonnance du 5 avril 2013. Ce dernier a déposé son rapport le 18 janvier 2016. Par un jugement du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné solidairement, d'une part, les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, CMBP et Socotec à verser au département des Ardennes une somme de 197 568 euros au titre des désordres affectant les pannes en lamellé-collé de l'ouvrage, d'autre part, les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, Warsmann et Socotec à verser au département des Ardennes une somme de 109 728,30 euros au titre des désordres affectant la verrière centrale de l'ouvrage et ses chéneaux, enfin les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils et Papier Père et Fils à verser au département des Ardennes une somme de 53 280,30 euros au titre des désordres affectant la terrasse végétale de l'ouvrage. Il a également solidairement condamné les sociétés Agence 3 Arches, Atelier Paysage, Sycomore, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, CMBP, Warsmann, Papier Père et Fils et Socotec à verser au département des Ardennes une somme de 14 548,80 euros au titre des frais d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, d'études et de diagnostic exposés avant l'introduction de l'instance. La société Sycomore demande la réformation du jugement en tant seulement qu'il a prononcé sa condamnation.

Sur l'appel principal de la société Sycomore :

2. En l'absence de stipulations contraires, les entreprises qui s'engagent conjointement et solidairement envers le maître de l'ouvrage à réaliser une opération de construction s'engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l'ouvrage du fait de manquements dans l'exécution de leurs obligations contractuelles. Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu'il n'a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l'ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l'exécution des travaux.

3. Pour retenir la responsabilité de la société Sycomore dans les désordres localisés au niveau des pannes en lamellé-collé, ceux affectant la verrière centrale et ses chéneaux ainsi que ceux affectant la terrasse végétale du musée, le tribunal s'est fondé sur la convention de groupement liant les maîtres d'oeuvre instituant une solidarité vis-à-vis du maître d'ouvrage. L'annexe 1 de l'acte d'engagement du 15 mars 2001, signé par l'ensemble des parties, relatif aux missions et à la répartition des honoraires attribués à chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre au titre des différentes missions confiées à ce groupement, si elle ne permet pas d'identifier la part qui revient à chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre dans l'exécution des tâches qui lui ont été contractuellement confiées, permet toutefois de constater que la société Sycomore avait seulement la charge de l'aménagement muséographique du musée et n'a pas participé aux missions relatives à la construction du bâtiment. Par suite, la société Sycomore est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée solidairement avec les autres constructeurs à réparer les préjudices occasionnés par les désordres affectant l'ouvrage du département des Ardennes et à demander à être mise hors de cause dans le présent litige.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qu'elle soulève, la société Sycomore est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que sa responsabilité était de nature à être engagée sur le fondement des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs et l'a condamnée solidairement avec les autres constructeurs à indemniser le département des Ardennes à réparer les désordres litigieux. Les articles 1er, 5, 9, 11, 12 et 13 du jugement attaqué doivent, en conséquence, être annulés en ce qu'ils concernent la société requérante. Dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, les conclusions présentées par le département des Ardennes à l'encontre de la société Sycomore devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et en appel doivent, par suite, être rejetées.

Sur les appels provoqués :

S'agissant de la recevabilité des appels :

5. L'admission de l'appel de la société Sycomore aggrave la situation de la société Atelier Paysage, de la société Papier Père et fils et de la société Socotec Construction qui se trouvent exposées, en raison de la solidarité avec la société Sycomore retenue par les premiers juges, à devoir payer au département des Ardennes le coût des réparations tel qu'il a été estimé par le tribunal administratif alors que pour l'ensemble de ces désordres, la société Sycomore est déchargée de cette obligation par le présent arrêt. La société Atelier Paysage, la société Papier Père et fils et la société Socotec Construction sont dès lors recevables à demander, par voie d'appel provoqué, que les condamnations que le jugement a prononcées à leur encontre au profit du département soient supprimées sinon réformées. Dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la situation de la société Atelier Paysage, de la société Papier Père et fils et de la société Socotec Construction est aggravée par l'admission de l'appel principal de la société Sycomore, leurs conclusions d'appel provoqué dirigées contre le département des Ardennes sont recevables dans leur ensemble.

Sur l'appel provoqué de la société Atelier Paysage :

6. Pour retenir la responsabilité de la société Atelier Paysage dans les désordres localisés au niveau des pannes en lamellé-collé, ceux affectant la verrière centrale et ses chéneaux ainsi que ceux affectant la terrasse végétale du musée, le tribunal s'est fondé sur la convention de groupement liant les maîtres d'oeuvre instituant une solidarité vis-à-vis du maître d'ouvrage. L'annexe 1 de l'acte d'engagement du 15 mars 2001, signé par l'ensemble des parties, relatif aux missions et à la répartition des honoraires attribués à chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre au titre des différentes missions confiées à ce groupement ne permet pas d'identifier la part qui revient à chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre dans l'exécution des tâches qui lui ont été contractuellement confiées. Il ressort par ailleurs de cet acte que la société Atelier Paysage a effectué des missions de direction de l'exécution des travaux de construction du bâtiment. Ainsi, les conclusions de la société Atelier Paysage tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à indemniser le département des Ardennes, solidairement avec les autres membres du groupement, à raison des désordres engageant la responsabilité de ce groupement, doivent être rejetées.

Sur l'appel provoqué de la société Socotec Construction et l'appel incident du département des Ardennes :

7. La société Socotec est recevable à demander, par la voie de l'appel provoqué, que sa responsabilité soit écartée au titre de la garantie décennale des constructeurs vis-à-vis du département des Ardennes. Par suite, ce dernier est lui-même recevable à demander, par la voie de conclusions incidentes à l'appel provoqué, que la responsabilité de la société Socotec soit également retenue au titre de la réparation des conséquences du troisième désordre affectant la terrasse végétale du bâtiment.

8. Aux termes de l'article L. 111-23 du code de la construction et de l'habitation, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. / Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci. Cet avis porte notamment sur les problèmes qui concernent la solidité de l'ouvrage et la sécurité des personnes ". Aux termes de l'article L. 111-24 du même code : " Le contrôleur technique est soumis, dans les limites de la mission à lui confiée par le maître de l'ouvrage à la présomption de responsabilité édictée par les articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du code civil, reproduits aux articles L. 111-13 à L. 111-15, qui se prescrit dans les conditions prévues à l'article 2270 du même code reproduit à l'article L. 111-20 ". Il résulte de ces dispositions que l'obligation de garantie décennale s'impose, en vertu des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, non seulement aux architectes et aux entrepreneurs, mais également au contrôleur technique lié par contrat au maître de l'ouvrage dans la limite de la mission qui lui a été confiée.

9. La société Socotec s'est vu confier, par une convention conclue le 24 novembre 2 000 avec le maître d'ouvrage, une mission de contrôle technique portant sur les éléments LP (solidité des ouvrages et des éléments d'équipements dissociables et indissociables) et SEI (sécurité des personnes dans les constructions, applicable aux établissements recevant du public et aux immeubles de grande hauteur). Par suite, la société Socotec Construction, venue aux droits de la société Socotec, doit être regardée comme un constructeur débiteur de la garantie décennale vis-à-vis du maître de l'ouvrage dès lors que les désordres en cause affectent la solidité de l'ouvrage, élément de sa mission. Dès lors qu'elle était chargée du contrôle de la réalisation de l'ouvrage sur le chantier, elle n'est pas fondée à soutenir que les désordres affectant la verrière centrale et ses chéneaux ainsi que ceux affectant la charpente supportant la structure de la verrière, dont le rapport d'expertise indique qu'ils sont dus, d'une part, à un défaut de pose des capots de la structure secondaire de la verrière et au niveau des raccords entre les parties du chéneau et, d'autre part à l'absence de mise en place de bracons et à l'absence d'habillage des crosses de la charpente, ne relèvent pas de sa mission et ne lui seraient donc pas imputables. En outre, si elle soutient qu'elle a émis un avis suspendu concernant la charpente le 1er mars 2002, il ne ressort pas de cet avis qu'elle a averti le maître d'ouvrage des défauts d'exécution à l'origine des désordres litigieux. Enfin, eu égard aux missions qui lui ont été confiées, ces dernières incluaient nécessairement l'étanchéité des ouvrages. Ainsi, contrairement à ce que qu'a jugé le tribunal, les désordres affectant la terrasse végétale ayant pour origine l'absence d'étanchéité du chéneau en zinc mis en place en raccord entre la couverture sèche et la partie étanchée doivent être regardés comme lui étant également imputables. Il résulte de ce qui précède et du point précédent que les moyens tirés, d'une part, de ce que le contrôleur technique qui se borne à formuler des avis puisqu'il ne participe directement ni à l'acte de construire, ni à la surveillance des travaux, ni à la direction du chantier, n'est pas un constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil et, d'autre part, de ce qu'aucune faute n'a été commise dans l'exercice de la mission de contrôleur technique doivent être écartés. Il en résulte que la société Socotec n'est pas fondée à soutenir qu'en application des dispositions de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation, sa responsabilité ne pouvait être engagée au titre de la garantie décennale des constructeurs.

10. D'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 111-24 de ce code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts : " (...) / Le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage. ".

11. Si les dispositions précitées de l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ont été complétées par l'article 4 de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 en vertu duquel le contrôleur technique n'est tenu vis-à-vis des constructeurs à supporter la réparation de dommages qu'à concurrence de la part de responsabilité susceptible d'être mise à sa charge dans les limites des missions définies par le contrat le liant au maître d'ouvrage, la société Socotec ne saurait utilement s'en prévaloir envers le maître de l'ouvrage, créancier de la garantie décennale, avec lequel elle était contractuellement liée, dès lors que, d'une part, ces nouvelles dispositions ne limitent la responsabilité des contrôleurs techniques qu'à l'égard des autres constructeurs et que, d'autre part, l'article 5 de la même ordonnance ne les rend opposables qu'aux marchés, contrats ou conventions conclus après la publication de ladite ordonnance, laquelle est intervenue le 9 juin 2005 au Journal officiel. Par suite, la société Socotec n'est pas fondée à soutenir que les particularités de sa mission l'excluraient d'une condamnation au versement d'une indemnité solidairement avec les autres intervenants sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs en ce qui concerne les désordres affectant le musée.

12. Il résulte de ce qui précède que la société Socotec Construction n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée in solidum à réparer le préjudice subi par le département des Ardennes au titre des travaux de reprise des désordres affectant la verrière centrale et ses chéneaux ainsi que ceux affectant la charpente supportant la structure de la verrière. En revanche, le département des Ardennes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le même jugement, le tribunal n'a pas condamné in solidum la société Socotec Construction à réparer le préjudice subi par ce dernier du fait des désordres affectant la terrasse végétale. L'article 9 du jugement attaqué doit, en conséquence, être annulé en ce qu'il n'a pas condamné solidairement la société Socotec à réparer le préjudice subi par le département au titre de ce dernier désordre.

Sur l'appel provoqué de la société Papier Père et fils et l'appel incident du département des Ardennes :

13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que des fuites et infiltrations d'eau sont apparues au sein de la terrasse végétale de l'ouvrage, avant l'expiration du délai de dix ans, et ont persisté en dépit des interventions réalisées par la société Papier Père et fils. Ces fuites et infiltrations ont pour origine l'absence d'étanchéité du chéneau en zinc mis en place en raccord entre la couverture sèche et la partie étanchée, constitué d'impacts et de soudures de mauvaise qualité et fissurées. Dès lors qu'elles se sont aggravées du fait de la succession des précipitations et contribuent elles aussi au risque pesant sur l'intégrité des collections exposées au sein du musée, elles sont de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination et, par suite, à engager la responsabilité décennale des constructeurs. Il résulte de l'instruction que ces désordres sont imputables à la société Papier Père et Fils, qui a mis en oeuvre le chéneau en zinc non étanche. La circonstance que l'ouvrage en cause a été réceptionné en 2003 n'est pas de nature à faire obstacle à ce que cette société soit débitrice de la garantie décennale dès lors que les désordres en cause sont nés pendant le délai de garantie. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que les désordres, qui sont apparus dans un délai très bref à la suite de la prise de possession de l'ouvrage par la personne publique, résultent d'un défaut d'entretien de cet ouvrage. Ainsi le maître d'ouvrage n'a commis aucune faute de nature à exonérer, fut-ce partiellement, la société Papier Père et fils de sa responsabilité.

14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que la réfection de la terrasse végétale de l'ouvrage nécessite l'accomplissement de travaux de remplacement d'un chéneau entre la couverture sèche et la partie étanchée, évalués par l'expert à la somme non contestée de 4 800 euros. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'habillage de douze crosses en lamellé-collé, évalué à la somme de 10 800 euros, est nécessaire à la reprise du désordre affectant les chéneaux de la verrière centrale, qui n'est pas imputable à la société Papier Père et fils. Par suite, cette dernière est fondée à soutenir que le tribunal ne pouvait mettre à sa charge la somme de 10 800 euros au titre de la condamnation à réparer les désordres affectant la terrasse, laquelle devra ainsi être ramenée à la somme de 42 480,30 euros. Par voie de conséquence, le département des Ardennes est fondé à demander que la somme de 10 800 euros soit ajoutée à la somme que les constructeurs ont été solidairement condamnés à verser au titre des travaux de reprise des désordres affectant les chéneaux de la verrière centrale.

15. Il résulte de ce qui précède que la société Papier Père et fils est seulement fondée à demander que l'indemnité que l'article 9 du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 l'a condamnée à verser solidairement avec les autres constructeurs au département des Ardennes soit ramenée à la somme de 42 480,30 euros. En outre, le département des Ardennes est fondé à demander que l'indemnité que l'article 5 dudit jugement a condamné solidairement les constructeurs à lui verser soit portée à 120 528,30 euros.

Sur les appels en garantie :

16. En premier lieu, les conclusions de la société Atelier Paysage tendant à être garantie par les sociétés Warsmann, CMBP, Me F... de la SCP Tirmant-F... en qualité de mandataire judiciaire de la société Papier Père et fils, la société Agence 3 Arches et la société Socotec des condamnations prononcées contre elle sont nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

17. En deuxième lieu, l'appel en garantie présenté par la SCP Tirmant-F..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Papier Père et Fils, contre les autres constructeurs, n'est pas motivé, ne mettant pas la cour à même d'en apprécier le bien-fondé.

18. En troisième lieu, dès lors que la société Sycomore a été mise hors de cause par le présent arrêt, la société Agence 3 Arches n'est pas fondée à demander à être garantie par cette dernière des condamnations prononcées à son encontre.

19. En quatrième lieu, il ressort de l'annexe 1 à l'acte d'engagement du 15 mars 2001 relatif aux missions et à la répartition des honoraires attribués à chacun des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre au titre des différentes missions confiées à ce groupement, que les sociétés BET Jacky Manesse et BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils n'ont exécuté aucune mission de suivi de l'exécution des travaux. En outre, il n'est pas contesté que la société Atelier Paysage n'a effectué qu'un suivi des travaux d'aménagement paysager à l'extérieur du bâtiment. Par suite, dès lors qu'il n'est pas établi que les sociétés en cause ont commis des manquements dans l'exercice de leur mission à l'origine des désordres en cause, la société Agence 3 Arches n'est pas fondée à demander la condamnation de ces dernières à la garantir des condamnations prononcées à son encontre à raison de ces mêmes désordres.

20. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que les désordres affectant la charpente supportant la structure de la verrière sont dus à des défauts d'exécution commis par la société CMBP, qui n'a pas mis en place les bracons prévus dans les pièces du marché. Ces désordres sont également dus à un vice de conception commis par la société Agence 3 Arches qui n'a pas prévu l'habillage des crosses et à un défaut de surveillance des travaux de cette dernière. Enfin, ces désordres sont également dus, dans une moindre mesure, à une faute commise par la société Socotec qui n'a formulé aucune remarque quant au risque engendré par les défauts d'exécution et de conception commis. Eu égard à leurs fautes respectives, le tribunal n'a pas commis d'erreur en retenant une part de responsabilité de la société Agence 3 Arches de 25%.

21. En sixième lieu, il résulte de l'instruction que les désordres affectant la verrière et ses chéneaux sont dus à des défauts d'exécution dans la pose des capots de la structure secondaire commis par la société Warsmann. Ces désordres sont également dus à un défaut de surveillance des travaux par la société Agence 3 Arches. Enfin, ces désordres sont également dus, dans une moindre mesure, à une faute commise par la société Socotec qui n'a formulé aucune remarque quant au risque engendré par les défauts d'exécution commis. Eu égard au caractère prépondérant de la faute d'exécution commise, le tribunal a commis une erreur en fixant à 40% la part de responsabilité incombant au maître d'oeuvre. Il y a donc lieu de faire droit à l'appel provoqué de cette dernière et de réformer le jugement sur ce point en fixant à 25% la part de responsabilité de la société Agence 3 Arches et à 70% celle de la société Warsmann.

22. En septième lieu, il résulte de l'instruction que les désordres affectant la terrasse végétale sont dus à des défauts d'exécution commis par la société Papier Père et fils. Ces désordres sont également dus à un défaut de surveillance des travaux par la société Agence 3 Arches. Eu égard au caractère prépondérant de la faute commise par l'entrepreneur, le tribunal n'a pas commis d'erreur en retenant une part de responsabilité de la société Agence 3 Arches limitée à 10%.

23. En dernier lieu, il résulte de l'instruction qu'eu égard, d'une part, à la part que représente chaque désordre dans le dommage subi par le département des Ardennes et, d'autre part, à l'ensemble des fautes commises par les sociétés CMBP, Warsmann et Papier Père et fils dans la réalisation des travaux leur incombant, auxquelles ont contribué les fautes commises par la société Agence 3 Arches dans sa mission de surveillance du chantier et, dans une moindre mesure, dans la conception d'un détail de construction de la charpente, ainsi que celle commise par la société Socotec dans sa mission de contrôle technique, le tribunal n'a pas commis d'erreur en retenant une part de responsabilité de la société Agence 3 Arches de 15%, de 35% pour la société CMBP, de 25% pour la société Warsmann, de 20% pour la société Papier Père et fils et de 5% pour la société Socotec, pour la répartition des sommes mises à la charge solidaire de l'ensemble des constructeurs.

Sur la demande de sursis à exécution :

24. Le présent arrêt statue sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement n° 1601529 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018. Il n'y a, par suite, plus lieu de statuer sur les conclusions de la société Sycomore tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.

Sur les frais liés aux instances :

25. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Ardennes le versement à la société Sycomore d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de ces mêmes dispositions. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département des Ardennes, la société Atelier Paysage, la société Socotec Construction, la société Agence 3 Arches et la société Warsmann sur le fondement des dispositions précitées.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1er, 5, 9, 11, 12 et 13 du jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne sont annulés en ce qu'ils concernent la société Sycomore.

Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Ardennes contre la société Sycomore devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et en appel sont rejetées.

Article 3 : La somme de 53 280,30 euros que les sociétés Agence 3 Arches, Atelier paysage, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils et Papier Père et fils ont été condamnées à verser au département des Ardennes par l'article 9 du jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est ramenée à un montant de 42 480,30 euros.

Article 4 : L'article 9 du jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en tant qu'il n'a pas condamné solidairement avec les autres constructeurs la société Socotec Construction.

Article 5 : La société Socotec Construction est condamnée à verser au département des Ardennes la somme de 42 480,30 euros in solidum avec les sociétés Agence 3 Arches, Atelier paysage, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils et Papier Père et fils.

Article 6 : La somme de 109 728,30 euros que les sociétés Agence 3 Arches, Atelier paysage, BET Jacky Manesse, BET Ardennes Structures Ingénieurs Conseils, Warsmann et Socotec ont été condamnées à verser au département des Ardennes par l'article 5 du jugement du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est portée à un montant de 120 528,30 euros.

Article 7 : La société Agence 3 Arches sera garantie par les sociétés Warsmann et Socotec à hauteur de 75 % de la condamnation mentionnée à l'article 5 du jugement.

Article 8 : Le jugement n° 1601529 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 9 : Le département des Ardennes versera une somme de 1 500 euros à la société Sycomore sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 10 : Les conclusions d'appel provoqué de la société Atelier Paysage, de la société Socotec Construction, de la société Papier Père et fils et le surplus des conclusions d'appel provoqué de la société Agence 3 Arches sont rejetés.

Article 11 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 18NC02205 de la société Sycomore à fin de sursis à exécution du jugement du 7 juin 2018.

Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sycomore, au département des Ardennes, à la société Agence 3 Arches, à la société Atelier Paysage, à la société BET Jacky Manesse, à la société CMBP, à la société Warsmann, à la société Socotec Construction, à Me G... J... et à la SCP Tirmant-F....

2

N° 18NC02204-18NC02205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02204-18NC02205
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. DEVILLERS
Rapporteur ?: Mme Sandrine ANTONIAZZI
Rapporteur public ?: M. MICHEL
Avocat(s) : LASSERRE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-01-28;18nc02204.18nc02205 ?
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