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29/01/2020 | FRANCE | N°19NC02603

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 29 janvier 2020, 19NC02603


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société locale d'Epargne Belfort et Région a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, de prononcer la restitution des contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre des années 2013 et 2014, et à titre subsidiaire, d'ordonner à l'Etat la répétition d'un indu sur le fondement des articles 1235 et 1376 du code civil et le paiement des intérêts de droit ainsi que la capitalisation des intérêts échus à compter de la première d

emande en restitution formée le 2 janvier 2019.

Par une ordonnance n° 1900766 du 13 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société locale d'Epargne Belfort et Région a demandé au tribunal administratif de Besançon, à titre principal, de prononcer la restitution des contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre des années 2013 et 2014, et à titre subsidiaire, d'ordonner à l'Etat la répétition d'un indu sur le fondement des articles 1235 et 1376 du code civil et le paiement des intérêts de droit ainsi que la capitalisation des intérêts échus à compter de la première demande en restitution formée le 2 janvier 2019.

Par une ordonnance n° 1900766 du 13 juin 2019, le président de la première chambre du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande comme étant manifestement irrecevable.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 août 2019 la société locale d'Epargne Belfort et Région, représentée par Mes Cazals et de Saint-Quentin, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance rendue par le président de la première chambre du tribunal administratif de Besançon ;

2°) à titre principal, de prononcer la restitution des contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre des années 2013 et 2014 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner à l'Etat la répétition d'un indu sur le fondement des articles 1235 et 1376 du code civil et le paiement des intérêts de droit ainsi que la capitalisation des intérêts échus à compter de la première demande en restitution formée le 2 janvier 2019 ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le président de la première chambre du tribunal administratif de Besançon ne pouvait pas statuer par voie d'ordonnance dès lors que la réclamation préalable qu'elle a formée le 2 janvier 2019 n'était pas tardive ;

- la décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 du Conseil constitutionnel doit être regardée comme un événement de nature à rouvrir un délai de réclamation au sens des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ;

- en vertu du principe de répétition de l'indu, la société est recevable et fondée à demander la restitution de l'imposition en litige dès lors que la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 6 octobre 2017 dans l'affaire n° 2017-660 QPC constitue un événement susceptible de rouvrir le délai de réclamation.

- les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales méconnaissent la Constitution et notamment le principe de l'autorité de chose jugée par le Conseil constitutionnel, le droit au recours, le principe de sécurité juridique et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe de séparation des pouvoirs et le droit de propriété ;

Par un mémoire distinct, enregistré le 21 décembre 2019, la société locale d'Epargne Belfort et Région, représentée par Mes Cazals et de Saint-Quentin, demande à la cour de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité selon laquelle les dispositions du premier alinéa de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, telles qu'interprétées par le Conseil d'Etat, sont contraires à l'autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel, garantie par l'article 62 de la Constitution, à la garantie des droits et à la séparation des pouvoirs garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi qu'au droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de surseoir à statuer jusqu'à l'intervention de sa décision.

Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut à ce qu'il n'y a pas lieu de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat au motif qu'elle est dépourvue de caractère sérieux.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment son article 62 ;

- l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel

- la décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017 du Conseil constitutionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser(...) /Les présidents des cours administratives d'appel, les premiers vice-présidents des cours et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, par ordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel, les requêtes dirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 5° du présent article ainsi que, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire les requêtes d'appel manifestement dépourvues de fondement ". Aux termes de l'article R. 771-7 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris, les présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours ou les magistrats désignés à cet effet par le chef de juridiction peuvent, par ordonnance, statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité ".

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si la société requérante soutient que le président de la première chambre du tribunal administratif de Besançon ne pouvait pas rejeter sa demande par voie d'ordonnance dès lors que la réclamation préalable qu'elle a formée le 2 janvier 2019 n'était pas tardive, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé des motifs retenus par le premier juge, est sans incidence sur la régularité de l'ordonnance attaquée.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

3. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ". L'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel dispose que : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure ou constitue le fondement des poursuites ; 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux ".

4. La société locale d'Epargne Belfort et Région fait grief aux dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales de méconnaître le principe de l'autorité de chose jugée par le Conseil constitutionnel, le droit au recours, le principe de sécurité juridique et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe de séparation des pouvoirs et le droit de propriété garantis par la Constitution.

5. Aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire./ (...) /Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à la décharge ou à la réduction d'une imposition ou à l'exercice de droits à déduction, fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. /Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle ou un avis rendu au contentieux, l'action en restitution des sommes versées ou en paiement des droits à déduction non exercés ou l'action en réparation du préjudice subi ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision ou l'avis révélant la non-conformité est intervenu. /Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles ou des avis rendus au contentieux les décisions du Conseil d'Etat ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, les arrêts de la Cour de cassation ainsi que les avis rendus en application de l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire, les arrêts du Tribunal des conflits et les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes se prononçant sur un recours en annulation, sur une action en manquement ou sur une question préjudicielle ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. Ne constitue pas un tel événement une décision juridictionnelle ou un avis mentionné aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 (...) ".

6. En premier lieu, aux termes du deuxième alinéa de l'article 62 de la Constitution : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel, notamment dans ses décisions n° 2010-108 QPC et n° 2010 110 QPC du 25 mars 2011, en principe la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et de reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Il lui revient de même, lorsqu'il déclare qu'une disposition contestée devant lui est conforme à la Constitution sous la réserve qu'il en soit fait application conformément à l'interprétation qu'il en donne, de préciser, le cas échéant, les conséquences de sa décision.

7. Il résulte des dispositions citées au point 5 ci-dessus que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du c de l'article R.*196-1 du même livre écarte la qualification d'événement constituant le point de départ d'un nouveau délai de réclamation.

8. Toutefois, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul. Une décision par laquelle le Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ou ne la déclare conforme à la Constitution que sous une réserve d'interprétation ne constitue pas, en elle-même, un tel événement susceptible d'ouvrir un nouveau délai de réclamation.

9. Il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative ayant fondé l'imposition litigieuse ou ne l'a déclarée conforme à la Constitution que sous une réserve d'interprétation, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision.

10. A l'appui du moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, la société requérante se prévaut de l' " illégalité " de l'article R.*196-1 du livre des procédures fiscales tel qu'interprété aux points 4, 5 et 6 conformément à l'avis du Conseil d'Etat du 6 février 2019 n° 425509 et 425511 M. A... et SAS Bourgogne Primeurs, en ce qu'il rendrait impossible ou trop difficile l'exercice de son droit à remboursement et, de ce fait, empièterait sur le domaine de la loi.

11. Toutefois, ainsi que cela a été rappelé au point 6, l'article 62 de la Constitution réserve au seul Conseil constitutionnel le soin de déterminer la portée et les effets de ses déclarations d'inconstitutionnalité et réserves d'interprétation, notamment au regard des droits et libertés garantis par la Constitution et notamment son préambule. Par suite, la société requérante ne saurait utilement soutenir que l'interprétation faite par le Conseil d'Etat et reprise aux points 4, 5 et 6, des dispositions combinées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et du c) de l'article R.*196-1 du même livre indiquant que les décisions du Conseil constitutionnel et ses réserves d'interprétation, bien qu'elles ne soient pas incluses dans la liste des décisions de justice énumérées aux 3ème et 5ème alinéas de l'article L. 190 ne sont pas constitutives d'un événement rouvrant le délai de recours contentieux au sens du c) de l'article R.*196-1, aurait pour effet de rendre impossible ou excessivement difficile le droit à remboursement des intéressés, ni révéler, de ce fait, que le pouvoir règlementaire aurait empiété sur la compétence du législateur telle que définie à l'article 34 de la Constitution, alors qu'au demeurant ils ont disposé du délai expirant le 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement prévu au a) de l'article R.*196-1 pour contester les impositions en litige. Pour les mêmes motifs, la circonstance que ce délai de réclamation ne puisse être rouvert consécutivement à une décision du Conseil constitutionnel comportant une déclaration d'inconstitutionnalité ou une réserve d'interprétation ne saurait par elle-même porter atteinte au droit au recours effectif, au principe de sécurité juridique, ou encore au principe de séparation des pouvoirs et au droit de propriété garantis par la Constitution.

12. En dernier lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 9, il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative ayant fondé l'imposition litigieuse ou ne l'a déclarée conforme à la Constitution que sous une réserve d'interprétation, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision. La décision susmentionnée du Conseil constitutionnel n'a pas été de nature à rouvrir le délai de réclamation à la société locale d'Epargne Belfort et Région. Par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales méconnaitraient l'autorité de la chose jugée par le Conseil constitutionnel ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité est dépourvue de caractère sérieux. Dès lors, il n'y a pas lieu de transmettre ladite question présentée par la société requérante au Conseil d'Etat et les moyens tirés du caractère contraire à la Constitution des dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales doivent être écartés.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance :

En ce qui concerne les conclusions à fin de restitution présentées sur le fondement de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales :

14. Il résulte des dispositions citées au point 5 ci-dessus que les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas au nombre des décisions juridictionnelles ou avis mentionnés aux troisième et cinquième alinéas de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales, pour lesquels la deuxième phrase du c de l'article R. 196-1 et du b de l'article R. 196-2 du même livre écarte la qualification d'événement constituant le point de départ d'un nouveau délai de réclamation. Toutefois, seuls doivent être regardés comme constituant le point de départ de ce délai les événements qui ont une incidence directe sur le principe même de l'imposition, son régime ou son mode de calcul. Une décision par laquelle le Conseil constitutionnel, statuant sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, déclare inconstitutionnelle une disposition législative ne constitue pas en elle-même un tel événement susceptible d'ouvrir un nouveau délai de réclamation. Il appartient au seul Conseil constitutionnel, lorsque, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, il a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative ayant fondé l'imposition litigieuse, de prévoir si, et le cas échéant dans quelles conditions, les effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration sont remis en cause, au regard des règles, notamment de recevabilité, applicables à la date de sa décision.

15. Par une décision n° 2017-660 QPC du 6 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a déclaré que le premier alinéa du I de l'article 235 ter ZCA du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, est contraire à la Constitution. En l'espèce, au point 11 de sa décision, le Conseil constitutionnel a jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de publication de sa décision et qu'elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date, sous réserve du respect des délais et conditions prévues par le livre des procédures fiscales. Il s'ensuit que cette décision est susceptible d'être invoquée dans les instances contentieuses en cours ou à venir sous réserve que les conditions fixées par les dispositions du livre des procédures fiscales, et en particulier celles relatives au délai de réclamation, soient satisfaites.

16. En particulier, cette décision du Conseil constitutionnel ne saurait avoir effet de rouvrir un nouveau délai de réclamation aux contribuables qui, préalablement à la cette décision, n'ont pas exercé une réclamation dans les délais requis.

17. Eu égard à ce qui a été dit aux points précédents, la société requérante ne saurait donc utilement, en l'espèce, se prévaloir de la décision du Conseil constitutionnel n° 2017 660 QPC du 6 octobre 2017 qui ne constitue pas un événement susceptible de lui ouvrir un nouveau délai de réclamation et sa réclamation introduite seulement le 2 janvier 2019 afin d'obtenir la restitution des contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre des années 2013 et 2014 était tardive. Par suite, les conclusions à fin de restitution fondées sur les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être rejetées en application des règles de la procédure fiscale contentieuse comme irrecevables.

18. Enfin, pour demander la restitution des impositions litigieuses, la requérante persiste à soutenir que les dispositions de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales méconnaissent la Constitution et notamment le principe de l'autorité de chose jugée par le Conseil constitutionnel, le droit au recours, le principe de sécurité juridique et l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, ainsi que le principe de séparation des pouvoirs et le droit de propriété. Cependant, ces moyens ne sont pas recevables dès lors qu'il n'appartient pas au juge de l'impôt dans le cadre d'un litige fiscal d'apprécier la conformité de dispositions de valeur législative à des dispositions de valeur constitutionnelle, sous réserve de la faculté d'examiner de tels moyens selon les formes et modalités requises pour une question prioritaire de constitutionnalité. Au demeurant, il résulte des points 3 à 13 ci-dessus que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée à cet égard par la société requérante est dépourvue de caractère sérieux.

En ce qui concerne les conclusions à fin de restitution fondées sur l'application du principe de répétition de l'indu :

19. La société locale d'Epargne Belfort et Région invoque le principe de la répétition de l'indu issu des dispositions de l'article 1302-1 du code civil anciennement codifié à l'article 1376 du même code aux termes desquelles : " Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu ". Toutefois, le principe de répétition de l'indu, qui présente un caractère subsidiaire, ne saurait permettre à une personne au profit de laquelle une voie de droit était ouverte pour obtenir le remboursement de sommes qui lui étaient dues de rouvrir le délai qu'elle a laissé expirer. La société ne peut dès lors demander la restitution des contributions additionnelles à l'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée en invoquant le bénéfice du principe de répétition de l'indu dont s'inspirent les dispositions de l'article 1376 du code civil dès lors qu'elle a présenté sa demande de restitution après l'expiration du délai dont elle disposait, en application du a) de l'article R. 196-2 du livre des procédures fiscales.

20. Il résulte de tout ce qui précède que la société locale d'Epargne Belfort et Région n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'ordonnance attaquée a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin de restitution ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, ses conclusions tendant à l'allocation d'intérêts moratoires, doivent être rejetées. Il s'ensuit que sa requête, qui est manifestement dépourvue de fondement, ne peut qu'être rejetée en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La question prioritaire de constitutionnalité présentée par la société locale d'Epargne Belfort et Région n'est pas transmise au Conseil d'Etat.

Article 2 : La requête présentée par la société locale d'Epargne Belfort et Région est rejetée.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la société locale d'Epargne Belfort et Région et au ministre de l'action et des comptes publics.

Fait à Nancy, le 29 janvier 2020.

Le président de la 2ème chambre,

Signé : J. MARTINEZ

La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. GODARD

2

N° 19NC02603


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro d'arrêt : 19NC02603
Date de la décision : 29/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Avocat(s) : CAZALS MANZO PICHOT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-01-29;19nc02603 ?
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