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29/09/2020 | FRANCE | N°19NC00841

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 19NC00841


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Hayange à lui verser la somme de 7 702,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence de maintien du régime indemnitaire dont elle bénéficiait dans sa collectivité d'origine lors de sa mutation au sein de cette commune.

Par un jugement n° 1703548 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Hayange à verser à Mme F... la somme d

e 4 340,59 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Hayange à lui verser la somme de 7 702,30 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence de maintien du régime indemnitaire dont elle bénéficiait dans sa collectivité d'origine lors de sa mutation au sein de cette commune.

Par un jugement n° 1703548 du 22 janvier 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune de Hayange à verser à Mme F... la somme de 4 340,59 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 mars 2019, et trois mémoires complémentaires enregistrés les 6 avril, 16 avril et 2 septembre 2020, la commune de Hayange, représentée par Me A..., doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1703548 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 janvier 2019 en tant qu'il la condamne à verser à Mme F... la somme de 4 340,59 euros ;

2°) de rejeter la demande présentée en première instance par Mme F... ;

3°) de mettre à la charge de Mme F... la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande présentée en première instance par Mme F... est irrecevable en raison de sa tardiveté ;

- en l'absence d'une délibération en ce sens de son conseil municipal, elle était dans l'impossibilité de verser à Mme F... l'indemnité d'exercice de missions des préfectures ;

- le préjudice moral allégué par Mme F... devant les premiers juges n'est pas établi.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2019, et un mémoire complémentaire, enregistré le 20 mai 2020, Mme B... F..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la commune de Hayange aux entiers frais et dépens de la procédure et à la mise à sa charge d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de Hayange ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2000-322 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 ;

- le décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

Une note en délibéré, enregistrée le 11 septembre 2020, a été présentée pour Mme F....

Considérant ce qui suit :

1. Adjointe administrative de deuxième classe titulaire de la fonction publique territoriale et exerçant alors ses fonctions au sein de la commune d'Amnéville, Mme F... a sollicité et obtenu sa mutation au sein de la commune de Hayange, où elle a travaillé du 1er décembre 2014 au 31 mai 2017. Depuis le 1er juin 2017, elle est agent de la communauté de communes de Cattenom et Environs. Constatant que la commune d'Hayange, malgré son engagement écrit du 14 octobre 2014, n'a pas maintenu son régime indemnitaire d'origine, tel que défini par trois arrêtés du maire d'Amnéville du 30 août 2013, elle a sollicité auprès de son nouvel employeur, par un courrier du 30 avril 2016 et reçu le 7 mai suivant, le versement d'une somme correspondant à la différence entre le montant de l'indemnité d'exercice de mission de préfecture, qu'elle percevait auparavant, et celui de la compensation en heures supplémentaires, qui lui est désormais alloué. Sa demande préalable d'indemnisation s'étant heurtée au silence de l'administration, Mme F... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Hayange à lui verser la somme totale de 7 702,30 en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence de maintien de son régime indemnitaire. La commune d'Hayange relève appel du jugement n° 1703548 du 22 janvier 2019, en tant qu'il la condamne à verser à l'intéressée la somme de 4 340,59 euros.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 231-1, le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut décision de rejet : (...) 5° Dans les relations entre l'administration et ses agents. ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ".

3. Par dérogation à ces dispositions, la version initiale de l'article R. 421-3 du même code prévoyait que " l'intéressé n'est forclos qu'après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d'une décision expresse de rejet : 1° En matière de plein contentieux ; (...) ". Il en résultait que lorsqu'une personne s'était vue tacitement opposer un refus susceptible d'être contesté dans le cadre d'un recours de plein contentieux, ce recours n'était enfermé, en l'état des textes alors en vigueur, dans aucun délai, sauf à ce que cette décision de refus soit, sous forme expresse, régulièrement notifiée à cette personne, un délai de recours de deux mois courant alors à compter de la date de cette notification. L'article 10 du décret du 2 novembre 2016, portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire), a supprimé le 1° de l'article R. 421-3 du code de justice administrative à compter du 1er janvier 2017 et a prévu, au second paragraphe de l'article 35, que les nouvelles dispositions de cet article s'appliqueraient aux requêtes enregistrées à partir de cette date. Il en résulte que, s'agissant des décisions implicites relevant du plein contentieux, la nouvelle règle selon laquelle, sauf dispositions législatives ou réglementaires qui leur seraient propres, le délai de recours de deux mois court à compter de la date à laquelle elles sont nées, est applicable aux décisions nées à compter du 1er janvier 2017. En ce qui concerne les décisions implicites relevant du plein contentieux nées antérieurement à cette date, un délai franc de recours de deux mois court à compter du 1er janvier 2017, soit jusqu'au 2 mars 2017.

4. Il résulte de l'instruction que la demande préalable d'indemnisation, formée par Mme F... par un courrier du 30 avril 2016, a été reçue par la commune de Hayange le 7 mai 2016. Une décision implicite de rejet est donc intervenue le 7 juillet 2016 conformément aux dispositions de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, Mme F... aurait dû saisir le tribunal administratif de Strasbourg au plus tard le 2 mars 2017.

5. L'intéressée ne saurait utilement se prévaloir, s'agissant d'une décision implicite de rejet, des dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative aux termes desquelles " les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". De même, si les règles régissant les recours contre les décisions implicites de rejet relevant du plein contentieux doivent être combinées avec les dispositions issues de l'article 19 de la loi du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration et désormais codifiées à l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration, aux termes desquelles les délais de recours contre une décision implicite de rejet ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, la mention des voies et délais de recours, il résulte de l'article L. 112-2 dudit code que ces dispositions ne sont pas applicables aux " relations entre l'administration et ses agents ". Contrairement aux allégations de Mme F..., l'inapplication des dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration aux relations entre l'administration et ses agents ne saurait être regardée comme constitutive d'un traitement discriminatoire au regard du droit à un procès équitable et du droit à un recours juridictionnel effectif, contraire aux stipulations combinées des articles 6, 13 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le législateur peut, en effet, prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. La nature des relations qu'un agent entretient, en sa qualité de personne employée par une personne publique, avec la personne publique qui l'emploie étant différente de celle qu'il est susceptible d'entretenir en sa qualité de citoyen ou d'usager avec cette personne publique en tant qu'autorité administrative, les dispositions litigieuses de l'article L. 112-2 ne procèdent pas de distinctions injustifiées et assurent aux justiciables des garanties propres à chacune des différentes natures de litiges qu'ils sont susceptibles d'avoir avec l'administration. Par suite, et alors même que la commune d'Hayange n'a pas accusé réception de sa demande préalable d'indemnisation, le recours indemnitaire de Mme F..., enregistré au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 12 juillet 2017, était tardif et devait, en conséquence, être rejeté pour irrecevabilité.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Hayange est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamné à verser à Mme F... la somme de 4 340,59 euros.

Sur les frais de justice :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la Commune d'Hayange, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par Mme F... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la requérante en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1703548 du tribunal administratif de Strasbourg du 22 janvier 2019 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance de Mme F... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par Mme F... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Hayange et à Mme B... F....

N° 19NC00841 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00841
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Agissements administratifs susceptibles d'engager la responsabilité de la puissance publique - Promesses.


Composition du Tribunal
Président : Mme VIDAL
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : YON PAUL

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-09-29;19nc00841 ?
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