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29/10/2020 | FRANCE | N°18NC03526

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 29 octobre 2020, 18NC03526


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme globale de 460 403 euros en raison des préjudices qu'il a subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1702599 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'ONIAM à lui verser une somme de 24 595 euros et rejeté le s

urplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme globale de 460 403 euros en raison des préjudices qu'il a subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C.

Par un jugement n° 1702599 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'ONIAM à lui verser une somme de 24 595 euros et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2018 et des mémoires complémentaires présentés les 15 avril et 25 mai 2020, M. F... A..., représenté par la SELARL Wemaere-Leven-Laissue-E..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 octobre 2018 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une somme globale de 460 403 euros en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'ONIAM a admis le principe de la contamination dans le cadre d'une transfusion sanguine à la suite d'un accident de la circulation le 11 novembre 1985 ;

- il justifie que sa pathologie a induit un état de fatigue chronique et un épuisement qui l'ont contraint à cesser son activité libérale puis opté pour une activité en qualité de médecin hospitalier puis médecin du travail ; il a pendant longtemps été son propre médecin traitant ce qui a pour conséquence un nombre de pièces moins important ;

- son épouse a pendant 10 ans renoncé à sa carrière de formatrice en anglais à plein temps pour exercer à mi-temps et s'occuper de son époux ; la limitation de l'évaluation de l'assistance de la tierce personne est incompréhensible et non fondé ;

- son préjudice financier est établi en justifiant du montant de la perte de gains actuels et de la perte de gains futurs ; il en démontre également l'imputabilité à son état de santé ; il n'a pas eu de couverture pour ses revenus ni de prévoyance jusqu'en 2009.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2019, l'ONIAM représenté par Me C... D..., conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le tribunal a évalué le besoin d'assistance en tierce personne en fonction des périodes de déficit fonctionnel temporaire et des taux retenus selon les périodes tels que fixés par l'expert ;

- si l'appelant fait valoir que son épouse a renoncé à son travail à temps plein, il ne fournit aucun justificatif ; il n'a d'ailleurs fait aucune observation à l'expert sur son évaluation ;

- aucune perte de gains professionnels sur les périodes d'arrêt de travail en 2012 et 2013 n'a pu être constatée ; aucune pièce médicale de suivi entre 2003 et 2012 n'est fournie et aucun élément ne permet de retenir que l'appelant a été appelé à modifier son activité professionnelle en raison de son état de santé et alors qu'aucun traitement n'a été suivi entre 2001 et 2012 ;

- si l'appelant produit l'attestation d'un confrère, ce dernier est parti à la retraite en 2006 soit avant la cessation d'activité libérale de M. A..., attestation dont on ne peut retenir le caractère probant ;

- l'exemption de garde entre 2009 et 2010 pour raisons de santé ne saurait suffire à justifier une impossibilité de travailler à titre libéral ; d'autant que l'appelant présente un état antérieur de séquelles du nerf sciatique gauche.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour M. F... A....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un accident de la circulation dont il a été victime le 6 novembre 1985, M. A... s'est vu administrer deux concentrés de globules rouges dans la nuit du 11 au 12 novembre 1985, puis à nouveau dans la nuit du 12 au 13 novembre 1985. En 1992, à l'occasion d'un don du sang, M. A... a découvert qu'il était porteur du virus de l'hépatite C (VHC). M. A... a saisi l'ONIAM d'une demande d'indemnisation des préjudices résultant de sa contamination par le VHC. Une mesure d'expertise a été confiée par l'ONIAM au docteur Hirsch qui a déposé son rapport le 1er septembre 2015. Par un protocole transactionnel signé par les deux parties le 9 décembre 2015, l'ONIAM, qui a admis l'imputabilité de la contamination de M A... par le VHC aux transfusions subies en 1985, lui a versé une indemnité d'un montant global de 39 387,20 euros en réparation du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire, des souffrances endurées et du préjudice lié à l'atteinte par une pathologie évolutive. M. A... a refusé l'offre présentée le 22 mars 2017 par l'ONIAM, qui lui a proposé une indemnité d'un montant de 17 258,69 euros en réparation du préjudice financier lié au besoin d'assistance par tierce personne et a refusé de l'indemniser au titre des pertes de gains professionnels. M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une requête en condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité d'un montant global de 460 403 euros en réparation des préjudices subis du fait de son besoin d'assistance tierce personne et de sa perte de gains professionnels. Par un jugement du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné l'ONIAM à verser à Monsieur A... une somme de 24 595 euros en réparation du préjudice subi au titre des frais d'assistance par tierce personne et a rejeté la demande d'indemnisation des pertes de revenus. Par une requête enregistrée le 26 décembre 2018, M. A... relève appel de ce jugement et demande la condamnation de l'ONIAM à l'indemniser à hauteur de 460 403 euros en réparation des deux chefs de préjudice évoqués.

Sur le principe de l'indemnisation :

2. Aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4 ". Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. / (...) La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante. (...) ".

3. L'ONIAM ne conteste pas l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C de M. A... aux transfusions de produits sanguins réalisées à la suite de l'accident de la circulation dont il a été victime le 6 novembre 1985 ni, en conséquence, l'obligation d'indemnisation qui lui incombe au titre de la solidarité nationale en vertu de l'article L. 1221-14 du code la santé publique.

Sur l'évaluation des préjudices :

4. M. A... présente une hépatite post transfusionnelle C ayant évolué en cirrhose en 26 ans avec certainement la présence de deux petits hépatocarcinomes, fortement suspectés à la suite d'une IRM du 10 mars 2015. Au jour du rapport d'expertise diligenté par l'ONIAM et déposé le 1er décembre 2015, l'expert ne fixe aucune date de consolidation, même s'il relève que le traitement antiviral a permis l'éradication du VHC au 2 juin 2014.

En ce qui concerne le besoin d'assistance par une tierce personne :

5. S'il résulte de l'instruction que M. A... a eu un besoin d'assistance par une tierce personne pendant plusieurs périodes entre 1995 et 2014, l'appelant n'établit pas que, comme il l'allègue, son épouse aurait été contrainte de ne travailler qu'à mi-temps pendant dix ans en raison des conséquences de sa contamination. Dans ces conditions, alors que M. A... ne critique pas autrement l'indemnisation qui lui a été allouée à ce titre par les premiers juges et compte tenu des besoins en tierce personne évalués par l'expert, le tribunal n'a pas fait une insuffisante évaluation en allouant à M. A... une somme de 24 595 euros en réparation du préjudice lié au besoin d'assistance par une tierce personne.

En ce qui concerne la perte de gains professionnels :

6. M. A... demande l'indemnisation des pertes de gains professionnels qu'il estime avoir subies depuis 2009, date à laquelle il a cessé sa pratique libérale pour exercer à titre salarié. Toutefois, comme l'ont relevé les premiers juges, le requérant ne produit aucune pièce relative à son suivi médical pour les années 2003 à 2012 et il résulte du rapport d'expertise qu'aucun déficit fonctionnel temporaire n'a été retenu entre 2001 et 2012. Enfin, les attestations fournies par le requérant émanent du pharmacien avec lequel il travaillait, d'un de ses associés au cabinet jusqu'en 2006 et du médecin qui a repris son cabinet à partir de 2009 et sont rédigées en des termes insuffisamment circonstanciés, alors que deux de leurs auteurs n'ont pu, compte tenu de la période d'exercice avec l'intéressé, constater la dégradation de santé alléguée de l'appelant en 2009. Ces attestations ne sauraient ainsi suffire à établir que les conséquences du VHC ont entraîné une dégradation de l'état de santé de M. A... de nature à lui imposer un changement professionnel. Si l'appelant produit un courrier du conseil de l'ordre lui accordant une exemption de garde pour 2009 et 2010 pour raison de santé, il ne justifie pas que le motif de cette exemption était en lien avec le VHC, d'autant que l'expert relève que l'appelant souffrait d'autres pathologies pouvant conduire à une asthénie importante, notamment une obésité, un diabète non équilibré et une atteinte du nerf sciatique gauche. En conséquence, en dépit du document non daté établi par le Docteur Klewansky à la demande de M. A... et largement fondé sur les déclarations et les arguments de l'appelant, sa demande d'indemnisation sur ce chef de préjudice doit être rejetée.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont admis que partiellement sa demande d'indemnisation par l'ONIAM de l'assistance par tierce personne et ont rejeté sa demande d'indemnisation pour la perte de gains professionnels actuels ou futurs.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ONIAM, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A... au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F... A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

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N°18NC03526


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC03526
Date de la décision : 29/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Service des vaccinations.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: Mme Sophie GROSSRIEDER
Rapporteur public ?: Mme PETON
Avocat(s) : MERRIEN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2020-10-29;18nc03526 ?
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